LE TRAQUEUR

Chapitre 1 :

Il existe en ce monde 7 péchés capitaux que chaque être humain possède en lui, reflétant leur part de ténèbres et rappelant les fautes, les crimes et les transgressions de leurs ancêtres. Ils ont pour dénomination la gourmandise, la luxure, la colère, l'orgueil, la paresse, l'envie et l'avarice. A l'opposé de la vertu, ils corrompent le cœur des hommes les plus faibles ainsi que leurs synesthésies. Tout être a son propre fragment de mystère et d'obscurité, pouvant plus ou moins les maîtriser et les contenir autant que les passions, les désirs et les pulsions interdites.

La silhouette posa la lettre sur la table de chêne massif. Elle était toute froissée à force d'avoir été lue et relue entre ses doigts fébriles. Le papier était jaunit comme un vieux parchemin égyptien et l'encre verte émeraude. Dans un bruissement d'ailes, une chouette au plumage immaculée vint se percher sur l'épaule gauche de son maître en claquant son bec d'impatience. L'animal avait pressenti du changement dans les gestes de son propriétaire et tout ses sens étaient en alerte. L'ombre caressa l'oiseau affectueusement avant de laisser son regard se perdre par le carreau de la fenêtre principale de son bureau. Il faisait déjà sombre dehors et une pluie diluvienne venait se fracasser contre les vitraux de la lucarne. Partout dans les ruelles, la fraîcheur du mois de Novembre se faisait ressentir par un vent glacial et des tourbillons de feuilles mortes colorées.

Ce n'était pas un temps à mettre son nez dehors, et pourtant l'homme se leva et enfila une longue cape noire. Il rabattit la capuche de celle-ci avant de sortir d'un pas ferme et énergique de la pièce, puis dans un craquement se volatilisa dans le silence de la nuit.

Le vieil homme contemplait les flammes danser dans l'âtre tout en s'abandonnant à la chaleur qu'elles promulguaient. Il tripotait sa longue barbe argentée qui dissimulait une bouche qui aimait sourire et ses iris d'un bleu électrique pétillaient plus que d'habitude. Il savait pertinemment que son visiteur n'allait pas tarder à apparaître devant lui, revêtu de sa commune tenue d'ébène et toujours accompagné de sa dame blanche ailée. Le vieillard remonta ses lunettes en demi-lune sur son nez aquilin et referma le grimoire qu'il était en train de parcourir avant d'être subjugué par la beauté du brasier et de son ballet endiablé dans la cheminée.

Jamais il n'aurait fait appel à lui si la situation ne l'avait pas exigée, mais il avait d'ores et déjà retourné toutes les éventualités et les possibilités sans aboutir à la même conclusion : il avait besoin de cette personne, de ses capacités et de sa force. Le vieux sorcier esquissa un léger sourire : il se souvenait des temps insouciants où les couloirs sentaient Noël alors qu'Halloween venait à peine de se terminer, la vie dans les couloirs et les rires enjoués de ses pensionnaires, les règles violées et les secrets cachés dans chacune des pierres du château. Il s'était fait un pari à lui-même autrefois et il revenait bien trop tôt sur sa parole.

Un froissement de tissu dans son dos le tira de sa rêverie. Une forme se dessinait encore floue dans la pénombre de la salle, faiblement éclairée par le feu de cheminée. La chouette quitta l'épaule de son maître pour venir doucement changer de perchoir, enfonçant ses serres dans le cuir carmin du canapé qu'occupait le vieux sorcier :

« - Bonsoir, professeur Dumbledore ! », murmura une voix rauque.

Le voyageur ôta le capuchon qui lui couvrait le visage dévoilant une paire de pupilles vertes, des cheveux noirs de jais ébouriffés encadrant un visage à la peau hâlée à l'ossature fine. Une fine cicatrice en forme d'éclair trônait sur son front, comme une déchirure sur un tableau. L'hôte se débarrassa de sa cape et la déposa sur le porte manteau prévu à cet effet, à côté d'un meuble de bois de rose couvert de plumes de toutes tailles, de parchemins, d'encriers, de fioles de cristal et de poussière. Un curieux oiseau aux plumes rougeoyantes dormaient paisiblement dans un recoin de la pièce, et la lueur qui provenait de son plumage semblait former un halo autour de lui. Plusieurs bibliothèques regorgeant de livres de toutes les époques ainsi que quelques chaudrons participaient au désordre mais aussi à l'harmonie que constituait le bureau dudit professeur Dumbledore.

Les tableaux accrochés au mur jouaient aux échecs version sorcier et d'autres somnolaient, bercés par une étrange mélodie.

