1. Rédemption
.
.
Le garçon blond regarda le soleil. Droit dans les yeux. Qu'importait que ça les fasse pleurer. Il avait besoin de se ressourcer auprès d'une source de lumière après toutes ces années sombres. Il n'avait pas dit à ses parents il allait. Il ne l'avait d'ailleurs pas su avant de partir.
Il réajusta les sangles de son sac à dos et se remit en marche. La randonnée à la moldue… qui aurait cru que c'était exactement ce qu'il lui fallait.
Ce devait être cela. Il avait vu trop de magie. Trop de magie offensive, de magie cruelle, de magie destructrice.
Il avait eu besoin de changer d'air. Mais le nom sur son passeport magique, son corps d'ancien Attrapeur affaibli par la peur et qui trahissait sa parenté avec les Malefoy, le tatouage noir sur son bras gauche… il ne pouvait rien changer de tout cela. Il n'était même pas sûr de le vouloir. C'aurait été trop simple. Tout recommencer à zéro. Il ne voulait plus être ce lâche-là.
Mais il ne savait pas comment aller de l'avant. Comment recommencer. Le passé n'était pas une ardoise qu'on pouvait effacer. Du reste, il n'aurait pas voulu d'un Oubliettes général et finir comme son professeur de Défense de deuxième année : heureux mais imbécile.
Il n'avait croisé que deux Moldus aujourd'hui et les avait salués avec le « Hi » habituels des inconnus anonymes marchants sur la même route. C'était un hasard, et non la conséquence d'un Hominum Revelio lancé aux kilomètres à la ronde. Drago n'avait plus de baguette depuis la Bataille de Poudlard. Il était presque reconnaissant à Potter de l'avoir brisée de l'intérieur. Potter la lui aurait bien rendue, s'il lui avait demandé, mais elle aurait été comme un corps mort dans sa main.
Il avait tenté d'en trouver une nouvelle.
Une nouvelle baguette pour une nouvelle vie, ça aurait rendu les choses plus simples. Plus simples, mais pas faciles. Facile, ça ne le serait jamais.
Le vieux Ollivander aurait pu refuser de l'aider, après le séjour qu'il avait fait au Manoir Malefoy, mais il avait accepté. Ollivander avait été le premier à reconnaître que la baguette de Drago avait changé d'allégeance : il voyait donc ce dernier comme un infirme, dont avoir pitié. Avec raison.
Mais son apprenti et lui n'avaient rien trouvé pour lui dans ce qui leur restait de stocks.
« Pour qu'une baguette comprenne un sorcier, il faut que le sorcier se comprenne soi-même. » avait dit le vieux fabricant de baguette. « Qu'il se pardonne pour accepter une nouvelle baguette. Pour qu'elle ne soit pas seulement une remplaçante, mais la bonne. »
Le vieux l'avait agacé. Drago-le-potentiel-vexateur-de-baguette était rentré bredouille. Avec Gregorovitch mort, il n'avait pas le choix. Vivre quelque temps sans baguette semblait suicidaire : l'heure était à la reconstruction dans le monde magique, mais ceux qui avaient fait du mal à ce monde, comme lui, étaient l'objet de vengeances.
Mais Drago n'avait pas supporté de rester plus longtemps dans la maison parentale.
La fin de son asservissement à un certain mage noir lui avait donné envie d'envisager une autre forme d'indépendance, plus radicale, celle-ci.
Ce voyage était une première prise de distance vis-à-vis de sa famille, même si ses parents ne s'en rendaient pas encore compte.
Drago arriva au bord d'un ravin. Un pas de plus, et il tomberait. Sans qu'aucun filet magique ne puisse le rattraper.
Etre débarrassé de l'artefact magique avec lequel il avait fait tant de mal contribuait au changement de peau qu'il lui était nécessaire d'effectuer.
Mais maintenant, il devait accepter (intéressant, cette synonymie entre « accepter que » et « souffrir que ») qu'il avait fait tous les mauvais choix… et qu'un nouveau s'offrait à lui.
Continuer, ou non.
Drago se balança sur l'avant de ses pieds. Un pas suffirait. Un pas en avant ou un pas en arrière.
