Du bout des doigts, tu frôles les pages jaunies et froissés de ce livre. Tu l'ouvres et commences l'histoire de cette petite fille qui regarde, de ses beaux yeux vert émeraude, le monde avec émerveillement, qui croit en la magie, aux fées, à la beauté du monde, au prince charmant.
Et puis, les pages défilent, et cette petite fille a bien grandi. Elle a abandonné l'idée que le monde est beau et son rêve de prince charmant est tombé à l'eau.
Les fées ? Elles existent. Elle en est persuadée même si elle ne les a jamais vues. Et puis la magie, encore maintenant, elle y croit. La magie existe et c'est bien la seule chose en laquelle elle croit encore. Parce qu'au fond d'elle-même, cette magie la consume et la fait vivre.
Tu tournes une page de plus, l'histoire continue. Et comme dans chaque histoire digne de ce nom, une nouvelle péripétie est écrite, faisant apparaître le beau Prince charmant, romantique, intelligent et drôle. Mais là encore, il faut compliquer l'histoire.
Le prince charmant, est là c'est déjà ça ! …Cependant, si la princesse tombe immédiatement dans ses bras, l'histoire n'a plus aucun attrait,…alors on va cacher le prince charmant derrière un faux visage, une allure fière et arrogante pour l'éloigner de la princesse, comme ça le beau prince Charmant n'en fait qu'a sa tête, et bouleverse l'histoire
Bon après il faut qu'il montre à sa princesse son vrai visage, sinon pas d'histoire d'amour, alors c'est comme cela qu'il va naître !
Rah ! Mais tout ça c'est mièvre, trop niai pour être bien alors on rajoute des obstacles que l'héroïne, bien évidemment, évincera malgré tout grâce à sa force intérieure, une magie qui la consume et lui donne le courage de se battre.
L'histoire avance, les pages se tournent, la petite fille a bien grandi, mais à la magie, elle y croit encore. Au fil des pages, elle a découvert l'existence des fées, elle les a même vu ! Alors elle persiste à y croit encore plus fort que lorsqu'elle regardait le monde du haut de ses onze ans.
Elle a trouvé la beauté du monde dans le plus noir des Enfers, et puis à son prince charmant, elle a offert le plus cadeaux que l'on puisse faire à la personne que l'on aime, un enfant.
Mais l'histoire continue encore, alors il faut sortir le grand jeu, l'atout qui pimente toujours l'intrigue, LE MECHANT.
Pas un méchant tout simple, non, il en faut un bien, un grand méchant qui peut –et qui va !- détruire toute la beauté de la Terre. Un méchant qui démoli des vies comme les termites démolissent les charpentes en les rongeant. Un méchant pour qui le mal est le seul credo et qui ne croit qu'en ça. Un vrai méchant qui ne ressent rien, et qui ne connaît pas la signification du mot amour !
Comme dans toute histoire les gentils débarquent, combattent le méchant de toutes leurs forces, mais pas assez vite ! Le mélodrame s'impose. La dernière page du livre se dessine. Faute de temps, les gentils sont obligés de bâcler la fin du livre, essayant jusqu'à la fin d'installer une paix fictive et instable là où, dans toutes les histoires est écrit « ils vécurent heureux et eurent beaucoup d'enfants ». Sauf que voilà, arrivé à la dernière ligne, on se rend compte que la vie feuilletée aux bouts de ces pages n'est pas un conte de fée alors pourquoi devrait-elle se finir bien comme dans toutes les autres histoires ?
Alors l'histoire se finit, la magie qui la faisait vivre à tout détruit, les fées ont disparues, englouties par les Ténèbres. Le grand méchant est revenu, il a tué la beauté du monde, l'a rendue triste et monotone. Le grand méchant, encore et toujours lui, veut se venger des gentils qui lui ont mené la vie dure, en utilisant la magie puissante de l'enfant de la belle et du prince charmant.
Le vrai rôle du prince Charmant commence maintenant. Lui qui a bravé les montagnes pour pouvoir atteindre la tour où est retenu sa princesse, Lui qui s'est accroché à Elle . En fin de compte, les masques sont tombés, ils se sont découverts, Elle s'est enfin offerte à lui et le prince, sur sa vie, a juré de protéger sa Belle.
Il à réussi sa mission, il a tenu sa promesse même si son sacrifice n'a rien changé.. Alors, même si sur la dernière ligne, il n'y a pas écrit que le prince charmant et sa belle vécurent longtemps, à défaut, il y a qu'ils vécurent heureux car leurs cœurs battaient l'un pour l'autre. Malgré tout, malgré les ténèbres.
Tu refermes l'épais ouvrage poussiéreux, les feuilles froissées et jaunies par le temps que les jeunes mains ont feuilleté encore et encore car, même si la fin n'est pas conventionnelle, l'histoire se finit bien, à sa façon.
