Me voilà enfin avec ce bonus à ma fic Between live and survive qui traine dans mes fichiers depuis octobre dernier et que je me suis bottée les fesses à terminer dernièrement! Au départ, il s'agissait de l'histoire de mon personnage sur un forum RPG TWD que j'étais en train de construire avec mon fidèle comparse El Cookie. Le projet du forum a été laissé de côté pour diverses raisons, mais étant donné l'ampleur (environ 35p!) de l'histoire du personnage qui était à 99.9% la Milie de ma fic, j'ai décidé de réutiliser le tout -ce qui aide à ne pas pleurer en se disant qu'on a écrit tout ça pour rien XD- en apportant les quelques modifications qui ferait coller ce que j'avais écrit à la réalité de ma fic.
Il s'agit donc de certains passages de la vie de Milie sous forme de courts chapitres (ou plutôt des scènes) remontant jusqu'à la petite enfance, mais principalement axés sur comment la miss a vécu l'épidémie avant de rencontrer le groupe d'Atlanta.
Il n'est pas nécessaire d'avoir lu la fic principale pour comprendre ce bonus, mais je crois qu'à moins de suivre la fic, ce bonus n'est pas d'un grand intérêt. Quelques éléments évoqués ici pourraient néanmoins vendre certains spoilers de la fic, ce pourquoi je conseille d'avoir au minimum lu les 15 premiers chapitres de Between live and survive avant de lire ce complément.
Ce bonus ne fait absolument pas mention des personnages de la série et sera publié en trois parties plus ou moins égales. Je devrais étendre la publication du bonus sur plus ou moins une semaine, je verrai le laps de temps que je déciderai de mettre entre les parties, mais je ne souhaite pas faire trainer la publication en longueur, rassurez-vous ;)
Je remercie Eponyme pour sa correction, comme toujours!
Et maintenant, place à Milie! Est-ce que certains mystères entourant la miss seront éclairés? Vous pourrez me dire ça après votre lecture! :p
PARTIE 1
CHAPITRE 1 – ADIEU MAMAN
« Est-ce que maman va revenir? »
La fillette de trois ans leva son petit nez rose vers le visage fermé et incroyablement triste de son père. De ses doigts, elle arrivait tout juste à faire le tour du pouce du sergent-chef en deuil. Comment expliquait-on à une enfant de cet âge que non, sa mère ne reviendrait pas? Que lorsqu'elle l'avait vue, allongée dans cette boite, c'était la dernière fois qu'elle avait eu l'occasion de poser les yeux sur celle qui lui avait donné la vie. Nathan Collins était incapable de trouver les mots, mais il devait tout de même répondre quelque chose. Il était son père. Il se devait d'avoir toutes les réponses.
« Non ma puce, c'est plus que toi et moi maintenant. »
Ainsi, son père devint tout ce qu'elle avait. Au fil des jours, la petite comprit ce que voulait dire non lorsqu'il signifiait non pour toujours. Sa mère ne revint jamais et au bout d'un certain temps, ce visage de femme bienveillante sur les photos devint peu à peu celui d'une étrangère qu'on a l'impression d'avoir connu dans un rêve. Quelques grands sages trouveront à dire qu'il s'agissait là d'un mal pour un bien. Que sans cette perte, la jeune Emilie ne serait pas devenue la femme qu'elle était appelée à être. Que sans ça, elle aurait été incapable d'affronter les événements que le sombre destin réservait à l'humanité.
CHAPITRE 2 – JOUER À LA POUPÉE, NON MERCI!
« Em' combien de fois je t'ai dit que se battre avec les autres enfants était interdit? »
Son père était en colère. En colère parce qu'elle s'était défendue contre un idiot et qu'elle l'avait rendu encore plus idiot en gagnant! Les garçons détestaient qu'une fille les batte. Mais Milie s'en fichait royalement. Elle savait au fond d'elle qu'elle avait eu raison d'agir ainsi.
