Chapitre 1 : Nuit Agitée

Le temps avait l'air magnifique ce matin ! Ces montagnes enneigées, le lieu paraissait presque irréel. J'avais l'impression de flotter dans ce décor. Comme si je n'étais pas vraiment là. Pourtant c'était le jour le plus important de ma vie ! Enfin, j'en avais déjà eu des événements importants. La mort de papa et mère, mon couronnement, l'exil et le sacrifice d'Anna pour me sauver. Et il y a un an ! Toute cette aventure ici même, dans mon palais de glace où nous avons pu sauver le fils de ma cousine. Et depuis, j'ai cette petite fiole, mais je la cachais rapidement, Anna entrait me rejoindre. Aujourd'hui, elle était ma demoiselle, enfin non, ma dame d'honneur, elle était mariée, c'est son anniversaire de mariage aujourd'hui d'ailleurs. C'était son idée, que les dates entre nos deux unions coïncident. Ma sœur chérie n'a depuis cette dernière année que de bonnes idées. La maternité l'a transformée. Je regardais sa petite Emma qu'elle tenait avant qu'elle ne me la mette sans condition dans les bras ! Oh, c'était la première fois que je tenais ma petite nièce. Cela faisait presque trois mois qu'elle avait vu le jour. Elle était adorable ! Et cela m'avait paru si étrange de la prendre ainsi contre moi ! Jamais, aussi loin que remontait ma mémoire je n'avais tenue de bébé dans mes bras, pas même Anna à sa naissance, père me jugeait trop petite ! Anna en revanche me pressait, ne me laissant pas le temps de m'habituer ! Nous ne devions pas perdre de temps, la grande cérémonie approchait ! Mais malgré ça, ma chère cadette a réussi à me faire faire un petit tour de magie ! Moi qui souhaitait pourtant l'utiliser le moins souvent possible depuis un an, et voilà un petit jouet pour la princesse…qui a tout même beaucoup de neige sur les mains ! Et une petite sœur pour Olaf en prime ! Lui aussi m'aura eu à l'usure. En tout cas, ce que ma sœur ne savait pas, c'était les deux décisions que je venais de prendre. En effet, alors qu'elle avait récupéré sa fille et était sortie de ma chambre bien que je n'eusse jamais utilisé ce palais pour y habiter je considérais cette pièce comme mienne je replongeais dans mes pensées. Je regardais à nouveau au dehors, ce ciel mon Dieu ! Jamais je n'avais vu de telles couleurs pour l'aurore, il était pratiquement rouge. Qu'importe, ça n'était pas pour observer cette beauté que je m'étais mise au balcon ! Je jetais par la fenêtre ma petite fiole, j'avais décidé. Oui je l'acceptais, je suis la Reine des Neiges Ce pouvoir, c'est moi ! Avant de descendre en direction de la grande salle de réception transformée en chapelle pour l'occasion, parée pour ma seconde décision de la journée. Je retrouvais ma chère Anna. Aujourd'hui je ferais d'elle une reine ! Certes uniquement pour aujourd'hui, mais qui sait, pourquoi ne pas avoir un royaume à deux têtes couronnées ?! Allez, il était temps d'entrer en scène ! La salle était comble. J'avais l'impression que je flottais, comme si un petit nuage me portait. Je ne distinguais pas grand-chose, incapable de bien visualiser le public venu spécialement pour ce jour…l'émotion sans doute. Et finalement me voilà devant l'autel, aux côtés de celui que je m'apprêtais à épouser. La cérémonie commençait. J'entendis à peine l'évêque, je voyais trouble. Il faudra un jour que je demande à ma chère Anna si elle aussi avait été tant émue pendant la cérémonie si bien qu'elle ne pouvait rien distinguer ! Je ne voyais en réalité qu'elle, assise sur mon…non son trône. Aujourd'hui elle était officiellement la souveraine d'Arendelle ! Elle tenait dans ses bras la petite merveille ! Mais elle avait encore plein de neige dans les mains ce n'était pas possible ! Olaf était loin d'elle pourtant !

-Reine Elsa d'Arendelle acceptez vous à votre tour de prendre cet homme pour légitime époux ? De le chérir, de l'honorer et l'aimer et ce jusqu'à ce que la mort vous sépare ?

Tout à coup je détournais ma vue de ma cadette en entendant cette phrase de l'évêque, je regardais alors mon futur époux et…

-NOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOON !

Il faisait noir ! J'étais couchée. Je passais ma main tremblante sur mon visage. J'avais chaud, si chaud ! La sueur perlait de mon front ! Mes yeux s'adaptaient quelque peu à l'obscurité et ma respiration se faisait quelque peu plus lente. J'étais dans ma chambre ! Je m'adossais légèrement aux oreillers, ma main gauche posée sur le matelas, je sentais mes draps de soie froissés, j'avais dû beaucoup m'agiter ! J'étais parcourue de tremblements ! Des sueurs froides continuaient à me parcourir dans tout le corps. Je vis cependant, au bas de ma porte qu'une lumière approchait. La porte s'ouvrit et apparu alors Anna dans sa belle chemise de nuit verte anis ! Depuis sa plus tendre enfance jamais elle n'avait voulu changer de couleur de vêtements de nuit. Nous devions trancher toutes les deux. Les rôles étaient inversés cette fois. Sa tenue semblait impeccable, comme si elle ne sortait pas de son lit, et ses cheveux d'ordinaire rebelles au réveil étaient tout à fait tenus. Moi en revanche, je n'avais pas de miroir mais je pense qu'il n'en valait mieux pas. J'étais toute froissée dû à mon agitation nocturne, et je devais avoir les cheveux dans un drôle d'état, mais ma sœur ne semblait y accorder aucune importance. Elle avait ce léger visage inquiet et bienveillant qui la caractérisait désormais. Et d'une voix douce, maternelle, elle me dit :

-Elsa ? Est-ce que tout va bien ? Je t'ai entendu crier.

Oh oui c'est vrai, ce cri ! Je l'aurai donc poussé aussi ici ?! Anna est arrivée si vite après ça ! Je n'avais même pas encore eu le temps de repenser à ce qu'il s'était passé. Elle devait avoir pris l'habitude en même temps d'entendre cris et pleurs. Voila un peu plus de deux mois désormais qu'elle avait donné naissance à la plus merveilleuse et plus jolie des princesses du monde ! Aussi, devait-elle souvent se réveiller la nuit pour s'occuper de ce petit trésor. Nous avions au château une quantité importante de dames de chambre, mais Anna avait toujours insisté pour s'occuper elle-même en toute circonstance de sa fille.

-Non, euh oui, Anna ! Euh, ce n'est pas grave, juste, un mauvais rêve sans doute. Lui répondis-je à la hâte.

Anna n'était pas restée sur le pas de la porte et s'approchait de mon chevet, toujours son petit sourire protecteur sur son visage. Elle respirait la sérénité, la compassion, le réconfort. C'était une maman ! Mais je crus voir en elle notre mère ! C'est fou comme elle pouvait lui ressembler parfois ! Cette femme, celle qui fut pour moi mon modèle. Celle dont j'espérais un jour pouvoir être digne de l'image qu'elle a su donner au royaume. Alors là seulement, je pense que je trouverais enfin le courage de me rendre sur sa sépulture. Anna vint alors me toucher le front. J'étais brûlante je le sentais. Toujours aussi maternellement elle sortit un mouchoir de sa poche et m'enleva les dernières traces de sueur qui devaient perler sur mon visage dont j'imagine que l'expression devait laisser transparaître l'angoisse qui m'habitait. Malheureusement ça n'enlevait toujours pas ma peur, même si elle trouvait le moyen de me calmer quelque peu.

-Tu es sûre que ce n'est qu'un cauchemar ? Demanda-t-elle en fronçant les sourcils.

Devais-je lui dire ? Avait-elle vraiment besoin de le savoir ? J'eus pitié d'elle. Ses cernes étaient visibles quand elle s'approchait. Emma avait dû encore la réveiller toutes les deux heures. Si en plus de sa fille je me mettais moi aussi à pousser des cris plaintifs elle ne s'en sortirait jamais. Je faillis tout lui dire mais au dernier moment je m'arrêtais car c'était des thèmes trop personnels... Ce mariage... Hans plutôt que Karl... Mon rejet pour Emma... Papa...Maman. NON. Inutile de lui bassiner la tête avec ça. Toutefois je restais honnête envers elle.

- Oui j'ai bien fait un cauchemar avouais-je, mais je n'ai pas envie d'en parler pour le moment. Ne t'en fais pas c'est passé ! Il faut croire qu'une reine est capable de faire parfois de mauvais songes. Terminais-je tentant de prendre un ton léger qui ne devait pas être très crédible.

Anna se mordit la lèvre comme elle avait l'habitude de le faire quand quelque chose la contrariait. Devant ma nonchalance j'eus peur qu'elle s'en aille même si j'aspirais au fond à rester seule.