Il savait qu'il allait souffrir toute sa vie des conséquences du passé. Il en souffrait déjà. Il lui était toujours intolérable de se regarder dans une glace.
Un pas, Drago.
Une bourrasque le fit vaciller, et il se rappela cette une récente de BalaiMagazine, qui avait créé la surprise en citant un auteur moldu.
« Le vent se lève. Il faut tenter de vivre ».
Un pas en arrière, dans ce cas.
.
.
Ce soir-là, Drago fut surpris de trouver des gens dans la salle du refuge montagnard où il s'arrêta. La station était utilisée comme sanatorium par le passé, mais c'était surtout le tourisme qui remplissait les auberges.
Or, c'était la saison creuse. L'été était passé. Ici, le temps automnal était contrindiqué pour les randonnées. Des pluies soudaines rendaient les chemins glissants et dangereux. La foudre était tombée plusieurs fois sur des campeurs. Idéal pour être sûr de ne croiser personne.
Drago prit une chambre et alla s'installer à la terrasse du large chalet. Une famille avec deux chiens et une fille seule, emmitouflée dans une couverture, regardaient le paysage.
La fille, une brune, lui sourit quand il prit une chaise, à l'autre extrémité de la terrasse.
Drago se demanda vaguement s'il la connaissait.
Il avait choisi l'auberge parce qu'elle était tenue par un couple de sorciers des énergumènes qui préféraient la montagne à la vie en société… compréhensible, vu ce qui s'était passé dans la société magique ces derniers temps…
L'ironie du nom de l'auberge, La Montagne magique, ne l'en frappait que plus.
Pendant la nuit, un orage éclata. Drago était en train de regarder son itinéraire du lendemain sur une carte quand les plombs sautèrent.
Où était sa Main de la Gloire quand il avait besoin d'elle ?
Il chercha à tâtons la poignée de la porte de sa chambre. Dans le couloir, le parquet et les murs lambrissés craquaient de tous les côtés. Un éclair déchira l'obscurité. Drago recula. On aurait dit un sort terrible lancé du ciel. Un sort pour lui ?
Il entendit remuer dans la chambre voisine. Bientôt, une porte s'ouvrit sur le palier et la fille qu'il avait vu dans l'après-midi apparut, une bougie allumée à la main. Elle en tenait deux autres.
- Tu en veux une ? Drago, c'est ça ?
Il acquiesça. Il ne l'admettrait jamais, mais le noir l'effrayait.
- On se connait ?
Sa voix était un peu enrouée il avait peu parlé au cours des derniers jours. Des derniers mois, en fait.
- Astoria Greengrass, dit-elle. Ma sœur Daphné était à l'école avec toi.
Drago se souvenait. Une fille rousse et réservée, trop intellectuelle pour être amie avec Pansy. Astoria ne lui ressemblait pas beaucoup, avec ses cheveux bruns, son teint pâle et ses yeux ronds et doux.
Drago connaissait leur nom de famille, bien sûr, depuis l'âge où il avait dû apprendre par cœur le nom des 28 anciennes familles de sang pur.
- Tu es là pour prendre des vacances ? demanda-t-il maladroitement.
C'était très improbable : si elle était plus jeune que Daphné, elle aurait dû être en cours à l'heure qu'il était.
- Pour ma santé, éluda-t-elle.
Elle ne semblait pas vouloir en dire plus. Drago supposait qu'ils étaient là pour les mêmes raisons, donc : aller mieux. De quelque façon que ce soit.
La fille frissonna.
- Je vais aller vérifier le compteur, tu veux m'accompagner ?
Drago n'avait aucune idée de ce qu'était un « compteur ». La curiosité l'emporta.
Il acquiesça et alluma sa bougie avec la flamme de la sienne.
Plus tard, il se rendrait compte combien ce geste fut emblématique de l'effet qu'Astoria aurait sur lui tout au long de sa vie, et au-delà.
.
.
.
- Tu es à Serpentard ? Ou était ? Désolé, je ne dois pas être très bon avec les visages…
C'était ceux de ses ennemis dont ils se souvenaient le mieux. Puisqu'ils hantaient ses rêves. Les Médicomages parlaient de stress post-traumatique. Il avait vu trop de choses, trop jeune.
