Ces températures polaires et ces paysages blanchis de givre ou de neige m'ont immédiatement fait penser à ce magnifique épisode. J'ai décidé d'apporter ma version à une question laissée en suspens par les scénaristes.
Un grand merci à tous ceux qui prennent un peu de temps pour me lire ! Merci également pour ceux qui prennent le temps de mettre des commentaires ! Merci enfin à Isatis2013 qui prend le temps de me corriger!
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Le moteur de la Cadillac vrombissait et les pneus glissaient sous les coups de volant nerveux de Finch. Il n'avait pas l'habitude de conduire sous la neige et encore moins sur des routes escarpées, comme celles de Catskills. Harold plissait les yeux, essayant de deviner le tracé de la route enneigée malgré l'obscurité de la nuit. Il soupira bruyamment, fatigué par les trois heures de route qui séparait cette montagne, qui servait de lieu de villégiature pour les riches New Yorkais, et par les conditions météorologiques extrêmes, qui rendait la conduite particulièrement pénible.
Mais sa fatigue n'était rien comparée à son angoisse. Finch crispa les mains sur le volant à s'en faire blanchir les jointures et appuya inconsciemment sur l'accélérateur, en repensant à la raison qui l'amenait dans cet endroit isolé, situé à plus de 220 km de New York.
Il n'avait plus de nouvelles de John depuis le matin et ce silence était absolument anormal. Même si l'agent était d'une nature plutôt solitaire, il avait toujours pris la peine de prévenir un membre de l'équipe lorsqu'il suivait une piste. Mais pour leur dernier numéro, Chase Patterson, Reese agissait différemment. Finch avait eu la désagréable impression d'avoir été tenu volontairement à l'écart par son partenaire. Cette situation inédite était d'autant plus préoccupante que la Machine, elle-même, avait perdu la trace de John depuis des heures dans ces montagnes situées hors réseau. En repensant à tous ces signes alarmants, l'informaticien sentit les larmes monter et sa gorge se serrer douloureusement. Mais il se ressaisit. Essuyant ses yeux d'un geste rageur de la main, il inspira lentement et tenta de mettre de l'ordre dans ses idées. Essayant de mettre de côté son inquiétude, Finch tenta de réfléchir de la manière la plus rationnelle possible, comme le lui avait conseillé son amie Root.
Harold eut une pensée émue pour Miss Groves, restée dans leur repaire. Il avait pris la route, malgré l'heure avancée de la nuit et la tempête de neige, sur ses conseils avisés. Elle avait su trouver les mots pour le convaincre d'aller chercher son partenaire, quelqu'en soient les dangers. Root, si indifférente aux interactions humaines, si prompte à faire confiance aux machines plutôt qu'aux Hommes, à l'exception de Shaw qui tenait une place à part dans son cœur, avait su toucher la corde sensible afin convaincre Harold de partir à la recherche de Reese. Par quelques petits mots prononcés avec calme et détermination, elle lui avait fait prendre conscience qu'il devait agir pour une fois et non subir l'action.
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Finch, sourcils froncés, appuya sur le bouton mettant un terme à sa conversation avec Fusco. Il avait téléphoné à l'inspecteur pour savoir où en était John dans sa mission, puisqu'il était sans nouvelle de lui depuis le matin. Ce coup de fil aurait dû le rassurer mais ce fut tout le contraire, car le lieutenant, non plus, n'avait eu aucun contact avec son co-équipier. L'informaticien se raidit insensiblement sur son fauteuil, crispant la main sur sa souris tandis qu'il regardait, sans réellement les voir les moniteurs en face de lui. Il était inquiet car ce n'était pas dans les habitudes de John de partir sans laisser d'indication. Où êtes-vous Mr. Reese ? se demanda-t-il en réfléchissant aux différentes possibilités.
Observatrice silencieuse, Root ne perdait rien des réactions de son partenaire. Assise sur un banc en face du bureau de Finch, elle détaillait, l'air faussement indifférent, le visage de plus en plus blême de l'informaticien, tout en mordant goulument dans un hamburger. Percevant le malaise grandissant de compagnon, elle décida de lui apporter un peu de réconfort. Elle prit son soda d'une main et son sandwich entamé de l'autre puis se leva avant d'approcher du bureau. Elle posa son encas entre le clavier et les moniteurs puis lança d'un ton à la fois blasé mais rassurant.
-Vous vous inquiétez trop. Peu importe où il est, le gorille peut prendre soin de lui.
