Les jours d'après
Chapitre1
Hello les gens
Attention donc, spoilers pour tout le MCU et surtout EndGame.
La fic est complètement écrite, y a 9 chapitres. un chapitre par jour.
je voulais la poster en une seule fois mais on m'a crié dessus que 90 pages d'un coup c'était trop ^^
Bonne lecture ^^
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La cérémonie avait eu lui depuis quelques semaines déjà, mais rien ne semblait parvenir à faire retrouver le sourire à l'adolescent. Il connaissait cette sensation de vide cotonneux qui menaçait à chaque seconde de l'engloutir. Sa tante May la connaissait. Heureusement, cette fois, elle ne le subissait pas. Lui par contre n'arrivait pas à rejeter le poids qui lui écrasait les épaules. Même après la mort de son oncle Ben il n'avait pas ressenti de poids aussi lourd. C'était comme si le moindre geste l'épuisait.
Penser le vidait.
Tout l'éreintait
Il se sentait coupable.
Il n'avait pas été assez fort.
S'il était retourné au lycée sans trop de difficulté les premiers jours, il peinait de plus en plus à simplement se lever le matin.
Il avait retrouvé Ned et MJ heureusement. Mais il avait aussi retrouvé Flash et les autres. Avec la fatigue permanente qui rendait difficile le moindre geste, résister aux insultes et aux moqueries des idiots de sa classe menés par Flash était…épuisant. Encore.
Tout l'exténuait.
D'où lui venait cet accablement ?
Le claquement de doigts de Thanos avait encore un effet sur lui ? Mais il serait bien le seul. Après celui de Docteur Hulk, tout le monde était revenu en entier. Non, son épuisement n'était pas physique, juste psychologique.
Il n'avait pas été assez fort. Il n'était jamais assez fort. Cette fois, ce n'était pas un mur qui avait failli avoir raison de lui. C'était une perte bien plus douloureuse.
Peter tendit la main vers la table de nuit. Il repoussa le masque de Spiderman qu'il n'avait pas mis depuis des semaines. C'était le premier que M'sieur Stark lui avait fait.
Les larmes lui montèrent aux yeux. Comme à chaque fois, il les ravala. M'sieur Stark n'était plus là. Il était mort devant lui, presque dans ses bras. Mais lui n'avait pas vraiment le droit de le pleurer n'est-ce pas ? C'était « juste » m'sieur Stark. Pas son père comme pour Morgan. Enfin, presque.
Peter attrapa le starkphone sur la table de nuit pour appeler un numéro qu'il n'avait jamais vraiment utilisé avant ces dernières semaines.
« – Vous êtes bien en relation avec le LMD de Tony Stark… Pepper ! J'ai le droit de dire n'importe quoi sur mon téléphone personnel ne me gronde pas ! »
Peter raccrocha en retenant un sanglot. Il appelait, il écoutait un instant et il raccrochait.
Pourquoi la ligne n'avait-elle pas été encore supprimée ? Il n'en savait rien. Miss Potts… non, Madame Stark avait sans doute autre chose à faire. Elle devait gérer tout Stark Industries pour Morgan et les années à venir. Sans Tony pour sortir de nouveaux blue-print, la valeur de l'entreprise avait pris un coup dans le nez. S'il était possible d'espérer que la petite fille hériterait des talents de son père, S.I. avait au mieux une douzaine d'années difficiles devant elles.
« - Peter ? » L'adolescent releva le nez de son oreiller. Tante May le fixait avec tristesse et tendresse. Elle comprenait sa peine. « C'est l'heure de te lever. Sinon, tu vas être en retard au lycée. »
Spiderman resta incertain un instant. L'heure de se lever ? Mais il s'était allongé il y avait… Ha… oui… plus de huit heures… Et il n'avait pas dormi de la nuit. Encore. Totalement perdu dans ses pensées et sa peine, il n'avait pas été capable de fermer les yeux une minute.
« – Oui May. »
Avec un soupir, elle le laissa se lever et se préparer pour partir. Elle l'attrapa au vol pour lui coller un muffin et une pomme dans la main.
« – Et mange-les tous les deux. »
« – Oui May. »
Peter avait toujours été un bon garçon. Un peu malicieux, maladroit, mais intelligent. Trop. Bien trop. Il avait été propulsé la tête la première dans des évènements qu'il n'aurait jamais dû rencontrer. Il y avait finalement survécu. Mais il le payait au prix fort.
Elle le regarda partir par la fenêtre jusqu'à ce qu'il soit monté dans le bus. Alors seulement elle alla ranger un peu sa chambre, remettre son costume de Spiderman dans la penderie près de la boîte thoracique où attendaient, inertes, les nanomachines de la dernière combinaison offerte par Stark. Puis, pour elle aussi il fut l'heure de partir travailler.
« - Hé ! Peter!"
« - Salut Ned. »
Si Ned n'avait pas été là, Peter ne savait pas comment il aurait réussi à venir encore au Lycée.
« - Tient, les loosers. »
Peter fixa froidement Flash. Pourquoi n'avait-il pas survécu au snap lui ? Comme ça, il aurait cinq ans de plus qu'eux et ils auraient la paix ! Mais non, même cette chance-là ils ne l'avaient pas.
