Disclaimer : on va encore attendre plusieurs années avant la saison 4. Cette fiction est un moyen comme un autre de patienter, pas une tentative de vol de propriété intellectuelle, d'ailleurs je ne gagne pas d'argent avec.

Maman, pourquoi ?

Il y avait quelque part un village isolé, tout près d'une grande vallée. La vie y était tranquille et rien de spécial ne s'y passait jamais. Un jour, une jeune éniripsa était venue s'y installer et les gens ne lui avaient même pas demandé d'où elle venait.

Elle s'appelait Esculapia et ce nom fut la seule information qu'elle donna jamais sur elle. Elle parlait peu mais souriait beaucoup et se montrait toujours prête à écouter les gens qui venaient la voir en consultation. Tout le monde l'appréciait car elle se montrait d'un tact et d'une gentillesse à toute épreuve. A tel point que personne ne s'offusqua quand elle annonça qu'elle était enceinte, qu'elle l'était déjà avant d'arriver en ville.

La petite Enya naquit quelques mois plus tard. C'était un bébé adorable et qui ressemblait à sa mère de façon incroyable. Esculapia l'éleva seule et Enya se mit à aider sa mère dans son cabinet dès le plus jeune âge. Celle-ci lui apprenait le nom des plantes qui guérissent ainsi que les mots qui soulagent. Mère et fille s'adoraient et Enya pensait qu'elle menait la plus belle des vies, qu'elle ne voulait absolument rien changer.

Cependant, quand Enya eut douze ans, sa mère se mit à faire des cauchemars étranges. Elle se réveillait toute couverte de sueur et quand sa fille se précipitait à son chevet, elle répétait toujours la même chose : « ce n'est rien, ma petite chérie. Va te recoucher. » Enya s'inquiétait beaucoup. Elle tenta à plusieurs reprises de convaincre sa mère de lui décrire ses cauchemars, en vain. Elle essaya même de trouver un amoureux à sa mère dans l'espoir qu'elle se confie à lui. Cette tentative fit rire Esculapia, et en même temps elle la toucha énormément car Esculapia ne voulait pas d'une relation amoureuse. Elle avait sa fille et son métier, cela lui suffisait pour la rendre heureuse.


Deux années s'écoulèrent. Un jour, la mère et la fille eurent vent d'une épidémie qui ravageait la ville la plus proche et décidèrent d'un commun accord de se rendre sur place pour aider. Ces gens avaient besoin d'aide, et de toute façon, Enya était maintenant assez grande pour faire sa part dans sa première épidémie.

C'est ainsi qu'Enya découvrit sa première ville. Elle resta stupéfaite en voyant l'état de désolation et les croix noires qui marquaient les portes des maisons contaminées. Surtout, elles ne pouvaient pas marcher dans la rue sans être abordées par des gens qui les suppliaient de soigner une mère, un frère, une amie… La mère et la fille travaillaient du matin au soir, avec souvent pour seul salaire une miche de pain ou une pomme, parfois même juste un sourire. Se faire payer d'un énutrof relevait de l'exploit et les deux éniripsas ne pensaient même pas à demander de l'argent.

- Dis-moi, demanda un soir Enya à sa mère, il t'arrive de prier la déesse ?

- Des fois ! répondit Esculapia. Mais en ce moment, on a tellement de travail que je n'ai même plus le temps de prier.

- Je ne comprends pas. Eniripsa est la plus gentille et la plus charitable de toutes les déesses et dieux du Krosmoz, non ? Pourquoi ne fait-elle rien pour stopper cette épidémie ?

- Elle le fait, ma petite chérie. Elle nous a donné cette merveilleuse magie qui nous permet de faire taire la douleur et de ramener la santé. C'est un don précieux, tu sais ?

Enya comprenait parfaitement mais en même temps, elle trouvait injuste que les dieux s'intéressent aussi peu aux affaires des mortels.


Plusieurs semaines s'écoulèrent. L'épidémie recula et Enya commençait à retrouver la foi. Il n'y avait rien de plus merveilleux que cette joie dans les yeux des patients, quand ils lui attrapaient la main et lui disaient : « merci de m'avoir guéri ».

Et puis, un jour, Esculapia disparut.

Elle ne prévint personne. Elle demanda juste à sa fille d'aller acheter du pain pour le repas du soir. Le boulanger, dont elles avaient soigné la fille deux jours plus tôt, insista pour leur donner du pain gratuitement, ce qui fit râler l'énutrof qui attendait derrière elle dans la file. Ensuite, Enya rentra dans leur petit logement et trouva une lettre sur la table. Elle l'ouvrit et lut :

« Ma petite chérie, il faut que je m'en aille pour le moment. Tu ne me verras pas avant un moment. Je t'aime mais je ne peux pas faire autrement. Tu es très forte et courageuse et tu es la meilleure fille que j'aurais pu souhaiter d'avoir. Quand tu en auras fini, rentre à la maison et attends-moi. Je t'aime. Ta maman. »

Enya éclata d'un rire nerveux. C'était forcément une blague. Sa mère ne pouvait pas l'abandonner comme ça, cela ne lui ressemblait pas ! Elle n'avait que quatorze ans ! Voyons, c'était un cauchemar, elle allait se réveiller !

