Yo tout l'monde !
Encore un truc écrit à trois heures du mat, décidément. Grisel, voilà ton chiche sur Sora et Judge ! J'ai dû un peu broder pour leur rencontre... Mais j'espère que ça ira !
A vingt-six ans, Judge était le prince de l'empire déchu de Germa.
Ce n'était pas encore les Germa ou le Germa 66, non; c'était simplement l'empire ayant régné près d'un siècle sur tout North Blue avant d'être bêtement destitué par une révolution menée par une poignée de traîtres, de révolutionnaires, de pirates, de bras cassés. Voilà ce que la vie de château, les villas, et autres orgies, avaient fait de la famille royale de Germa: des décadents !
Des décadents qui lui faisaient honte. Il ne parvenait pas à croire que son empereur de paternel ait pu se laisser déborder si facilement.
Fort heureusement, si la science et la technologie des ingénieurs en armement royaux s'était ramollie à force de paix et prospérité dans l'empire, il restait encore suffisamment de savoir-faire pour construire un dispositif que n'importe qui, les rois les premiers, auraient qualifié de lâcheté ultime: le Schwimmender Palast, aka Le Palais Flottant.
Le palais royal ressemblait à une version déformée d'un château du moyen-âge, mais il fut doté de la plus haute technologie de navigation de l'époque. De navigation seulement. Si lors de son règne, Judge en fit une incroyable machine de guerre capable de détruire des îles, Le Palais Flottant avait été conçu pour fuir. Un dispositif conçu dans un esprit défaitiste: la rébellion prenait tellement d'ampleur que l'armée royale se pissait dessus rien qu'à l'idée d'un affrontement direct. Seule la fuite permettrait à la cour de survivre, et ce malgré les véhémentes protestations de Judge.
Ainsi fuit Richter Vinsmoke et sa famille (son fils aîné Judge et son fils cadet atteint d'une maladie incurable) avec les meilleurs éléments de sa cour: les plus grands scientifiques du monde. Les nobles quant à eux furent laissés sur place et livrés à un bain de sang: après tout ils n'avaient pas su prendre la rébellion en main, c'était à eux d'en assumer les conséquences.
Il resta à Judge de cet épisode un goût amer en bouche. Un mélange de frustration, de rage et de désir de revanche. Et lorsqu'il parvint à mettre un mot sur ce sentiment, le dégoût l'envahit tout entier pour ne le quitter qu'avec sa vie. Il se jura de ne plus jamais ressentir ce sentiment-là.
Ce n'était pas de la honte, non. Au contraire, on ne peut avoir honte que de ce dont on est responsable, et Judge n'avait pas eu son mot à dire. De plus, il n'avait nulle envie de se cacher aux yeux du monde: au contraire, il voulait rejaillir dans la lumière et écraser les insectes qui l'avaient dépossédé de ce qui lui revenait de droit, leur montrer une fois pour toutes qui était le maître.
C'était la défaite.
Comme on le sait aujourd'hui, il le ressentira plus d'une fois par la suite...
Ayant vu ce que la mollesse de caractère était capable de détruire (à savoir un empire entier), le jeune Judge Vinsmoke avait toujours méprisé son père pour ne pas avoir su se reprendre en main et lâcher ses scrupules. L'empereur Richter écrasait la population sous des impôts trop lourds, mais n'était pas capable d'ouvrir le feu sur des civils: il voulait éviter l'affrontement direct non pas pour le peuple, mais pour garder sa bonne conscience. Maîtriser un empire par l'intermédiaire de l'administration fiscale était moins embarrassant que d'ordonner carrément de massacrer des civils. Paye ta contradiction hypocrite à deux berrys.
Dégoûté par la mollesse de caractère de l'empereur et par la médiocrité des ingénieurs royaux, qui n'étaient capables que de fuir alors qu'il aurait fallu attaquer, Judge nourrit une foi absolue dans le stoïcisme et le génie humain: la mollesse de caractère, c'était la faiblesse morale, c'était le sentiment; et seul un esprit surpuissant révélé dès le plus jeune âge était capable de changer le monde. Pour le conforter dans cette idée, la perte de son jeune frère atteint d'une maladie incurable lui fit tellement mal qu'il fut vacciné définitivement contre le désespoir. Du moins, c'est ce qu'il croyait.
Malgré tous ses beaux principes, le prince Judge Vinsmoke, 29 ans, 201 de QI, fut peu étonné de voir que son nouveau médecin personnel était une jeune femme de sept ans de moins que lui.