Finch répondit au commentaire de la jeune femme par un faible sourire mais le cœur n'y était pas. Il se faisait du souci pour John. Il le connaissait trop bien. Depuis ces cinq dernières années, Harold avait pu constater que son partenaire avait une définition très personnelle de sa propre sécurité… En fait, il faisait toujours passer les missions ou les numéros avant sa propre vie. Combien de balles avait-il pris en se plaçant sur la trajectoire de projectiles qui ne lui étaient pas destinés ? Combien de coups avait-il reçu en protégeant une victime de son agresseur ? Son corps portait les marques de sa définition de sa propre sécurité… Le reclus frissonna d'effroi en pensant au pire, mais il repoussa rapidement cette pensée.
Mais, quelques heures plus tard, alors qu'il avait passé une bonne partie de l'après-midi sur son ordinateur, à mener des recherches stériles pour retrouver son partenaire, Finch commença réellement à paniquer. Dans le silence assourdissant de la station de métro désaffectée, Root pouvait entendre le pianotement frénétique de l'informaticien sur son clavier ponctué de soupirs de déception à chaque fois qu'une piste menait à une impasse. Toujours assise sur son banc, la jeune femme observait son ami se décomposer au fur et à mesure que les heures défilaient. Elle pouvait voir physiquement le doute et l'angoisse s'insinuer dans le corps de son ami. Assis devant ses écrans, l'informaticien était de plus en plus rigide sur sa chaise, ses doigts tapant nerveusement sur les touches du clavier tandis que tous ses sens, en alerte, cherchaient les moindres détails pouvant révéler la position de son agent.
La hackeuse prit alors conscience de la détresse de son partenaire. Elle ne l'avait jamais vu aussi abattu, aussi désespéré, aussi perdu. Ce qu'elle soupçonnait depuis quelques temps, lui sauta littéralement aux yeux, à cet instant précis. Finch aimait Reese, aussi éperdument que Reese aimait Finch. Deux âmes sœurs, aussi différentes que complémentaires mais également indissociables comme le jour et la nuit, le feu et l'eau, la vie et la mort. Deux belles âmes, cabossées par les aléas de la vie, qui avaient réussi à s'apprivoiser avant de s'aimer. Mais les deux hommes étaient aussi trop fiers, trop orgueilleux et sans doute trop lâches pour se l'avouer.
Des larmes lui montèrent aux yeux en faisant le parallèle avec sa propre relation avec Sameen, ou plutôt sa relation morte avant d'être née, depuis la disparition de sa très chère amie. Elle décida alors de sortir de sa réserve et de pousser Finch à agir en avouant ses sentiments à son agent avant qu'il ne soit trop tard. Elle ne voulait pas que les deux hommes qu'elle considérait maintenant comme ses amis voir comme sa famille, passent à côté d'un bonheur bien mérité.
Brisant le silence, Root murmura d'une voix douce, remplie de compassion.
-Il vous inquiète vraiment, Harry, n'est-ce pas ?
-John a toujours maintenu une certaine distance, mais cela ne lui ressemble pas, répondit Finch d'une voix rapide, marquée par le stress, sans un regard pour son interlocutrice tant il était absorbé par ses écrans.
Tandis que Finch parlait, Root s'approcha lentement de lui. Posant ses mains sur le bureau, elle se pencha pour observer les moniteurs.
-Vous avez trouvé quelque chose ? demanda-t-elle.
-J'ai réussi à isoler le signal de sa dernière position, malheureusement il a disparu peu de temps après et je n'ai aucun autre moyen de déterminer sa position.
Root écoutait, la gorge serrée devant tant de douleur contenue qui faisait vaciller la voix de l'informaticien. Dans un geste de compassion, Elle posa une main réconfortante sur l'épaule de son partenaire. Ce dernier ne réagit pas, obsédé par la recherche désespérée d'un détail, d'une piste lui permettant de retrouver son agent.
-Je suis désolée, Harry… dit-elle dans un souffle avant de faire une pause.
Puis, la jeune femme reprit, d'une voix plus affirmée.
-…Mais vous ne pouvez pas rester là à attendre qu'un miracle se produise. Vous savez bien qu'ils n'arrivent pas, sauf si on force un peu le destin.
Fronçant les sourcils, Finch tourna la tête et braqua son regard incertain vers celui plus volontaire de la hackeuse, sans trop comprendre où elle voulait en venir. Elle tourna lentement le fauteuil de son partenaire et se pencha vers lui tout en poursuivant son discours d'une voix forte et affirmée, articulant chaque mot, chaque syllabe pour mieux faire pénétrer son message dans le cerveau du reclus.
- Partez le chercher, Harry ! Vous devez le retrouver !
Puis elle reprit, un ton plus bas. La tristesse faisant trembler sa voix.