« Thomas est stupide! Il a pas voulu que je joue avec eux parce que le gendarme et le voleur, c'est pas un jeu pour les filles. »
Mais jouer avec les autres filles ne l'intéressait pas. Elle préférait se rouler dans la boue, jouer aux explorateurs et apprendre à pêcher avec son père. Tenir un poisson dans ses mains, c'était dégoûtant, mais tellement cool en même temps! Les poupées, c'était tellement ennuyant comparé à ça! Et la seule raison à ça? Les poupées, Milie avait vite compris que son père n'y jouerait jamais avec elle.
Nathan avait soupiré à sa réplique, désespéré. Désespéré de quoi? Du caractère impétueux de sa fille ou alors qu'elle arrive toujours à se donner raison rien qu'avec une phrase? Du haut de ses sept ans, elle n'avait hélas aucun effort à faire pour l'amadouer. Qu'en serait-il à quinze ou seize ans lorsqu'elle réaliserait le pouvoir qu'elle avait sur son paternel?
« Et après lui avoir fait mal, il a voulu jouer avec toi? » demanda le militaire de carrière en redoutant déjà la réponse.
« Non, il est parti voir sa maman en pleurant. Mais après, les autres ils ont pas dit non à ce que je joue avec eux! »
Était-ce étonnant? Pas du tout. Cette gamine avait le diabolique talent de toujours arriver à ses fins, ou à tout le moins de le faire paraître comme tel. Cependant, la faute ne pouvait pas rester impunie. Elle avait mal agi en utilisant la violence de cette manière. Ce qu'il cherchait à lui montrer, c'était être en mesure de se protéger, se défendre toute seule au besoin parce qu'il était souvent absent, mais ça ne devait pas servir à régler la moindre petite embuche aussi risible qu'une querelle d'enfants.
« Très bien, tu es privée de peinture jusqu'à la fin du mois comme tu refuses d'admettre tes fautes. »
La fin du monde, il y eut droit jusqu'à la fin du mois, ça oui, mais Nathan tint sa punition jusqu'au bout. La plus immonde, la plus cruelle, la plus affreuse des punitions qui pouvait exister sur terre et c'était bien pour ça qu'il avait choisi la grande passion de sa fille en guise de châtiment. Elle devait apprendre à admettre ses erreurs, à s'excuser, mais aussi à contrôler son caractère impulsif qui bifurquait un peu trop aisément vers la violence. Ce n'était certes rien d'alarmant encore, mais le marine préférait couper court à cette tendance avant qu'il n'arrive quelque chose de grave.
CHAPITRE 3 – QUAND LA BELLE EST AUSSI LE CLOCHARD
« Mais sur quelle planète tu vis?! »
C'était une question que lui posaient souvent ses amies. Des amies, Milie n'en avait pas des tonnes, elles se comptaient sur les doigts d'une main. Et comme Nadia venait de le faire brillamment remarquer, elles ne la saisissaient qu'à moitié. Les sorties au cinéma, faire les boutiques, parler des garçons, des cours, des derniers ragots, tout allait bien jusque-là. Mais lorsqu'elle racontait ses week-end où son père l'isolait du reste du monde pour du camping sauvage ou quand il lui ordonnait presque de se changer en assistant-mécanicien pour l'aider à effectuer un simple changement d'huile, elles ne pouvaient pas comprendre comment Milie faisait pour apprécier ces moments.
En fait, elle ne les appréciait pas toujours. À dix-huit ans, on avait parfois plus envie de sortir à des fêtes plutôt que d'aller se perdre en forêt pour se faire dévorer par d'énormes moustiques et trouver des alternatives hypoallergéniques au papier toilette. Cependant, ces côtés désagréables avaient la lourde contrepartie de lui permettre de passer du temps avec son père. Un temps qu'elle estimait de meilleure qualité que s'ils étaient seulement allés manger au restaurant en tête à tête pour qu'elle ait le loisir de retrouver ses amis tout de suite après. Dans ces moments-là, ce n'était plus qu'elle et lui – et parfois oncle Ray lorsque celui-ci avait envie de faire partie d'une famille le temps d'un week-end. Ils avaient alors l'occasion de parler d'un tas de choses que Milie ne confierait pas à son père autrement. Des choses que normalement, elle dirait à la mère qu'elle n'avait plus depuis longtemps. Cette fois-ci, Nadia ne comprenait pas ce qui avait été plaisant d'une journée dans un stand de tir à apprendre le maniement d'un pistolet et à viser juste.
