Disclaimer : MFB ne m'appartient pas.

Et voilà Ananda ! Je t'ai fait attendre mais j'espère que ça en vaudra la peine ;)

Cette fic se passe juste après Shogun Steel / Zero-G. J'ai mis des jours à trouver le titre (est-ce qu'il est bien au moins ? Il se pourrait qu'il change)

Chapitre 1 : Sept ans plus tard

Kyoya regardait par la fenêtre de son bureau. De lourds nuages encombraient un ciel immobile. Pas un souffle de vent ne se manifestait. Pas même une petite brise. En résumé, non seulement la météo était mauvaise, mais en plus elle ne lui permettrait pas d'offrir un entraînement décent à Leone.

Un soupir échappa à ses lèvres. Il ne détourna pas le regard. Une pile de documents à lire et à signer s'entassait sur son bureau. Il les ignorait. Il ne leur avait même pas jeté un coup d'œil. Il n'avait pas l'esprit à travailler aujourd'hui. Ses pensées étaient toutes occupées par une seule et unique personne. Le seul moyen de les détourner de ce sujet serait de les focaliser sur un combat ou, au moins, sur un entraînement particulièrement intense. Mais il n'en avait pas la possibilité pour l'instant.

Avec un grognement agacé, il s'enfonça dans son siège et se mit à regarder le plafond. Il en avait assez d'être enfermé ici. Il voulait sortir, se défouler et surtout – surtout – trouver un moyen de ne plus penser à lui.

Car c'était bien cela le pire dans cette situation : Ginga Hagane lui manquait.

Cet aveu, même silencieux, augmenta son agacement. Il détestait ressentir ce genre de choses. Ça lui donnait l'impression d'être faible. Comme s'il avait besoin de la présence de Ginga pour se sentir bien.

Ce n'était pas vrai.

Il avait besoin de Ginga, tout simplement.

Kyoya se leva brusquement, envoyer valser sa chaise. Il ne pouvait pas rester ici une seconde supplémentaire. Il n'arrivait pas à se concentrer. Il n'y arriverait pas aujourd'hui. Sa présence dans ce bureau était inutile et il perdait son temps. S'il y avait bien une chose qu'il détestait par-dessus tout, c'était bien cela.

Sans un mot, il quitta la pièce puis traversa le couloir à grandes enjambées. Il n'adressa pas un regard à ceux qui croisèrent son chemin. Ça faisait longtemps qu'il n'avait pas ressenti une telle agitation. Il voulait seulement partir d'ici le plus vite possible et se sentir libre. Il avait besoin de partir loin de ces gens. Ils seraient bien capables de se débrouiller un moment. Il voulait juste se retrouver seul avec Leone. Comme avant.

Dès qu'il fut dehors, il sentit un poids quitter ses épaules. Mais il ne s'arrêta pas. Ce n'était pas suffisant. Alors il se dirigea vers l'extérieur de la ville. Il n'avait aucune destination en tête. Il voulait juste s'éloigner, être un peu seul et entraîner Leone. Il ne pourrait rien de tout cela en restant ici. Le seul lieu qu'il éviterait était Bey-City : la plupart des amis de Ginga y vivaient – même s'ils ne pratiquaient plus le Beyblade, Ginga continuait de les voir régulièrement. Ces idiots ne manqueraient pas de lui demander des nouvelles : "Et Ginga, comment va-t-il ? Ses recherches avancent ?". Et Kyoya s'énerverait parce qu'il n'en avait aucune idée. Son imbécile de rouquin était parti quelques jours plus tôt, sans le prévenir. Kyoya ne s'était rendu compte de son départ qu'en rentrant chez eux et en découvrant un mot sur la table de la cuisine. Apparemment, Ginga avait découvert des indices capitaux sur les nouveaux plans de la Nébuleuse Noire et ça ne pouvait pas attendre. Point.

Il allait le tuer.

Kyoya se rendit sur un terrain vague à l'extérieur de la ville. Un lieu totalement désert où la nature commençait à reprendre ses droits. Ce n'était pas parfait mais il s'en contenterait.

Il ôta sa veste et la lâcha dans la poussière. Il se plaça au centre du terrain, prit son lanceur et y enclencha Leone.

- Hyper vitesse !

Sa toupie s'élança avec une rage et une impatience qui faisaient écho aux siennes. Kyoya se concentra de tout son être sur son entraînement. Il n'y avait plus que Leone comme extension de son propre esprit. Chaque mouvement de son bey, chaque attaque qu'ils lançaient accaparait toute son attention. Il n'y avait rien d'autre qu'eux dans l'instant présent, au cœur de ce terrain vague. Tout ce qui avait pu l'agacer était relégué dans un coin de son esprit. Cela n'avait plus aucune importance.

Lorsque la nuit tomba, Kyoya n'avait pas dépensé un dixième de son énergie. Il se sentait un peu mieux pourtant cela ne suffisait pas. Il avait besoin de repousser ses limites à l'extrême, de se surpasser. Sauf que le moment et l'endroit ne s'y prêtaient pas. Il se promit de le faire dès que possible.

Il récupéra Leone puis se dirigea lentement vers sa ville, ses pas éclairés seulement par les étoiles et par la lune qui s'élevait dans le ciel. Elles furent remplacées par l'éclairage froid des lampadaires dès qu'il franchit le seuil de la ville. Il laissa ses pas le guider jusqu'à chez lui. Il ne croisa presque personne. Les rues désertes et silencieuses s'offraient à lui.

Il arriva au pied de son immeuble sans se presser. Il escalada les escaliers jusqu'au cinquième et dernier étage – il n'avait aucune envie de s'enfermer dans un ascenseur. Il atteignit rapidement son pallier et entra dans son appartement. À peine alluma-t-il la lumière qu'il remarqua le sac de voyage de Ginga posé dans l'entrée. Un éclat blanc attira son attention. Un morceau d'écharpe. Passé par-dessus un accoudoir du canapé, il traînait négligemment sur le sol. Ginga était revenu.

Kyoya avança dans le salon à pas de loups. Ginga, paisiblement allongé sur le canapé, dormait. Sa main posée sur son ventre se soulevait au rythme de sa respiration. Une vague de soulagement l'envahit. Kyoya ne s'était même pas rendu compte qu'il s'était inquiété pour lui. Il le détailla. De la poussière constellait ses joues et ses vêtements. Il n'avait pas pris le temps de se changer en rentrant chez eux, ni même celui d'enlever ses chaussures. Il s'était simplement laissé tomber sur le canapé. Son voyage avait dû être difficile : il semblait avoir épuisé la moindre de ses forces. Il n'avait même pas été capable d'atteindre leur chambre.

Kyoya l'observa encore un peu. Il paraissait si calme. Si paisible. Il avait certainement besoin de repos pour reprendre des forces.