- sinon vous le regretterez toute votre vie…
Après sa dernière phrase, Root baissa les yeux rapidement mais Finch eut le temps de voir ses yeux embués de larmes. D'un geste rageur du dos de la main, elle essuya celles qui avaient coulé sur ses joues puis se releva. Interdit, l'informaticien la fixait en silence, essayant de comprendre les conseils de la jeune femme.
Soudain, il écarquilla les yeux, réalisant que son secret le plus intime venait d'être découvert.
-Quand l'avez-vous su? Demanda-t-il d'une voix à peine audible.
Root émit un petit rire sans joie.
-Harry, je vois en vous comme dans un livre ouvert. Dès le début, j'ai remarqué le lien indéfectible qui vous unissait à lui. Vous pouvez toujours dire que vous n'êtes que des associés, des partenaires ou des amis, vous ne trompez que vous. Vous vous mentez. J'ai remarqué vos gestes, vos regards, vos inquiétudes réciproques.
Harold se figea au dernier mot. Réciproques… Ses mains s'immobilisèrent au-dessus de son clavier, ses yeux s'écarquillèrent et ses lèvres se mirent à trembler sous le choc de la révélation.
Root disait-elle vrai ? Etait-il possible que John ressente la même chose que lui ? L'homme n'en croyait pas ses oreilles. Cela faisait cinq longues années qu'il nourrissait bien plus qu'une forte amitié pour Reese. Cinq ans qu'il dissimulait ses sentiments derrière une certaine froideur, une politesse étudiée, une distance qu'il maintenait entre lui et son agent, vivant dans la crainte permanente se trahir.
Toutefois, lorsque le danger se faisait plus imminent, quand la vie de John était directement menacée, Harold ne pouvait plus contenir son inquiétude et ses sentiments menaçaient à tout moment de déborder et de devenir visibles, comme maintenant. Ils n'avaient donc pas échappé à Root.
Finch fut ramené à la réalité par une main douce sur sa joue. Root tourna lentement le visage de l'informaticien vers elle afin de lui faire face. Elle s'agenouilla afin d'être à sa hauteur et planta son regard déterminé derrière les larmes.
-Cessez de réfléchir, Harry ! Ne restez pas ici, à ne rien faire d'autre que vous ronger les sangs. Vous devez le chercher. Vous devez le trouver. Vous devez lui avouer vos sentiments avant qu'il ne soit trop tard !
La gorge serrée par l'émotion, Finch se contenta d'hocher la tête. L'optimisme de la hackeuse était communicatif. Le cœur du reclus se gonfla d'un nouvel espoir. Oui, il retrouvera John. Oui il lui avouera ses sentiments !
Il posa sa main sur celle de la jeune femme, avec un mince sourire mais les yeux brillant d'une nouvelle détermination. Il se tourna vers ses moniteurs, à la recherche d'éléments nouveaux qui lui avaient peut-être jusqu'alors échappés.
Root, quant à elle, laissa Finch poursuivre ses investigations seul et décida de contacter Fusco, pour essayer de trouver le lien entre leur dernier numéro et l'endroit où le portable de John avait émis pour la dernière fois. S'éloignant du bureau de l'informaticien, elle n'eut à attendre que quelques secondes avant que l'officier ne décroche.
-Détective ?Ronronna-t-elle d'une voix suave.
-La Folle-dingue… il ne manquait plus qu'elle, répondit Fusco, visiblement agacé.
-Contente de t'entendre aussi Lionel. Dis-moi, tu es au commissariat là ?
-Bien sur ! J'ai un métier, tu te rappelles?
Ignorant royalement la remarque acerbe du lieutenant de la criminel, Root enchaîna.
-Est-ce que tu peux me dire si Reese a laissé quelque chose sur son bureau, un dossier, une feuille, des notes…
Lionel la coupa par une remarque ironique.
-Comme si Superman était du genre à noircir un petit calepin… Attends je jette un coup d'œil, soupira l'homme en se levant de sa chaise.
Fusco haussa un sourcil circonspect en découvrant le bureau de son co-équipier. Ce dernier était un modèle de rangement, aucun stylo, aucun papier ne trainaient. Les dossiers étaient rangés au cordeau sur le coin de la table. Lionel se pencha sur le tas de documents de différentes couleurs et fit glisser d'une main les fichiers en éventail afin de pouvoir lire toutes les étiquettes. Son regard fut instantanément attiré par une chemise rouge avec le nom de Patterson, écrit au feutre noir sur la couverture.
-Que veux-tu savoir ? demanda-t-il en prenant le document.
-Le dossier évoque-t-il un lieu se situant quelque part au Nord de New York ?
Il repoussa la couverture cartonnée puis feuilleta les premières pages. Son regard aguerri s'arrêta sur le procès-verbal de Chase Patterson. Soudain, un détail attira son attention.
