Elle était allongée sur le lit, et dans la semi obscurité, la pâleur de sa peau s'intensifiait à la lueur de la lune qui filtrait par les stores. Il devinait sa silhouette plus qu'il ne la voyait, dans la douce pénombre il devinait à peine les contours de sa silhouette dans la douce pénombre. Son corps reposait lourdement sur les draps, plongée comme elle l'était dans un sommeil de plomb. Sa jambe était nonchalamment entortillée dans la moustiquaire couleur crème qui isolait le lit du reste de la pièce. Un petit pied dépassait de la barrière de coton. Un bras était replié sous son corps nu et l'autre s'étendait en travers du lit.
Elle est là, offerte dans une grâce sans nom. Les plis de la moustiquaire qui repose sur elle semblent vouloir cacher sa nudité au vue de tous. Les draps sont froissés et témoignent d'un sommeil encore agité. Pourtant, depuis qu'il est venu s'installer sur cette île du bout du monde ses cauchemars sont moins présent.
Sa respiration paisible résonne dans la pièce où aucun autre bruit ne vient troubler le calme de la nuit. Les vagues qui viennent se fracasser sous la falaise se font entendre au lointain, mais ce bruit est devenu tellement habituel qu'il n'y fait plus attention.
Il revenait d'une promenade sur la grève. Epuisé, il n'avait qu'un souhait, celui de se blottir dans les bras de sa compagne. La nuit l'a surpris dans sa contemplation de la mer mais l'obscurité n'avait pas été un problème pour lui, car il connaissait par coeur le chemin des douaniers.
Elle s'est couchée sans lui et la culpabilité avait étreint son coeur lorsqu'il a ouvert la porte de la maison sur une demeure sans bruit. Il n'aime pas la laisser s'endormir seule, même maintenant il répugne à la laisser affronter la nuit et ses cauchemars. Il sait bien que les mauvais rêves sont moins présent dans leur quotidien, à chaque fois il a peur que ceux-ci ressurgissent quand il n'est pas là pour la serrer dans ses bras. Après ses ablutions il avait rejoint la chambre sans bruit et poussé doucement le battant. Elle dort paisiblement.
Doucement il s'approche du lit sans la quitter des yeux. Il la trouve magnifique, chaque jour il réalise la chance qu'il avait eu de la retrouver. Et il ne peut s'empêcher de se demander ce qui se serait passé s'il ne lui avait pas tendu la main ce jour là à la sortie du tribunal. Eternel romantique, il se dit que la vie les aurait réunis un jour ou l'autre. ils étaient fait l'un pour l'autre. Ça sonnait peut-être comme une phrase banale, qu'on entend de la bouche d'adolescents qui découvraient pour la première fois la sensation d'aimé et d'être aimé en retour. Il était peut-être romantique, mais une chose est sûre, il l'aimait et elle était devenue son ancre après la guerre. La personne avec qui il se reconstruisait.
Il s'est assis sur le lit sans que ça la réveille. Elle sent quand il la rejoint dans le lit. Son instinct presque animal le fascine. Souvent il vient se coucher après elle. Elle s'endort toujours très vite contrairement à lui qui tourne et se retourne dans le lit conjugal sans que cela ne la réveille. Et ce soir là ça n'a pas manqué, à peine s'est-il allongé dans le lit contre elle qu'elle est venue se lover contre lui. Sa tête au creux de ses bras, sa main sur son torse elle a soupiré d'aise contre lui. Il était heureux comme jamais. A écouter la mer au dehors et la respiration de Lavande qui emplit la pièce.
N'arrivant pas à s'endormir il la contemple, la caressant du regard. Il admire son corps couvert de tatouages. Il les aime, ils font partis d'elle. Doucement il les effleure du bout des doigts. Il parcourt son corps nu, sa peau si chaude sous la sienne. Lentement dans la pénombre de leur chambre il continu son chemin, il redessine les tatouages de sa compagne. Il touche sa peau sans pouvoir toucher l'encre qui se loge sous chaque portion de son épiderme. Il voudrait pouvoir se loger sous sa peau comme l'encre donc elle se peigne le corps et l'âme. Il aimerait pouvoir s'infiltrer dans chaque parcelle d'elle, dans chaque cellule de sa peau à ne faire plus qu'un avec avec tout son être. Il la sent si fragile sous cette carapace de peau et de pigments de toutes les couleurs.
Il la sent se réveiller sous ses doigts. Sa respiration se fait moins calme et tout doucement ses tatouages s'éveillent. Ses yeux ne sont pas encore ouverts, mais il sent ces pupilles rouler sous ses paupières closes tandis qu'un sourire éclos sur ses lèvres. Il ne voit pas son visage, Mais il devine le sourire qui s'étire sur ses lèvres. elle lui tourne le dos et se faisant échappe à son étreinte. Elle s'étend un peu plus comme pour l'inviter à parcourir son corps du bout de ses doigts. Elle est allongée sur le ventre, s'alanguit sous ses mains qui parcourent son corps. Elle aime le sentir redessiner ses courbes, chaque geste esquissé, témoigne de son admiration pour son corps. Et à travers ses caresses elle ré apprivoise ce nouveau corps que la guerre lui a imposée.