- Y a pas de mal… Je passais le plus clair de mon temps à l'infirmerie de Poudlard, dit-elle comme s'il s'agissait d'une broutille. C'est pour ça que je t'ai reconnu.
Drago se mordit la lèvre. Faisait-elle seulement référence aux blessures de Quidditch, ou aussi aux fois où, au cours de sa sixième année, il avait dû demander des somnifères à l'infirmière de Poudlard ? Rogue lui en aurait fourni, mais il aurait aussi deviné que sa mission tracassait Drago, et ça, le Serpentard ne voulait pas qu'il le sache.
- Oh, vraiment ? Pas parce que l'histoire de ma famille a fait les choux gras de la presse ? dit-il amèrement, en évitant son regard.
- Ça fait longtemps que j'ai cessé de baser mon jugement sur la Gazette, répondit-elle simplement.
Elle semblait si sereine et tranquille. Drago enviait sa tranquillité. Même s'il n'était pas sûr qu'elle ne soit pas feinte.
- Qu'est-ce que tu as ? Pour avoir besoin de venir ici ?
Il savait que la question était maladroite, mais elle se contenta de sourire.
- Je pourrais te retourner la question.
Drago hocha la tête. Il supposait que lui aussi était en convalescence.
- Une malédiction du sang, dit finalement Astoria. Un arrière-grand-père de ma mère s'est cru un peu mieux que les autres, il a provoqué un sorcier puissant… un Selwyn, selon ma mère. Et cet homme l'a maudit, lui, ainsi que toute sa lignée. Toute ma famille n'est pas affectée par la malédiction, mais je fais partie des heureux élus.
Drago regarda ses mains, mal à l'aise. Lui ne savait pas lancer de telles malédictions, mais son père, sans aucun doute. Il se souvenait que Lucius s'était vanté d'avoir menacé le conseil d'administration de Poudlard d'en lancer une sur eux s'ils ne signaient pas l'ordre de renvoi de Dumbledore.
- Ça fait… mal ?
- Non. Ça me fatigue, c'est tout. Le professeur Dumbledore a accepté que je vienne étudier à Poudlard. Apparemment, il avait aussi aidé le professeur Lupin– tu sais, le loup-garou – à faire ses études normalement. Mais depuis deux ans, j'ai choisi les cours par correspondance. C'était plus facile que devoir demander tout le temps les notes des autres pour suivre…
- Il n'y a pas d'école plus… adaptée ?
Elle rit d'un rire sans joie.
- Durmstrang a fait comprendre que mon nom de famille serait super sur la liste des anciens élèves, mais que je n'aurais aucun traitement de faveur, y compris pour des raisons médicomagiques. Beauxbâtons était le meilleur candidat, mais ils ont eu trop de demandes d'inscription de la part de Nés-Moldus anglais, ces dernières années… Et mes parents ne voulaient pas que j'aille dans des écoles moins cotées. Peu importe, j'ai eu six BUSEs, dont 4 Efforts Exceptionnels et 1 Optimal !
Drago se força à répondre à son sourire. Mais il connaissait la partie qu'elle taisait. La solitude. On n'allait pas à l'école uniquement pour les cours et les diplômes, mais pour le contact humain.
Dire qu'il avait contribué au climat d'insécurité qui l'avait empêchée d'étudier dans une grande école de magie…
- Ça ne te dérange pas de parler à un Malefoy ?
- Ça ne te dérange pas de parler à une Greengrass ?
- Vous faites partie des « gentils » Sang-Pur, tenta-t-il de plaisanter.
Il n'avait jamais entendu leur nom parmi ceux de Mangemorts.
- On fait partie des planqués, si tu tiens vraiment à utiliser des catégories. Pour ma part, je ne les aime pas. Moldu, sorcier, Nés-Moldus, Sang-mêlé, Sang-pur, gentils, méchants… à la fin, on est que des humains. Avec leurs erreurs, leurs peurs, leurs forces et leurs regrets. Je ne jugerai pas les tiens, si tu ne juges pas les miens.