Mais les heures passaient et sa mère ne revenait pas. Elle ne revint pas plus les jours suivants et Enya dû continuer de soigner les malades sans elle. Enfin, quand l'épidémie fut considérée comme enrayée, elle fit le tour des maisons, demanda aux gens de la prévenir s'ils avaient des nouvelles de sa mère et rentra dans son village natal.

Ce ne fut qu'une fois sur place que la jeune éniripsa se souvint que sa mère tenait un journal. Dévorée par la curiosité, elle s'installa dans sa chambre et se promit de ne lire qu'une page ou deux, juste ce qu'il fallait pour savoir où Esculapia était partie.

Je continue à faire ces cauchemars et je commence à comprendre. Ce ne sont pas des cauchemars. Ce sont des souvenirs. J'étais là quand Osamodas et les autres dieux et déesses se sont unies pour régner sur cette planète.

Enya éclata de rire. Sa mère avait perdu la tête ! Elle n'avait pas plus de quarante ans, elle n'avait pas pu assister à la création de ce monde ! A la fois amusée et inquiète, elle lut un autre passage.

Mes pouvoirs de guérisseuse sont de plus en plus puissants. Je peux repérer un rhume à des dizaines de mètres. Ce n'est pas normal.

Et si Enya se doutait de quelque chose ? Être la fille d'une déesse, ça pourrait lui monter à la tête !

Ma petite Enya chérie… Je ne sais pas comment lui proposer de soigner ce furoncle.

Enya resta stupéfaite, puis lança le journal à travers la pièce. Trois mois plus tôt, elle s'était retrouvée avec un gros bouton dans un endroit qu'on ne montre pas à sa mère et elle n'avait pas osé lui en parler par délicatesse. Sa mère n'avait pas pu le savoir à moins d'avoir des pouvoirs dignes d'une déesse. Elle était la fille de la déesse Eniripsa !

Bon, passé le premier choc, c'était plutôt agréable d'être la fille d'une divinité. Tout cela expliquait même pas mal de choses, comme leur grande taille à toutes les deux ou le fait que personne n'avait jamais réussi à rester en colère contre sa mère plus de vingt secondes. Mais si sa mère était la plus gentille et la plus altruiste des déesses et des dieux, pourquoi l'avait-elle abandonnée , elle, sa propre fille?!

Enya posa le journal et décida de se faire à manger. Sûrement, Esculapia allait rentrer dans un jour ou deux et tout rentrerait dans l'ordre.


Les jours passèrent, puis les mois. Enya gérait le cabinet toute seule et s'en sortait très bien. Le gros problème, c'était la façon dont tout le monde la regardait et murmurait dans son dos. Ils avaient pitié d'elle, cette pauvre petite malheureuse qui avait été abandonnée par sa maman. Ou alors, ils pensaient qu'elle ne serait jamais une aussi bonne guérisseuse qu'elle.

Un soir, Enya fut prise de nausée en regardant autour d'elle. Les murs blancs, les rideaux roses, les motifs de cœurs un peu partout, tout lui rappelait sa mère adorée. Même le reflet du miroir était celui d'une version plus jeune d'Esculapia, avec ses cheveux blancs comme neige et ses ailes transparentes. Un jour, elle lui ressemblerait comme deux gouttes d'eau.

La jeune fille décida alors qu'elle avait trop attendu. Sa mère ne reviendrait jamais, il faudrait qu'elle trouve quelqu'un d'autre pour l'aimer. Elle attendit la nuit, enfila une robe noire et se teignit les cheveux en noir corbeau. Ensuite, elle mit le feu à la maison et se sauva, le cœur battant. Les gens croiraient qu'elle était morte dans l'incendie. Après avoir couru longtemps, elle se trouva en pleine campagne, seule, sous la lumière des étoiles.

- Maman ! cria-t-elle. C'est ta dernière chance ! Si tu ne viens pas me chercher, je coupe tout !

Elle attendit une minute ou deux, puis, comme rien ne se passait, elle sortit un scalpel de sa poche et étendit le bras vers le haut de son dos.

- Maman ! répéta-t-elle. Reviens ou c'est fini ! Tu m'entends ? Fini !

Comme Esculapia n'était toujours pas là, elle serra les dents et se trancha les ailes.

Cela ne fit même pas mal mais Enya ne put s'empêcher de pleurer. Cette fois-ci, elle avait vraiment coupé les ponts avec sa mère.

A suivre…