Titre : Le Voisin
Auteur : lovePEOPLEandCOWBOY
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Ils entendent d'abord une dispute et des aboiements.
_Tu ne m'avais pas dit que ton voisin était calme ? S'étonne Duro en lançant un regard à son frère. Dans le même temps, il se laisse tomber dans le canapé trois places avec une assiette entre les mains.
_Si. Il l'est. Crois-moi. Se contente de répondre Agron sans expliquer pourquoi à son frère.
Son voisin, un certain monsieur N. Hama, nom inscrit sur la boîte aux lettres au rez-de-chaussée, n'est pas du genre loquace. Agron, d'un naturel spontané et impulsif, a fait de gros effort pour ne plus effrayer son unique voisin de palier.
Quelques mois plus tôt, le jour de son emménagement, Agron s'était élancé naturellement vers le jeune homme dans un réflexe de pure convivialité. Seulement son envahissante sympathie, chose qu'il avait compris plus tard, s'était retrouvé déjoué par le chien de monsieur Hama. Le chien, un gigantesque braque allemand, avait sorti les crocs en ressentant la panique de son maître qui s'était figé en voyant surgir sur lui un malabar. Pas n'importe lequel, juste l'une des plus grandes stars du MMA. Agron Riemelt. Le seul, le vrai, en chair et en os.
_Pardon. Je ne voulais pas te faire peur. S'était excusé Agron en reculant avec les mains levées en signe de reddition.
Le Jeune étranger avait pincé ses lèvres avant de brièvement secouer la tête pour accepter les excuses, et puis disparaître derrière la porte de son appartement sans un seul mot.
Agron se rappelle qu'il s'était senti comme le roi des cons ce jour-là. Cette première rencontre, qu'il vivait encore aujourd'hui comme un échec, le poussait à tout faire pour rattraper son erreur. Mais il n'y avait pas que ça. Le mystère qui entourait son jeune voisin l'intriguait à bien des égards, et le conduisait à penser à lui durant la journée, et même à des moments inopportuns…
_Tu m'écoutes un peu quand j'te parle ?! Se renfrogne Duro en l'absence de réponse, ce qui sort Agron de ses pensées.
_Excuse-moi. Répond simplement Agron en détournant la tête pour cacher le rouge sur ses joues.
Son frère se contente de hausser les épaules en piochant dans son assiette, avant de rappeler à son aîné :
_Dépêche-toi. Le match va commencer !
Agron finit par s'installer près de son frère avec une assiette pleine de pâtes. Les publicités défilent, et le match commencent mais il n'arrive pas à se concentrer sur l'hymne national que chantonnent les joueurs à l'écran. Même quand son frère monte le volume. Une sensation dérangeante s'est installée dans son antre. Et elle grandit avec la dispute qui filtre à travers son mur. Une engueulade terrible où le chien aboie de plus belle, probablement pour défendre son maître.
L'échange semble virulent, et Agron pense que c'est bien loin de l'attitude discrète de son voisin. Des objets sont, pense-t-il, projeter dans l'appartement jouxtant le sien. Puis, subitement, le chien se met à japper de douleur avant de se taire.
Les cris se calment transitoirement, remplacer par des pleurs qu'Agron pense avec certitude être ceux de son voisin.
Duro se retourne vers lui, l'air inquiet.
_Il bat souvent son chien ?
_Non. Il y a quelque chose qui cloche. Attends là. Je reviens. Dit Agron à son frère en le laissant seul dans le canapé.
Duro sait que son frère a toujours de bonne intuition, et il croit son frère sans rechigner quand il coupe le son de la télévision.
En moins d'une minute, Agron est devant la porte voisine. Il frappe une première fois sans succès, alors il insiste. Ce qui finit par payer car son voisin ouvre.
Mr Hama entrouvre la porte en utilisant son corps pour dissimuler ce qu'il se passe à l'intérieur. La première chose qui étonne Agron, c'est la tignasse anormalement désordonnée de son voisin, puis l'empreinte rouge sur sa joue.
_Désolé pour le bruit…J'ai un problème avec ma TV. Dit le syrien, la voix chevrotante.
Agron sait qu'il ment car la panique irradie en onde épaisse autour du syrien, et alors que ce dernier veut refermer la porte de son appartement, Agron tente de le retenir :
_Non, J'ai l'habitude, ce n'est pas pour ça. Dit Agron.
Le jeune homme fronce les sourcils à la remarque de son voisin. Il ne fait jamais de bruit. Il aime le calme car ça le rassure, alors il comprend qu'Agron lui transmet un message : 'je sais qu'il se passe quelque chose.' Le jeune homme doit ravaler son émotion pour ne pas craquer. Ce type veut l'aider alors qu'ils n'ont presque jamais parlé, chose qu'il regrette et qui est entièrement sa faute.
_ Je venais voir si tu voulais regarder le match chez moi, il y a mon frère. Ton chien est le bienvenu.
