Bonjour tout le monde !
Après des mois de concentration extrême, plongée dans mes bouquins/devoirs etc... je reviens le temps d'une pause ;)
Je suis hyper heureuse de vous proposer ce Two-shot assez spécial pour plusieurs raisons : d'une part, parce que je me suis lancée un défi : faire en sorte qu'il n'y ait aucun dialogue et d'autre part, parce que je me suis attaquée à des couples que je n'ai pas l'habitude de traiter. Donc un gros challenge !
J'espère en tout cas que ça vous plaira et j'attends vos remarques/impressions avec impatience (et appréhension ?) !
Bonne lecture !
D'ordinaire, c'était elle qui le dévorait des yeux.
Mémorisant chaque ligne de sa mâchoire légèrement carrée, le contour de son nez droit, la forme de ses lèvres qui révélaient des dents parfaitement alignées. Elle serait parfaitement capable de dessiner les yeux fermés son visage dans les moindres détails. La plus infime singularité de ce garçon était gravée dans sa mémoire. Pas le moindre trait de son apparence n'avait échappé à son regard scrutateur. Elle l'avait tellement observé que lorsqu'elle fermait les yeux, son visage lui apparaissait dans sa forme la plus complète. Ses rêves en devenaient si réels que c'en était troublant. Mais le plus perturbant en cet instant était que pour la première fois, elle n'était pas le félin guettant sa proie.
Au début, elle pensait qu'elle hallucinait.
Il ne pouvait pas être en train de la fixer. C'était impossible. Cela faisait sept ans qu'elle cherchait désespérément à se faire remarquer par lui. Sa nature réservée faisait qu'elle ne s'était pas étalée en démonstration flagrante et explicite. Sans compter que malgré les signes, certes subtils, qu'elle lui avait adressés, il ne les avait jamais saisis. Inconsciemment, elle s'était résignée à cette absence de réaction. Aussi, le fait qu'il ne la quittait pas du regard depuis dix minutes avait de quoi la perturber. Son meilleur ami la fit tournoyer une énième fois avant d'improviser un pas loufoque. Elle éclata de rire tandis qu'il bougeait d'une étrange façon ses genoux. Kiba se débrouillait plutôt bien en danse et il se mouvait comme un manchot maladroit pour la décoincer. Être sur une piste de danse, au beau milieu d'une vingtaine d'adolescents, la rendait extrêmement mal à l'aise. Pourtant, grâce à l'attitude comique de son ami, elle se détendait et appréciait ce petit moment d'échange de bonne humeur. Elle adorait la musique et bien qu'elle ne dansait jamais en public, elle ne se gênait pas de se trémousser dans sa chambre, bien loin des regards.
Était-ce grâce à Kiba et à cette atmosphère sympathique qu'elle parvenait à surpasser sa gêne pour se mouvoir au vu et su de tous ? Danser avec le héros de la soirée attirait forcément les regards et pourtant, transportée par la musique et enhardie par les singeries de son ami, elle se laissait aller. Ses pieds bougeaient, d'abord timidement et puis, progressivement, elle fermait les yeux et dansait, ne se souciant pas des chuchotements ou regards étonnés des autres convives. Après tout, on n'avait dix-huit ans qu'une fois. Elle souhaitait que Kiba garde un bon souvenir de cette soirée. Et danser avec lui devant ses invités célébrait assez bien leur amitié. Shino n'était pas trop loin, se chargeant de la musique, de sorte que le trio qu'ils formaient se complétait allègrement dans cette soirée d'anniversaire.
Kiba tenta un mouvement de vague avec son corps entier et sa manière exagérée de le faire lui arracha un sourire. C'était leur chanson préférée, ils pouvaient bien faire les fous dessus. Dans quelques années, ils en riraient encore, se remémorant cette soirée où ils avaient été les deux adolescents les plus passionnés par cette chanson.
Gagnée par la folie de son meilleur ami qui se déhanchait sans retenue, elle croisa gracieusement devant son visage, ses doigts formant le signe de la victoire. Ses épaules se soulevaient au rythme de la musique alors qu'elle mimait exagérément la moue de la chanteuse à ce passage précis. En réponse, Kiba imita parfaitement un enchaînement de la chorégraphie avec la mine d'un danseur professionnel. Elle rit, pivota sur ses talons et s'immobilisa dans son tour. Ses yeux avaient croisé les siens. Bleu azur.