- Debout Ginga !

Sa voix résonna dans l'appartement silencieux. Son acte était sans doute mesquin, mais son compagnon n'avait qu'à le prévenir de vive voix la prochaine fois qu'il partirait en mission.

Ginga se réveilla dans un sursaut si fort qu'il tomba du canapé. Ridicule. Un sourire moqueur étira les lèvres de Kyoya qui croisa ses bras sur le dossier du canapé et se pencha pour observer Ginga se relever péniblement.

- T'exagères Kyoya, marmonna-t-il.

Ginga se mit debout en défroissant ses vêtements. Il releva la tête et lui sourit. Kyoya en fut sidéré.

- Salut.

Kyoya ne fut pas certain d'avoir entendu.

- Tu plaisantes là ? Ça fait des jours qu'on ne s'est pas vus et tout ce que tu trouves à me dire c'est "salut" ?

- Je devrais commencer par autre chose ?

S'excuser ? Ne jamais recommencer ? Se jeter à ses pieds et implorer son pardon ? D'autres hypothèses traversèrent son esprit mais celle-ci garda sa préférence. Il se sentait prêt à excuser Ginga s'il le suppliait. Il était d'humeur généreuse ce soir.

Ginga fit le tour du canapé et le serra contre lui. Il nicha son visage dans son cou. Kyoya se crispa, hésitant encore sur la manière de réagir à son retour.

- Tu m'as tellement manqué, soupira Ginga d'une voix étouffée.

Kyoya sentait son souffle sur son cou et le contact de leurs peaux. Sa gorge s'assécha. Le corps de Ginga était si proche du sien... Il ressentait même le rythme de sa respiration et les battements de son cœur.

- Je voulais attendre ton retour mais je me suis endormi. Désolé.

Kyoya appuya une main sur l'épaule de Ginga et le repoussa. Le rouquin recula et leva sur lui des yeux chargés d'incompréhension.

- Qu'est-ce qu'il y a ?

- Tu n'étais pas obligé de partir.

Malgré son ton bas, toute la rancœur qu'il avait ressenti transperça chacun de ses mots. Il se redressa fièrement et se mit à le toiser. Il ne pouvait pas laisser Ginga s'en sortir ainsi. C'était trop facile. Son absence avait créé un vide en lui que son retour avait suffit à combler. Kyoya détestait ces sentiments. Il ne supportait pas de dépendre de Ginga à ce point. Il voulait lui faire regretter.

Ginga lui prit les mains. Il traça des cercles sur sa peau, un geste qu'il devait vouloir apaisant sans doute. Il envoyait des frissons à Kyoya.

- Je devais partir immédiatement. J'ai failli perdre sa piste. Je n'aurais jamais pu le rattraper si j'avais attendu plus longtemps. Moi aussi, j'aurais préféré que tu viennes avec moi.

Kyoya regarda leurs mains toujours liées. Il savait qu'au moment où il verrait l'expression de Ginga il céderait. Sa voix trahissait sa sincérité et la moindre de ses émotions se reflétait sur son visage. Il verrait sa sincérité et il ne pourrait lui en vouloir plus longtemps.

Il ferma les yeux et soupira.

- Qu'est-ce que tu as découvert ?

- Les plans d'un complexe de la Nébuleuse Noire. Je ne sais pas s'il est déjà construit ou si ce n'est qu'un projet. Je compte en parler à Tsubasa et à Madoka demain. Ils sauront peut-être quelque chose.

Kyoya dégagea ses mains de celles de Ginga avec suffisamment de douceur pour montrer qu'il n'était plus motivé par la colère.

- Tu penses vraiment qu'ils sauront quelque chose ?

- Je ne sais pas... J'espère. Ce n'est pas important de toute façon : j'ai envie de les voir. Ça fait longtemps qu'on ne s'est pas parlé.

Ginga se tut soudainement et sembla songeur. Il leva la main et effleura la joue de Kyoya.

- Je suis désolé.

- D'être un idiot ?

- De t'avoir inquiété.

Kyoya se crispa. Il détestait que Ginga le comprenne si parfaitement des fois. Ça lui donnait une impression de vulnérabilité.

- Je n'étais pas inquiet. Agacé, énervé, mais pas inquiet.

- D'accord.

La main de Ginga glissa jusqu'à son épaule. Ils restèrent silencieux un instant.

- Tu penses... que tu pourras venir avec moi cette fois ?

- Si tu es capable d'attendre trois jours.

- Évidemment ! C'était juste pour cette fois.

Ginga s'efforça de sourire, sans parvenir à effacer tout le sérieux de son expression.

- Et si on allait dormir ? Je suis épuisé.

La main de Ginga descendit le long de son bras puis agrippa la sienne. Leurs doigts s'entremêlèrent. Kyoya se laissa guider jusqu'à leur chambre. Lui non plus n'avait pas envie de discuter plus longtemps ce soir.

XXX

Le réveil fut difficile pour Kyoya. Il se sentait bien, blotti contre son compagnon. Il aurait voulu rester ainsi pendant des heures. Il aurait pu si l'imbécile en question ne gigotait pas autant.

Kyoya résista encore un peu, espérant replonger dans le sommeil, mais il était parfaitement réveillé. Alors il abandonna. Il grogna et s'assit, ignorant le frisson glacé qui parcourut son corps. Il toisa le rouquin qui osait continuer à dormir. Celui-ci bougea encore un peu avant de s'immobiliser. Il s'était rendormi profondément. Agacé, Kyoya se mit debout et s'étira. Toutefois, il ne songea pas une seule seconde à le réveiller. Ginga avait besoin de repos.

Un coup d'œil au réveil lui indiqua qu'il devait se préparer maintenant s'il ne voulait pas être en retard à sa réunion. Il n'était pas motivé pour aller travailler mais, plus vite il réglerait les dossiers urgents, plus il y avait de chances qu'il puisse accompagner Ginga dans sa prochaine mission.

La perspective d'un voyage avec son compagnon agrémenté de combats suffit à faire renaître sa motivation.

Il quitta silencieusement sa chambre et se dirigea vers la salle de bain. Il se prépara rapidement. Il n'avait pas de temps à perdre.

Lorsqu'il en sortit, Ginga était réveillé. Le rouquin l'attendait tranquillement dans le salon. Ses cheveux étaient plus ébouriffés que d'ordinaire et la fatigue marquait ses yeux. Ses vêtements de nuit étaient complètement froissés.

- Tu vas travailler ?

- Comme d'habitude, et toi ?

- Je compte toujours aller voir Tsubasa et Madoka. Tu ne veux pas venir ?

- Je n'ai aucune envie de leur parler. Pourquoi je perdrais mon temps avec eux ?

- Parce que ce sont tes amis ? proposa Ginga.

