1. Le dilemme.
Mercury était d'une gentillesse incroyable, d'un calme incontournable et d'une patience d'ange. Elle était d'ailleurs la seule personne à pouvoir s'occuper de son petit frère de 7 ans, Valentin, sans s'énerver ou se plaindre du bruit ou du remue-ménage. D'ailleurs on remarquait qu'en sa compagnie, toute personne devenait automatiquement plus calme, plus tranquille et même, à la limite, sans soucis. Ses parents en étaient très fiers et ne tarissaient pas d'éloges au sujet de leur fille qu'ils comparaient, à peu de choses prêt, à l'enfant parfait. Tout était bien, dans le meilleur des mondes.
Monsieur Mercury, Arthur de son prénom, était un homme plus ou moins corpulent qui vouait sa vie à ses deux enfants et à sa femme. Il était pilote et, par conséquent, régulièrement parti mais s'arrangeait toujours pour revenir régulièrement et avoir du temps pour sa famille. Entre-temps, Laurie et Valentin vivaient avec leur mère, une petite femme maigre, fort aimable, qui répondait au doux prénom de Anne-Charlotte. Sans profession, Madame Mercury passait son temps à s'occuper de la maison et de ses enfants quand ils revenaient de l'école. C'est elle qui décidait du fonctionnement de la maison et son mari ne s'en plaignait pas. Tandis qu'il s'occupait de son travail, elle réglait tous les problèmes du foyer ainsi que ceux liés à l'éducation de Laurie et de Valentin. Les tâches étaient ainsi bien réparties et tout tournait rond.
Bien sûr, elle attendait toujours son mari pour prendre ensemble les décisions importantes et c'est justement ce qu'elle était en train de faire le vendredi 30 juin où commence cette histoire. Elle préparait un solide goûter pour ses deux enfants qui n'allaient pas tarder à rentrer de leur dernier jour d'école et pour son mari qui devait rentrer d'un aller et retour jusque Washington.
Pour les enfants, dernier jour d'école signifiait bien sûr début des vacances mais pour Laurie, ça avait une tout autre tournure cette année. En effet, ayant terminé le CP, il allait falloir choisir un collège qui la recevrait dès l'année suivante. Et pour ce faire, Anne-Charlotte avait insisté pour que la décision soit prise en famille. C'est pourquoi il était maintenant grand temps d'en parler. C'était là une étape importante dans la vie de Laurie et il ne fallait tas la négliger. Maintes fois sa mère lui avait rappelé que le choix de l'école était une décision très grave et qu'il ne fallait pas la prendre à la légère. Il fallait choisir une école où Laurie se sentirait bien pendant les 6 années de collège et surtout une école dans laquelle elle pourrait développer les compétences nécessaires pour entrer dans un lycée privé de haute renommée. Comme le rappelait régulièrement Arthur, les études était la base de la vie ; sans elles, pas de carrière et sans carrière, pas de vie confortable. Et, même si Laurie était persuadée qu'une vie confortable n'était pas toujours obligatoirement synonyme de bonheur, elle remarquait quand même que cela y contribuait fortement.
Mais au point de vue études, la jeune fille n'avait pas non plus à avoir de souci. En effet, elle montrait depuis sa plus tendre enfance une subtilité d'esprit et une culture qui ne cessait de se développer eu fur et à mesure des années. Très bonne élève, la meilleure de sa promotion, elle n'avait jamais que des félicitations de la part de ses professeurs et remportait tous les brevets haut la main. Elle aimait beaucoup lire, s'intéresser au monde et, plus que tout, à l'histoire. Rien ne lui échappait. Elle en connaissait autant sur l'histoire de la France et du monde que la meilleure des encyclopédies. Son esprit vif lui permettait également des raisonnements dignes des meilleurs mathématiciens et ses résultats scolaires, même si elle n'avait que 11 ans à peine, avoisinaient fréquemment les cent pourcents. Mais ce qui causait surtout l'admiration chez elle, c'était sa simplicité et son absence total de fierté extravagante. Elle osait toujours s'arrêter devant la plus simple des choses pour s'y intéresser. Elle était tout aussi capable de cottoyer des jeunes d'un milieu aisé, comme l'étaient ses parents, que le premier vagabond qui passait dans la rue. Elle était l'amie de tout le monde et jamais personne n'aurait voulu lui faire le moindre mal.