« - Fiche nous la paix. » Un de ces jours, Peter allait craquer et enfoncer son poing dans la figure de son camarade de classe. Problème, il le tuerait probablement s'il s'abandonnait à cette petite satisfaction fugitive.
« – On a quoi ce matin ?
« - Math. » Ne pas s'occuper des brutes de la classe était encore le meilleur moyen pour ne pas tuer des gens.
Un frisson remonta dans le dos de Peter. Il avait tué des êtres pensants. D'accord, c'était des soldats de l'armée de Thanos, mais ce n'étaient pas des robots, ce n'était pas des animaux. Même s'il ne parlait pas leur langue, ses ennemis étaient des créatures pensantes. Il avait tué des humanoïdes pensants. Et il en était horrifié.
Peter Parker, seize ans, avait tué à mains nues plus de « personnes » qu'il ne pouvait en compter. Il aurait pu demander à Karen pour le décompte précis, mais qui serait assez fou pour demander une chose pareille ? il avait déjà assez honte comme ça ! Il avait seize ans non d'un chien ! Il n'était pas un soldat de métier !
Un instant, il eut envie d'appeler le Capitaine. Il aurait pu, il avait son numéro après tout. Mais le vieillard de 120 ans, s'il était encore très, très vert pour son âge, n'avait pas besoin qu'on l'ennuie avec des stupidités de gamin qui n'arrivait pas à gérer l'après-coup d'une bataille qui, pour lui, avait eu lieu plus de cinquante ans dans son passé. M'sieur Stark s'était souvent moqué de l'âge du cap. Mais si Steve avait 28 ans physiques quand il avait été décongelé et non pas cent, à présent, il les avait largement dépassés avec son petit retour dans le passé.
Peter aurait eu besoin de parler à un psy, mais pour lui dire quoi ? Qu'il avait participé à la bataille homérique qui avait transformé le bâtiment des Avengers et alentours en zone de guerre ? Qu'il était Spiderman ? La blague. Qui le croirait déjà ? Et si on le croyait, ce serait encore pire probablement.
Non, il avait besoin de parler à un soldat. Quelqu'un qui avait tué pour protéger les siens et lui-même. Sam ? Il était sûr que le nouveau Capitaine ne l'aimait pas trop de toute façon. Le sergent Barnes ? Il lui faisait peur. Non seulement le Soldat le haïssait, il en était certain, mais en plus il lui faisait peur avec son regard noir et froid. En plus, il était sans doute retourné au Wakanda élever des chèvres. Il ne s'entendait pas merveilleusement bien avec Sam Wilson.
« - Peter ? Peter !"
Ned lui donna un coup de pied.
Peter sursauta.
« - Oui ? »
« - Alors ? »
« – Heu….
« – Tu n'écoutais pas. »
« – Non… désolé. »
La prof de chimie soupira avant de lui montrer le tableau avec irritation. C'était une chaîne de chimie organique à compléter.
« - Alors ! »
« - Ho. Un ester en haut à droite et un cyclique en bas. »
La prof serra les lèvres. C'était la bonne réponse que personne n'avait pu lui donner en 15 min. Et Peter la lui lançait comme si ce n'était rien alors qu'il venait de lire en diagonale la question. Le jeune homme avait toujours été bon évidemment. Mais à ce point ? Elle savait qu'il avait déjà été accepté dans une fac même si elle ne savait pas laquelle et qu'il lui restait encore plus d'un an de Lycée. Avait-il camouflé ses compétences jusque-là ? Elle le pensait de plus en plus. Peter semblait ne plus se soucier une seule seconde du qu'en-dira-t-on au sein de l'établissement. Est-ce que ça avait à voir avec son changement de situation ? La prof ne connaissait pas les détails, mais elle avait bien remarqué le changement de qualité de ses vêtements. Sa tante devait avoir eu une forte hausse de salaire. La prof ne pouvait pas savoir qu'elle était infiniment loin de la réalité.
« - Fais attention à ne pas voir tes résultats s'effondrer parce que tu ne prêtes pas attention à ce qui se passe, Peter. »
Le jeune homme ne lui répondit pas. Il avait à nouveau le regard dans le vide, perdu dans une peine évidente qui lui serrait le cœur. Qu'est-ce qui était arrivé à ce gosse ? Tout le monde avait retrouvé les siens après tout (ce qui n'avait pas été sans causer d'énormes problèmes). Alors pourquoi ?
Peter jouait avec son Starkphone sans se soucier davantage du cours quasi fini. Qui aurait-il pu appeler ? Happy ?
Il faillit en rire. Il ennuyait Happy à n'en plus pouvoir. Ça avait toujours été le cas.
Alors qui ? Qui avant qu'il ne craque ?
Les larmes lui montèrent encore une fois aux yeux. Il voulait juste retrouver m'sieur Stark.
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« - Salut grand-frère. » Murmura la petite fille.