« - Bonsoir Harry », sourit le professeur aux cheveux gris, « tu as fait bon voyage ? Je suis navré de t'avoir forcé à sortir par ce froid mais il était impératif que tu interviennes. La situation a empiré depuis que je t'ai envoyé la lettre et toutes mes lectures sont formelles : il n'y a que toi qui puisses y remédier. »

Il agita une longue baguette et marmonna quelques mots magiques, permettant à un thé à l'orange bouillant de faire son apparition, accompagné de chocolats à la menthe et de sandwich à la dinde. Le prénommé Harry ne put s'empêcher de contenir un petit rire son ancien enseignant et directeur n'avait aucunement perdu le sens et les convenances de l'hospitalité. Son professeur aimait recevoir, et ce quelques soient les raisons des visites pas souvent plaisantes et de courtoisie. Harry prit place auprès du vieillard au regard grave et soucieux. Son regard se porta sur sa chouette blanche Hedwige qui, en dépit de son goût pour les voyages nocturnes, avait fermé ses grands yeux jaunes et ambrés et semblait sommeiller.

« - Vous avez été suffisamment clair dans votre courrier professeur et aucune intempérie n'aurait prohibé ma venue. », lança Harry en interrompant le mutisme qui s'était installé entre les deux hommes, « Le ton et le contenu de votre écrit ont amplement suffit à m'alarmer et, bien que je sache que vous vous étiez promis de ne plus jamais faire appel à mes services, j'en ai déduit que je me devais d'opérer immédiatement. »

« - Tu as sauvé par le passé l'intégralité du monde magique et je m'en veux de te confier de nouveau un autre fardeau, mais bien qu'encore à mon avantage pour mon âge, la vieillesse ne m'autorise pas à agir comme je le souhaiterais. L'unique chose que j'ai réussi à faire fût de me renseigner, autant par mes lectures que par mes contacts, et ainsi établir plusieurs hypothèses dont une en particulier qui me paraît plus qu'exacte et juste. »

Harry poussa un soupir et but une longue gorgée de thé. Le liquide lui brûla la gorge mais ses bienfaits revigorants réchauffaient déjà ses os et ses membres frigorifiés.

« - Un Pécheur s'offre donc des promenades sanglantes dans Poudlard, voilà qui est intéressant et hors du commun. Combien de cadavres ? », interrogea d'un ton réfléchit le jeune visiteur.

« - Au début, il ne se contentait que de deux personnes par mois puis le processus s'est accéléré, pour une raison que j'ignore. Par conséquent, cette créature mortelle et maléfique en est à trois repas par semaines. », répondit d'une voix blanche le directeur. « De mémoire, je dirais que nous en sommes à environ une dizaine de victimes, et c'est de pire en pire. Le corps enseignant a pris les mêmes mesures drastiques que lors de l'ouverture de la Chambre des Secrets au cours de ta seconde année, avec couvre-feu et surveillances régulières par patrouilles à la clé. »

« - Aucun autre Chasseur de Prime ne vous a été envoyé ? »

« - Je dois avouer que je ne désirais pas n'importe lequel Harry », rétorqua le vieil homme à travers ses lunettes, « Je n'exige que le meilleur d'entre eux pour assurer une défense efficace. De plus, tu fais cavalier seul et je voudrais éviter les bavures. L'affaire ne s'est pas trop ébruitée pour le moment et demeure relativement secrète, mais si d'ici le mois de Décembre nous avons de nouvelles victimes, je me verrais forcer de fermer les portes de l'école. Définitivement. »

Le jeune homme se perdit dans ses pensées. Les professeurs avaient dû tout faire pour éviter la panique générale car très peu de parents ne voudraient apprendre de la bouche de leurs propres bambins chéris, qu'un de leurs nombreux camarades de chambre a été retrouvé éviscéré ou égorgé dans un des corridors de l'établissement. Les Pécheurs étaient normalement de nature discrète et œuvraient dans la furtivité la plus totale : celui-ci devait être en permanence affamé pour en être arrivé à un tel carnage.

Le vieillard reprit la parole :

« - Tu seras hébergé dans une des suites des Préfets Harry, celle de l'aile Sud, et je compte sur ton entière retenue pour ne pas envenimer la pagaille qui s'est instaurée dans tout Poudlard. En ce qui concerne tes honoraires... »

Mais le dénommé Harry coupa la phrase d'un geste de la main : le professeur Dumbledore avait été un des rares êtres humains à avoir veillé sur lui durant les temps sombres et il refusait une quelconque compensation de sa part. Après un léger signe de tête, le vieil homme pris congé et se retira dans ses appartements. Le brun demeura seul dans la quiétude de la pièce. Pour l'heure, il n'avait que très peu d'informations mais il comptait bien mener son enquête. D'un mouvement ample de la main, il fit jaillir de nulle part deux valises et à son tour quitta le bureau aux boules de cristal et autres fantaisies du vieux directeur.