- Je les vois pour le travail. Ça suffit.

Ginga leva les yeux au ciel avec amusement.

- D'accord.

- En plus, j'ai une réunion.

Ginga sourit.

- Quoi ? fit Kyoya, méfiant.

Il secoua la tête.

- Rien.

Mais son sourire s'élargit un peu.

- Tu te moques de moi ?

- Pas du tout. Je me disais juste que le lion qui devait aiguiser ses crocs seul a évolué.

Kyoya se crispa. Il n'aimait pas la tournure que prenait la discussion.

- C'est un reproche ?

- Non. Arrête de tout prendre mal.

Ginga pencha la tête sur le côté, songeur.

- C'est juste que... ça ne colle pas vraiment à l'image que tu donnes, tu vois ? Un chef d'entreprise, sérieux, alors que tu n'avais que l'idée de me vaincre en tête. C'est assez différent. Même s'il faut de la persévérance dans les deux cas.

Ginga eut l'audace de rire.

- Tu te souviens de la tête de nos amis quand ils ont appris que tu allais diriger la TC ?

- L'avis de tes amis ne m'intéresse pas.

- Et Yû... il a dit que tu avais enfin compris que les lions vivent en groupe.

- Ginga !

Il n'avait pas besoin qu'on lui rappelle ce genre d'événements.

Ginga ne cessa pas de sourire. Kyoya commençait à se sentir mal. Il détestait l'idée d'avoir pu changer au point d'être méconnaissable. Il avait l'impression d'être toujours le même. Il l'espérait. L'avis des autres ne l'intéressait pas, cependant, si Ginga le pensait aussi...

- Tu trouves que j'ai changé ?

Le sourire de Ginga s'évanouit. Il le fixa avec choc, comme si c'était la question la plus stupide jamais posée dans l'histoire de l'humanité. C'était une réaction très étrange – et vexante – de sa part. Kyoya se crispa un peu plus. Il avait tant changé sans le remarquer ? Il n'aimait pas cela. Évoluer, c'était une chose. Il n'avait cessé d'évoluer depuis qu'il avait rencontré Ginga. Mais changer... ça n'avait rien à voir. C'était comme s'il tournait le dos à sa nature profonde et qu'il ne pouvait plus revenir en arrière.

- Sérieusement ?

- Je suis du genre à plaisanter ?

- Vu ce qui est arrivé le mois dernier, oui, j'imagine que tu es en train de plaisanter.

Les sourcils de Kyoya se froncèrent tandis qu'il faisait défiler les derniers événements dans son esprit. Le mois dernier... Un demi-sourire moqueur étira ses lèvres. Il s'en souvenait. Ginga avait raison : il n'avait pas tant changé que ça.

- Je ne vois pas de quoi tu parles, dit-il avec toute la mauvaise foi dont il était capable.

- C'est pour ça que tu souris.

- Je ne souris pas.

- C'est évident.

Kyoya adressa un regard amusé à son compagnon qui ne put s'empêcher de sourire en réponse.

- On peut parler de ta manière de gérer ton entreprise aussi.

- Je m'en occupe très bien !

Kyoya se dirigea tranquillement vers la porte. Il avait suffi que Ginga revienne pour qu'il se sente mieux.

- Tu salueras Kakeru de ma part ?

- Si tu veux.

- Super ! À ce soir ! eut le temps de lancer joyeusement Ginga avant qu'il ne ferme la porte.

Ces simples petits mots ressemblaient à la plus pure des promesses. Kyoya n'avait aucune inquiétude à avoir : Ginga serait là quand il reviendrait à la maison.

XXX

Ginga regarda la porte se refermer. Son cœur se serra. Ce n'était qu'une simple cloison mais il avait l'impression que Kyoya était loin. Il détestait être séparé de lui. Partir seul en mission était une véritable torture. Il y était parvenu seulement parce que c'était son devoir de protéger le monde du Beyblade et d'empêcher Doji de mettre ses plans à exécution. Ça l'était depuis si longtemps que cela faisait partie de son être. Tout comme la rivalité de Kyoya le définissait quelques fois. Il n'avait jamais été simplement son rival, mais il avait toujours été son rival et autre chose.

Penser à lui rendait la situation cent fois pire. Kyoya lui manquait déjà. Il pourrait s'entraîner au Wolf Canyon, ce serait pareil.

Bon, il exagérait. S'il quittait leur appartement maintenant, il pourrait rattraper Kyoya en quelques minutes alors que, lorsqu'il s'entraînait au Wolf Canyon, il était impossible à localiser.

Cette pensée ne le consola pas du tout.

Avec un soupir, il se leva et alla se changer. Au moins, il passerait du temps avec ses amis. Ça faisait longtemps qu'il n'avait pas eu l'occasion de leur parler. Même si ce rendez-vous servait en priorité à parler de la Nébuleuse Noire, il profiterait de leur présence et aurait des nouvelles des autres.

En traversant l'entrée, il s'arrêta près de son sac et en sortit des papiers chiffonnés. Les plans du complexe. Cette réunion ne serait pas très utile s'il ne les prenait pas avec lui : c'était la principale raison de son retour ainsi que de la réunion organisée avec ses amis.

Il sortit de son appartement et descendit tranquillement les marches. Une fois dehors, il se dirigea vers Bey-City. Kyoya et lui avaient emménagé dans une ville voisine, où se situait l'entreprise TC – enfin, Kyoya s'était servi de cette excuse pour mettre un peu de distance entre lui et les autres : il avait toujours du mal avec la compagnie et leurs taquineries sur son travail respectable n'aidaient pas.

Tsubasa et Madoka lui avaient donné rendez-vous dans un restaurant proche de leurs lieux de travail respectifs : dès qu'ils auraient terminé, ils devraient retourner à leurs obligations.

Le restaurant était peu rempli, dû à l'heure matinale. Ginga avisa immédiatement ses amis : ils étaient assis autour d'une table, juste assez à l'écart des autres clients pour pouvoir discuter librement. Il alla les rejoindre, un grand sourire aux lèvres.

- Bonjour.

- Ginga, le salua Tsubasa en esquissant un hochement de tête.

Madoka se leva et le prit dans ses bras. Ginga lui rendit son étreinte. Elle s'écarta et se mit à le détailler.

- Tu as l'air d'aller bien.

- Ma dernière mission a été plutôt facile.

Ils s'assirent. Ginga s'installa en face d'eux. Il déposa les documents sur la table afin que Madoka et Tsubasa puissent les observer. Ce qu'ils firent avec attention. Il attendit silencieusement, les laissant noter le moindre détail et, peut-être – il l'espérait – des indices qu'il n'avait pas remarqué et qui pourraient l'aider dans ses futures recherches.