Le bleu d'un ciel fabuleux sans nuages.
Le bleu de la sérénité à toute épreuve.
Le bleu merveilleux que seul un être chaleureux et généreux pouvait arborer.
Le bleu qui la déstabilisait et la fascinait.
Le bleu qui avait creusé un chemin jusqu'à son cœur.
Le bleu unique et magique de Naruto Uzumaki.
Il n'était pas un admirateur inconditionnel du changement.
Devoir s'adapter aux nouvelles situations nécessitait un certain effort qu'il rechignait à effectuer. Il aimait que son quotidien ne subisse aucun dérangement. Cette stabilité habituelle lui plaisait et il n'était pas spécialement animé par une envie de tout chambouler. Même durant son adolescence, il n'avait jamais été du genre à se révolter contre l'ordre établi de telle ou telle chose. Il se contenait de respecter les règles et vivait paisiblement et passivement sa vie. La fougue et l'insolence vive de la jeunesse ne l'avaient jamais embrasé.
Tranquille, sans histoires, sa vie se rapprochait de celle d'un vieil homme qui avait déjà tout vu et tout vécu. Ce fut donc avec une véritable consternation et un abattement profond qu'il accueillit la nouvelle.
C'était quoi cette histoire d'interdisciplinarité ?
Crucifiant mentalement le jeune professeur qui leur présentait son idée innovante comme s'il s'agissait de la révélation du millénaire, il se retint d'exprimer verbalement son mécontentement. L'idée était simple : un doctorant présentait un sujet se rapprochant de la thèse qu'il préparait et les étudiants de multiples disciplines devait choisir le sujet qu'ils préféraient. Ensuite, répartis en plusieurs groupes, les différents étudiants issus de distinctes filières devaient répondre au sujet en abordant toutes les disciplines et ce, de manière ludique.
Le travail – une sorte d'atelier interdisciplinaire – serait présenté à des groupes d'étudiants plus jeunes également mélangés. L'université tenait ainsi à promouvoir l'échange entre disciplines, améliorer les connexions entre les différentes disciplines enseignées parce que dans le monde du travail, plusieurs acteurs se retrouvaient pour agir au quotidien. Améliorer la communication dès l'université favorisait une meilleure flexibilité et adaptation des élèves une fois largués dans le monde professionnel. Ce ne serait que les préparer à devoir travailler en équipe avec des coéquipiers venus d'horizons différents.
Bien que l'idée de base ne soit pas si inintelligente, Shikamaru la désapprouvait totalement. Cette interdisciplinarité changeait son emploi du temps puisque chaque semaine, trois heures seraient banalisées pour que tous les groupes puissent se réunir. Et puis, il allait rencontrer des inconnus qui le resteraient certainement après cet atelier éducatif. Et lui qui pensait qu'en cinquième année d'université, il n'était plus question de jouer en maternelle.
Interdisciplinarité débile.
Il s'enfonça un peu plus dans le siège heureusement confortable de l'amphithéâtre, se préparant mentalement à entendre un flot de propos inintéressants. Les bienheureux doctorants présélectionnés défilaient sur l'estrade, vendant leur sujet en cinq minutes. Les présentations les plus loufoques captaient l'attention des autres étudiants aussi démoralisés que lui par cette nouvelle épreuve. Quelle personne saine d'esprit avait bien pu avoir une telle idée ? C'était totalement stupide.
Il était parfaitement illogique que plusieurs étudiants issus de disciplines divers et différentes puissent cohabiter pour produire un travail commun. C'était de la pure logique. Comment un étudiant de biologie pouvait travailler de concert avec un étudiant en chimie alors que ces deux filières se faisaient la guerre depuis la création de l'université. Cette unité d'enseignement s'annonçait morbide. Son inventeur devait s'adonner au sadisme, il ne trouvait pas d'autres justifications.