Pour avoir arpenté et parcouru une centaine de fois les interminables couloirs du château, Harry n'eut aucun mal à trouver la chambre de l'aile Sud. Elle était aménagé à l'image de la salle commune de son ancienne maison, celle des rouges et or Gryffondor. Hedwige ayant préféré se livrer à un de ses envols nocturnes, le jeune homme rangea ses affaires dans la penderie et s'assit sur le lit de cèdre. Bougies et chandeliers, fauteuils confortables aux coussins moelleux, meubles grinçants, tapis de soie, et une vaste salle de bain en émail formaient une ambiance familière que Harry connaissait par cœur. De son sac en bandoulière, il sortit une de ses lectures du soir. Il s'agissait d'un épais recueil dont la couverture violette laissait s'échapper un parfum d'encens prononcé.

Le jeune à la cicatrice commença à le feuilleter. Avant chaque chasse, il se devait d'identifier le danger et de faire un point sur ses connaissances. Il extirpa de sa poche un petit carnet de poche aux pages noircies par les écrits et y inscrit les éclaircissements que le professeur Dumbledore lui avait donné. Allongé sur le ventre, le brun tournait les pages de son livre et notait tout ce qui lui semblait percutant dans son calepin. Il avait beau avoir la réputation d'être un excellent Traqueur, il devait toujours se mettre à jour et compléter son savoir. Harry avait pour la première fois entendu parler des Chasseurs de Primes il y a de cela plusieurs printemps.

Il s'agissait d'une organisation relativement énigmatique et occulte, qui n'engageait qu'un certain type de profil. A la fin de ses études, le jeune diplômé avait longuement songé à sa carrière et était tombé sur une annonce au Ministère de la Magie qui avait retenu son attention. L'affiche était de taille moyenne, aux bords noircis, et représentait une ombre encapuchonnée. Un simple slogan en capitales d'imprimerie encourageait les personnes ayant côtoyé le frisson, la mort et les horreurs de certains pans de la vie à venir s'inscrire à des épreuves éliminatoires pour devenir membres d'une société secrète, les Chasseurs de Primes. Harry avait toujours possédé une curiosité démesurée et un goût prononcé pour le danger et le risque.

Il s'était donc porté volontaire et avait marqué son prénom sur la liste des immatriculés. Sa surprise avait été démesurée quand il reçu une convocation quelques jours plus tard, par courrier, l'invitant à se présenter sans tarder aux tests. Il avait bien entendu relever le challenge et s'était très vite démarqué des autres concurrents. Ainsi, le jeune Gryffondor était devenu un membre à part entière des Chasseurs et ses dons et talents faisaient la fierté et la renommée de l'organisation. Les Chasseurs se répartissaient en deux groupes de personnalités différentes et distinctes : les Traqueurs et les Protecteurs.

L'objectif du Traqueur consiste à assassiner les Pécheurs et la mission des Protecteurs de les repérer et de les piéger afin de permettre à leur partenaire de porter le coup fatal. Les Pécheurs sont des créatures assoiffées, se nourrissant des péchés capitaux décelés chez autrui. En effet, un Pécheur est un ancien mortel qui s'est laissé consumé par son péché capital dominant, jusqu'à fusionner définitivement avec lui, le transformant en un monstre redoutable en quête de crimes et de souillures. Un péché capital est une essence prédominante et puissante que chaque humain porte en lui. Cette entité peut être plus ou moins maîtrisée ou contrôlée en fonction de la volonté, du tempérament, de la résistance et de la fermeté de son porteur. Parfois elle dépasse l'entendement et s'unit à son propriétaire, l'incitant à s'abreuver des péchés des autres pour pouvoir survivre.

Afin de pouvoir déferler dans l'enveloppe charnelle de son acquéreur, la quintessence desdits péchés choisit de se placer au niveau de la gorge ou du ventre, répartissant son venin dans l'organisme. Lorsque le Pécheur veut s'emparer de cette énergie si vitale à son existence, il n'hésite pas à éviscérer ou égorger ses martyrs dans l'espoir de pouvoir combler son féroce appétit, tuant les malheureux sur le coup. Seul un Traqueur possède une source d'alchimie suffisante pour venir à bout d'un tel adversaire car, si les Protecteurs ont pour tâche de les repérer, leur vigueur n'est point à son apogée.

Par conséquent, cela encourt le risque majeur de finir englouti par les voraces Pécheurs. Uniquement une infime partie des Traqueurs peut faire cavalier seul et traquer sans partenaire : Harry faisait parti de ses grands solitaires légendaires. Les entraînements intenses l'avaient rendu robuste, endurant et mature, ce qui lui donnait accès à des missions plus importantes. Après chaque élimination de Pécheurs, le Chasseur de Primes récolte sa récompense selon la valeur du service accomplit. Les Chasseurs de Primes sont considérés comme les individus les plus purs qui soient, car l'impétueuse et remarquable nature de leur magie les protège en permanence, par le biais d'une barrière efficiente. En contre-partie, les Chasseurs de Primes ont oublié ce qu'être humain signifiait.