Comme chaque jour, elle revint de l'école de très bonne humeur. Son frère, souriant lui car les vacances commençaient, la suivait de près.
-Bonjour tous les deux, vous avez passé une bonne journée ?
La question, bien que si habituelle pour une maman qui attend ses enfants, ne demandait pas de réponse tellement celle-ci était évidente. Pour Laurie, d'une part, toutes les journées étaient bonnes, que ce soit à l'école, à la maison où en voyage. Pour son frère, d'autre part, les dernières journées de périodes, celles qui annonçaient des congés et plus particulièrement celle qui annonçait le début des grandes vacances d'été, ne pouvaient être que bonnes. Tous deux répondirent par un large sourire avant d'embrasser leur mère. Ils s'installèrent alors à table pour le goûter. Comme d'habitude, leu mère, fine cuisinière, les avait gâtés. Une foule de pâtisseries encombrait la table. Du jus de fruits, du thé et du café étaient à disposition des deux enfants et de leur père qui venait d'arriver.
-Papa !
Depuis des années, Valentin éprouvait une admiration formidable pour son père. Bien sûr il aimait sa mère aussi mais quelque chose faisait que son père gagnait la première marche du podium. L'enfant vint se jeter dans les bras de son père qui le fit tourner plusieurs fois, manquant de heurter la carafe de jus de fruits. Puis, après l'avoir redéposé, il embrassa sa femme et sa fille.
-Alors, voilà une étape de franchie ?
Il dit cela sur un ton ordinaire mais il était si fier de sa fille. Cette enfant qu'il avait élevée avec sa femme. Leur premier enfant qui entrait maintenant au collège. Dire qu'elle lui semblait si petite et qu'elle grandissait pourtant si vite. Il se souvenait encore de Laurie dans son berceau, dans son parc, à l'école maternelle. Il se souvenait de ce médecin idiot qui avait affirmé que cette fille ne serait jamais une lumière, qu'elle flotterait toujours un peu en dessous de la moyenne des enfants de son âge. Il avait envie de lui dire : « Vous vous êtes trompés ! Votre diagnostic n'était pas fondé ! Ma fille est très intelligente, bien plus que la moyenne de son âge. Elle deviendra quelqu'un de bien. » A la décharge du médecin, il faut dire que jusqu'à l'âge de trois ans, Laurie n'avait pas ouvert la bouche, au grand désespoir de ses parents. Elle se contentait de sourire, de répondre au gens par l'émotion. C'était si fort que ses parents avaient parfois l'impression, à des moments précis, de partager ses émotions, ses joies, ses peines, ses peurs. Tout était ainsi, tout se passait à l'intérieur. La seule chose qu'elle extériorisait, c'était ses sourires, ses éclats de rire ou ses larmes. Jamais un son ne sortait de sa bouche. C'était une petite fille très renfermée. Ses parents passaient des heures et même des journées entières à essayer de la faire réagir, à lui apprendre des mots simples mais rien n'y faisait. Un nombre incalculable de médecins n'avaient su donner de raison à ce mutisme. Les examens médicaux étaient excellents et Anne-Charlotte et Arthur ne craignaient fort que Laurie ne reste muette toute sa vie.
Et puis brusquement, un beau matin de printemps, alors que sa maman était dans le jardin en train d'arroser les fleurs et que son papa était en voyage comme régulièrement, Laurie prononça son premier mot. Anne-Charlotte avait le dos tourné mais entendit sa fille arriver. Elle lui dit bonjour et s'attendait, comme à son habitude, que sa fille l'enlace. Ce qui arriva mais, en même temps, Laurie lui dit :
-Bon-jour ma-man !
-Bonjour ma chérie. Mais. tu parles ! TU PARLES !
-Un tit peu ma-man !
Anne-Charlotte en fut si surprise qu'elle lacha son arrosoir qui tomba sur le sol et qui éclaboussa Laurie en plein visage.
-Oh, excuse-moi ma chérie.
-Ce n'est rien, maman.
Mais ce qui fut le plus étrange, ce fut la réflexion qui suivit. Alors que Anne-Charlotte avait emmené sa fille dans la cuisine pour lui donner son déjeuner.