Alors qu'il souffrait de la torture mentale qu'on lui imposait, quelque chose attira son attention. Au lieu de laisser libre cours à sa paresse, ses méninges réagirent à une information pertinente. Il ne saurait pas exactement définir ce qui l'attrayait mais soudainement, ce sujet du changement climatique appliqué aux conséquences sur l'espèce humaine lui parut intéressant.
Pourtant, il n'y avait rien de spécialement excitant.
Il savait déjà tout ce qu'il y avait à savoir sur le changement climatique, sujet basique. Alors en quoi consistait ce stimulus inconnu qui titillait sa curiosité ? Le sujet, largement anthropocentré, était porté par une doctorante en sciences humaines ou affectueusement surnommées sciences molles. Du moins, c'était ce qu'il avait retenu. Et à voir sa façon de présenter l'intitulé de son sujet, elle possédait déjà tous les travers et préjugés de sa discipline.
Sa présentation était intéressante : studieuse avec un humour cynique qui lui plaisait. Il ne saurait dire si c'était réellement la qualité intellectuelle que dégageait la doctorante qui l'attirait ou le changement climatique.
Quoi qu'il en soit, un véritable changement s'était opéré en lui. Il serait peut-être bien intéressant de travailler avec cette doctorante sur un sujet aussi bateau que le changement climatique et ses effets anthropiques. Elle était la seule non scientifique de la dizaine de doctorants présentés. Après tout, cela représentait un sacré défi de se frotter à une matière radicalement opposée à la sienne. Peut-être était-ce ce challenge intellectuel qui le motiva plus que l'attitude irréprochable de la doctorante. De toute façon, au moment de faire son choix, il n'eut pas l'ombre d'une hésitation. Il se dirigea vers la table et prit le stylo que le responsable maudit de l'unité d'enseignement lui remettait.
Avec flegme, il inscrivit le prénom choisi.
Temari.
Il n'avait pas l'habitude d'agir sans réfléchir.
Ses mots étaient pesés avant d'être émis à haute voix, ses actions étaient mûrement analysées avant d'être commises. Il ne se laissait pas guider par son humeur. Pourtant, cette fois-ci, les mots devancèrent sa pensée. La parole fusa plus vite que sa raison et il en fut le premier surpris. Un frisson glacé parcourut sa colonne vertébrale alors qu'il réalisait. En face de lui, elle le fixait avec un ahurissement total. Comment aurait-elle pu ne pas être abasourdie ? Lui-même avait envie de rire de son propre comportement.
Il se trouvait pitoyable et pathétique.
Il ne pouvait pas remonter le temps, rattraper ces quelques mots, fermer sa bouche. Il ne pouvait pas non plus effacer ce qui avait été fait. Ni lui ni elle n'oublierait ses propos. Le fait de regretter ne changerait pas la situation. Néanmoins, même si ce moment l'embarrassait, Sasuke ne ressentait pas non plus une terrible envie de se terrer pour ruminer sur sa bêtise.
Il se sentait même plutôt léger, comme s'il était soulagé que les mots soient sortis, que la réalité s'échappe de sa tête pour être partagée et connue.
Cela faisait des semaines, des mois, des années même, que ces émotions étranges le perturbaient. Au moment où les symptômes faisaient leur apparition, il avait entendu parler de puberté, d'hormones, de changements aussi bien physiques que psychiques mais tout cela était longtemps demeuré abstrait et inintéressant pour lui. Et puis soudain, à cette époque de sa vie pourtant houleuse, il avait été frappé. La révélation n'avait fait qu'apparaître, bouleversant sa vie d'adolescent.
Tout avait été chamboulé.
Subrepticement, sans qu'il ne puisse lui-même s'en apercevoir, il avait été touché par la grâce de l'amour. Lentement, il avait été gagné par ce virus inoffensif qui avait modifié sa façon d'être et d'agir.
Surtout envers elle.
Elle était devenue le centre de ses intérêts alors qu'auparavant, il ne lui aurait accordé que peu d'importance. Il faut dire qu'il avait eu ses propres soucis et traversé une grave crise de préadolescence. Contrairement à d'autres, il n'était pas connu pour être le plus social et amical des êtres humains. Il ressemblait plus à un vieil ours mal léché, chassant tout autre congénère bienveillant sur son territoire. Tous les adjectifs les plus péjoratifs lui collaient au dos. Avec une telle réputation, difficile d'approcher et de se laisser approcher.