_Non. Je ne peux pas. Par contre... j'aimerai te confier mon chien pour la soirée…
C'est à cet instant qu'Agron comprend qu'il ne s'est pas trompé. Son voisin est toujours accompagné de son chien. Il sait qu'il ne le laisserait pour rien au monde, l'animal est comme son unique ami, sa seule famille.
_Pas de problème. Répond Agron, totalement chamboulé par la panique lisible dans le regard de Hama.
_Spartacus. Spartacus. Appelle Hama comme une prière désespérée, ce qui glace littéralement le sang du combattant.
_Viens. Allez viens mon chien. Je t'en prie. Continue d'appeler le jeune homme, comme des encouragements à l'impossible, comme une supplique. C'est comme si le jeune homme craignait que l'animal ne puisse pas venir à lui.
_Spartacus ! Oui ! Oui ! C'est ça ! Pleure presque Hama de soulagement ce qui donne la chair de poule à Agron.
Sans ouvrir d'avantage la porte, Hama s'est agenouillé pour se mettre à la hauteur de son chien. De sa hauteur, Agron remarque des traces du coup sur la nuque du jeune homme qui serre son chien.
_Il boîte ?! S'exclame Agron, d'un air désolé en s'agenouillant à son tour près du chien qui sort.
Le syrien doit fermer les yeux pour ne pas laisser tomber ses larmes. Il a eu tellement peur pour son chien, Spartacus.
_Prend bien soin de lui. Fait promettre le syrien.
De manière dérangeante, tout ceci ressemble à des Adieu, alors la vigilance d'Agron atteint son sommet critique.
_Promis. Dit-il à son voisin qui se perd un instant dans son regard aussi calme et confiant que l'eau d'un lac en plein été.
Hama sent l'espoir fleurir quelque part au fond de lui, mais il a peur d'y croire. Peur de faire confiance à cet inconnu qu'il admire secrètement quand il en a l'occasion, ou qu'il regarde simplement à a télévision.
La porte se ferme sur le regard résilié de son voisin. Agron se retrouve seul sur le palier avec le chien blessé. La pauvre bête souffre, il ne peut pas le cacher. Il a peut-être la patte cassée. Avec précaution, Agron s'empresse de prendre le chien pour le ramener dans son appartement.
_Appelle les flics ! Dit Agron à son frère en passant la porte de son propre appartement avec l'animal blessé dans les bras. Spartacus a peur et ne se laisse pas faire, il grogne et jappe mais à aucun moment il n'essaie de mordre Agron. Ce dernier le dépose dans le canapé près de Duro.
_C'est le chien de ton voisin ? Il est blessé !
_Oui. Occupe-toi du chien et appelle les flics. Moi, je dois y retourner.
_Fais pas le con. Dit Duro qui sous-entend plutôt un : fait attention à toi. Son frère est déjà ressorti quand Duro attrape le téléphone pour composer le numéro des urgences.
Agron frappe une nouvelle fois à la porte voisine. Il tambourine. Mais cette fois ci, personne ne vient ouvrir. Il n'y a que le bruit sourd d'une bagarre ce qui fait claquer le cœur d'Agron dans sa poitrine. Son sixième sens ne le trompe jamais, alors sans hésiter il essaie d'entrer chez son voisin. La porte est fermée. Il ne sait pas quoi faire. Puis il reconnait le bruit d'un objet qui se brise, alors Agron ne réfléchit plus et il lance son pied dans la porte pour la défoncer. Un coup de pied. Deux. Et au troisième, elle finit par céder.
Elle s'ouvre violemment pour venir claquer contre le mur adjacent et Agron est presque certain que son cœur s'arrête pendant quelques secondes.
_Tu es à moi et tu le resteras ! Vocifère un inconnu qui tient le voisin d'Agron par les cheveux. L'homme tire si fort que Hama ferme les yeux sous la douleur. C'est ensuite que les choses se gâte, quand l'inconnu attrape un couteau sur le plan de travail de la cuisine pour le soulever au-dessus de Hama.
Tout se passe si vite. Agron a le cerveau déconnecté quand il s'élance vers l'individu qui est devenu une cible. Il ressemble à un animal, l'attaque est bestiale contrairement au combat qu'il mène sur le ring car ici, il veut la mort de son ennemi.
Sa réaction est quasi instantanée pourtant ça n'empêche pas à l'autre homme d'assené un coup de couteau à Hama avant de le retirer de son flanc.
_Pour toujours !
L'ustensile de cuisine est couvert de sang et le jeune syrien s'effondre au sol sur ses genoux avant de se laisser glisser complètement sur le sol. La rage de Agron se décuple en apercevant l'abdomen de son voisin couvert d'une tâche pourpre.
Ce n'est pas bon signe.