-Vraiment ? Tu m'as l'air terrifiée ! Me dit-elle en me caressant les épaules.

C'est curieux, mais par ce geste, je revoyais notre mère, elle avait la même attitude envers nous quand petites quelque chose nous tracassait ! Elle s'approchait toujours davantage, et finalement s'asseyait à mes côtés, elle me serra alors contre elle en réconfort.

-Je vais rester avec toi ici, ça ne dérangera pas Kristoff de toute façon, il dort comme une marmotte ! Jamais depuis la naissance d'Emma il ne s'est réveillé quand elle pleure !

Cette dernière réflexion eut au moins le mérite de me faire esquisser un demi-sourire alors qu'elle s'installait dans le lit. Elle caressa tendrement mon visage, comme je l'ai souvent vu faire pour sa fille et me souriait pour tenter de me calmer. Finalement, nous nous tournâmes dos contre dos et ne parlâmes plus. Anna s'endormit très vite en fait. Moi je n'y parvenais pas. J'avais beau sentir que ma cadette était là serrée contre mon corps ce qui me rappelait mon statut d'ainée, capable d'affronter les mauvais rêves. NON ! Malheureusement il fallait que les images tournent toujours dans ma tête comme pour se moquer de moi. De toute façon tout ce qui venait de ce cauchemar était faux tentais-je de me persuader ! Malheureusement, à mon grand regret je ne me marierais jamais avec Karl...Il était mort noyé comme nos pauvres parents. J'avais entendu la nouvelle au moment où Anna était en train d'accoucher d'Emma...C'était peut-être pour ça que j'avais du mal avec ma filleule. Pourtant je savais au plus profond de mon être qu'il se tramait quelque chose de plus puissant avec ce petit bébé. Pourquoi avais-je voulue qu'elle s'appelle Emma ? Ce nom m'était sorti d'un coup. Il était beau certes, mais ce n'était pas la seule raison pensais-je, d'autant plus que je ne connaissais personne de ce nom ! Anna et Kristoff avaient adoré immédiatement ! La petite avait son prénom ! Pour m'en remercier, Anna avait fait de moi la marraine de la petite, malgré le fait que la tradition veuille que les parrains et marraines soient mariés ! Mais pourquoi ai-je frissonné quand elle me l'a annoncé ? J'en étais fière et honorée pourtant au point de fermer les yeux sur les traditions moi qui y suis pourtant si attachée ! Soudain, une image de mon cauchemar me revenait ! Pourquoi donc la petite avait les mains pleines de neige ?

Sortant de ma torpeur je sursautais soudain en entendant des pleurs dans le lointain. Ma petite filleule venait de se réveiller pour la Xième fois cette nuit. Des pas lourds arpentèrent alors le corridor jusqu'à ma chambre. C'étaient ceux de Kristoff. Sans même prendre le temps de frapper il rentra dans la pièce comme un sans gène et me présenta le bébé qui pleuraient toujours dans ses bras. Si elle continuait ainsi, elle allait finir par réveiller Anna !

-Ah bah elle est là ! Qui c'est la marmotte finalement ? On va arrêter de dire que papa ne fait pas son travail et ne va pas voir sa petite princesse !

-Mais tu vas te taire oui ! Tu vois bien qu'elle dort ! Répondis-je à Kristoff puis j'ajoutais alors que la petite continuait à pleurer dans les bras de son père qui semblait dépassé : Oh mais Kristoff, fais en sorte qu'elle se taise !

-J'y arrive pas ! Tiens prends la toi ! Sa marraine ! Ca devrait la calmer ! Fit le montagnard.

A ces mots, il me mit d'autorité la petite dans les bras. Pour la première fois depuis sa naissance, je tenais ma petite filleule, qui continuait de pleurer, ayant sans doute reconnu que les bras qui la tenaient n'étaient pas ceux de sa maman. Kristoff lui n'avait pas demandé son reste et avait déjà quitté la pièce me laissant seule avec ce petit être que je ne savais pas calmer ! Moi qui pensais que toutes les femmes avaient l'instinct maternel et bien je me trompais ! Plus mal à l'aise que jamais je tentais tant bien que mal de calmer Emma. Je fis d'abord plein de grimaces mais ça ne marchait pas. Je la berçais ensuite en lui chantant "fatiguée p'tit bébé" mais ma voix n'eut pas plus de succès. Anna avait vraiment le sommeil lourd ! Je jetais un œil vers ma cadette qui me tournait toujours le dos ! Elle semblait dormir, je ne pouvais tout de même pas moi, l'ainée la réveiller pour qu'elle réussisse à faire taire la petite ! Alors en dernier recours je fis appelle à mon don bien que, comme dans ce mauvais rêve, je me gardais bien depuis quelques temps d'en faire l'usage et lui fabriquais... Le même petit hochet en forme de bonhomme de neige que j'avais fait à Pascal le jour de sa naissance. Les cris s'arrêtèrent alors enfin. Emma lorgnait le petit objet de ses beaux yeux bleus marines. Elle était captivée !