Les faibles et pâles rayons du soleil de Novembre extirpèrent le brun de sa torpeur. Après une délicieuse douche chaude, il sortit de l'aile Sud et se dirigea vers la Grande Salle où les repas avaient lieu. Une délicate odeur de bacon grillé et de toast encore chauds embaumait les étroits couloirs et les escaliers en colimaçon. Harry passa devant l'aile Est afin de prendre un raccourci, son ventre criant déjà famine. Encore plongé dans ses pensées par rapport aux informations de la veille, il ne vit pas l'ombre sortir par la porte d'une pièce sur sa gauche et la percuta violemment. Harry tomba sur le sol dur et froid et se frotta les reins en maudissant son côté rêveur. L'autre, en revanche, était déjà sur ses pieds et lui tendait une main amicale pour l'aider à se relever.

« - Merci. », s'exclama Harry légèrement embarrassé, « Je suis navré de cet incident. Je réfléchissais et ne regardant pas où j'allais je ne vous ai pas vu arriver. »

Il redressa la tête et ses yeux couleur émeraude croisèrent des iris orageuses, des pupilles tellement particulières et uniques qu'il ne pouvait en exister qu'une paire sur cette terre.

« - Draco ? », souffla Harry étonné de faire face à son vieil ennemi, un blond marmoréen aux manières suffisantes et aristocratiques.

Si Harry Potter le balafré avait été admis chez les Gryffondor, le noble au sang pur Draco Malfoy avait fini chez les Serpentard. Les verts et argents étaient des sorciers malins et sûrs d'eux qui parvenaient toujours à leurs fins. Une rumeur disait que tout les magiciens et magiciennes qui avaient sombré dans le mal étaient passés par cette maison mais Draco était une des exceptions. Il avait retourné sa veste subitement au cours de sa sixième année et c'était servi de sa position de Mangemort pour renseigner fidèlement l'Ordre du Phénix. Il avait démontré des talents exceptionnels en matière d'espionnage et s'était révélé être un atout et un allié redoutable et un ami des plus captivant, bien qu'à la fin de la guerre il se soit volatilisé sans motifs valables du jour en lendemain.

Harry avait été attristé par son départ soudain car il n'avait jamais eu l'occasion de remercier Draco et voilà qu'il venait de lui rentrer dedans !

« - Qu'est ce que tu fais ici ? », interrogea le brun hébété.

Le blondin lui adressa un sourire enjôleur :

« - Je viens de me qualifier en tant qu' Auror mais j'ai besoin de me spécialiser davantage dans le domaine des potions. Du coup, je suis l'assistant de mon parrain pour quelque temps. Il m'aide à élargir mon champs de compétences en matière de poisons, veritaserum et autres mixtures. »

« - Tu étais pourtant de loin l'excellence de la classe en potions », signala Harry.

« - Peut - être », rétorqua Draco une lueur narquoise dans les yeux, « mais j'ai envie de me surpasser et de développer mes aptitudes auprès d'un véritable maître des potions. Selon mes analyses, il y a certains points que je souhaiterais approfondir et d'autres que je voudrais mettre à jour ».

Harry ne put s'empêcher de constater que le jeune Malfoy avait les mêmes réflexes que lui : toujours chercher la perfection dans son art et utiliser sa curiosité pour l'entretenir en collectant le maximum d'indications. Être doué était une bénédiction à condition de la travailler en permanence. Le brun acquiesça de la tête, signe qu'il rejoignait le point de vue de son camarade.

« - Et toi, qu'est ce que tu es venu faire à Poudlard ? », questionna l'ancien prince des serpents. « Je doute que tu sois revenu uniquement pour saluer Dumbledore. »

Le Survivant plongea ses prunelles dans celles de l'ange blond avant de lui répondre avec sérieux :

« - La raison pour laquelle je suis ici te couperait l'appétit, mais on peut en parler après le déjeuner...à l'orée de la Forêt Interdite et loin des fouineurs indiscrets. »

Le blond le fixa d'un air interrogateur devant autant de précautions et de mystère, mais il ne releva pas. Il se contenta de hocher la tête puis, avec un clin d'œil, s'éloigna. Harry sentit son cœur s'affoler : Draco était digne de confiance et un homme d'honneur. Ses observations allaient forcément contribuer aux bienfaits de l'enquête du Traqueur, mais des années s'étaient écoulées depuis leur dernier tête à tête et le rouge et or était nerveux.

Il réalisa alors que même la plus puissante des machines à tuer pouvait ressentir des émotions violentes et contradictoires.