« Définitivement celle où Milie fait des trucs trop cool avec son vieux! » s'exclama un jeune homme un peu plus âgé. « Dis, la prochaine fois, je pourrai venir? »
Milie lui avait souri en haussant les épaules. Les activités père/fille étaient du domaine du sacré et la demoiselle se doutait bien que son papa adoré n'était pas encore mentalement préparé à voir un garçon s'immiscer entre lui et son bébé.
CHAPITRE 4 – QUI PERD GAGNE
« Par un beau jour d'été,
Confi, petit pot de confiture orangé,
S'en allait promener,
En quête d'être aimé! »
N'ayant que plus ou moins porté attention aux paroles de ce chant qui s'élevait dans l'aire passante, Milie dut se mettre soudainement à jouer des coudes pour se frayer un chemin au milieu de l'agglomération d'étudiants. Il n'y avait rien d'urgent en soi, mais elle comptait mettre la moindre minute disponible à son horaire pour travailler sa prochaine toile. Cette école d'arts était réputée et la compétition était féroce pour ceux qui tenaient à se démarquer. Seulement voilà, il devait se passer un truc fort intéressant pour que les étudiants s'entassent de la sorte. La curiosité étant un vilain défaut dont la demoiselle souffrait depuis toujours, elle choisit de s'enfoncer dans la foule pour connaître la raison de ce rassemblement moqueur. Moqueur oui, parce que les rires fusaient un peu partout.
« Milie! Milie, viens voir! »
Elle scruta la foule autour d'elle à la recherche de cette voix qui venait de l'interpeller et lorsqu'elle reconnut un camarade de classe qui lui faisait de grands signes de la main, elle se mit en quête de le rejoindre. Une fois fait, celui-ci pointa le fameux centre d'intérêt tout en riant.
« Regarde-moi ce clown! »
Détaillant le clown en question, Milie eut immédiatement un éclat de rire. Un homme dans la mi- vingtaine, armé d'une ridicule petite guitare à quatre cordes verte fluo, se trémoussait l'arrière-train sous le rythme de sa musique. Si déjà, la chose était plutôt rigolote à voir, elle l'était d'autant plus du fait qu'il ne portait qu'un caleçon et un chapeau de paille – qui n'arrivait pas à masquer le désordre de la tignasse faussement blonde, du moins Milie la jugea fausse avec la barbe de deux jours d'un brun froncé, du protagoniste. Et, ici, on ne comptait même pas les paroles qui accompagnaient la musique et la danse.
« Triste, mais vrai!
Confi avait perdu ses lacets,
Mais aussi son appétit.
Voyez-vous mes petits amis,
Confi était confus!
Car son âme sœur,
Belle comme un cœur,
N'était rien de moins… que… que… je ne sais trop quel truc zarbi qui finit en uuuuuu!»
Ce fut sous quelques huées quant à son final que l'artiste s'inclina pour clôturer son spectacle. Rapidement, les étudiants se dispersèrent, reprenant le courant de leur vie comme si rien ne venait de se produire. Milie s'approcha plutôt du musicien qui avait fini d'attirer l'attention, sa curiosité loin d'être étanchée par ce qu'elle venait de voir.
« Qu'est-ce que tu penses d'un zébu? » proposa-t-elle.
Le jeune homme, qui replaçait son chapeau de paille, demeura inerte au milieu de son geste pendant quelques secondes, clignant seulement des yeux cinq ou six fois dans ce laps de temps.