-Eh bien ! On dirait que tu aimes bien la neige ma puce !

Je ne sais pourquoi j'ai dit ça, mais je revis alors l'image de mon rêve, de ce petit trésor avec ses mains toutes blanches. Je tachais de chasser cette image au plus vite ! Non mais Elsa, tu deviens folle ma pauvre, il est temps de dormir ! Pensais-je pour moi. Je la déposais alors entre Anna et moi. Elle conserva le hochet dans la bouche et ne broncha plus. Apaisée, je me tournais immédiatement sur le côté consciente qu'être à trois dans un même lit relevait du défi surtout quand il fallait faire de la place à un bébé. Heureusement, les lits royaux sont grands ! Il n'empêche, Emma etait une sacrée petite anguille ! Me retenant à plusieurs reprises pour ne pas tomber, j'enrageais de voir Emma qui s'étalait sur tout le milieu, mais elle n'était pas la seule coupable ! Sa mère aussi s'était bien étalée de l'autre côté. Sacrée Anna. Je faillis en rire mais je n'en trouvais pas la force.

Mes paupières recommençaient finalement à être pesantes. Ouf j'allais replonger dans un autre rêve qui me ferait oublier l'ancien... Ou pas. Car à l'instant où je me sentais enfin libre, sur le point de tomber dans les bras de Morphée, Anna se retourna et…risqua d'écraser la petite !

-NOOOOOONNNNNNN ! Hurlais-je à nouveau.

-Chut ! Elsa tu vas lui faire peur voyons !

J'étais bouche bée ! Moi qui allais m'endormir étais finalement parfaitement réveillée ! Je regardais ma cadette, le visage paisible, au dessus de sa fille. Elle agitait son doigt au dessus de la petite qui riait !

-Alors mon trésor ! On a été faire un câlin à sa tatie Elsa ? Dit ma sœur d'une voix douce et amusante qu'Emma semblait apprécier

-Hein ? Mais comment ?

-Si Kristoff avait vu que je ne dormais pas, tu ne l'aurais pas prise dans tes bras ! Je n'aurais manqué ça pour rien au monde ! Ma petite princesse consolée par ma sœur adorée ! Bon par contre, t'as quand même mis le temps pour qu'elle arrête de pleurer ! Je finissais par me demander si tu allais y arriver ! Répondit ma chère Anna d'une voix légèrement moqueuse.

Plusieurs sentiments me traversaient l'esprit. Comment a-t-elle pu ainsi me piéger ! J'hésitais à appeler la garde et exiger son placement en détention, bien sur, pour de faux, juste par esprit de vengeance vis-à-vis de cette blague. Néanmoins, je remarquais son visage enjôleur à tenir son enfant dans ses bras. Comment pourrais-je oser, même par jeu, faire une si mauvaise farce. Finalement, je pris le parti d'en rire également. Anna avait en effet assez bien manœuvrée. Je m'étais laissé berner jusqu'au bout, même si je continuais à me demander si Kristoff était au courant de la manœuvre d'Anna, ou si comme je le pensais il était assez gauche avec sa fille et se trouvait satisfait que je lui prenne l'enfant. Enfin, je pouvais me moquer, moi aussi je devais être gauche avec la petite. Je ne savais même pas comment la tenir. Et cette sensation qui m'a parcourue ! Je ne me sentais pas à l'aise avec Emma. Est-ce que cela voudrait dire que je n'aimais pas ma nièce ? Non voyons c'était impossible ! C'est la fille de ma sœur, je suis sa marraine ! Ca n'est qu'un bébé, comment ne pourrais je pas l'aimer c'était complètement absurde que de penser ça ! Ces longues années à me cacher ont sans doute changé ma personnalité. Je n'ai jamais vraiment pu être une enfant, ça doit venir de là ! Oui c'est sans doute ça ! Je n'y arrive pas avec elle, car moi-même je n'ai jamais pu être enfant !