Un serveur vint poser un petit-déjeuner sur la table : des tasses fumantes et des beignets. Ils avaient sûrement passé commande juste avant son arrivée. Cela leur permettrait de ne pas être interrompu quand ils passeraient aux choses sérieuses.

Dès qu'il partit, Tsubasa leva la tête du document, l'air grave. Le temps n'était plus aux sourires ni à la joie des retrouvailles.

- Où as-tu trouvé ces plans ?

- Dans les derniers locaux de la Nébuleuse Noire que j'ai visité. Ils n'avaient même pas fini d'emménager quand je suis arrivé et ceux qui ont eu le temps de fuir ont tout laissé derrière eux.

Ginga s'en souvenait parfaitement. Il avait dû affronter une dizaine d'adversaires – des nouvelles recrues qui n'avaient aucune chance contre lui – mais cela avait permis aux autres membres de l'organisation de fuir. Il ne comprenait pas comment Doji parvenait à recruter autant de monde. Ils n'étaient plus à l'époque de l'Ultime Bataille, où seule une poignée d'adolescents connaissait ses véritables intentions. Ses méfaits avaient été révélés au grand jour. Pourtant, après chaque défaite que Ginga lui infligeait, il semblait avoir toujours autant de recrues à disposition.

- Il ne peut pas s'agir d'un piège ? Nous connaissons Doji : il en serait capable.

Ginga secoua la tête.

- Pas cette fois. Cette piste est sérieuse. Il faut juste trouver où ce complexe sera construit.

- Au Japon.

- Hein ? Comment tu as découvert ça ?

Et, surtout, à quel moment.

Tsubasa tapota la feuille.

- Legendary Earth, une toute nouvelle organisation de Beyblade, a demandé à l'AMBB l'autorisation de construire un centre d'entraînement exactement comme celui-là. Il n'y avait aucune raison de refuser. Au contraire, le Beyblade a besoin de toute l'aide possible pour retrouver son ancienne gloire. J'imagine que Doji a eu l'idée de créer une antenne de la Nébuleuse Noire que personne ne connaît.

- Logique, ajouta Madoka. Avec toutes les nouvelles associations crées chaque mois, personne ne pense à se méfier et à vérifier les antécédents de chacune.

Tsubasa s'autorisa un sourire.

- L'AMBB va pouvoir s'en occuper.

Les épaules de Ginga se relâchèrent.

- Tu es sûr ? Je n'ai plus à m'occuper de ce problème ?

- Oui.

Parfait. Ça faisait une préoccupation en moins. Ginga pourrait donc s'occuper du plus important : traquer Doji et l'empêcher de nuire. S'il parvenait à l'arrêter, la Nouvelle Nébuleuse Noire serait détruite et il mettrait fin à leur histoire.

Par contre, il ne savait pas à quoi il consacrerait son temps ensuite. Bah. Il y réfléchirait le moment venu.

- Le problème est réglé, conclut-il. Qu'est-ce que vous avez de nouveau à raconter ?

- Moins que toi sans doute.

- Je cours après Doji et il m'échappe. C'est un peu répétitif.

Madoka eut un sourire de conspiratrice. Elle se pencha par-dessus la table. Ginga l'imita, poussé par la curiosité.

- Je parle de Kyoya et toi. Vous ne comptez pas vous marier, un jour ?

Une brusque chaleur brûla le visage de Ginga. Il se plaqua contre sa chaise et défit quelque peu son écharpe. Il avait du mal à respirer.

- Qu'est-ce qui te fait penser ça ?

- Vous sortez officiellement ensemble depuis six ans et vous n'avez jamais eu d'yeux que l'un pour l'autre. C'est une suite évidente.

Ça le semblait, en effet, quand elle le disait mais Ginga n'y avait juste pas pensé. Il n'en avait jamais eu le temps. Par contre, il avait toujours su que Kyoya et lui passeraient leurs vies ensemble. Il ne pouvait en être autrement.

- C'est drôle, continua-t-elle. Kyoya a eu exactement la même réaction. Je ne savais même pas qu'il pouvait rougir.

Tsubasa fit une drôle de tête, comme s'il essayait d'imaginer la scène sans y parvenir.

- Tu as dit ça à Kyoya ?

- Oui. Quand il s'est repris, il m'a criée dessus et m'a jetée dehors. J'ai pas pu m'approcher de la TC pendant plusieurs jours.

Effectivement, ça ressemblait bien à une réaction de Kyoya.

- En fait... Nous n'en avons pas encore parlé.

- Oh, dit Madoka, déçue. C'est triste, j'ai tellement envie d'assister à un mariage.

Ginga rapprocha son petit déjeuner et l'entama. Il mourait de faim et il n'avait plus envie de penser à son hypothétique futur mariage avec Kyoya.

Pour l'instant.

- Tout va bien du côté de l'AMBB, commença Tsubasa. Nous recommençons à organiser des tournois partout dans le monde, avec l'aide des bladers reconnus qui se trouvent sur place.

Un sourire adouci son expression habituellement si sérieuse.

- Ça fait plaisir de voir de nouveau les gens jouer au Beyblade avec insouciance.

- C'est vrai, acquiesça Madoka en opinant. J'ai de plus en plus de travail au B-Pit mais Kenta m'aide souvent alors c'est supportable.

- Comment va-t-il ?

- Très bien. Il hésite encore sur le travail qu'il voudra faire : il navigue entre ma boutique et l'AMBB et, dès qu'il en a le temps, il encourage et conseille les jeunes bladers.

Ginga eut un sourire. Ça lui ressemblait bien d'utiliser tout le temps dont il disposait pour aider les autres et se perfectionner pour la voie qu'il choisirait.

- Et les autres ?

Tsubasa soupira. C'était très léger, mais Ginga comprit immédiatement à qui il pensait. Une seule personne pouvait le faire réagir ainsi : Yû Tendo, l'enfant qu'il avait pris sous son aile plusieurs années auparavant – sans s'en rendre compte.

- La dernière fois que j'ai parlé à Yû, il voulait ouvrir un bar. Avec Tithi.

- Ce n'était pas un stand de glaces ?

- Au départ, si. Mais les bars sont plus intéressants, apparemment. Ça permet d'apprendre plein de choses sur la vie des gens.

Il soupira à nouveau.

- Il est grand. Il peut bien faire ce qu'il veut.

Seulement, il ne semblait pas convaincu lui-même.

- Quant aux autres... les nouvelles les plus récentes sont celles que nous t'avons données la dernière fois. Tout le monde est très occupé. Nous ne parlons pas souvent.

C'était hélas vrai.

- On devrait organiser une fête ! s'exclama Madoka. Ça fait si longtemps qu'on ne s'est pas tous réunis. Tout d'abord, il faut une date que tout le monde pourra retenir facilement pour la libérer...

- La finale de l'Ultime Bataille ? proposa Tsubasa.