« Que c'est absolument fantasmagorique comme rime! Et que t'es en retard de deux minutes pour me la souffler. Pour la peine, je réduis ton salaire de quinze pourcents. Tu te rends peut-être pas compte, mais je viens de passer pour un idiot devant tout le monde à cause de toi! »
« Et c'est ma faute, bien sûr, rien à voir avec le chapeau et le pas de pantalon » s'amusa-t-elle sans pouvoir se retenir.
« Absolument rien à voir! » assura l'inconnu.
« Alors pourquoi l'absence de pantalon? »
« Oh, rien d'exceptionnel, une histoire de pari. Longue histoire, en fait, que je pourrais peut-être te raconter si t'acceptes de m'accompagner pour boire un café. »
Milie le dévisagea, cherchant à savoir où s'arrêtait le gag et où commençait la réalité, mais elle fut incapable de déceler cette ligne. Sa curiosité s'attisa davantage. Quel genre de garçon pouvait agir comme ça après trois secondes de conversation?
« Ouais, pourquoi pas » finit-elle par répondre. « Mais à une condition. »
« Laquelle? »
« Que tu mettes un pantalon. »
« Pffff, mais les vêtements c'est d'un surfait! » s'exclama-t-il en se mettant en route vers le bâtiment le plus près.
« C'est la condition » insista Milie en se retenant de rire.
« Très bien, vile impératrice du mal, en bon valet que je suis, je me soumets à votre volonté… … même si ça reste surfait! ... … … Mais je peux garder le chapeau? » demanda-t-il après un court silence.
« Si tu veux, mais ça coûtera le port du t-shirt. »
« Tssss, t'es vraiment une bête en négociation. »
« Merci. »
« C'était pas un compliment!... … Au fait, je m'appelle Noah. »
« Emilie. »
« Dis-moi donc Emilie… »
« Hum? »
« C'est quoi zébu? On dirait une marque obscure de boisson énergisante. »
Le rire franchit cette fois-ci la barrière de ses lèvres sans qu'elle n'arrive à le retenir. Elle n'avait pas besoin d'une seconde supplémentaire passée en sa présence pour comprendre qu'elle venait de tomber sur un sacré numéro!
CHAPITRE 5 – UNE VIE SANS ACCROC
« Il fait trop beau pour s'enfermer dans ce sombre local où les relents de peinture ne font que… … … relenter! Hey bébé, sors avec moi voir ce magnifique soleil d'été! »
Ne pas rire? Pas facile, mais avec un peu de volonté, elle était en mesure d'y arriver. Ne pas sourire? Impossible. Depuis plus de trois heures, Milie n'avait pas détourné les yeux de sa toile en cours au grand dam du poète amateur qu'était Noah. Depuis toute cette année et demie à le fréquenter, l'étudiante en arts pouvait affirmer que ce type-là adorait bien plus venir lui tourner autour avec deux trois rimes stupides plutôt que de travailler à ses propres cours. La musique ne s'apprend pas dans les livres, disait-il souvent. Et à chaque fois, elle lui rappelait que pour percer dans le métier, il fallait se faire connaître et non pas chantonner ses rimes débiles au fin fond d'un atelier de peinture avec pour seules oreilles celles d'une copine pas du tout objective qui ne l'écoutait même pas de toute manière, trop concentrée à ses travaux pratiques.
« J'ai pas encore terminé » refusa gentiment la jeune femme sans même lever les yeux de son œuvre qu'elle estimait plutôt médiocre.
« Ça le sera pas avant la Saint-Glinglin de toute façon! » s'exclama l'aspirant musicien en venant se planter à côté d'elle. « Wow! »
Sa réaction eut enfin raison de la brune qui quitta son chevalet du regard afin de le glisser sur son petit-ami.
« J'aurai une bonne note tu crois? »
Éternelle insatisfaite et sa pire critique? Oui, elle l'était, mais ça n'avait jamais soufflé sa détermination. Têtue, Milie l'avait toujours été et elle l'était d'autant plus avec elle-même.