Pourtant, elle était toujours restée à ses côtés.
D'une certaine façon, sans envahir son espace vital, elle s'était imposée malgré ses menaces, ses grondements, son attitude hostile, ses remarques blessantes. Était-ce du courage ou de la stupidité ? En ce temps-là, Sasuke considérait qu'elle faisait preuve d'une absurdité complète. Elle était sotte de se convaincre qu'il finirait par devenir un être ouvert, pourvu de gentillesse et de sympathie. Il n'était pas le prince charmant que toutes les filles espéraient et se complaisait dans ce rôle de bad boy qui, bien qu'éloignant la majorité du monde, renforçait le fantasme de certaines. Plus il était méchant, plus elle s'accrochait de sorte qu'il avait même songé que cette fille avait un penchant pour le masochisme.
Et maintenant, c'était lui qui vivait très mal son absence.
C'était lui qui répondait à ses SMS, l'accompagnait dans ses virées d'achats de Noël, lui tenait le parapluie, l'aidait à réviser ses cours.
C'était lui qui l'invitait au cinéma, à la patinoire, au bowling, dans tous ces endroits bondés de monde qu'il fuyait autrefois.
C'était lui qui faisait la queue pour porter ses réclamations aux impôts quand elle ne pouvait pas se déplacer.
C'était à lui que le facteur remettait ses courriers importants ou que sa mère confiait l'organisation de son anniversaire.
C'était lui que ses ami(e)s appelaient lorsque ceux/celles-ci ne parvenaient pas à la joindre.
C'était lui la première personne qu'elle voyait en commençant sa journée.
Grâce à elle, Sasuke avait cessé de se murer dans son monde stérile.
Grâce à elle, il faisait passer ses désirs après ceux des autres, abandonnant son égocentrisme et son égoïsme exacerbés.
Grâce à elle, il avait renoué avec sa famille et avec les êtres humains.
Il n'était plus un pseudo rebelle, clamant sa rage envers le monde entier alors qu'il n'était lui-même pas un exemple d'humanité. Il était devenu quelqu'un de meilleur. C'était sans doute pour cela qu'il n'éprouvait pas de gêne insupportable à l'idée que ces mots aient pu franchir ses lèvres. Ils n'avaient fait que formaliser ce qui était évident, que modéliser ses sentiments.
Se marier ne serait qu'officialiser ce qui existait déjà.
Tout le monde adorait Ino.
C'était une fille appréciée et dont on recherchait la compagnie. Elle connaissait beaucoup de monde, se souvenait de tous les prénoms, des caractères, les histoires personnelles comme si chaque personne, même celles qu'elle croisait une fois tous les six mois, avait une place particulière dans son cœur.
Ino, c'était un aimant à amour.
Elle diffusait et partageait ce sentiment de manière illimitée, sans attendre d'en recevoir en retour. Elle avait toujours une pensée pour quelqu'un, une phrase pour remonter le moral, un sourire pour réconforter et motiver.
Sa générosité était sincère. Ino ne mentait pas sur ses sentiments.
Passionnée, ses émotions ne connaissaient pas d'équilibre. Si elle était furieuse, sa colère s'exprimait sans modération, dévastant tout sur son passage. Lorsqu'elle était heureuse, sa joie débordait par vagues immenses et contagieuses. On ne voyait que ces deux visages d'elle. Seules les personnes les plus proches savaient que les plus douloureuses émotions étaient aussi intensément ressenties et plus péniblement supportées. Certains diront qu'elle exagérait, montait trop rapidement sur ses grands chevaux mais c'était sa façon de s'exprimer.
Au fond d'elle, Ino était très raisonnée.
Elle avait juste besoin de laisser parler ses sentiments trop intenses et difficilement maîtrisables. Impulsive, elle se fiait beaucoup à son instinct et regrettait parfois de ne pas être en mesure de contrôler ses pensées avant qu'elles ne se matérialisent en actions honteuses. Comme cette fois-là, où innocemment, sur un pur coup de tête, elle avait demandé à un garçon si elle pouvait l'embrasser. Bien évidemment, une heure après, elle s'était morfondue d'embarras. Ce genre de situations se répétait plus ou moins souvent et les conséquences étaient plus psychologiques que réellement graves. Cela faisait partie de son quotidien.