-Maman, il arrive quand Valentin ?
-Qui ça ?
-Ben Valentin, mon petit frère.
-Mais, Laurie, je ne suis pas enceinte !
-Ah ? Je pensais.
Et la discussion, certes très banale, fut close. Mais le plus étonnant, ce fut que, le soir même, Anne-Charlotte découvrait qu'elle était enceinte. Jamais elle ne s'était expliquée cette réflexion de sa fille qui n'avait absolument aucun moyen de découvrir cela puisque elle-même ne le savait pas encore. Et ce genre de choses bizarres arriva encore à plusieurs reprises : Laurie avait deviné que son petit frère était tombé dans la cour de récréation alors que les petits étaient séparés des grands. Laurie était allé voir son institutrice pour lui demander ce qui était arrivé à son frère. Cette dernière, ne sachant rien, lui avait montré une moue étonnée, mais Laurie avait tellement insisté, qu'elle donna un coup de téléphone à l'école maternelle qui lui confirma que le petit Valentin avait fait une chute du grand toboggan mais heureusement sans gravité. Ce fut encore le cas lorsqu'un matin, très tôt, Laurie rejoint sa mère, encore dans son lit. Elle avait les larmes aux yeux. Elle annonça alors à sa mère que sa grand- mère venait de décéder. Anne-Charlotte la prit dans ses bras et la consola en lui disant qu'elle avait sûrement fait un mauvais rêve mais, quelques minutes plus tard, le téléphone sonnait pour annoncer la triste nouvelle. Et il y eut encore quelques épisodes du même genre. Donc, loin de la petite fille taciturne qu'elle était, Laurie était une enfant perspicace et même davantage, profondément clairvoyante.
Et cette perspicacité et cette clairvoyance s'étaient accrues, au fil des années, en même temps que son intelligence. Laurie finissait ses études fondamentales avec brio. La première de sa classe, le numéro 1. Et c'était cette intelligence qui l'aidait, non pas à prévoir, mais bien à isoler la seule conséquence possible d'une série d'événements avec un temps de réussite des plus impressionnant.
-Le collège de Caen me semble être un très bon établissement où Laurie pourra développer toutes ses capacités.
-Oui mais ça l'obligera à être interne. A douze ans, je trouve cela un peu tôt.
C'est vrai que l'idée de ne plus voir ses parents et son frère qu'une fois tous les week-end n'était pas faite pour enchanter Laurie. Elle qui avait toujours vécu dans le cocon famillial. Elle trouverait la séparation si brutale. Ce serait dure. D'autre part, vu son niveauu élevé, elle savait qu'il était important de profiter de cet avantage pour développer ses capacités et non pas stagner à un niveau 'classique'. Le choix devenait donc un dilemme des plus contrariants.
-Mais tu sais bien que nous irions te chercher le vendredi soir et te reconduirions le dimanche soir !
-Seulement deux nuits par semaine ici ?
-Ecoute, Laurie, intervint sa mère, tu ne dois pas te sentir obligée. Ce que papa veux t'expliquer, c'est que tu possèdes des capacités qu'il serait dommage d'oublier en parlant du choix de ton école secondaire mais si c'est pour que tu te sentes mal tous les jours, alors il vaut mieux faire tes études à proximité et reporter cela pour le lycée. Il sera bien temps d'y penser dans quelques années.
Laurie écoutait ses parents avec attention. Elle ne voulait absolument pas les décevoir. Mais se passer d'eux autant de jours par an lui semblait tellement difficile. Elle ne pourrait plus jouer avec son frère, lui raconter des histoires, promener avec sa mère, passer du temps avec son père quand il rentre. Tout ce temps lui serait volé la semaine pour en être réduit à un samedi entier et presqu'un dimanche.
-Voilà ce que nous allons faire ! conclut son père. Pendant le mois de juillet, nous allons aller visiter quelques collèges, afin que tu te fasses une idée. Et, au milieu du mois d'août, quand sera venu le moment des inscriptions, nous en reparlerons, d'accord ?
-D'accord, papa.
La jeune fille avait quand même le c?ur gros. Le problème ne serait pas résolu car le dilemme se poserait encore à la fin des vacances. Ce n'était pas la visite des écoles qui allait changer quelque chose. Il était bien évident que les collèges de quartier n'avait pas les moyens d'accueillir et de faire progresser un enfant si avancé.