-Tu veux la reprendre ? Demanda ma sœur.

J'étais interdite, sortant de mes pensées, ne sachant que répondre à l'interrogation de ma cadette. Je ne voulais surtout pas avoir l'air distante, je sais que c'est la plus grande crainte de ma sœur à qui j'ai fermé ma porte pendant tant d'années ! Comment pourrais-je être si cruelle envers elle en rejetant sa fille ? Mais une partie de mon âme voulait hurler qu'on éloigne ce bébé de ma vue, mais je ne saurais l'expliquer. Anna semblait s'impatienter face à mon silence, et, comme à son habitude quand quelque chose la contrariait, elle commençait à se mordiller la lèvre inferieure.

-Qu'est ce qu'il t'arrive Elsa ? Tu ne veux pas ta filleule ? Elle t'aime bien pourtant, regarde comme elle adore ton cadeau !M'encouragea-t-elle.

-Euh…oui bien sur donne la moi ! Je…La fatigue sans doute ! Répondis-je péniblement, me sentant obligée de céder à la requête d'Anna maintenant que j'avais déjà pris pour la première fois Emma dans mes bras.

Je n'avais en effet guère le choix, cette fois ci, impossible de me défausser prétextant une obligation royale, nous étions toutes les deux en chemise de nuit, dans mon lit, je n'allais certainement pas recevoir de visites officielles à quatre heures du matin, surtout dans cette tenue ! Je pris alors la petite que me tendait Anna. Mon malaise me parcouru à nouveau. Toujours cette sensation bizarre ! Et puis, cette image de ce cauchemar, cette enfant avec les mains pleines de neige ! Emma en revanche, ne semblait pas gênée le moins du monde, elle était à demi réveillée, fascinée par mon petit jouet de glace. Pour la première fois, j'admirais réellement ma filleule. C'est vrai qu'elle est magnifique, elle a le visage de notre mère et une chevelure naissante de couleur comparable à la mienne. Je sentais que je me détendais peu à peu. Emma semblait finalement m'apaiser. Certes cette sensation bizarre continuait de me parcourir, mais ce rêve s'éloignait, et je ne sentais plus la sueur froide couler dans mon dos. Finalement, je réussi à esquisser un petit sourire à ce petit ange.

-Ca y est ! Ma grande sœur est une maman ! Me dit Anna avec un large sourire, avant d'ajouter en me faisant un clin d'œil : Je vais enfin pouvoir passer une nuit de sommeil ! Dès demain je fais installer son berceau au pied de ton lit ! Tu sauras quoi faire !

-Attends ? Quoi ?!

-Rassure toi je plaisante ! Je ne pourrai pas abandonner la prunelle de mes yeux ! Mais si tu veux t'en occuper j'en serais ravie !

Cette fois ci le bon mot de ma sœur me fit avoir un petit rire que je masquais comme à mon habitude, posant le bout de mes doigts sur mes lèvres. Tenant d'un seul bras ma petite filleule qui ne semblait pas dérangée le moins du monde ! Je la regardais, puis fixais ma cadette. J'avais dans cette pièce les deux personnes qui comptent le plus pour moi ! Je me sentais pour la première fois depuis ce réveil nocturne, heureuse. Peu à peu, la fatigue revînt à ma rencontre, Je pense qu'Anna s'en est rendu compte, car tout en me prenant Emma des bras elle déclara :

-Allons Elsa, recouche toi, mais laisse moi un peu de place ! Je reste avec toi cette nuit ! Et Emma aussi ! Je serai là si tu fais encore des cauchemars !

-Non ! C'est inutile Anna ! M'empressais je de répondre avant d'argumenter : ca n'était qu'un mauvais rêve, ça n'est pas bien méchant, ça arrive ! Je vais me rendormir et tout ira très bien ! Tu devrais en faire autant et retourner rejoindre ton mari, j'espère qu'il sera en forme…On a une partie d'échecs qui nous attend demain !

J'avais espoir que cette dernière réflexion ferait partir ma sœur. Non pas que je veuille réellement qu'elle s'en aille, sa présence me rassurait mais je ne voulais surtout pas l'inquiéter. Alors, faire ce pieu mensonge en lui faisant croire que ce qui m'importe le plus est une partie de mon jeu favori contre mon beau frère mais aussi meilleur adversaire bien qu'il n'ait jamais gagné était une tentative pour ne pas à avoir à m'expliquer auprès de ma cadette ! Malheureusement pour moi, Anna n'était plus la jeune femme qu'il était facile de convaincre ! La maternité lui avait fait gagner cela. Elle releva un sourcil, me passant à nouveau la main dans les cheveux alors que je posais ma tête sur l'édredon.