D'un point de vue extérieur, on pourrait penser qu'Ino était folle.
Mais c'était ce grain de folie qui faisait tout son charme. C'était cette joie de vivre puissance dix qui attirait les gens. Être ami(e) avec Ino, c'était gagner un ticket pour une vie pleine de rebondissements, de joie et d'aventures. C'était comme monter dans le wagon d'une montagne russe et être surpris(e) à chaque looping. C'était mettre du piment dans sa vie, tournoyer autour d'un soleil brillant d'espoir, de pensées innocentes et sincères, une étoile bourrée d'énergie positive. Se tenir près d'Ino, c'était se réchauffer mentalement.
C'était laisser la lumière vous baigner et vous envelopper chaleureusement, tandis qu'elle chassait tous les nuages sombres de votre vie.
Elle parvenait à vous faire sentir comme si vous étiez la personne la plus importante et géniale de l'univers. Elle avait le don de vous faire sentir utile et aimé. Elle savait vous montrer qu'elle tenait sincèrement à vous, que vous aviez une place spéciale et que vos tourments, vos peines et vos bonheurs la concernaient. Fougueuse, elle prenait votre parti et se levait pour vous défendre, envers et contre tous. Ino avait ce courage d'affronter la planète entière pour soutenir ses opinions et ses idéaux de justice.
Même acculée, elle n'abandonnait pas ses principes et répondait à ses adversaires qui devenaient minables face à sa détermination raisonnée et intelligente. Même lorsque vous n'aviez plus de foi en vous, lorsque vous aviez perdu votre amour-propre, Ino vous estimait si fort qu'elle vous relevait avec bienveillance et un dévouement sans limite.
Souvent, Ino aimait beaucoup plus qu'il ne fallait. Peut-être beaucoup trop. Son cœur s'attachait à des personnes malhonnêtes, malsaines ou tout simplement indifférentes qui ne méritaient pas son amitié.
Et face à cela, Ino se trouvait plus démunie que n'importe qui.
La trahison était violente, extrêmement douloureuse. Son cœur sincère se réduisait en miettes, lacéré par le vice et la méchanceté. Ino souffrait de ces amitiés non réciproques, jamais rendues avec autant d'amour qu'elle-même consacrait. Elle souffrait doublement puisqu'au lieu de se venger, de nourrir une froide haine envers ces personnes abjectes, elle culpabilisait, se rejetait la faute et refusait de se pardonner. C'était elle qui avait fauté en faisant confiance. Elle devait assumer les conséquences de ses actes. Et tant pis, si cela signifiait pleurer toute seule dans sa chambre loin de tous. Tant pis, si elle affrontait ce flots d'émotions négatives et déprimantes toute seule. Tant pis si elle en souffrait et perdait cette luminosité si particulière. Tant pis si elle mourrait en silence tandis qu'elle faisait bonne figure.
Ino était là pour sauver ; mais qui était là pour la sauver ?
Qui avait les épaules pour supporter une boule d'émotions vives et imprévisibles ? Qui saurait lui vouer une affection à la hauteur de celle qu'elle éprouvait ?
Sai ne se considérait pas comme suffisamment digne pour tenir ce rôle.
Ses propres démons le rongeaient beaucoup trop pour qu'il soit celui qui sauve la princesse de la lumière. Il était plutôt le chevalier des ténèbres, froid, distant, accordant peu d'importance aux autres. La vie l'avait forgé différemment qu'elle n'avait agi sur Ino. Il avait si souvent côtoyé la cruauté et la barbarie des hommes qu'il n'avait jamais cru rencontrer quelqu'un comme la jeune femme.
Ino était unique. Spéciale.
Il sentait une rage monstre gagner son cœur lorsqu'il l'aperçut, effondrée et esseulée. Elle ne méritait pas d'être frappée aussi terriblement par la vie. Il refusait qu'elle se laisse maltraiter.
Soudain, elle prit une longue inspiration et sécha lentement ses larmes. Son courage n'avait d'égal que la grandeur de ses sentiments. Elle affronterait ce drame que la vie avait posé sur son chemin. Sauf que cette fois-ci, Ino ne serait pas seule.