Ses pensées la torturèrent encore pendant de longues heures, jusqu'au coucher. Mais, une fois dans son lit, elle se promit de ranger ces idées dans un coin de sa tête et de ne plus y penser pour l'instant. Autant passer de bonnes vacances de détente. Ces préoccupations reviendraient bien assez tôt l'ennuyer. Et, bien vite, elle s'endormit d'un sommeil sans rêve.
Et ces vacances furent bonnes, comme prévu. Le soleil, la bonne humeur et la joie étaient au rendez-vous. En l'absence d'Arthur, les enfants et leur mère décidèrent de passer quelques jours à la mer, à Lacanau. Les enfants y étaient bien, dans un chalet sur le sable. Ils passaient leur journée à jouer sur la plage ou à se baigner. Et, au milieu du séjour, leur père vint les rejoindre. Le retour à la maison se fit sous le signe de la bonne humeur.
La fin des vacances pointait donc le bout de son nez le jour où Laurie se rendit avec ses parents à Caen afin de visiter l'un des collège les plus réputé de France. Elle avait décidé de ne pas juger avant de voir. Elle entrerait dans ce collège, écouterait attentivement les renseignements qu'on lui fournirait et ne se prononcerait pas avant d'y avoir réfléchi un long moment. Ses parents lui avaient d'ailleurs affirmé qu'ils ne lui demanderaient mais qu'ils en reparleraient à la maison après y avoir longuement réfléchi.
Et c'est ce qu'ils firent. Et Laurie dut reconnaître, pour être honnête, que l'école n'était pas mal, qu'elle lui paraissait même agréable et accueillante. Mais, comme promis, elle ne dut pas s'engager. On se contenta de lui demander si cette école lui plaisit. Et, après cette visite, la petite famille se dirigea dans un des restaurants de la ville. En effet, ce n'était pas tous les jours qu'ils avaient l'occasion de sortir accompagnés d'Arthur, qui avait pris quelques jours de congé. De plus, ils n'avaient pas encore fêté la réussite de Laurie.
Mercury était d'une gentillesse incroyable, d'un calme incontournable et d'une patience d'ange. Elle était d'ailleurs la seule personne à pouvoir s'occuper de son petit frère de 7 ans, Valentin, sans s'énerver ou se plaindre du bruit ou du remue-ménage. D'ailleurs on remarquait qu'en sa compagnie, toute personne devenait automatiquement plus calme, plus tranquille et même, à la limite, sans soucis. Ses parents en étaient très fiers et ne tarissaient pas d'éloges au sujet de leur fille qu'ils comparaient, à peu de choses prêt, à l'enfant parfait. Tout était bien, dans le meilleur des mondes.
Monsieur Mercury, Arthur de son prénom, était un homme plus ou moins corpulent qui vouait sa vie à ses deux enfants et à sa femme. Il était pilote et, par conséquent, régulièrement parti mais s'arrangeait toujours pour revenir régulièrement et avoir du temps pour sa famille. Entre-temps, Laurie et Valentin vivaient avec leur mère, une petite femme maigre, fort aimable, qui répondait au doux prénom de Anne-Charlotte. Sans profession, Madame Mercury passait son temps à s'occuper de la maison et de ses enfants quand ils revenaient de l'école. C'est elle qui décidait du fonctionnement de la maison et son mari ne s'en plaignait pas. Tandis qu'il s'occupait de son travail, elle réglait tous les problèmes du foyer ainsi que ceux liés à l'éducation de Laurie et de Valentin. Les tâches étaient ainsi bien réparties et tout tournait rond.
Bien sûr, elle attendait toujours son mari pour prendre ensemble les décisions importantes et c'est justement ce qu'elle était en train de faire le vendredi 30 juin où commence cette histoire. Elle préparait un solide goûter pour ses deux enfants qui n'allaient pas tarder à rentrer de leur dernier jour d'école et pour son mari qui devait rentrer d'un aller et retour jusque Washington.