-Un seul mauvais rêve ? Tu es sure de toi ? Ca n'était pas le premier pourtant.

-Comment ?

-Voyons Elsa ! Avec Emma je suis obligée de me lever toutes les nuits ! Et toutes les nuits, j'entends, en passant devant ta porte des sanglots ou des suppliques de ta part. Tu fais des cauchemars toutes les nuits n'est ce pas ?

Je restais sans voix, bouche bée face à la réponse d'Anna ! Moi qui avais eu le secret espoir que personne n'avait rien remarqué, c'était apparemment manqué. Instinctivement, alors que je me retournais pour faire face à Anna, ma main passait sous l'édredon, et se serrait contre une petite fiole contenant un liquide jaunâtre.

-Allons Elsa ! Raconte-moi ce que tu vois ! Ca te fera du bien !

-Non non Anna, ne t'en fais pas ! C'est rien du tout ! Mentis-je

-C'est Karl n'est ce pas ? Tes cauchemars ? Elsa tu peux me le dire ! Depuis sa disparition tu n'as jamais prononcé son nom ! Allez vas y lance toi Elsa il faut que cela sorte !

Karl ! C'est vrai ! Jamais je n'ai reparlé de lui ! Alors que nous étions promis l'un à l'autre, et ce grâce aux talents de diplomate de ma cadette ! Cette dernière réflexion d'Anna, me fit revoir cette dernière image affreuse qui a provoqué mon réveil ! Non je ne pouvais pas lui raconter cela ! Ni lui parler d'Emma ! Pourtant, je sentais bien qu'elle ne me laisserait pas tant que je ne me serais pas confié à elle. Je savais au fond de moi qu'elle avait raison, ce poids était trop lourd à porter seule, mais je ne puis partager ce fardeau avec elle qui nage actuellement dans le bonheur découvrant les joies de la vie de jeune maman. Non, autant lui raconter autre chose. Je n'allais pas lui mentir, ça a fait partie aussi de ces mauvais rêves, mais au moins elle ne serait guère surprise ni inquiète !

-Très bien Anna ! Alors voici ce que je vois :

Je commençais mon récit, et tout en parlant, je revivais un de ces mauvais rêves, je parlais alors à Anna, sans doute à demi consciente, non pas que je m'endorme, mais je voyais la scène comme si j'avais un filtre devant les yeux entre ma sœur et moi : Au départ tout commençait plutôt bien. Mon rêve reprenait en fait des événements que nous avions vécus il y a quelques mois de cela. Anna, que j'avais nommée comme première conseillère royale et ambassadrice d'Arendelle m'avait accompagné en déplacement malgré sa grossesse dont le terme approchait. Elle avait d'ailleurs un rôle essentiel ! En effet, même si je ne voyais encore personne au travers de l'image qui c'était filtrée au travers de mes yeux, je savais que j'étais aux Iles du Sud. Depuis notre dernière péripétie avec le troll, la tension entre nos deux royaumes s'était apaisée. Il faut dire que j'étais tombée amoureuse du prince héritier, premier dans l'ordre de succession ! Aussi, notre délégation était aujourd'hui en visite d'Etat afin de négocier les modalités de notre union. Comme le veut la tradition aux Iles du Sud, les futurs époux ne doivent pas prendre part à ces tractations diplomatiques, et doivent avoir durant leurs fiançailles le moins de contacts possible, ce que nous respections l'un comme l'autre. Malgré mon statut de souveraine, les rôles étaient donc là encore inversés, c'est Anna qui devait me fermer la porte au nez et négocier avec le souverain. Me contenant d'observer de loin, impuissante, je me sentais mal à l'aise, moi la célèbre souveraine d'Arendelle cantonnée à un rôle d'observation et évidemment une négociation qui se faisait comme il est de tradition autours d'un jeu ! Au moins, Anna depuis qu'elle est mariée à Kristoff est devenue une bonne joueuse d'échecs, espérons qu'elle plumera ce roi prétentieux. En effet, le monarque des Iles du Sud, Quentin III m'était très désagréable, il me faudrait pour autant si Anna parvient à ses fins l'accepter comme beau père ! Certes il respectait l'étiquette royale contrairement à Anna bien que cette dernière ait fait des progrès dans ce domaine. Je ne saurais dire pourquoi mais s'il semblait à peu près courtois avec ma cadette mais il était absolument immonde à mon égard en se gardant bien cependant de rester dans les limites pour éviter tout incident diplomatique, et il me parlait toujours de manière indirecte, jamais je n'ai pu réellement le dévisager ce qui m'était fort désagréable. J'étais finalement presque heureuse que nos rencontres fussent rares et très brèves. Ceci étant, vu que j'étais la demandeuse et que de surcroit je jouais à l'extérieur il semblait préférable que je n'entre pas dans ce jeu de mépris bien que j'eusse fortement envie de le remettre à sa place ! Fort heureusement Karl était à mes côtés en ce jour spécial ! Lui aussi n'avait pas voix au chapitre, seul Hans participait au titre de prince de sang à cette négociation ce qui ne manquait pas de m'étonner :