-Il semblerait que la famille possède une cabane dans les Catskills. Chase s'y serait réfugié la nuit du quadruple meurtre de sa famille.
Un large sourire illumina le visage de Root en entendant cette nouvelle information.
-Merci Lionel, je savais que je pouvais compter sur toi ! répondit la hackeuse en raccrochant sans attendre la réponse de son interlocuteur.
-C'était un plaisir, murmura Fusco dans le vide. Je devrais pourtant y être habitué depuis le temps…soupira-t-il, dépité devant la grossièreté de la jeune femme.
A peine raccroché, Root se tourna vers Finch et annonça fièrement.
-Harry, nous avons une piste !
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Lorsque Finch engagea sa voiture dans le chemin privé qui menait à la cabane des Patterson, la nuit était déjà bien avancée. Seule la lune permettait de voir le sublime paysage enneigé autour de lui. Tout était désert. Il n'avait croisé aucune âme depuis des dizaines de kilomètres et le froid commençait à l'engourdir malgré le chauffage dans l'habitacle. L'informaticien était à bout de force, seule l'adrénaline le maintenait éveillé.
D'après sa carte, il ne devait plus être très loin. Car oui, le GPS étant inutilisable puisqu'il se situait dans une zone morte, Harold avait dû acheter une bonne vieille carte routière. Elle gisait, froissée et barbouillée de fluo, sur le fauteuil voisin.
C'est alors qu'au détour d'un virage, il aperçut la cabane des Patterson. Une cabane… Un luxueux chalet serait plus exact. Encore une petite folie d'une riche famille new yorkaise…Passant outre ses jugements moraux, Finch roula au pas, cherchant les traces d'une présence.
Son cœur bondit hors de sa poitrine quand il remarqua trois voitures stationnées à proximité de la bâtisse. Il accéléra, impatient de retrouver son partenaire. Mais les questions se bousculaient dans sa tête. Qui sont les propriétaires des voitures? Qu'est-ce qui empêche Reese de rentrer à New York ?
Mais plus Finch approchait, plus il remarquait des détails inquiétants. Soudain, son sang se glaça dans ses veines et son cœur s'arrêta de battre quelques secondes. Un corps gisait à proximité d'une voiture à la vitre brisée. Le reclus paniqua. Non, ce n'est pas possible ! Non, ne me dites pas que j'arrive trop tard !
Il arrêta la voiture à proximité des véhicules et descendit rapidement, sans prendre la peine de se couvrir. Il se précipita aussi vite que ses blessures et la neige le lui permettaient près du cadavre, le cœur battant frénétiquement dans sa poitrine, la gorge serrée d'angoisse.
La pleine lune donnait une luminosité exceptionnelle à cette glaciale nuit d'hiver. Le ciel était totalement dépourvu de nuage et la neige reflétait la clarté de l'astre lunaire. En sommes, pas besoin de lampe, Finch y voyait comme un plein jour. Il s'avança la boule au ventre, à la fois impatient mais craignant de voir le corps de John étendu ici, seul dans la neige au milieu de nul part. Lorsqu'il découvrit le visage sans vie d'un inconnu, il ressentit un intense sentiment de soulagement qui lui fit monter les larmes aux yeux. Il se sermonna mentalement, se reprochant de se réjouir de la mort d'un homme.
Pour autant, ses questions demeuraient dont la principale était : Où se trouvait John ?
Debout dans la neige, à proximité du cadavre étendu dans la neige, Finch balaya du regard les alentours, à la recherche de son partenaire. Le chalet paraissait inoccupé. Le reclus tourna alors la tête vers le véhicule à la vitre brisée et se figea. Il découvrit John, tête baissée, assis à la place conducteur. La silhouette inerte de son associé lui faisait craindre le pire.
Il courut aussi vite qu'il put vers l'agent, ouvrit la portière et plaça sa main sur son épaule, le secouant légèrement pour le réveiller. Mais John ne réagit pas, sa tête se balança au rythme des secousses d'Harold, sans aucune réaction.
-Non ce n'est pas possible… murmura Finch tout en prenant le visage de John entre ses mains pour lui relever la tête.
Lorsque ses paumes touchèrent les joues de John, l'informaticien ne put retenir un hoquet d'effroi. Il était gelé ! Son compagnon était plus glacé que ses mains. C'est alors qu'il remarqua les cristaux de glace dans ses cheveux et sur ses longs cils, son teint était cireux et ses jolies lèvres bleues. Seule la faible condensation qui s'échappait de sa bouche rassurait Finch. Son partenaire était en vie mais en hypothermie. Il devait faire remonter sa température corporelle au plus vite sinon John risquait de sombrer dans le coma, voir pire…