Pour les enfants, dernier jour d'école signifiait bien sûr début des vacances mais pour Laurie, ça avait une tout autre tournure cette année. En effet, ayant terminé le CP, il allait falloir choisir un collège qui la recevrait dès l'année suivante. Et pour ce faire, Anne-Charlotte avait insisté pour que la décision soit prise en famille. C'est pourquoi il était maintenant grand temps d'en parler. C'était là une étape importante dans la vie de Laurie et il ne fallait tas la négliger. Maintes fois sa mère lui avait rappelé que le choix de l'école était une décision très grave et qu'il ne fallait pas la prendre à la légère. Il fallait choisir une école où Laurie se sentirait bien pendant les 6 années de collège et surtout une école dans laquelle elle pourrait développer les compétences nécessaires pour entrer dans un lycée privé de haute renommée. Comme le rappelait régulièrement Arthur, les études était la base de la vie ; sans elles, pas de carrière et sans carrière, pas de vie confortable. Et, même si Laurie était persuadée qu'une vie confortable n'était pas toujours obligatoirement synonyme de bonheur, elle remarquait quand même que cela y contribuait fortement.
Mais au point de vue études, la jeune fille n'avait pas non plus à avoir de souci. En effet, elle montrait depuis sa plus tendre enfance une subtilité d'esprit et une culture qui ne cessait de se développer eu fur et à mesure des années. Très bonne élève, la meilleure de sa promotion, elle n'avait jamais que des félicitations de la part de ses professeurs et remportait tous les brevets haut la main. Elle aimait beaucoup lire, s'intéresser au monde et, plus que tout, à l'histoire. Rien ne lui échappait. Elle en connaissait autant sur l'histoire de la France et du monde que la meilleure des encyclopédies. Son esprit vif lui permettait également des raisonnements dignes des meilleurs mathématiciens et ses résultats scolaires, même si elle n'avait que 11 ans à peine, avoisinaient fréquemment les cent pourcents. Mais ce qui causait surtout l'admiration chez elle, c'était sa simplicité et son absence total de fierté extravagante. Elle osait toujours s'arrêter devant la plus simple des choses pour s'y intéresser. Elle était tout aussi capable de cottoyer des jeunes d'un milieu aisé, comme l'étaient ses parents, que le premier vagabond qui passait dans la rue. Elle était l'amie de tout le monde et jamais personne n'aurait voulu lui faire le moindre mal.
Comme chaque jour, elle revint de l'école de très bonne humeur. Son frère, souriant lui car les vacances commençaient, la suivait de près.
-Bonjour tous les deux, vous avez passé une bonne journée ?
La question, bien que si habituelle pour une maman qui attend ses enfants, ne demandait pas de réponse tellement celle-ci était évidente. Pour Laurie, d'une part, toutes les journées étaient bonnes, que ce soit à l'école, à la maison où en voyage. Pour son frère, d'autre part, les dernières journées de périodes, celles qui annonçaient des congés et plus particulièrement celle qui annonçait le début des grandes vacances d'été, ne pouvaient être que bonnes. Tous deux répondirent par un large sourire avant d'embrasser leur mère. Ils s'installèrent alors à table pour le goûter. Comme d'habitude, leu mère, fine cuisinière, les avait gâtés. Une foule de pâtisseries encombrait la table. Du jus de fruits, du thé et du café étaient à disposition des deux enfants et de leur père qui venait d'arriver.
-Papa !
Depuis des années, Valentin éprouvait une admiration formidable pour son père. Bien sûr il aimait sa mère aussi mais quelque chose faisait que son père gagnait la première marche du podium. L'enfant vint se jeter dans les bras de son père qui le fit tourner plusieurs fois, manquant de heurter la carafe de jus de fruits. Puis, après l'avoir redéposé, il embrassa sa femme et sa fille.
-Alors, voilà une étape de franchie ?