Il avait envie de dire que c'était trop facile de vouloir abattre des distinctions déterminantes pour leur histoire, la clandestinité de leur monde, les représentations mentales de leur société. Repartir à zéro était un rêve.
Mais ce devait être au moins aussi difficile pour elle de lui pardonner que c'était pour lui de le faire.
- Tu vas encore rester un peu ici ?
Changer de sujet ne changeait rien. Drago avait envie de pleurer comme jamais il ne l'avait fait. Comme jamais on ne lui avait appris à faire. Pleurer n'était pas digne de l'héritier de Lord Malefoy.
Le regard d'Astoria était si frais et si neutre… si compréhensif. Elle ne demandait qu'à comprendre, qu'à écouter. Elle ne semblait pas connaître le sens du mot « jugement ».
Alors Drago prit peur.
- Non, je vais rentrer demain.
.
.
- Tu es bien silencieux…
En réalité, Drago avait peu parlé depuis son retour de la Montagne magique. Il leva le nez de son assiette. Il avait décidé de quitter le Manoir pour de bon, et de s'installer à Londres, mais venir y dîner de temps en temps était non-négociable pour sa mère.
- Mère, vous connaissez Astoria Greengrass ?
Narcissa leva un sourcil.
- Bien sûr. Pauvre petite… Bonne famille, mais maudite. Tu l'as rencontrée où ?
- Au bureau, mentit-il.
Bien entendu, c'étaient les relations de Lucius qui lui avait obtenu son poste au Secrétariat des Transports magiques. Même après la guerre, son nom ouvrait certaines portes.
- Tu revois un peu Blaise et Gregory, ces temps-ci ? J'ai l'impression que tu travailles un peu trop… continua sa mère.
C'était surtout parce que Drago utilisait le travail comme prétexte pour décliner ses invitations à dîner. Quant à ses anciens « amis » de Serpentard…
Pansy avait bien tenté de le recontacter, mais il n'avait eu aucune envie de la revoir. C'était encore celle qui avait le mieux fait, puisqu'elle s'était enfuie dès le début de la Bataille de Poudlard.
Crabbe… Drago se rendait compte qu'il n'était pas triste de sa mort.
Quant à Goyle, ils étaient amis essentiellement parce que c'était attendu d'eux, parce que c'était normal, compte tenu des liens entre leurs familles. Il n'avait plus envie de ça. Plus envie de relations dictées par les convenances, les préférences familiales.
Résultat, il était seul. Mais il se demandait si ce n'était pas mieux que cette Salle commune remplie de Serpentards imbus d'eux-mêmes, toujours à autoentretenir leurs valeurs et pensées malsaines. Voilà l'idée que se faisait Drago d'un vrai ami : quelqu'un avec qui on puisse discuter sans être toujours d'accord. Quelqu'un en qui on pouvait se confier sur ses doutes. Quelqu'un en qui on pouvait avoir confiance. Blaise s'était rapproché de cette définition, à ceci près qu'il suivait les traces de ses parents et qu'il ne semblait avoir aucun remord par rapport à ce qui s'était passé durant l'année passée. Certes, il n'était jamais devenu un Mangemort, mais la guerre n'avait pas ébranlé sa certitude selon laquelle les Sangs-purs étaient supérieurs aux autres hommes.
- Il a seulement hérité de mon éthique du travail, dit fièrement Lucius.
Sa femme lui jeta un regard brûlant. Oh oui, ils l'avaient vu à l'œuvre cette éthique du travail.
Drago voyait bien que sa mère n'avait pas pardonné à son père d'avoir mêlé son fils unique à la clique de Voldemort. Lui non plus, du reste.
