Bonjour à tous !
Il y a quelques jours, j'ai retrouvé cette histoire bien au chaud sur mon disque dur et comme j'ai pas mal rigolé en la relisant, je me suis dit que j'allais vous la partager.
Elle a été écrite en 2012 dans le cadre d'un défis : écrire une histoire qui se passerait du côté de la Marine et dont le genre principal ne devait pas être la romance.
Il y en aura quand même, mais ce ne sera pas le premier plan.
J'ai décidé de ne pas la reprendre malgré les quelques maladresses que j'ai constaté, parce que c'est comme ça qu'elle m'est venue en tête et c'est comme ça que je l'ai publiée la première fois.
J'espère qu'elle vous plaira autant qu'à moi, et bonne lecture !
Je me suis encore pris une raclée, quelque chose de splendide. En me relevant tant bien que mal, je me rends compte que de nouvelles écorchures sont venues se rajouter à ma collection déjà bien garnie. Je jure doucement en cherchant mon sabre des yeux : recouverte de poussières, les cheveux me tombant devant le visage, je dois avoir bien piètre allure, mais le sergent-chef Tashigi s'en contre-fiche. Je sais bien que c'est ce que je devrais faire aussi, mais je ne peux pas m'empêcher de grincer des dents. Mon sabre me rejoint soudainement en glissant sur le sol et je l'arrête en posant ma main dessus. Mon instructrice me regarde d'un air neutre, attendant probablement que je me relève pour recommencer à me tabasser. Je ramasse mon arme, me redresse et lui fais face. Mes cheveux me gênent et je me dis souvent qu'elle a bien raison de les porter court…
- Mika !
Quelque chose de froid et de piquant s'appuie sur ma gorge : le sergent a profité de mon inattention pour me piéger. Sans répondre, sans même lui accorder un regard, je lève les mains en signe de reddition : le sabre glisse au sol une fois de plus, et son bruit heurtant les cailloux me transperce plus surement que ne le ferait l'arme posée contre ma peau. J'ai perdu. Encore.
- Tu ne t'amélioreras pas en te laissant distraire, m'assène le sergent d'un ton sec. Combien de fois t'ai-je battu aujourd'hui ?
- … sept.
- Et cette semaine ?
- Quinze.
- Quel jour sommes-nous, Mika ?
Je laisse planer un silence.
- Mercredi, fini-je par laisser tomber.
Ça me fait mal de l'admettre, mais il est clair que je n'ai pas avancé d'un poil dans mon entrainement. Tashigi le sait, et elle balance encore du sel sur la plaie. Elle me libère et se permet un sourire goguenard.
- Si je devais te couper une mèche de cheveux à chaque fois que tu perds, tu serais chauve à l'heure qu'il est !
Instinctivement, je porte la main à ma tignasse emmêlée et poussiéreuse. En bonne fille que je suis, mes cheveux sont très importants pour moi. Du moins, quand ils sont propres et coiffés, ce qui est loin d'être le cas après une journée d'entrainement. Enfin, d'entrainement … j'ai plus l'impression d'avoir passé mon temps à me faire rosser ! Le sergent me pousse gentiment vers le bâtiment le plus proche, signe que, pour moi, la journée est terminée. J'ai vraiment de la chance de l'avoir pour instructrice. Si, au sabre, elle est carrément inhumaine, en dehors de nos séances elle est vraiment gentille. Probablement parce qu'il n'y a que très peu de femme dans la Marine. Lasse, je me dirige vers nos quartiers pour prendre une bonne douche et me redonner figure humaine avant d'aller diner.
L'eau ruisselle sur ma peau, provoquant à la fois la détente de mes muscles et de petites crispations lorsque le liquide rencontre une plaie. Je vais finir couverte de cicatrices, moche à souhait. Un soupire m'échappe. Comme si c'était le plus important ! De toute façon, après quelques mois sur un bateau, les gars sont tellement en manque qu'ils s'occuperaient avec n'importe qui ! Je fini tout de même par sortir de la douche et me poste devant mon miroir qui me renvois la même image que d'habitude en un peu plus amochée : celle d'une fille banale de taille moyenne, ni moche ni belle, longs cheveux blonds, yeux verts. C'est surement ça qui attire l'attention des gens, car ce n'est pas courant. Ici, les trois quarts des gens sont bruns.
Sanglée dans mon uniforme, je descends au self pour manger. Je ne l'avouerai jamais, mais mon ventre me torture depuis un bon moment pour que j'avale quelque chose dans les plus brefs délais. Je mets un point d'honneur à ne jamais arriver la première au repas pour ne pas passer pour une morfale affamée parce que ce n'est pas vraiment féminin de mon point de vue. C'est surement idiot, mais il me faut ces petites choses pour ne pas me transformer en mec dans ce milieu ! Après avoir choisi mon repas, je vais m'asseoir seule à une table.
- Hé, mais c'est la petite protégée de Smoker ! pourquoi tu manges seule, gamine ?
Je serre les dents sans répondre. Smoker, je ne l'ai jamais vu. Quand le vice-amiral Garp lui a dit de s'occuper de moi, il m'a refilée à Tashigi sans se poser de question. Donc je refuse catégoriquement d'être considérée comme sa protégée.
- Fais pas semblant de pas m'entendre ! j'suis sûr que t'as du caractère, sinon tu s'rais pas dans la marine. Allez, viens t'amuser avec nous ! pourquoi le colonel devrait être le seul à en profiter, hein ?
Ce gars commence à devenir très désagréable. Mes poings serrés ne demandent qu'à se défouler sur lui mais il est probablement bien plus fort que moi et je ne veux pas m'attirer d'ennuis. C'est à ce moment que j'entends quelqu'un prendre ma défense.