Il dit cela sur un ton ordinaire mais il était si fier de sa fille. Cette enfant qu'il avait élevée avec sa femme. Leur premier enfant qui entrait maintenant au collège. Dire qu'elle lui semblait si petite et qu'elle grandissait pourtant si vite. Il se souvenait encore de Laurie dans son berceau, dans son parc, à l'école maternelle. Il se souvenait de ce médecin idiot qui avait affirmé que cette fille ne serait jamais une lumière, qu'elle flotterait toujours un peu en dessous de la moyenne des enfants de son âge. Il avait envie de lui dire : « Vous vous êtes trompés ! Votre diagnostic n'était pas fondé ! Ma fille est très intelligente, bien plus que la moyenne de son âge. Elle deviendra quelqu'un de bien. » A la décharge du médecin, il faut dire que jusqu'à l'âge de trois ans, Laurie n'avait pas ouvert la bouche, au grand désespoir de ses parents. Elle se contentait de sourire, de répondre au gens par l'émotion. C'était si fort que ses parents avaient parfois l'impression, à des moments précis, de partager ses émotions, ses joies, ses peines, ses peurs. Tout était ainsi, tout se passait à l'intérieur. La seule chose qu'elle extériorisait, c'était ses sourires, ses éclats de rire ou ses larmes. Jamais un son ne sortait de sa bouche. C'était une petite fille très renfermée. Ses parents passaient des heures et même des journées entières à essayer de la faire réagir, à lui apprendre des mots simples mais rien n'y faisait. Un nombre incalculable de médecins n'avaient su donner de raison à ce mutisme. Les examens médicaux étaient excellents et Anne-Charlotte et Arthur ne craignaient fort que Laurie ne reste muette toute sa vie.
Et puis brusquement, un beau matin de printemps, alors que sa maman était dans le jardin en train d'arroser les fleurs et que son papa était en voyage comme régulièrement, Laurie prononça son premier mot. Anne-Charlotte avait le dos tourné mais entendit sa fille arriver. Elle lui dit bonjour et s'attendait, comme à son habitude, que sa fille l'enlace. Ce qui arriva mais, en même temps, Laurie lui dit :
-Bon-jour ma-man !
-Bonjour ma chérie. Mais. tu parles ! TU PARLES !
-Un tit peu ma-man !
Anne-Charlotte en fut si surprise qu'elle lacha son arrosoir qui tomba sur le sol et qui éclaboussa Laurie en plein visage.
-Oh, excuse-moi ma chérie.
-Ce n'est rien, maman.
Mais ce qui fut le plus étrange, ce fut la réflexion qui suivit. Alors que Anne-Charlotte avait emmené sa fille dans la cuisine pour lui donner son déjeuner.
-Maman, il arrive quand Valentin ?
-Qui ça ?
-Ben Valentin, mon petit frère.
-Mais, Laurie, je ne suis pas enceinte !
-Ah ? Je pensais.
Et la discussion, certes très banale, fut close. Mais le plus étonnant, ce fut que, le soir même, Anne-Charlotte découvrait qu'elle était enceinte. Jamais elle ne s'était expliquée cette réflexion de sa fille qui n'avait absolument aucun moyen de découvrir cela puisque elle-même ne le savait pas encore. Et ce genre de choses bizarres arriva encore à plusieurs reprises : Laurie avait deviné que son petit frère était tombé dans la cour de récréation alors que les petits étaient séparés des grands. Laurie était allé voir son institutrice pour lui demander ce qui était arrivé à son frère. Cette dernière, ne sachant rien, lui avait montré une moue étonnée, mais Laurie avait tellement insisté, qu'elle donna un coup de téléphone à l'école maternelle qui lui confirma que le petit Valentin avait fait une chute du grand toboggan mais heureusement sans gravité. Ce fut encore le cas lorsqu'un matin, très tôt, Laurie rejoint sa mère, encore dans son lit. Elle avait les larmes aux yeux. Elle annonça alors à sa mère que sa grand- mère venait de décéder. Anne-Charlotte la prit dans ses bras et la consola en lui disant qu'elle avait sûrement fait un mauvais rêve mais, quelques minutes plus tard, le téléphone sonnait pour annoncer la triste nouvelle. Et il y eut encore quelques épisodes du même genre. Donc, loin de la petite fille taciturne qu'elle était, Laurie était une enfant perspicace et même davantage, profondément clairvoyante.
Et cette perspicacité et cette clairvoyance s'étaient accrues, au fil des années, en même temps que son intelligence. Laurie finissait ses études fondamentales avec brio. La première de sa classe, le numéro 1. Et c'était cette intelligence qui l'aidait, non pas à prévoir, mais bien à isoler la seule conséquence possible d'une série d'événements avec un temps de réussite des plus impressionnant.
-Le collège de Caen me semble être un très bon établissement où Laurie pourra développer toutes ses capacités.