- Excellente idée !

Madoka se releva, brillant d'enthousiasme.

- Je commence à m'en occuper tout de suite. Ça va prendre du temps mais il faut que tout soit parfait. Salut les gars !

Elle partit à toute vitesse. Ginga se sentit sourire. Si elle parvenait à organiser cette réunion, ce serait merveilleux. Il ne se souvenait pas de la dernière fois qu'il avait vu tous ses amis réunis. Bien sûr, il en avait croisés plusieurs fois au cours des sept dernières années – certains plus souvent que d'autres – mais une réunion festive qui les rassemblerait tous... ce serait tout bonnement génial !

- Tu crois qu'elle va réussir ?

- Elle peut se montrer très convaincante quand elle le veut vraiment. Tu la connais.

Ginga hocha solennellement la tête. Il avait souvent voyagé avec elle. Il le savait – tout comme il savait à quel point elle pouvait se montrer terrifiante.

- J'espère que personne ne sera assez idiot pour la contrarier.

Ginga rit avec gêne. Si une telle personne existait, elle le regretterait amèrement.

Tsubasa se mit à debout. Ginga fit de même.

- Je dois partir. J'ai beaucoup de travail. Bien sûr, l'AMBB s'occupera en priorité du complexe de Legendary Earth. Nous te préviendrons de toutes nos avancées.

- Si tu as besoin de quoi que ce soit, appelle-moi.

L'expression de Tsubasa s'adoucit.

- Tu fais déjà beaucoup.

Ils quittèrent tous les deux le restaurant et, après des salutations, partirent chacun dans une direction différente. En prenant le chemin de son appartement, Ginga se demanda ce qu'il allait faire dans l'immédiat. Ses dernières découvertes étaient la responsabilité de l'AMBB. Madoka, Tsubasa et ses autres amis avaient du travail. Il avait plusieurs jours de libre devant lui avant de repartir dans sa quête. Avec Kyoya.

Une douce chaleur se propagea en lui à cette pensée. Mais ça ne lui disait toujours pas ce qu'il pourrait faire pour passer le temps. Peu de choses lui tenait réellement à cœur : passer du temps avec les personnes qui lui étaient chères et pratiquer le Beyblade. Aucune de ces deux options n'était envisageable pour l'instant malheureusement.

Il sortit Pegasus et le regarda. Il avait encore évolué après son combat contre Némésis. Maintenant, il brillait d'un éclat argenté agrémenté de touches turquoise, grenat et violettes. Ses ailes avaient une allure plus sauvage qu'avant.

- Qu'allons-nous pouvoir faire mon ami ?

Et la réponse lui apparut. Tellement limpide qu'elle en était évidente. Il aurait dû y penser plus tôt.

Un sourire étira ses lèvres. Il espérait réussir à organiser cette soirée. Ce ne serait pas aussi difficile que pour Madoka mais ce n'était pas simple pour autant.

Mais tout était possible, pas vrai ?

XXX

Ginga se faufilait à toute vitesse entre les arbres, suivant son fidèle Samouraï Pegasus qui zigzaguait avec agilité entre les troncs. Bien que cette forêt ressemblait à celle qui entourait Koma, elle était remplie de pièges et d'obstacles. Il parvenait à tous les éviter pour l'instant – certains plus justement que d'autres. Il devait rester parfaitement concentré. Surtout que son adversaire s'adaptait très vite à leur nouvel environnement...

Un sourire étira ses lèvres. Il n'avait que trop rarement l'occasion de faire des combats aussi intenses et excitants ces dernières années.

Un nuage de poussière s'éleva soudainement, l'obligeant à s'arrêter. Il leva son bras pour protéger ses yeux et tenta de voir à travers lui. Son adversaire ne devait plus être loin. Le vent se mit à souffler avec force et violence, confirmant son impression. Il se tint prêt.

La poussière fut complètement balayée. À présent, au centre de son champ de vision, dansait une tornade.

- Pegasus !

Sa toupie fusa vers la tempête et se mit à lui tourner autour. Ginga comptait utiliser la Tempête Engloutissante pour l'annihiler mais elle s'évapora. Ses muscles se crispèrent. Il cligna des yeux, perplexe, puis se méfia. Kyoya se tenait à quelques mètres de lui, perché sur un amoncellement rocheux. Il le toisait de toute sa hauteur, ses yeux brillant d'éclats argentés. Son sourire féroce laissait paraître ses crocs. Ses cheveux ébouriffés étaient détachés. Il portait une chemise à moitié boutonnée et aux manches retroussées. Une de ses mains était négligemment posée sur sa hanche. Ginga sourit. Il soignait toujours autant ses entrées en scène.

- Tu t'affaiblis, lança Kyoya. Je m'entraîne moins souvent que toi et tu es incapable de me vaincre.

- Ce n'est pas pour rien que tu es mon plus grand rival, répliqua Ginga tout en scrutant les alentours.

Et son compagnon, mais ça ne comptait plus pour l'instant.

- Si tu crois que me flatter t'épargneras, tu rêves.

Leone n'était nulle-part en vue. Ça n'augurait rien de bon.

Ginga leva la tête à temps pour voir des rochers se précipiter sur lui. Il fit un bond en arrière. D'une pensée, il ordonna à Pegasus de faire de même. Alors qu'il se réceptionnait, les rochers percutèrent le sol, à seulement quelques pas de lui. Il tint debout malgré l'onde de choc qui se répercutait sous ses pieds. Un éclair émeraude jaillit entre les rochers et se lança sur Pegasus. Au lieu de demander à sa toupie d'encaisser le choc, il la laissa subir l'attaque. Pegasus se servit de l'élan de Leone pour se projeter dans les airs. Kyoya ne comprit qu'à cet instant l'erreur qu'il avait commise. Et ça le fit sourire.

- Rugit Leone !

Une tornade ondulante se forma, coupant toute possibilité de repli.

- Pegasus ! Coup Special ! Explosion Cosmique !

Le bey métallique se jeta dans la tornade. Entouré d'énergie, il étouffa les rafales de vent jusqu'à étouffer la tempête et frapper la toupie verte. Leone résista courageusement au coup. Kyoya quitta son perchoir d'un bond et se mit à courir. Leone se lança sur les pas de son blader. Ginga n'attendit pas pour se lancer à leur poursuite.

XXX

Le poing de Ginga se serra de la poussière. Il se réveillait lentement, l'esprit engourdi, comme dans du coton. Il s'assit et regarda tout autour de lui. Le crépuscule décorait le ciel de teintes orangées et rosées. À quelques mètres de lui, des arbres déracinés témoignaient de la violence de leur affrontement. Ginga grimaça. Ils avaient encore causé de sacrés dégâts. Heureusement qu'ils étaient loin de lieux habités.