_Il est à moi ! Crie l'agresseur nullement intimidé par le sportif de haut niveau face à lui. Il y a une lueur de folie dans son regard, quelque chose qui ne le rend plus humain. D'un geste impulsif, il lance son bras vers Agron dans l'intention de le poignarder à son tour. D'un geste expert, Agron saisit le poignet pour le broyer dans sa poigne. Le fou furieux lâche son arme en criant et Agron le fait taire avec un bon coup de poing qu'il lance de sa main libre. Le type perd connaissance instantanément.
Sans perdre une minute, Agron vient se placer près de son voisin monsieur Hama et il comprime immédiatement la plaie à l'aide de son t-shirt qu'il a enlevé.
_Hé ! Ne ferme pas les yeux. Tu ne peux pas me faire ça. Je ne connais même pas ton nom. Lui dit Agron avec une peur qu'il ne comprend pas au fond de ses tripes. Il ne le connait même pas, pourtant il sait qu'il ne veut pas le voir mourir.
Le jeune homme sourit malgré la fatigue qui s'abat sur lui comme une chape de plomb. Son teint est grisâtre.
C'est le plus beau des sourires. Agron sent son cœur manquer un battement, et il sait maintenant qu'il est amoureux du jeune étranger, peut-être depuis le premier jour.
_Nasir. Je m'appelle Nasir. Dit le jeune homme qui finit par tousser car l'effort lui a pris tout son souffle. Il prend le temps d'observer l'homme au-dessus, sans plus se cacher. Il est tout simplement magnifique. Un gladiateur à la peau dorée, aux yeux vert d'eau, et maintenant qu'ils sont assez proche, Nasir peut dire qu'il sent les épices et le bois. Une odeur qui l'apaise car elle lui rappelle son enfance.
Agron a conscience qu'il perd trop de sang alors il comprime la plaie de toute ses forces, malgré la douleur qu'il cause à Nasir.
_Nasir. J'aimerai t'inviter un boire un verre si ça te dit ? Ose finalement demander Agron après tout ce temps. La question est là pour distraire Nasir, mais les intentions d'Agron sont bien réelles.
_Oui. Répond Nasir qui aurait dit que non en temps normal, ayant l'habitude d'être méfiant.
Trop méfiant.
Nasir est mort de trouille la plupart du temps. L'idée d'être seul avec quelqu'un, les hommes en particulier, lui donne l'envie de vouloir disparaître. Ça n'a pas toujours été le cas. Nasir était très sociable avant d'épouser cet homme qui gît par terre. Au début de leur relation, son mari était l'homme le plus charmant qu'il ait jamais rencontré. Il l'invitait souvent au restaurant, lui offrait des cadeaux, il avait des mots tendres, des petites intentions qui faisait toute la différence. Nasir ne pouvait compter que sur lui, étant orphelin de guerre. Puis, un jour, Nasir s'est pris la première gifle. Son compagnon de nature si prévenante et gentille avait forcément une bonne raison pour l'avoir frappé, alors il n'avait rien dit en pensant l'avoir mérité. Ensuite les insultes et les critiques étaient arrivées. Les gifles se sont transformées en poings, et ces gestes isolés sont devenus de véritables séances de tortures. Nasir a souffert en silence pendant 6 longues années. Personne ne se doutait de quelque chose, ils étaient le couple parfait. Durant la dernière année, après une hospitalisation douloureuse, il avait pris la décision de fuir. Il savait que son mari le chercherait, mais il avait espéré qu'il abandonnerait, surtout au bout de 20 mois.
Visiblement, Il s'était trompé.
Nasir tousse et s'étrangle avec ses propres larmes.
_Ça va aller. Mon frère a appelé les secours. Lui dit Agron avant d'ajouter : Alors comme ça, tu es un fan de Spartacus.
Dans d'autres circonstances, Nasir aurait probablement rougi de honte. Oui. Il a toujours aimé regardé les combats de MMA, et il a quelques préférés dans sa liste de combattant.
_Je pourrais te le présenter quand tu iras mieux. C'est un ami. Raconte Agron. Il fait la conversation pour empêcher que le jeune syrien ferme les yeux, pourtant il est sincère quand il fait sa promesse.
_Agron ?! Tu vas bien. OH BORDEL ! S'exclame Duro en entrant précipitamment dans l'appartement.
_Tiens. Lui dit Duro en tendant des essuis de vaisselles qu'il a trouvé sur le plan de travail. Il y a une marre de sang énorme sous le jeune homme et les genoux de son frère.
Nasir ne sait plus trop ce qu'il se passe ensuite. Il se sent disparaître dans l'obscurité, mais il n'a pas peur car la voix d'Agron l'accompagne.
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Il y aura une suite, si j'arrive à l'écrire car mes enfants et mon travail me prennent vraiment TOUTES mon énergie… Comment éviter de craquer quand on est dépassé ? Quand on n'a même plus le temps de vivre ses passions ? Cette vie me tuera.