- C'est le vice-amiral Garp qui est responsable d'elle, pas le colonel Smoker.
Hermep ?
- Et le vice-amiral est très protecteur envers ses élèves, messieurs.
Koby ? Franchement, ces deux-là ne manquent pas d'air ! Ils s'assoient face à moi avec un sourire alors que je me contente d'un signe de tête pour les saluer. Dès que je suis arrivée, peu de temps après eux, ils ont décidé de me prendre sous leur aile. À l'époque, ils ne s'entendaient pas comme aujourd'hui et c'est la seule chose sur laquelle ils avaient réussi à se mettre d'accord. Je me souviens parfaitement de notre première rencontre. Koby avait voulu m'interroger sur ma famille et savoir comment j'étais arrivée là.
- Ma famille a été tuée par des pirates sanguinaires et je suis ici pour me venger, avais-je répondu. Les garçons m'avaient regardé avec des yeux ronds et j'avais éclaté de rire.
- Nan, j'rigole !
Et c'était vrai, j'avais bien ri. De ce que j'en savais, ma famille allait très bien et je n'avais pas eu besoin qu'on les assassine pour vouloir faire carrière du côté de la justice. Il m'avait suffi de croiser un officier classe et séduisant.
- Mika ? tu es avec nous ?
Je relève la tête brusquement. Effectivement, ça fait bien cinq minutes que je fais une fixette sur ma purée en me remémorant mon arrivée ici et j'ai dû leur paraître bien silencieuse, moi qui passe mon temps à raconter des idioties. Pour me faire pardonner, je leur adresse un sourire « à faire s'écrouler une falaise » comme le dit Garp. Je connais par cœur leur réaction : Hermep détourne légèrement la tête d'un air gêné et Koby me rend mon sourire. Non, je ne suis pas une tombeuse, loin de là. J'ai un caractère affreux qui ferait fuir n'importe qui de normal et un physique plus que banal, donc rien qui puisse me permettre de retenir un homme dans mes filets, à moins qu'il se contente de regarder mes yeux tout le temps, et là c'est moi qui le virerais. Bref. Les garçons me racontent leur travail du jour d'un air enthousiaste. Apparemment, ils ont été plus efficaces que moi !
- Et le colonel a décidé qu'il viendrait assister à ton entrainement demain ! s'exclame Koby, que je n'ai absolument pas écouté.
- Le colonel ? quel colonel ?
- Ben, Smoker voyons ! qui d'autre, puisque c'est le sergent-chef Tashigi ton instructrice ?
Ma fourchette heurte mon assiette avec un bruit aigüe.
- QUOI ?
Bon, d'accord, crier dans tout le self comme ça n'est pas nécessairement la meilleure des idées. Face à moi, mes amis me regardent avec un air d'incompréhension totale plaqué sur le visage. Hermep me tapote la main d'un geste vif.
- Je peux comprendre que ça te stress, mais …
- Non ! m'écris-je. Ça n'a rien à voir, je ne peux juste pas supporter ce gars !
Koby tique sur le terme employé. Il est bien trop respectueux des officiers pour admettre qu'on n'utilise pas leur grade lorsqu'on les désigne.
- Tu ne l'as jamais vu, me fait remarquer Hermep avec justesse.
- Justement, je rétorque. C'est lui, mon instructeur, à la base, et je ne l'ai jamais vu. Pourquoi il se préoccupe de moi maintenant hein ?
Cette nouvelle m'a coupé l'appétit pour de bon. Tashigi me forcerait à manger si elle était là, mais il vaut mieux que ce ne soit pas le cas. Elle adore tellement le colonel que j'aurais du mal à lui expliquer pourquoi je le déteste autant sans le connaître. Puis je m'arrête enfin sur la phrase de Koby. « Le colonel a dit … »
- Attends Koby, il était là aujourd'hui ? vous l'avez vu ?
Les garçons échangent un regard qui ne me dit rien de bon.
- Ouais, fini par répondre celui que j'ai interrogé. Il traine de temps en temps dans le coin en ce moment. Aujourd'hui il nous a demandé quand est-ce qu'on était arrivé et on lui a dit juste avant toi. Alors il a… il a eu l'air de se souvenir de ton existence.
J'en reste bouche-bée. La colère me crispe complètement devant cet aveu. Se souvenir de mon existence ? Quel enfoiré !
- Alors c'est à vous que je dois de passer la pire journée de ma vie, demain ? j'en ai de la chance, dis-je dans un grognement.
Puis je me lève, ramassant mon plateau quasiment intact. Cette nouvelle vient de me pourrir la soirée, en plus de la journée à venir. Chouette perspective. Hermep me regarde récupérer mes affaires.
- Tu pars ? demande-t-il.
- Ouais, j'vais me coucher. Rien que l'idée de voir ce pourri de colonel demain me déprime, je préfère y penser le moins possible. À plus les mecs !
Si j'avais été un peu plus attentive, j'aurais remarqué l'expression de mes amis au moment où j'ai commencé ma phrase ; mais comme toujours, je n'y ai pas fait attention du tout. Ce doit être pour ça que la voix derrière moi m'a plutôt surprise.
- C'est moi que tu traites de pourri ?
Okay, mon cœur vient clairement de rater un battement. Je me retourne brusquement vers la source de cette voix grave et mécontente. Un peu trop brusquement d'ailleurs, puisqu'il est bien plus proche de moi que je ne le pensais et que j'ai toujours mon plateau dans les mains. Le résultat de cette manœuvre est une magnifique tâche sur le bel uniforme blanc du colonel. Je me rends compte que le silence s'est abattu sur les Marines. Je lève les yeux vers le visage de mon responsable et tente mon fameux sourire.
- Bonsoir, enchantée de faire votre connaissance !
Je crois vraiment que je vais mourir ce soir.