Il dégage les cheveux de sa nuque, les éparpillant autour de sa tête en une couronne de blé. Il dessine de ses longs doigts le miroir brisé qui pleure des larmes de sang, les gouttes se font de plus en plus rare. Il rêve du jour où les éclats du miroir brisé se recolleront, , mais il sait au fond de lui que Lavande restera brisée à jamais. C'est déjà une mince victoire de ne plus voir les gouttes rouges perler des fissures. Il joue dans la dentelle noire qui recouvre ses épaules, embrasse les roses noires emprisonnées dans les mailles de ce châle d'encre. Elle est totalement éveillée sous ses caresses maintenant, il voit les fleurs s'ouvrir sur ses omoplates et ses flancs, les oiseaux battent doucement de leurs ailes. Ses tatouages pulsent doucement au rythme de sa respiration apaisée. Ils l'hypnotisent et font fleurir sur ses lèvres un sourire tout simplement heureux. Il se coule contre elle, sa respiration fait naitre des frissons sur sa peau. Ses jambes emmêlés dans les siennes, peau blanche contre peau noircit de lierre grimpant à l'assaut de son corps, il se sent à sa place. Elle se loge dans ses bras, puis doucement se détache de lui afin de le contempler.
Seamus se laisse faire sous ses caresses, il sent sa main si fine couverte d'aubépine contre sa joue avant de venir se nicher contre son coeur qui bat irrégulièrement. Elle a encore les yeux fermés mais son sourire s'élargit lorsqu'il vient coller sa main contre sa pommette gauche, et qu'il caresse cet olivier né le jour de leur deuxième rencontre. La rencontre de deux êtres que la guerre avait marquée dans leur corps, leur âme et leur coeur.
Il suit son tronc, parcours son cou, longe sa clavicule, et descend jusqu'à ce coeur noir stérile. Cet organe qui marque Lavande dans sa chair, ce coeur si différent de celui qui bat sous sa peau à quelque centimètre de ce tatouage. Il le sent marquer un raté tandis que sa main se presse contre sa poitrine. Il veut la rendre vivante, que ce coeur noir disparaisse et renaisse enfin. Il le voit petit à petit reprendre des couleurs, la chair calcinée se ressoude. Il voit des trainés pourpre apparaitre dans le dégradé de noir.
Ils sont vivants, ils sont heureux et il ne supporte plus de subir la vue de cette marque qui témoigne des atrocités qu'ils ont vécues. Cette abomination n'a rien à faire sur le magnifique corps de celle qu'il aime.
Il veut s'infiltrer dans chaque recoin de son âme, ne vivre plus que pour elle. Elle l'a sauvé, elle est son radeau. La personne la plus importante dans ce monde et l'autre. Il sourit tandis qu'un rire étouffé arrive à ses oreilles. Lentement, il se penche vers elle et effleure de ses lèvres son cou. Descend le long du tronc de l'Olivier. Il suit le même chemin que ses doigts avaient parcouru. Il descend jusqu'à son coeur noirâtre dans un tracé sinueux et laisse un suçon dessus comme une provocation. Le souffle de Lavande s'emballe un peu plus. Dans un sourire fier, il plonge ses yeux dans ceux enfin ouvert de celle qu'il aime. Il est fier de lui prouver chaque jour combien elle est vivante. Elle l'attire à lui dans un baiser qui s'éternise. Il peut sentir dans la précipitation de ses lèvres contre les siennes, que son désir est réciproque Il sait que elle aussi elle aime se fondre en lui à défaut de se loger dans sa peau. Ce baiser les laisse à bout de souffle, mais ce n'est toujours pas assez pour le contenter, il en veut plus, il la veut tout entière. Il veut sentir son corps sous ses doigts, parsemer sa peau de baisers. Ses lèvres redessine les contours de son corps. Laissant leur trace sur la peau brûlante de cette peau meurtrie. Redessine ses tatouages avec sa langue. Il la sent s'abandonner de plus en plus, il sait combien c'est difficile pour elle de se laisser totalement aller. Il connaît la difficulté du lâcher prise, cette sensation de confiance totale s'apparente aujourd'hui à une peur parfois insurmontable. Baisser sa garde, c'est s'exposer à de nouvelles souffrances et cela, ils ont du mal à l'oublier. Il a tellement l'habitude d'être sur le qui-vive. Les oiseaux et fleurs pulsent de plus en plus vite sur ses bras témoignant de l'état dans lequel il l'a met. Son propre souffle s'accélère, il relève la tête afin de contempler Lavande, elle a à nouveau fermé ses yeux sous ses caresses.
Elle est magnifique sa Lavande. Allongée sur leur lit, ses cheveux blonds auréolant son visage de poupée. Ses yeux bleus s'ouvrant doucement sous l'intensité de son regard Ses joues rougissantes encore fiévreuses. Oui elle était magnifique avec ses tatouages et ses cicatrices de guerre.