-Pourquoi tes autres frères ne participent pas à la négociation ?

-Les décuplés ?! Ils vivent toujours ensemble et ne s'intéressent pas à la politique ! Ils ont fondé une compagnie du commerce qui permet au Royaume d'avoir d'excellentes relations économiques aux quatre coins du monde, et d'être toujours très bien renseignés sur nos partenaires ! C'est une des fiertés du royaume ! Viktor, le 12è de la bande, bien que plus âgé qu'eux est quand à lui adopté, et Père refuse qu'il s'investisse politiquement car son sang n'est pas royal.

-Des décuplés ?!

-Oui ! Après ma naissance Mère était malgré tout en mal d'enfant ! Elle en voulait tout autour d'elle, alors, le royaume ayant déjà un héritier Père a accepté d'adopter à condition que cela soit un garçon. Cela a du par ailleurs les stimuler car peu de temps après Mère est tombée enceinte des décuplés ! Hans quant à lui est né quelque temps plus tard.

-Quelle épreuve ! Répondis-je osant à peine imaginer la souffrance de cette pauvre femme au moment de mettre au monde dix enfants en même temps ! Pourvu que cela ne soit pas le cas pour Anna pensais-je.

-Mère était heureuse au contraire ! Mais elle ne supportait pas de nous quitter des yeux ! C'est fou comme nous étions importants pour elle ! Comme si nous risquions de disparaître à tout moment ! Et je peux te dire que celui qui se trouvait hors de sa vue pendant plus de cinq minutes, elle paniquait et appelait la garde ! On passait alors au moment de réapparaître un très mauvais quart d'heure ! On l'a d'ailleurs vite compris, et une de nos brimades favorites était de cacher Hans ce qui rendait notre mère absolument furieuse à son égard !

J'avais quelque peu de mal à comprendre ce genre de mauvaises plaisanteries ! Mais j'étais mal placée pour juger, après tout en m'enfermant j'ai fait beaucoup de mal à Anna, et à moi aussi ! Désormais l'heure était venue de rattraper ce temps perdu et il me semblait qu'il en était de même pour Karl. Depuis notre rencontre jamais je ne l'avais entendu dire du mal de son jeune frère ! J'avais appris, et Anna également à l'accepter malgré notre passif, il était finalement assez gentil garçon, bien qu'il ait tendance à m'énerver quelque peu à rougir chaque fois qu'il me croisait ! A défaut d'avoir une relation de confiance ou amicale avec Hans, nous nous supportions de manière courtoise ce qui était déjà pas mal quand on y pensait. Finalement, au bout de longues minutes je vis ma sœur sourire et l'entendre distinctement dire « échecs et mat ! Elsa a raison ! Toujours la reine blanche ! »

-Eh bien, il semble que tu sois un excellent professeur ! Père n'aime pas perdre par contre, ne t'attends pas à un accueil chaleureux ! Surtout qu'il s'agit là de son jeu favori !

-Je suis la reine des neiges ! Le froid ne m'a jamais dérangé ! Répondis-je, même si ce Quentin III me tapait sur les nerfs je dois l'avouer et j'étais heureuse que ma sœur chérie lui inflige une cuisante défaite !

L'accueil de Quentin III a été aussi glacial que prévu, c'était à peine si nous nous étions croisés ! Nous aurions été à Arendelle, et même si je ne souhaitais plus utiliser mes pouvoirs, je l'aurai gelé pour le faire réagir ! Dommage que ma chère cousine Raiponce ne soit pas parmi nous ! J'aurai volontiers utilisé son arme favorite : une poêle à frire ! D'ailleurs des petits flocons sortaient de mes doigts à cause de l'énervement que je tentais de cacher tant bien que mal! Mais finalement l'essentiel était sauf ! Il consentait à notre mariage, nous tendant son acte officiel le prouvant et nous quittant sans même nous saluer. Anna avait d'ailleurs admirablement bien négociée car celui-ci se déroulerait à Arendelle !