« Une note passable, du moins » assura Noah avec son petit air espiègle que lui seul possédait. « Si tu veux vraiment cartonner, je te propose de jeter ce truc aux rebuts et de faire quelque chose de totalement inédit! Imagine un peu. Moi, tenue d'Adam – à comprendre ici pas de tenue du tout – dans une pose encore jamais vue dans ce genre-là! » poursuivit-il en imitant avec soin la pose du Penseur de Rodin.
Le rire franchit cette fois-ci la barrière de ses lèvres sans qu'elle ne puisse le contrôler.
« Tu le fais exprès pour être débile ou ça te vient naturellement? »
Elle connaissait déjà la réponse, mais, chaque fois, elle ne pouvait s'empêcher de poser la question.
« Un talent inné » admit Noah avec même un soupçon de fierté. « Et je sais que c'est comme ça que tu m'aimes. »
Ce disant, il l'attira à lui en l'attrapant par la taille, osant lui voler un baiser.
« Et que tu meurs d'envie de me peindre à poil! … Mais y se pourrait que tu reçoives jamais ta note. Ton prof va faire une attaque devant tant de perfection! Et je parle ici de mon corps d'Apollon, rien à voir avec ton talent. »
Secouant la tête de désespoir devant cette faculté à rajouter toujours plus de bêtises couche après couche, elle préféra couper court au monologue de l'imbécile qui lui servait d'amoureux en l'embrassant. Au fil des mois, Milie avait fini par comprendre que le seul moyen de le faire taire, c'était de lui occuper la bouche à autre chose que babiller ses conneries.
« Amènes-toi, pizza, c'est moi qui invite. Tu continueras demain » conclut le chanteur anonyme en l'entrainant déjà vers la sortie de la pièce.
« Ça vaut vraiment qu'un passable? »
Noah soupira en ouvrant la porte pour pousser la demoiselle dehors avant qu'elle ne change d'avis.
« Tu vas cartonner même sans moi à poil » assura-t-il. « Maintenant on va faire un pacte. Interdiction de douter de toi de la soirée et j'improviserai pas d'hymne à la pizza en plein resto. »
« Tu ferais ça? »
« Juste pour te ficher la honte, debout sur la table! … Peut-être même en caleçon avec une boite de pizza sur la tête et je te jure que tout le monde dans le resto saura que t'as décidé de t'afficher en public avec moi de façon tout à fait consciente et réfléchie! »
Avait-elle réellement le choix? Non, pas vraiment. Quoi qu'il était plutôt tentant de tester la chose, juste pour voir s'il le ferait réellement… Non, tout compte fait, ce n'était même pas la peine de tenter le diable. Il n'avait besoin d'aucune raison pour se comporter de la sorte. Tendre une perche à Noah, c'était toujours l'inviter à nous assommer fortement avec!
CHAPITRE 6 – LE DÉBUT DE LA FIN
« J'espère qu'il sera bon ce gâteau! Parce que passer une heure à faire les courses rien que pour ça, faut le faire » se moquait Milie, assise sur le siège passager.
« C'sera le gâteau le plus fantasmagorique que t'auras jamais mangé » lui assura Noah, derrière le volant.
Un long week-end de trois jours les avait poussés à s'exiler du campus pour aller squatter la maison du Capitaine Collins. Ou plutôt, Noah était supposé déposer Milie chez son père en passant, mais en cours de route, la demoiselle avait reçu un appel de son géniteur lui expliquant qu'un exercice surprise venait de tomber sur son unité et qu'ils quittaient la base sous peu. Face à cette nouvelle, plutôt que de rebrousser chemin, Noah avait décidé de s'inviter à la casa Collins pour un week-end entre amoureux, à défaut que la miss ait droit à son week-end père-fille.
Une fois sur la base militaire, ils s'étaient rendus à l'épicerie pour assouvir une énième pulsion de l'aspirant musicien, un gâteau! Il allait, selon toute vraisemblance, cuisinier un gâteau qui avait le pouvoir de guérir tous les maux de la terre! Ou, à tout le moins, celui de la déception de ne pouvoir passer du temps avec son père.