Ginga se leva difficilement, tout courbaturé et couvert d'égratignures. Le silence l'écrasait. Il aperçut Kyoya qui était étendu à plusieurs pas de lui, une Leone abîmée à quelques centimètres de sa main. Ginga se mit à observer le sol à ses pieds. Il y trouva son cher Pegasus. Il se pencha et le ramassa. En refermant ses doigts sur lui, il sentit sous sa peau les fêlures et les aspérités. Lui-même ne se trouvait pas dans un bien meilleur état.

Il s'avança vers son rival – et de nouveau compagnon – avant de s'agenouiller à côté de lui. Il posa doucement une main sur son bras. Veillant à ne pas lui faire de mal, il le secoua.

- Hey.

Les yeux de Kyoya s'entrouvrirent. Il les cligna plusieurs fois avant de se redresser. Il récupéra Leone.

- J'arrive pas à croire que je ne t'ai pas encore battu...

Ginga lui donna un coup de poing sur l'épaule, lui arrachant une grimace. Pas une seule once de culpabilité ne le traversa. Kyoya l'avait parfaitement mérité.

- On était censé s'entraîner, lui reprocha-t-il. C'est tout !

Kyoya leva la tête.

- Un duel accroît plus les capacités qu'un vulgaire entraînement.

Il disait ça sérieusement en plus.

- Je n'ai jamais entendu une excuse aussi ridicule...

Kyoya se tourna vers lui, vexé. Apparemment, il avait une vraie raison de transformer leur entraînement en duel. Encore. Il ne l'avait pas juste fait pour les départager. Mais bien sûr. Ginga allait le croire.

- C'est vrai !

Ginga lui sourit. Il n'était pas convaincu mais il n'avait pas envie de se disputer avec lui. Kyoya pouvait se montrer extrêmement têtu et de mauvaise foi par moment.

- Tu sais combien de temps je vais devoir attendre que Pegasus soit réparé ?

Kyoya croisa les bras et lui tourna le dos.

- Ça me laissera le temps de finir mon travail pour une fois.

- Tu vas m'en vouloir longtemps pour ça ?

Kyoya fit la moue. Dans des moments comme celui-ci, Ginga avait du mal à croire qu'ils étaient adultes et que son compagnon – enfin, son rival – possédait une entreprise dont il s'occupait avec sérieux. Comme quoi... Tout pouvait arriver.

Un sourire s'afficha sur le visage du rouquin. Tout pouvait arriver, en effet. Maintenant, Kyoya et lui faisaient souvent équipe. Celui qui se proclamait comme son plus grand rival, un lion solitaire qui n'avait besoin de personne, celui qui avait refusé tant de fois et avec tant de violence de faire équipe avec lui – au point d'aller jusqu'en Afrique pour se qualifier aux Championnats du Monde – voulait absolument qu'il l'attende pour qu'ils partent ensemble en mission.

Ginga n'aurait jamais osé ne serait-ce qu'en rêver durant son adolescence.

- Qu'est-ce qui t'amuse ?

- C'est cool qu'on fasse équipe maintenant.

- J'ai pas le temps pour ces enfantillages.

- Ah oui ? Et qu'est-ce que tu as à faire ?

- J'ai du travail moi, lança Kyoya en commençant à s'éloigner.

Ginga leva la tête vers le ciel où des étoiles commençaient à apparaître.

- Tu travailles le soir maintenant ? se moqua-t-il. Je croyais que tes horaires n'étaient qu'en journée.

- Qu'est-ce que tu connais du monde du travail, hein ?

- Ce que tu dis quand tu t'en plains.

- Tu me fais perdre mon temps.

- Et abîmer Pegasus quand je dois partir en mission, tu crois que c'est quoi pour moi ?

Kyoya fit un vague geste de la main, comme si ça n'avait aucune importance.

- T'as qu'à demander à Madoka de le réparer.

- Merci pour ces conseils. J'y aurais pas pensé.

Ginga se pinça les lèvres, soudainement sérieux. Cet échange l'avait ramené des années en arrière. À l'époque où il demandait sans cesse à son amie de s'occuper de sa toupie. Il recourrait toujours à ses services bien sûr. Après tout, elle était la meilleure dans son domaine. Mais de manière bien moins régulière qu'avant. Elle avait été promue et avait un poste bien plus important que celui de simple réparatrice de beys. D'ailleurs, ça faisait longtemps qu'il ne lui avait pas ramené Pegasus dans un état aussi critique. Ça l'énerverait à coup sûr. Surtout quand elle verrait que Leone était tout aussi abîmé.

Un frisson le parcourut. Il se secoua pour le chasser. Il ne pouvait pas rester ici éternellement à attendre le moment propice pour qu'elle répare Pegasus. Il avait une mission importante à accomplir.

- Ne sois pas sarcastique avec moi.

- C'est toi qui m'as appris.

- Je me suis jeté dans une tornade pour m'entraîner. Tu comptes en faire autant ?

Cette réplique ramena violemment Ginga à l'instant présent. Il fut incapable de répondre. Sa seule réaction fut de dévisager Kyoya avec des yeux écarquillés, peinant à assimiler ses paroles. Quand, enfin, elles furent limpides, il continua de le dévisager pour s'assurer qu'il ne plaisantait pas. Mais non. Kyoya parlait sérieusement.

- Tu as quoi ?

Kyoya fit un demi-sourire. Il semblait fier de son effet.

- T'es complètement cinglé ?

- Tu crois que c'est une bonne idée d'insulter la personne qui finance tes voyages ?

La choc de Ginga s'évanouit, laissant place à une surprise amusée. Kyoya disait ces paroles si sérieusement... comme s'il croyait qu'il mettrait cette menace à exécution. Ginga ne put s'en empêcher : il éclata de rire. Il n'avait jamais rien entendu de si peu crédible. Kyoya ne ferait jamais une chose pareille.

- Quoi ?

Ginga s'approcha de lui et l'embrassa. Si Kyoya fut surpris par sa réponse, il se reprit très vite : il répondit au baiser avec fougue.

Ils se détachèrent. Le regard de Ginga s'obscurcit. Kyoya était magnifique. Ses cheveux un peu plus ébouriffés que d'ordinaire caressaient négligemment sa nuque. Ses yeux étaient d'un bleu océan, semblant osciller entre plusieurs nuances.

Ginga s'obligea à détourner le regard. Un peu plus et il serait incapable de partir. Il avait à faire pourtant. Il avait une mission. La Nébuleuse Noire œuvrait toujours. Il se devait de les arrêter.

Mais avec Kyoya si près de lui, il avait du mal à se concentrer sur sa mission et encore plus à se convaincre de son importance. Il avait juste envie de rester à ses côtés et de ne penser à rien d'autre que lui.

- On y va ? lança Kyoya, toujours un peu agacé.