Tout ensuite s'accélérait, le filtre qui certes n'existait pas mais que je sentais sur mes yeux fit avancer les événements jusqu'à la soirée du lendemain où Anna avait eu quelques douleurs dans le ventre. Hans eut alors une brillante idée ! En effet, il était plus prudent pour nous de regagner Arendelle pour ma sœur au cas où le bébé arrive. Le jeune prince des Iles du Sud nous proposa alors de prendre le navire officiel de son royaume, plus spacieux paraît-il, il serait davantage adapté à la future maman. Karl ne pouvait pas venir, il avait quelques obligations encore sur place imposées par son père mais nous suivrait à quelques jours d'écart, prenant le navire officiel de notre délégation. Nous partîmes alors le lendemain matin avec la marée et le voyage se fit sans encombre. A peine arrivées. Ma sœur se plaignit à nouveau de contractions n'ayant même pas la force de saluer son époux ni même Olaf venu nous accueillir. Ce voyage éprouvant avait déclenché le travail d'accouchement. Nous l'avions alors rapatriée au plus vite au château, faisant au passage mander le médecin qui était à son chevet en compagnie de Kristoff qui lui tenait la main. Pour ma part j'attendais dans le couloir pudiquement. Certes en tant que souveraine il était de mon devoir d'assister à la naissance royale comme le veut la tradition, mais, j'ai préféré laisser ma sœur en paix sur ce point. Je rentrerais constater une fois l'accouchement terminé. Alors que j'entendais les cris de douleurs poussées par Anna dû aux souffrances de l'enfantement, Kay approcha d'un pas tremblant, tenant un parchemin à la main. Il bredouilla en me le tendant. Je le parcouru, et alors que pouvait s'entendre de l'autre côté de la porte, des cris de nourrisson, je lisais ces mots fatidiques avant moi-même de pousser un hurlement de désespoir « Le prince Karl des Iles du Sud a péri en mer suite au naufrage de son vaisseau qui a essuyé une violente tempête »

Je sentais que les larmes montaient en moi alors que je narrais la fin de ce douloureux événement. Des questions persistaient ! Pourquoi avions nous accepté que Karl ne parte pas avec nous ? Pourquoi lui avoir laissé notre navire, le sien était plus solide et aurait pu essuyer la tempête ? Est-ce pour cette raison que je n'arrivais pas à aimer ma nièce ? Anna quant à elle me fixait toujours. Elle ne m'avait pas interrompu une seule seconde pendant mon récit. Nous étions toutes les deux, couchées dans le lit, à nous faire face, avec la petite Emma entre nous qui dormait à poings fermées. Le visage d'Anna se fit alors à nouveau maternel. Elle approcha sa main et me caressa la joue. Il était inutile de parler, son geste suffisait, son regard également. Je savais bien ce qu'elle m'aurait dit. Des paroles réconfortantes sans doute. Elle aurait tenté de me persuader que je n'étais absolument pas responsable de ce drame. Mais finalement, lorsqu'elle prit la parole, elle me dit :

-C'est la, le seul cauchemar que tu fais ?

Je restais à nouveau interdite, repensant à mon dernier mauvais rêve que je ne voulais surtout pas raconter.

-Quoi ? Oui bien sur ! Bredouillais-je.

-Elsa ! Je t'entends hurler toute la nuit. Ce que tu me racontes ici, ne te rend triste qu'à la fin du songe. Tu es sure que c'est le seul mauvais rêve ?

-Oui ! Répondis-je d'une voix plus froide que je ne l'aurai voulu. Je souhaitais simplement éviter tout interrogatoire.

Anna tapota mon oreiller, et me tenait la main, puis posa à son tour sa tête sans dire un mot de plus. Son seul geste suffisait. Elle resterait ici avec moi, pour me protéger de mes mauvais songes. Je la vis fermer les yeux, tenant dans sa main droite ma main, et dans sa main gauche la petite princesse d'Arendelle. Quant à moi, je tachais de fermer à nouveau les yeux, me concentrant sur la présence rassurante de ma cadette, et continuant de serrer le petit objet sous mon oreiller que je dissimulais depuis près d'un an aux yeux de ma sœur…