-Oui mais ça l'obligera à être interne. A douze ans, je trouve cela un peu tôt.
C'est vrai que l'idée de ne plus voir ses parents et son frère qu'une fois tous les week-end n'était pas faite pour enchanter Laurie. Elle qui avait toujours vécu dans le cocon famillial. Elle trouverait la séparation si brutale. Ce serait dure. D'autre part, vu son niveauu élevé, elle savait qu'il était important de profiter de cet avantage pour développer ses capacités et non pas stagner à un niveau 'classique'. Le choix devenait donc un dilemme des plus contrariants.
-Mais tu sais bien que nous irions te chercher le vendredi soir et te reconduirions le dimanche soir !
-Seulement deux nuits par semaine ici ?
-Ecoute, Laurie, intervint sa mère, tu ne dois pas te sentir obligée. Ce que papa veux t'expliquer, c'est que tu possèdes des capacités qu'il serait dommage d'oublier en parlant du choix de ton école secondaire mais si c'est pour que tu te sentes mal tous les jours, alors il vaut mieux faire tes études à proximité et reporter cela pour le lycée. Il sera bien temps d'y penser dans quelques années.
Laurie écoutait ses parents avec attention. Elle ne voulait absolument pas les décevoir. Mais se passer d'eux autant de jours par an lui semblait tellement difficile. Elle ne pourrait plus jouer avec son frère, lui raconter des histoires, promener avec sa mère, passer du temps avec son père quand il rentre. Tout ce temps lui serait volé la semaine pour en être réduit à un samedi entier et presqu'un dimanche.
-Voilà ce que nous allons faire ! conclut son père. Pendant le mois de juillet, nous allons aller visiter quelques collèges, afin que tu te fasses une idée. Et, au milieu du mois d'août, quand sera venu le moment des inscriptions, nous en reparlerons, d'accord ?
-D'accord, papa.
La jeune fille avait quand même le c?ur gros. Le problème ne serait pas résolu car le dilemme se poserait encore à la fin des vacances. Ce n'était pas la visite des écoles qui allait changer quelque chose. Il était bien évident que les collèges de quartier n'avait pas les moyens d'accueillir et de faire progresser un enfant si avancé.
Ses pensées la torturèrent encore pendant de longues heures, jusqu'au coucher. Mais, une fois dans son lit, elle se promit de ranger ces idées dans un coin de sa tête et de ne plus y penser pour l'instant. Autant passer de bonnes vacances de détente. Ces préoccupations reviendraient bien assez tôt l'ennuyer. Et, bien vite, elle s'endormit d'un sommeil sans rêve.
Et ces vacances furent bonnes, comme prévu. Le soleil, la bonne humeur et la joie étaient au rendez-vous. En l'absence d'Arthur, les enfants et leur mère décidèrent de passer quelques jours à la mer, à Lacanau. Les enfants y étaient bien, dans un chalet sur le sable. Ils passaient leur journée à jouer sur la plage ou à se baigner. Et, au milieu du séjour, leur père vint les rejoindre. Le retour à la maison se fit sous le signe de la bonne humeur.
La fin des vacances pointait donc le bout de son nez le jour où Laurie se rendit avec ses parents à Caen afin de visiter l'un des collège les plus réputé de France. Elle avait décidé de ne pas juger avant de voir. Elle entrerait dans ce collège, écouterait attentivement les renseignements qu'on lui fournirait et ne se prononcerait pas avant d'y avoir réfléchi un long moment. Ses parents lui avaient d'ailleurs affirmé qu'ils ne lui demanderaient mais qu'ils en reparleraient à la maison après y avoir longuement réfléchi.
Et c'est ce qu'ils firent. Et Laurie dut reconnaître, pour être honnête, que l'école n'était pas mal, qu'elle lui paraissait même agréable et accueillante. Mais, comme promis, elle ne dut pas s'engager. On se contenta de lui demander si cette école lui plaisit. Et, après cette visite, la petite famille se dirigea dans un des restaurants de la ville. En effet, ce n'était pas tous les jours qu'ils avaient l'occasion de sortir accompagnés d'Arthur, qui avait pris quelques jours de congé. De plus, ils n'avaient pas encore fêté la réussite de Laurie.