Il commençait seulement à comprendre à quel point l'éducation que lui avait donné ses parents l'avait mené sur les mauvais chemins. La politesse et le sens de la famille, il n'y trouvait rien à redire. Mais Drago avait longtemps souffert du syndrome du flocon de neige. Il avait appris, depuis. Que son don de magie, sa lignée et son nom de famille ne lui donnaient aucun droit supplémentaire par rapport aux autres humains. Que le respect ne lui était pas dû. C'avait été une dure leçon que le refus d'Harry de lui serrer la main, lors de leur premier voyage dans le Poudlard Express. Jusque-là, il n'avait jamais essuyé de refus. Sa vie avait été si facile, dorloté et choyé qu'il était par sa mère, adulé comme l'héritier Malfoy par les amis Sang-pur de ses parents…
Il n'arrivait pas à en vouloir à sa mère, parce qu'elle était si aimante, mais il savait que ses deux parents avaient leur part de responsabilité dans le fait de l'avoir fait se sentir supérieur aux autres. De lui avoir fait croire qu'il méritait un traitement de faveur. En réalité, tout ne lui était pas dû. Encore moins le respect.
Ce respect qu'il avait perdu aujourd'hui, et qu'il n'avait peut-être jamais eu, dans sa forme la plus pure et la moins mondaine.
Plus grave, ce syndrome du flocon de neige avait évolué vers l'idée que le reste du monde avait tort, que ceux qui ne partageaient pas ses valeurs devaient être méprisés… ou pire, corrigés. Vers l'idée qu'il fallait activement redonner leur place à ceux qui le méritaient. De là, il n'y avait eu qu'un pas à s'engager auprès de Voldemort. La pression familiale avait été forte, mais Drago ne pouvait plus se voiler la face.
Il avait cru tenir là son quart d'heure de gloire, quand il avait seulement signé la fin de sa jeunesse.
Le parfait petit Drago avait compris cela, maintenant. Mais il était trop tard pour réparer ce que d'autres appelaient pudiquement « ses erreurs de jeunesse ».
L'expression était bien trop déculpabilisante à son goût : son âge à l'époque des faits ne changeait rien à leur gravité. Il n'aurait jamais cru que son changement de camp, même tardif, lui éviterait Azkaban. L'opprobre était une punition suffisante. Dans la petite société magique du Royaume-Uni, où qu'il irait désormais, on saurait qui il était. Et il ne serait plus jamais fier d'être un jour né un Malefoy.
- Désolé, Mère. Je n'ai plus très faim, mais c'était très bon.
- Tu es sûr ? Il y a du gâteau…
- Merci, mais je vais rentrer avant qu'il ne soit trop tard.
Narcissa lui lança un regard aigu (le soleil n'était même pas couché) mais n'insista pas. Lucius se contenta de reprendre une gorgée de vin.
.
.
- Drago ?
- Astoria ! sourit-il sincèrement (ce qui était encore rare).
C'était le Réveillon au Ministère. La première depuis la fin de la guerre. Les deux camps se voyaient dans la pièce. Drago pouvait voir la clique des Gryffondors et l'ancienne A.D. lui lancer des regards en coin tout en discutant avec le Ministre, ce Kingsley Shacklebolt. Les Malefoy regrettaient ses proximités avec Dumbledore et Harry Potter, mais Drago le trouvait efficace, compte tenu de la situation qu'il avait dû gérer dès le début de son mandat.
- Tu es venu seul ?
- Mes parents sont là-bas, dit-il en montrant le « coin des Sangs-purs » comme il le surnommait à présent.
- Tu n'as pas de cavalière, je veux dire ?
- Non… mais, ne le prends pas mal, je n'ai pas très envie de danser…
Le discours de Shacklebolt, sans surprise, avait évoqué tous les absents. Le Réveillon appelait un retour sur l'année passée.
Drago était certain que son teint pâle avait rougi et l'avait trahi, mais tant pis. Astoria portait une robe noire assez simple. Avec son corps frêle, elle donnait un peu l'impression d'une petite fille déguisée en femme.
- Ce n'est pas grave, dit-elle joyeusement. Tu veux venir t'asseoir avec nous ?
Elle indiqua une table où trois Serdaigles (s'il ne se trompait pas) et deux Serpentards discutaient. Des élèves un ou deux ans plus jeunes que lui.
- Que vont penser tes amis ?
- Que je t'ai pris en pitié parce que tu es planté tout seul dans un coin avec une Bièraubeurre à la main, répondit-elle honnêtement. Mais toi, tu sauras que je le fais parce que ça me fait plaisir.
Il fit un petit sourire.
