La nuit étendait son grand manteau noir sur l'Angleterre, et il ne restait que les timides couleurs dorées du ciel à l'horizon pour témoigner de l'existence du soleil. Les torchères allumées dans les couloirs des cachots éclairaient à peine les pierres du château, on aurait presque dit qu'elles ne servaient qu'à souligner les ténèbres ambiantes. Et dans ce décor macabre, Severus Snape marchait d'un pas rapide, ses sombres robes tournoyant dans son sillage, vers ses appartements.
Il venait de passer une terrible journée, et son humeur cadrait parfaitement avec l'ambiance de la soirée : Noël à Poudlard, il n'en pouvait plus.
Une fois sa porte ouverte, et soigneusement refermée et barricadée de sortilège de défenses, derrière lui, il jeta au loin le bonnet rouge et blanc qu'Albus lui avait collé de forces dans les pattes –ou plutôt dans ses cheveux graisseux. Il avait la ferme intention de le jeter dans les flammes de la cheminée, tôt ou tard. Mais avant tout, il avait terriblement besoin de se détendre, et d'essayer d'oublier les horreurs qu'il avait dû affronter pendant toute la journée.
Il ne ressortit de sa salle de bain privée qu'une bonne demi-heure plus tard, avec une serviette nouée autour de la taille. Il était maintenant prêt à allumer un feu de joie dans la cheminée, mais il tombe nez à ficelle avec un paquet cadeau ROUGE GRYFFONDOR étendu sur le maudit bonnet, à SA place, sur SON fauteuil… Il faut croire que certaines, ou certaines choses mais c'est tout comme, se croient vraiment tout permis !
Severus s'assit, et posa le délinquant sur ses genoux. C'était un cadeau de Dumbledore, sans aucun doute, il semblait bien plus dangereux qu'un cadeau offert par le Schtroumpf farceur. Après l'avoir longuement interrogé du regard, il se dit qu'au pire, c'était des chaussettes et qu'au mieux, c'était des chocolats à la liqueur. Et Merlin, il aurait bien besoin de l'aide d'un peu d'alcool pour oublier ces festivités !
Avec moult précautions, il libéra l'offrande de son enveloppe décorative et découvrit… une chose innommable. Le tissu était doux et chaud dans ses mains, et semblait plutôt agréable à porter, mais bon sang, pourquoi ces couleurs pastel ? Il lui fallut déplier entièrement le vêtement pour se rendre compte que Dumbledore lui avait offert un pyjama d'un goût douteux !
Il lui fallut encore quelques minutes de méditations métaphysiques, avant que la curiosité ne prenne le dessus. Il laissa tomber sa serviette au sol, et enfila ledit pyjama. Aussitôt, il entendit des coups à sa porte.
« Merlin, pourquoi vous acharnez-vous ? »
.oOo.
Harry n'arrivait pas à dormir. Il faisait toujours les mêmes cauchemars, et était toujours assailli par les mêmes visions de Voldemort, de lumière verte, du cri de sa mère et de la vision du corps de Cédric et de celui de Sirius, morts. Il se retrouvait à fixer les rideaux de son lit, tout en écoutant les ronflements de ses camarades.
Il avait pris pour habitude de sortir sa cape d'invisibilité et de se promener dans le château en attendant que la fatigue, ou Rusard, vienne le chercher. Il n'avait que peu de considérations pour le couvre-feu et le règlement, évidemment.
Etrangement ce soir-là, ses pas l'avaient conduit jusqu'aux cachots. Cela lui arrivait parfois, assez souvent en fait, même s'il n'y prêtait pas vraiment attention. Il refusait d'admettre la raison qui le poussait à venir fureter dans les tréfonds de Poudlard.
Un bruit de pas se faisait entendre, il était faible, il se rapprochait rapidement, et les échos s'en firent de plus en plus intenses. Harry se glissa dans l'ombre d'une alcôve par mesure de sécurité et vit débarquer Dumbledore, avec un air très concentré et un drôle d'appareil à la main. Harry était intrigué, sa légendaire curiosité de Gryffondor le piquait davantage d'un essaim d'abeilles, mais il était trop loin et il faisait bien trop sombre pour qu'il puisse voir plus clairement ce qui se tramait.