Avant qu'elle ne se relève des escaliers, il apparut devant elle.
Aussitôt, elle afficha un sourire de façade, masquant sa souffrance. Ce subterfuge n'eut aucun effet sur lui puisqu'il lui tendit un mouchoir et une barre chocolatée. La mine surprise d'Ino le fit préciser qu'il avait lu quelque part que le chocolat remontait le moral. Il ajouta qu'il trouvait néanmoins que la quantité de sucre de cette barre était astronomique et inadmissible. Leur lycée devait être tenu responsable pour l'addiction au sucre qu'il favorisait.
Ino le regarda longuement, interdite, de ses grands yeux.
Ses belles prunelles bleues ne dissimulaient plus son chagrin. Démasquée, elle n'avait plus aucune raison de mentir. Et contre toute attente, il entendit un petit rire et la vit sourire. Un vrai sourire. Elle attrapa le mouchoir et la barre chocolatée qu'elle s'empressa d'ouvrir. Elle en croqua un bout sans le quitter des yeux. Il ne comprenait pas parfaitement les émotions d'autrui mais quelque chose lui intima qu'en cet instant précis, Ino était contente. Il avait chassé son chagrin. Et même si c'était temporaire, il y était parvenu. Il était soulagé de voir qu'elle semblait aller mieux. Jusqu'à ce qu'elle retrouve définitivement sa joie de vivre habituelle, il ferait tout en son pouvoir pour chasser les ténèbres qui menaçaient de l'envahir.
Parce que Sai s'était fait une promesse. Il ne laisserait pas tomber la seule personne qui ait daigné lui venir en aide, la lumière de sa vie qui l'avait tiré des abysses inhumains et cruels.
Il n'abandonnerait pas celle sans qui, il ne respirerait pas en cet instant. Ino représentait tout pour lui. Elle méritait toutes les meilleures choses que l'univers avait à offrir et il veillerait à ce qu'elle en profite.
Sai remuerait ciel et terre pour protéger la raison de son existence.
Sa présence ne se faisait jamais remarquer.
Il n'était pas quelqu'un dont les gens se souviendraient s'il disparaissait du jour au lendemain. Simple employé d'une agence de pub, il n'usait pas de la configuration en open-space pour agrandir son cercle social. Au contraire, cela lui faisait encore plus ressentir sa solitude. Les jours se renouvelaient sans que rien ne bouleverse sa vie monotone. Il pointait son badge le matin, le midi et le soir, sa journée n'étant rythmée que par les mails à trier et renvoyer, les recherches à recevoir, compiler et dispatcher le plus rapidement et efficacement possible.
Ce n'était qu'un job qu'il avait pris pour subvenir à ses besoins, n'ayant pas percé dans la photographie, sa véritable passion. Il discutait très peu avec ses collègues, se contentant des salutations de rigueur. Personne ne venait directement s'adresser à lui dans le simple but de converser. Les gens ne lui parlaient que pour le travail et faisaient en sorte que la conversation n'excède pas cinq minutes.
Alors que la femme la plus importante de la société s'avance vers lui et lui demande si son absence de quelques jours ne résultait pas d'un quelconque problème de santé le laissait pantois. D'ailleurs, il pariait que tous les autres employés avaient cessé de respirer, également hébétés. Ce n'était pas fréquent que le mannequin le mieux rémunéré de ces décennies s'adresse directement aux salariés de ses collaborateurs. Eux-mêmes n'osaient pas lever les yeux sur elle, de peur de commettre un impair et s'attirer ses foudres. Son statut et son attitude hautaine semblaient refroidir toute avance même amicale. Et puis, pourquoi un top model internationalement reconnu se préoccuperait de simples employés ? Elle venait pour quelques shootings par mois et repartait dans faire de vagues. Chôji pouvait même compter sur sa seule main droite les fois où elle avait traversé l'open-space.
Alors comment expliquer le fait qu'elle ait remarqué son absence ?