Certes, l'excellence appartient à ceux qui se lèvent tôt, mais dans le cas de mademoiselle Sora de Clorence, l'excellence avait eu une poussée d'adrénaline subite à deux heures du matin pour ne plus jamais s'arrêter de sauter dans les hauteurs de la profession.
Ayant obtenu son Abitur à 11 ans, 203 de QI, elle avait brillamment réussi ses études de médecine et passé tous les concours d'admission au König Hospital où elle avait gravi les échelons en tellement peu de temps qu'on jasait sur d'éventuelles "promotions canapé". En effet, par un miracle totalement absurde, Sora de Clorence, , malgré ses innombrables nuits blanches penchée au dessus d'ouvrages en pattes de mouches et de patients à charcuter, conservait une beauté tellement parfaite que ça en devenait aussi ridicule que sujet à ragots et jalousies. On ricanait dans son dos "m'étonnerait pas qu'elle se soit servie de ses charmes sur le directeur, on peut pas être aussi douée et bien foutue à la fois" "c'est impossible, les Miss-Parfaites, ça ne peut pas exister, ça n'existe pas" trop de qualités pour une personne, on se demanderait presque si elle est humaine…".
Cette dernière remarque était celle qui faisait le plus de mal à Sora, surtout qu'elle l'entendait depuis des années. Sa vocation était de sauver des vies. Elle avait renoncé à un mariage plus qu'avantageux avec le fils Darleau, issu d'une famille d'ingénieurs royaux, pour exercer ce métier et aider ceux qui souffraient. Son univers était la froideur des blocs opératoires, les bips des moniteurs à signes vitaux, le blanc aseptisé des chambres et le rouge du sang sur les gants en plastique. Le bonheur qu'elle éprouvait à sauver un patient ne pouvait être que quelque chose d'humain… Et aux dernières nouvelles, elle était bien un être humain de sexe féminin, avec un utérus, un cerveau divisé en huit zones et deux hémisphères, des seins, un intestin de huit mètres et qui faisait caca comme tous les intestins du monde...
Et une humaine, à qui comme toutes les humaines, il arrivait de se tromper.
Mais elle ne savait pas encore à quel point lorsqu'elle sourit à celui qui serait pour le restant de ses jours son patient attitré: le futur roi de Germa, Judge Vinsmoke.
Judge n'avait pas été prévenu que son médecin habituel prenait sa retraite. En se levant pour sa consultation matinale quotidienne, il pensait au vieillard bedonnant avec un certain dégoût, mais se préparait comme tous les matins à prendre sur lui (le stoïsisme était la première des vertus).
Déjà, le changement surprise de médecin le déstabilisait, mais devant cette nouvelle... En la voyant pour la première fois, Judge avait été carrément soufflé par son apparence juvénile et ridiculement délicate et fragile. Blonde, la peau très pâle mais pas maladive, de grands yeux bleus, toute fine: à la voir comme ça, on aurait dit qu'elle s'évanouirait à la vue d'une goutte de sang.
Sora de Clorence avait vingt-trois ans, génie de la médecine, avait fini brillamment ses études un an plus tôt et était arrivée première dans tous les concours visant à obtenir le poste convoité par toute la profession: médecin personnel du futur roi.
Elle-même était très impressionnée devant ce qu'elle avait accompli. Et même là, debout devant le prince ahuri qui venait à peine de se lever pour sa première consultation matinale, qui la regardait d'un air aussi ébahi que dubitatif, Sora avait encore du mal à réaliser.
Surtout que son nouveau patient officiel était sacrément bien foutu... Elle perçut un sourire idiot lui monter aux lèvres, et elle eut presque l'impression de sentir ses yeux se changer en coeurs, mais elle se reprit le plus vite qu'elle put. Qu'était-elle en train d'imaginer ?
Autant pour rassurer Monsieur Vinsmoke qu'elle-même, elle maîtrisa le tremblement de sa voix et sentit les muscles de son visage s'étirer en un sourire professionel:
-Bonjour, seigneur. Je suis votre nouveau médecin à compter d'aujourd'hui. Comment vous sentez-vous ce matin ?
Ceux qui ont reconnu la référence à L'impérieux destin du Docteur Elise, levez la main. Le perso principal est une Mary-Sue pur jus qui me rappelle un peu Sora... Petite pique pas méchante. Si des noms ont une consonance allemande c'est parce que comme vous l'avez remarqué, le Germa 66 est inspiré de l'Allemagne nazie (miam miam)
J'espère que ça t'a plus Grisel !