Le Directeur s'arrêta devant un tableau, qui semblait mettre tout en œuvre pour paraître endormi. « Mon cher Salazar, voulez-vous bien m'apporter votre aide pour une affaire urgente ?
- Je ne pense pas, non, jeune Gryffondor– »
Dumbledore l'interrompit immédiatement. « Si vous ne vous souvenez même plus que je ne suis plus élève de cette école, mais que j'en suis le directeur, alors je ne pense pas que vous vous souveniez de ce qui s'est passé ici la semaine dernière avec la Grosse Dame du septième étage, ni quels désagréments pourraient vous causer la parution de quelques photos en face du portrait du Chevalier de Catogan… ? »
Le portrait, qui avait eu l'air très assuré et méprisant durant toute la conversation, vira tout à coup au renfrogné et au contrarié d'un adolescent pris en faute.
« Très bien, Monsieur le Directeur. Qu'est-ce que vous voulez ? »
Dumbledore lui faisait du chantage ! Qui l'eut cru ?
« Prévenez-moi simplement lorsqu'il sera habillé. »
Le portrait disparut alors pour ne revenir que quelques instants plus tard, il n'eut pas le temps d'ouvrir la bouche, que Dumbledore toqua et poussa vivement le tableau, laissant le passage, la porte, grande ouverte.
Si bien que Harry pût voir toute la scène.
.oOo.
Dumbledore arma son appareil photo aussitôt qu'il pénétra dans les appartements du Maître de Potions, et il put donc photographier, la mine surprise et vêtu en tout et pour tout d'un Kigurumi éléphant.
Snape essaya bien de récupérer l'appareil, mais Dumbledore l'avait déjà caché dans sa robe, avec un grand sourire digne du chat d'Alice au pays des Merveilles. Il était immédiatement parti dans un immense fou rire, et se tenait les côtes.
« Vous n'êtes vraiment qu'un gamin, Monsieur le Directeur. Je me demande vraiment comment vous avez fait pour obtenir votre poste ! C'est de la violation de vie privé, vous devez me rendre cette photo Albus ! »
Celui-ci ne s'était toujours pas remis de ses émotions. Severus soupira et se pinça l'arrête du nez. Il n'était certainement pas près de se détendre ce soir. C'est alors qu'il crut sentir quelque chose, au bout du couloir caché dans un coin d'ombre. Il avait déjà ressenti cela plusieurs fois dans les couloirs de Poudlard la nuit et avait une petite idée de ce dont il s'agissait. Ces derniers temps, il avait très souvent cette impression quand il faisait ses rondes dans les couloirs des cachots.
Il se dépêcha de foutre Albus à la porte, tout en fusillant le portrait de Serpentard du regard. Le vieux semblait être un peu déçu que sa blague n'ait pas eu l'effet escompté sur son employé. Il comptait le dérider un peu, ce gamin avait le tiers de son âge et menait une vie ascétique des plus inconvenante, il était plus pur qu'un moine dans un monastère.
Dès que le Directeur fut parti, Harry se sentit un peu comme… un petit mulot, tout petit, face à un grand, très grand serpent à l'air pas franchement commode.
Snape le fixait, et s'approchait de lui. Lentement. Mais sûrement. Harry était pétrifié, à tel point qu'il ne respirait même plus. Il ne pouvait pas le voir, n'est-ce pas ?
« S'il vous plait, Merlin, soyez cool avec moi, pour une fois au moins… pria très fort Harry. »
Severus, quant à lui devait se concentrer. Sa proie ne faisait presque plus de bruit, ni aucun mouvement, et il ne percevait plus sa respiration. Mais elle avait peur, et l'odeur de la peur encrassait l'air dans tout le couloir, le prenait à la gorge et… d'accord, rectification réaliste : il entendait juste les battements totalement affolés de son cœur.
Il tendit la main en avant et saisit la cape de Harry qu'il fit tomber à terre.