Elle posa ses avant-bras sur la cloison séparant son bureau de son collègue et le regarda, attendant sa réponse. Ébahi, il ouvrit la bouche plusieurs fois sans parvenir à formuler une réponse. Lui apprendre qu'il se sentait légèrement déprimé et qu'il avait profité de cette semaine de congés pour photographier la faune et la flore de la réserve naturelle ? Si cela tombait dans les oreilles de ses collègues, pas sûr que son patron apprécierait. Néanmoins, il ne mentirait pas sur son état de santé. C'était la première fois qu'une personne étrangère à sa famille et son cercle d'amis prenait de ses nouvelles. Mentir ne serait pas correct. Et pour rien au monde, Chôji ne mentirait à cette femme.
Au moment où il s'apprêtait à lui révéler la vérité, sa boîte mail émit un son lui informant de l'arrivée d'un nouveau courriel. Il s'excusa et pensant recevoir un message professionnel, l'ouvrit prestement. Quelle ne fut pas sa surprise de voir un cliché qu'il avait fait de sa meilleure amie à son mariage.
Radieuse, elle était aux bras de son fiancé mais Chôji avait focalisé son objectif de sorte que la beauté et surtout le bonheur de cette femme attiraient irrémédiablement l'œil. Avant même qu'il ne puisse fermer l'onglet, la main du mannequin s'était posée sur son bras, entravant son mouvement. Incertain et surtout s'attendant au pire, Chôji n'osa pas lever les yeux sur elle et se confondit en excuses bafouillées. La jeune femme contourna la cloison et s'approcha de lui, son regard rivé sur le portrait. Ses sourcils froncés ne semblaient guère de bon augure et il se mit à paniquer. Si elle rapportait à son patron qu'il avait malencontreusement fusionné sa boîte mail personnelle et professionnelle, il serait lourdement sanctionné. Il pouvait d'ores et déjà songer à envoyer son curriculum vitae dès ce soir.
Toutefois, à sa grande surprise, la jeune femme se tourna vers lui. Son regard était sérieux mais pas menaçant ni même désapprobateur. Elle avait une autre idée en tête que celle de le faire renvoyer. Il ne sut ses intentions que lorsqu'elle les énonça à voix haute. Ce fut à ce moment qu'il réalisa que tous ses collègues avaient tendu l'oreille pour veiller l'étonnante conversation. Des quintes de toux se firent entendre, des tasses à café gagnèrent le sol, des exclamations de surprise furent étouffées, prouvant que rien ne restait secret dans un open-space. Chôji ne mesurait pas la curiosité de ses collègues tant il était interloqué par la déclaration du top. Sans détour, sans la moindre hésitation, elle avait formulé son intention et n'admettrait aucun refus de sa part.
Elle le voulait comme photographe.
Elle le voulait lui pour faire son prochain shooting.
C'était tout simplement irréel, insensé. Cela tenait beaucoup plus du simple coup de folie ou de chance, c'était un pur miracle. Lui qui n'avait jamais percé dans la photographie, voilà qu'un mannequin reconnu lui faisait l'honneur de la shooter. Et elle ne lui demandait même pas son avis. Elle ne lui laissait pas la faculté de décliner son offre comme si elle pressentait qu'il serait capable, par peur, timidité, manque de confiance, qu'il le ferait. Elle lui forçait la main parce qu'elle devinait qu'il pourrait commettre l'erreur de sa vie.
Son ton arbitraire l'illustrait clairement. Ses yeux or, probablement l'une des raisons de son succès, le fixaient avec détermination. Même s'il bafouillait un non effrayé, elle ferait mine de ne pas l'entendre. Chôji n'avait plus qu'à se plier – pour son bien – aux désirs du top. Elle lui tendit sa main, concluant implicitement et symboliquement leur nouveau partenariat.
Il l'observa, grande, couleur café et manucurée de rouge. Il la devinait raffinée et douce et ce fut l'envie de la toucher qui le poussa à la serrer.
Ce fut ainsi que leur pacte fut conclu, que son sort fut scellé à celui de Karui.
Il leva timidement les yeux sur elle, encore sous le choc de sa proposition.
Chôji ne réalisait pas encore que non seulement sa vie professionnelle venait de prendre un tournant radical mais que Cupidon venait de tirer l'une de ses flèches en plein cœur.
