« Pendez-moi Docteur ! Pendez-moi ! »
Mathieu n'avait jamais été aussi sérieux de toute sa vie. Il n'avait plus de raison de vivre, plus aucune. Même les quelques relent de courage du Patron n'arrivaient pas à lui faire changer d'idée, et même pire provoquait de plus grosses migraines.
La tête dans les mains, la mâchoire serrée, le désir d'en finir, le cœur en berne, le souffle court, le jeune homme ne vit pas le Docteur partir, il n'entendit pas la porte se refermer sur lui, le laissant seul dans sa tristesse et sa colère.
Quatre années, quatre années de folie, de vent, de schizophrénie. Pas de Geek, pas de Patron, pas de Hippie, pas de Panda, pas d'Hérétique, pas de Fille, pas de Prof. Seulement lui et sa folie, des gens dans sa tête, des dédoublements que seul lui pouvait voir imaginer, que seul lui pouvait contrôler. Seulement lui.
Toute sa raison d'être venait de disparaitre, engloutie par les médicaments, par la réalité par les mots du docteur, par la claque qu'il venait de se prendre.
Il n'était rien. Rien qu'un fou enfermé dans un appartement. Rien qu'un petit homme que l'on utilise comme cobaye depuis des mois et des années. Un rat de laboratoire. Rien de plus.
Les larmes dévalaient sur son visage, il les sentait à peine couler mais ses mains étaient humides, et sa gorge nouée.
Pendez-moi.
Avec ses dernière forces Mathieu se leva, contempla une dernière fois ce décor qui l'avait si vaillamment accompagné durant toutes ses vidéos. Il revit le Geek serrer les peluches, le Hippie écraser ses joints sur le meuble, le Patron…non il ne voulait pas repenser aux actes que le criminel avaient commis sur ce lieu.
Et puis la migraine revenait, toujours plus forte, toujours plus dure, l'obligeant à ne plus penser à ces êtres. L'obligeant à redevenir un homme lambda, sans personnalités.
Pendez-moi.
Se dirigeant à petit pas, Mathieu visa là où il voulait aller, sachant que personne ne le retiendrait ignorant sûrement que dehors des gens étaient prêts à l'aider.
Il visa le meuble de la cuisine, celui où il rangeait ce qui ne servait jamais mais qui était pourtant bien là. Il ouvrit lentement la porte du placard et sourit. Elle était là. Dorée. Epaisse. Solide. Meurtrière. Suicidaire.
Son contact rêche entre ses doigts, Mathieu revint dans le salon, saluant la caméra installé dans le coin à son insu. Des heures sur internet l'avaient, sans le vouloir, entrainé sur des sites où les nœuds étaient une spécialité. Un soir de nuit blanche il s'était entrainé, au cas où.
Pendez-moi.
Il fit glisser le tout autour de son cou, presque sans trembler.
Pendez-moi.
Il savait ce qu'il faisait. De toute façon il n'avait plus que ça à faire. Tous les autres étaient partis, le laissant seul.
Pendez-moi.
Il monta sur la chaise, se maudit une dernière fois d'être aussi petit et de galérer même pour se tuer.
Pendez-moi.
Et il respira. Une grande goulée d'air frais.
Pendez-moi.
Il était fou. Il avait compris. Il était malade. Seul et malade.
Pendez-moi.
La chaise bascula dans un bruit mat.
Pendez-moi.
Ses dernières pensées furent : « Pour vous servir. »