« Et tu sais la meilleure partie? » s'enjoua le jeune homme avec une étincelle que Milie lui connaissait trop bien. « C'est qu'on va devoir trouver un moyen de s'occuper pendant que ça cuit! »
Elle lui fila une bonne tape à l'épaule qui fut immédiatement suivie d'une plainte de douleur lourdement exagérée.
« Il est absolument hors de question qu'on fasse ce à quoi tu penses dans la maison de mon père! »
Tenant le volant d'une seule main, Noah se frottait l'épaule, une fausse expression de souffrance figée sur son visage qui reflétait surtout sa stupidité du moment.
« C'qu'il sait pas peut pas lui faire de mal. »
« Moi je le saurai. »
« J'espère bien! L'idée de base c'est de faire ça à deux et ça serait sympa que tu participes aussi! »
Ce fut sans surprise aucune que Milie le frappa à nouveau, ayant droit au couplet totalement prévisible du petit ami battu. Elle était à peu près certaine qu'il était masochiste de toute manière. Il adorait clairement se faire maltraité, autrement il se retiendrait davantage de dire autant de conneries.
La voiture s'arrêtant à un stop, Milie remarqua plus loin sur le trottoir une personne qui titubait tranquillement. Le teint grisâtre, les cheveux et les vêtements en bataille, ça avait tout l'air d'être une horrible journée pour cet individu.
« Tu vois ça? » demanda-t-elle à son compagnon, presque incrédule.
« Houla! » s'exclama Noah en jetant un œil à ce qu'elle pointait tout en appuyant sur l'accélérateur après avoir fait son stop. « J'en connais un qu'y'a eu une sacré nuit de débauche! T'sais quoi? On devrait faire pareil! »
La voiture dépassa le piéton mal en point et Milie tourna la tête pour le suivre aussi longtemps que possible. Elle n'avait jamais vu personne d'ivre à souhait ressembler ne serait-ce qu'un peu à ça.
« Je suis pas sûre que j'ai envie de me retrouver dans cet état-là » commenta-t-elle simplement en ramenant les yeux vers l'avant.
Trois jours, un gâteau et quelques dérogations à la règle de non-perversité sous le toit du paternel plus tard, le jeune couple d'artistes se préparait à quitter la maison pour retourner sur leur campus. Certes, il n'y avait que Milie qui se préparait réellement à retourner en cours, pendant que Noah était avachi sur le canapé, armé de sa fidèle amie la télécommande pour zapper tranquillement. Ils n'étaient pas sortis de la maison de tout le week-end, regardant des films et des séries télé, jouant à tous les jeux débiles qu'ils avaient pu trouver, ou inventer. Bien que ça ne remplace pas les moments qu'elle avait prévu de passer avec son père, Milie avait pu oublier la déception de ne pas le voir grâce à Noah.
La jeune femme passa dans le couloir avec un sac de voyage qu'elle venait de remplir de ses vêtements frais lavés. Encore une dizaine de minutes et ils seraient prêts à partir. Retournant vers sa chambre, elle dut cependant bifurquer vers le salon lorsqu'elle entendit le téléphone sonner. Noah n'avait pas réagi le moins du monde, continuant de zapper. Pourquoi aurait-il répondu de toute manière? Il n'était pas chez-lui!
« Allo! » fit-elle une fois le combiné en main, s'accoudant sur le dossier du canapé.
Noah pencha à ce moment la tête vers l'arrière, bien décidé à faire son enquiquineur juste pour le principe de la déranger au téléphone, faisant mine de vouloir lui mordre le menton.
« Em' dieu merci vous êtes encore à la maison » se rassura la voix de son père à travers le combiné.
Repoussant la tête de Noah sur le côté, Milie fronça les sourcils face à l'inquiétude palpable qu'avait son paternel.