- Allez, viens…
Elle lui présenta ses anciens camarades de classe. Ils étaient mi-méfiants, mi-curieux. Curieux de voir ce que le fils Malefoy avait à dire pour sa défense ? Non. Juste curieux de l'entendre parler. Non pas que Drago parla beaucoup. Il écouta, plutôt.
Les histoires qu'on racontait sur les actuels professeurs de Poudlard, les potins sur les élèves… Drago avait passé une partie de l'été dans les livres pour se préparer à la session de rattrapage que le Ministère avait organisé pour les élèves voulant présenter l'examen des ASPICs sans avoir suivi de septième année. Drago avait bachoté ce qu'il fallait et obtenu les notes minimales pour avoir son diplôme (sauf en Potions et en Défense, où il avait excellé). C'était moins que son niveau habituel, mais qu'importait. Même sans ses ASPICs, il aurait choisi de travailler. Devoir se frotter au regard de centaines d'élèves à la rentrée, il ne l'aurait pas supporté.
Il remarqua qu'Astoria prenait une quantité impressionnante de potions au cours de la soirée. A chaque fois qu'il lui lança un regard soucieux, elle lui répondit par un sourire rassurant.
Le soir-même, il souhaita une bonne nuit à ses parents et alla fouiller parmi les livres de la bibliothèque du Manoir. Des livres sur les malédictions, la famille en possédait une large collection. Drago répugnait à y remettre le nez. Il voulait laisser cette partie de sa vie derrière lui. Mais il voulait aussi aider Astoria. Il trouva tous les moyens de mettre en place les malédictions les plus infectes, mais aucun pour les contrecarrer. Les Moldus croyaient au baiser d'amour sincère comme antidote, notait un auteur moqueur dans une préface, mais il était bien incapable de lui proposer une meilleure solution.
Comme souvent, le Mal avait l'esprit court sur patte. Il regardait comment détruire sans se soucier du comment réparer. Il ne s'en souciait que lorsque les conséquences de ses actions allaient contre lui. Et il était souvent trop tard pour faire demi-tour.
.
.
.
- Faites demi-tour !
Le chauffeur du Magicobus leva un sourcil amusé.
- Je veux dire, attendez un peu, je pense que c'est une cliente pour vous, dit-il.
Astoria, bien sûr, n'avait eu aucune envie de monter dans le panier-à-salades-qui-sentait-le-vomi, comme Drago l'appelait volontiers, mais lui, avait eu envie de descendre pour lui dire bonjour. Elle portait une robe d'été blanche et ses yeux, bien que cernés, étaient brillants. Elle souriait toute seule, les yeux levés vers la devanture de Mme Guipure, où une série de chapeau de paille étaient exposés. Drago pouvait très bien l'imaginer en porter un.
Drago descendit du bus.
- Salut ! dit-elle avec un air qu'il pensait être sincèrement joyeux.
- Bonjour ! dit-il en sentant son sourire atteindre ses yeux. Tu ne révises pas pour tes examens ?
On était en juin, à l'époque où les pelouses de Poudlard auraient été désertées malgré le beau temps, et la bibliothèque surpeuplée.
- Je connais déjà le programme, dit-elle, sans désinvolture. Je me suis dit que j'allais venir voir le Chemin de Traverse maintenant qu'il n'y a personne, parce que dès le début des vacances, ce sera noir de monde…
Elle semblait si libre, sans passé qui la retenait, sans emploi du temps fixe, sans contrainte d'aucune façon…
- Je t'accompagne ?
- Avec plaisir !
Et encore une fois, il se rendit compte qu'elle était sincère.
Plus tard ce jour-là, Astoria l'accompagna chez Ollivander. Ils ne trouvèrent pas encore de baguette adaptée, mais le vieillard était optimiste. Il voyait que les baguettes lui étaient déjà moins hostiles. Or, ses vieilles amies de bois avaient toujours été de bonnes juges en caractère.
.
.
Première partie de 4 chapitres sur les Malefoy nouvelle génération (Drago post-HP7, Astoria et Scorpius)… N'hésitez pas à me dire ce que vous en penser et bonne lecture !
Je reprendrai surtout des éléments de L'Enfant maudit.