Ginga opina distraitement. Kyoya et lui quittèrent le champ de bataille. Ensemble, ils embarquèrent sur le petit bateau à moteur qui les avait emmené jusqu'à cette île. Ils firent le chemin du retour en silence. Kyoya conduisait tranquillement pendant que Ginga laissait son regard dériver sur le ciel de plus en plus étoilé. Ce calme était frappant après le combat qui les avait opposé. Il était agréable aussi. Un moment de complicité silencieuse faisait du bien après tout cela. Seuls le bruit des vagues et de l'eau percutant le bateau par-dessus le ronronnement constant du moteur brisaient le silence environnant. Ils ne parlaient pas. Ils n'en avaient pas besoin.

Ils débarquèrent à Bey-City une dizaine de minutes plus tard. Ginga sauta immédiatement à terre. Il s'étira pour détendre ses muscles engourdis par l'immobilité même si ça lui faisait un peu mal. Leur duel avait épuisé la moindre de ses forces mentales et physiques, comme à chaque fois.

- Je peux t'aider ?

Kyoya fit non de la main. Ginga continua de l'observer pendant qu'il s'affairait sur leur bateau. Il trouvait sa manière de bouger fascinante. Il pourrait rester ainsi pendant des heures, voire des jours, sans se lasser. Kyoya s'immobilisa et lui adressa un regard agacé.

- Tu comptes rester là longtemps ?

Ginga eut un sourire. Et dire qu'hier, il craignait d'avoir trop changé ! Il espérait que cette soirée avait suffi à le rassurer. Kyoya restait profondément lui-même.

Ginga lui tendit la main.

- Tu ne veux pas que je lui confie Leone tant que j'y suis ?

Kyoya n'hésita qu'une fraction de second avant de glisser sa main dans sa poche et d'en sortir Leone. Il le posa sur la paume ouverte de Ginga qui se sentit fondre. Cette preuve de confiance le touchait toujours autant. Il ne pensait pas pouvoir s'habituer un jour à la sensation qu'elle faisait naître en lui – un mélange de fierté, d'amour et d'euphorie.

Kyoya lui tourna le dos.

- Dégage maintenant.

- Tu te souviens qu'on vit ensemble et qu'on se verra plus tard ?

- Raison de plus !

Ginga s'éloigna en souriant. Il n'eut aucun mal à retrouver le chemin du B-Pit : il le connaissait par cœur. Autant, même, que celui menant à leur appartement. Il y avait passé tant de temps...

Il l'atteignit. La boutique était l'un des rares lieux de la ville qui lui restait familier et où il se sentait bien. Il entra.

- Madoka ?

La jeune femme apparut de l'arrière-boutique. Elle s'approcha de lui, de bonne humeur. Giinga lui sourit en retour, quoiqu'un peu crispé. Cette joie ne durerait pas et il appréhendait sa réaction quand elle comprendrait la raison de sa venue.

- Ginga, qu'est-ce qui t'amène ?

Ginga prit une grande inspiration et lui montra les deux toupies. Ça ne servait à rien de retarder l'échéance plus longtemps.

Madoka le fixa sans comprendre tout d'abord, puis ses sourcils se froncèrent. Elle prit la toupie argentée et le fit tourner dans tous les sens. Elle s'arrêta et prit Leone dans son autre main avant d'entamer le même manège. Elle s'immobilisa et ferma les yeux. Ginga appréhendait de plus en plus sa réaction.

- Comment. Avez. Vous. Fait. Ça ?

Sa voix hachée entre ses dents serrées vibrait de reproche. Ginga pinça ses lèvres. C'était entièrement de la faute de Kyoya. Il lui avait promis de l'aider à s'entraîner mais il avait changé cette séance d'entraînement en duel. Encore. Sans cela, ni Pegasus ni Leone n'auraient eu besoin de réparations complètes, mais seulement d'une simple inspection. Mais il ne pouvait pas le dire à Madoka. Ça ressemblait à une excuse de gamin.

- Tu penses pouvoir les réparer pour quand ?

- Hmm... Tu te rends compte que vous êtes les seuls à mettre vos toupies dans des états pareils ?

- Les autres bladers ne combattent pas ?

- Si, mais leurs toupies n'ont besoin que de réparations de base.

Leurs combats ne devaient pas être très palpitants alors... Ginga ne savait pas comment le Beyblade évoluait car il restait à l'écart des tournois officiels. Rester dans l'ombre pour le protéger lui convenait. Néanmoins, certaines choses ne changeaient pas. Plus un blader mettait de forces dans le combat, plus sa toupie était abîmée. C'était parce que leurs duels étaient aussi intenses que Pegasus et Leone avaient besoin de grandes réparations.

Cependant, il se garda bien de faire ce commentaire à voix haute. Vu le travail de Madoka, ce devait être un point positif pour elle.

- Je pourrai finir Pegasus demain en fin de matinée. Je le mets en priorité absolue.

- Merci. Et Leone ?

- Après-demain si je le commence juste après Pegasus.

- Merci beaucoup. Tu nous sauves la vie.

- C'est normal.

Ginga se pencha vers les toupies pour les regarder. Ça lui faisait toujours mal au cœur d'être séparé de Pegasus, même s'il l'exprimait moins qu'avant, et Leone avait une place spéciale.

- Je viendrai les chercher après-demain alors.

Madoka le dévisagea avec surprise.

- Tu vas attendre si longtemps ?

Ginga ne put s'empêcher de sourire. La joie emplissait chaque parcelle de son être et menaçait de le submerger.

- Kyoya et moi allons partir ensemble cette fois.

Il avait l'impression que c'était la meilleure nouvelle de l'année.

- Tellement romantique.

- N'est-ce pas ?

Elle le dévisagea, hébétée, puis soupira.

- C'est sarcastique. Affronter des mégalomanes qui ont tenté plusieurs fois de dominer le monde est tout sauf romantique. Sérieusement. Vous ne pouvez pas avoir des rencards normaux ?

Quand Ginga voulut répondre, elle leva un doigt pour le faire taire.

- Si tu comptes évoquer cette fois où Kyoya t'a fait traverser le Wolf Canyon et escalader une falaise à pic, ce ne sera pas nécessaire.

Ginga scella ses lèvres, boudeur. Cette soirée avait été magique. Il ne voyait pas pourquoi ses amis ne le comprenaient pas. Il en avait adoré chaque instant.

Elle secoua la tête.

- On se voit après-demain alors.

- OK. Essaye de te reposer.

Elle poussa un profond soupir, chargé de lassitude.

- Si seulement je pouvais...

Ginga se rendit compte que c'était une manière très maladroite de prendre congé d'elle après lui avoir confié tout ce travail. Il ne voyait pas quoi ajouter alors il sortit. L'air nocturne l'accueillit avec fraîcheur. Il prit la route de son appartement à grands pas. Il avait tellement hâte de rentrer chez lui et de passer du temps avec Kyoya !