« Oui, on allait partir bientôt. Qu'est-ce qui se passe, ça va? »
Son père était rarement stressé ou inquiet. Pour ne pas dire jamais! Ses campagnes en Iraq et en Afghanistan lui ayant donné un moral à toute épreuve. Une fois sa question posée, l'étudiante porta le regard sur le téléviseur, Noah venant de relâcher le bouton pour changer les chaînes pile sur le journal télévisé. Une édition spéciale si elle en croyait la bande-passante dans le bas de l'écran.
« Vous ne sortez pas, c'est compris » réfuta le marine de son ton de commandant qui n'entendait pas à la discussion.
« Quoi? Mais pourquoi? J'ai une toile à remettre demain et- »
« Oublie ça ma puce, tu ne sors pas de la maison, c'est trop dangereux dehors » coupa son père.
À la télévision, elle pouvait voir passer divers vidéos amateurs montrant des gens en attaquer d'autres. Ils se jetaient sur eux pour les mordre. Elle les vit mâcher la chair comme s'il s'agissait d'un cheeseburger et une nausée la prit soudainement.
« C'est quoi cette arnaque? » s'époustoufla Noah.
« Em' tu m'entends? Vous ne quittez la maison sous aucun prétexte. »
Portant une main à sa bouche, Milie réprima un haut le cœur pour ne pas se laisser aller à vomir sur le canapé juste à côté de Noah. Si son petit ami pensait qu'il s'agissait de trucages vidéo, elle sentait, avec ce que lui disait son père, que ce n'était rien de moins que la réalité.
« Papa qu'est-ce qui se passe? On regarde la télé, c'est quoi ces horreurs? » demanda-t-elle en commençant à paniquer.
« On sait pas encore. Le Président va faire une annonce bientôt pour demander à la population de rester cloitrée. Si ça empire, il va sûrement déclencher la loi martiale. Je sais que c'est pas dans tes habitudes de faire ce que je te demande, mais s'il te plait mon cœur, ne sors surtout pas de la maison. D'accord? Vous avez assez de nourriture? »
Chamboulée, Milie ne sut quoi dire pendant un moment et dut secouer la tête pour sortir de sa léthargie.
« Hum oui oui ça va, on a fait les courses pour toi hier, j'imagine que ça va aller pour quelques jours. Ça sera long tu crois? »
« Je sais pas du tout. Je te rappelle dès que j'en sais plus. Oh et tu ne laisses entrer personne. Je veux que tu ailles dans ma chambre et prend mon pistolet dans la table de nuit, on sait jamais. »
« Quoi, mais papa… J'ai pas le droit d'y toucher. »
« Je veux que tu puisses te défendre en cas de besoin alors je ne veux surtout pas que tu hésites à t'en servir s'il le faut, d'accord? T'es grande, je sais que tu sauras agir comme il faut. »
« Si tu le dis. »
« Je t'aime mon ange, fait attention à toi. »
« Je t'aime et fait attention aussi. »
Elle entendit le déclic de l'autre combiné, puis la tonalité usuelle de fin de conversation avant de raccrocher elle aussi. Noah avait les yeux rivés sur elle, inquiet. Il avait senti le désarroi dans sa voix et que quelque chose ne tournait assurément pas rond.
« Qu'est-ce qui se passe? »
« J'sais pas, mais on dirait qu'on va rester ici quelques jours de plus. Mon père veut pas du tout qu'on sorte de la maison. »
Le musicien hocha du menton. Contrairement à d'habitude, il se garda de faire une petite blague pour détendre l'atmosphère. Non, l'humeur n'était pas à rire. Quelque chose de grave était en train de se passer. Autrement, jamais son père ne lui aurait parlé de cette manière et jamais, au grand jamais, il ne lui aurait dit de prendre son pistolet. Contournant le canapé, la jeune femme vint s'asseoir à côté de son copain et, ensemble, ils continuèrent à regarder les infos. Le commentateur télé insistait sur le fait de rester à la maison. Il y avait eu plusieurs morts et les blessés affluaient dans tous les hôpitaux. Quoi qu'était cette chose, ça se répandait comme une traînée de poudre à travers tout le pays et c'était extrêmement dangereux.