Il arriva à sa destination en quelques minutes. Kyoya se trouvait déjà dans leur appartement, les traces de leur affrontement portées avec fierté. Il se tourna vers lui.

- Alors ?

- Pegasus et Leone seront prêts après-midi.

Il afficha un demi-sourire satisfait. Ginga s'en étonna : ce n'était pas vraiment la réaction à laquelle il s'attendait.

- Ça me laissera le temps de finir mon travail cette fois.

- Tu vas m'en vouloir longtemps pour ça ? Je t'ai déjà dit que j'étais désolé.

- Tss ! Tu le fais à chaque fois.

- C'est arrivé que deux fois !

- Si tu crois que c'est une excuse.

Ginga fit la moue. Il se trouvait suffisamment puni quand il partait sans Kyoya : il ne l'avait pas à ses côtés. C'était horrible. Il n'avait pas besoin de recevoir un serment en plus.

- Je voyage depuis plusieurs années et ce n'est que la deuxième fois que je pars sans toi. Tu exagères.

Surtout si on comptait toutes les fois où il avait voulu voyager avec Kyoya et où celui-ci l'avait repoussé. Si quelqu'un avait le droit de bouder ici, c'était Ginga, pas lui.

- Tu es parti longtemps. C'est quoi ton excuse ? Tu t'es encore fais kidnapper ?

- Tu vas arrêter avec ça ?!

Kyoya croisa les bras et s'adossa à un mur. Un sourire méprisant s'afficha sur ses lèvres.

- Tu remarques que la seule fois où tu as eu un vrai problème c'est aussi la seule fois où je ne t'ai pas accompagné ? Tu es tout simplement incapable de te débrouiller sans moi. Il suffit de voir comment je te sauve la mise depuis l'Ultime Bataille.

- Tu admets que je ne suis pas parti sans toi souvent que quand ça t'arrange, marmonna Ginga, boudeur.

Kyoya pencha la tête sur le côté, soudainement sérieux.

- Et la Nébuleuse Noire ?

- L'AMBB va s'occuper du complexe. Ils savent où il est construit.

Son compagnon eut un sourire de prédateur. Le genre de sourire qui rappelait à Ginga pourquoi ses amis et lui n'avaient jamais protesté quand il se comparait à un lion. Il y avait quelque chose de sauvage, d'infiniment dangereux sous sa peau. Et il ne le cachait pas.

- Donc nous allons pouvoir nous attaquer à Doji.

Ginga sourit. Ils étaient sur la même longueur d'onde.

- Exact. Nous allons nous lancer à sa poursuite. Nous ne nous occuperons que de lui.

Le sourire de Kyoya s'accentua. Il s'approcha de Ginga et l'embrassa. Le rouquin l'attira contre lui.

XXX

L'impatience consumait Ginga quand le surlendemain survint. Dès son réveil, il voulut récupérer leurs toupies pour commencer leur voyage au plus vite mais il se refréna. Madoka ne lui ouvrirait sûrement pas la boutique aux aurores et si jamais elle le faisait elle serait de très très très mauvaise humeur. Ginga ne voulait pas prendre le risque. Aussi, il s'obligea à attendre dans leur appartement l'horaire d'ouverture. Kyoya et lui firent leurs bagages – deux sacs facilement transportables, contenant tout ce dont ils auraient besoin. Dès que ce fut fini, il se mit à tourner en rond.

- Tu veux qu'on aille maintenant ?

Ginga se retourna. Les yeux de Kyoya reflétaient son impatience. Ses cheveux étaient lâchés, comme Ginga adorait. Il portait un t-shirt court, dévoilant son ventre, un pantalon noir et des baskets. Des mitaines recouvraient ses mains.

Ginga jeta un coup d'œil à l'horloge. Dans cinq minutes, le B-Pit serait ouvert.

- Oui.

Ils prirent leurs sacs et sortirent de leur appartement. Ginga eut du mal à ne pas courir quand il fut dans la rue. Il calqua son allure sur celle de Kyoya. Il avançait à grands pas mais, au moins, il ne courait pas.

- Tu es pressé, constata-t-il.

- Ça fait longtemps que je n'ai pas eu l'occasion d'écraser quelques minables. Ça m'a manqué.

- C'est tout ?

Un éclat amusé brilla dans les prunelles bleues.

- Ça me fera un bon échauffement avant toi.

- Moi ? répéta Ginga.

Il ne s'attendait pas à cette réponse.

- On est toujours rivaux, tu as oublié ? Pourtant, c'est toi qui l'as dit pendant notre entraînement.

- Sérieusement ? C'est comme ça que tu me vois après plusieurs années de vie commune.

- Pas toi ?

- Non.

Kyoya renifla avec mépris.

Ils arrivèrent devant le B-Pit avant de pouvoir continuer leur discussion. Ginga se faufila à l'intérieur pendant que Kyoya attendait sur le trottoir avec une nonchalance feinte. Il ne tenta pas de le convaincre d'entrer pour saluer leur amie, il n'y arriverait pas. Kyoya n'était pas d'humeur pour les civilités – enfin, encore moins que d'habitude.

En entendant la clochette de l'entrée, Madoka leva la tête de son comptoir. Des cernes soulignaient ses yeux et elle avait les traits tirés. Le sourire qu'elle arborait, pourtant, était fier.

- Te voilà !

- Comme promis.

Elle se pencha pour fouiller dans des tiroirs tandis qu'il s'avançait vers elle. Elle en sortit deux toupies qu'elle déposa dans ses mains. Ginga les observa. Pegasus et Leone étaient comme neufs : plus la moindre trace de lutte n'était visible. Seule une personne qui les connaissait pouvait deviner quelles épreuves ils avaient traversé.

- Merci beaucoup.

Il espérait que toute la gratitude qu'il ressentait transparaissait dans sa voix.

- C'est un avantage d'être ami avec la meilleure mécanicienne de bey, lui dit-elle avec un clin d'œil.

- Tu es la meilleure, sans aucun doute.

Un immense sourire illumina l'expression de Madoka.

- Va et profite de ton voyage en amoureux !

- J'y compte bien !

Il lui tourna le dos et partit. Il rejoignit Kyoya qui l'attendait, de plus en plus impatient.

- Ta main.

Le vert la tendit sans se faire prier. Ginga posa Leone sur sa paume tout en serrant Pegasus dans son autre main. Son cœur battait la chamade. Ils étaient fin prêts. Leur mission allait pouvoir commencer.

Kyoya referma ses doigts sur Leone. Ginga lisait dans son attitude l'impatience qu'il avait de combattre.

- En route !

Fin du chapitre 1

Dans le prochain chapitre : action !