Peter lui sourit difficilement. Morgan était adorable, mais elle était surtout la fille de m'sieur Stark. Ho, techniquement, depuis l'adoption, lui aussi était un fils de m'sieur Stark. Mais ce n'était pas la même chose évidemment.
L'adolescent n'était venu que parce que M'dame Stark l'avait appelé plusieurs fois. Sans réponse positive de la part de Peter, elle lui avait envoyé Happy pour qu'il vienne lui-même le chercher en bas de chez sa tante. Avec un soupir, il était monté dans le véhicule pour se laisser conduire au nouveau siège de Stark Industries. La petite famille amputée d'un tiers de ses membres y avait un appartement au dernier étage. Comme Pepper ne voulait pas laisser sa fille seule ou avec des nounous trop longtemps, elle avait préféré partir de leur maison au bord du lac pour revenir en ville. Mais sans doute abandonnait-elle aussi l'endroit où elle avait été heureuse cinq ans pour ne pas avoir à supporter le crève-cœur d'avoir à apprendre à y vivre seule avec sa petite. L'absence de Tony était encore pire dans cette maison perdue au milieu de nulle part que dans l'appartement froid au-dessus du siège social.
« - Salut Morgan. Comment tu vas. »
La petite fille lui tendit les bras pour qu'il la prenne à cou. Il obéit évidemment. Comme toujours, la fillette le serra très fort. Il lui manquait toujours. Bien qu'ils n'aient passé que peu de temps ensemble, elle avait très bien compris qu'il était son grand-frère maintenant. Et s'il était son grand frère, il devait lui faire des câlins.
« - Bonjour Peter. Merci d'être venu. »
« - Pas comme si j'avais le choix. »
« - Morgan voulait voir son grand frère. »
Peter soupira. Il était toujours aussi mal à l'aise. Il n'arrivait même pas à comprendre comment M'dame Stark, Pepper, comme elle exigeait qu'il l'appelle, supportait que son mari l'ait adopté en douce sans rien en dire à personne, juste l'avant-veille de son…Départ. Elle faisait tout pour qu'il se sente un membre à part entière de la famille Stark, mais Peter n'y arrivait pas. Rien qu'utiliser ce nom qui était légalement le sien à présent était trop pour lui.
« - Avec le lycée et tout, je suis très occupé en ce moment. »
Pepper savait qu'il mentait et il savait qu'elle savait qu'il mentait. Il suffisait de lire les journaux pour savoir que Spiderman n'était plus actif. Alors juste le lycée ? Pour un gamin aussi intelligent que Peter ? C'était une vaste blague.
« - Je comprends. Tu sais que tu es toujours le bienvenu ici, n'est-ce pas ? »
Les larmes montèrent aux yeux de l'adolescent. Il parvint à les refouler au prix d'un effort infernal. Il n'avait pas le droit de pleurer la mort de m'sieur Stark et devant Pepper et Morgan encore moins que devant quiconque.
« - Je sais, merci Pepper. »
« - Tu voudras rester garder Morgan un de ces soirs ? Juste un peu de baby-sitting ? »
« - Si tante may et d'accord, pourquoi pas ? » Autant dire « jamais ». Elle ne refuserait pas directement, mais si Peter le lui demandait, elle dirait qu'elle ne voulait pas qu'il sorte tout seul ou qu'il devait travailler ses cours. Peu importait l'excuse, elle en trouverait une.
« - Reste au moins pour le dîner ? »
Comment refuser à une telle demande avec Morgan qui le fixait avec des larmes dans les yeux. Il accepta.
Le dîner lui fut difficile. La petite fille se mit soudain à pleurer au moment du dessert quand sa mère lui donna une glace. Son papa lui en avait donné une peu avant qu'il ne parte pour ne jamais revenir.
« - Je veux que papa revienne ! »
Peter du retenir le torrent de larmes qui menaçait de couler chez lui aussi. Il finit par saluer rapidement et fuir au plus vite.
Il n'avait pas le droit de pleurer l'homme qu'il avait apprit à aimer comme un père même si jusqu'au bout il avait été persuadé de n'être qu'un boulet pour lui. Pas devant sa vraie famille en tout cas.
Seul, il se recroquevilla sur une avancée de toit discret pour pleurer en silence entre ses bras.
Ce n'était pas juste. Il voulait juste que M'sieur Stark revienne.
Il voulait juste qu'on lui rende son père.
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Stephen Strange avait mis un moment à se remettre après la bataille qui avait vu la mort de Thanos. Et celle de Tony Stark.
Un soupir lui échappa.
Il avait sacrifié la moitié de l'univers sur un gambit pour sauver celui qui parviendrait « peut-être » à sauver l'univers à son tour.
Et son pari avait marché.
Ils avaient gagné.
Il avait gardé le silence comme il le devait.
Il avait envoyé l'ingénieur à l'abattoir en connaissance de cause.
Stephen savait qu'il avait fait son devoir. Et pourtant, il culpabilisait.
C'était ridicule.
« – Tu bois trop. »
« - Bonsoir aussi Wong. Et je ne crois pas que l'état de mon foie te concerne. »
« – De ton foie, non. Mais celui de la bibliothèque, oui. »
Stephen grimaça.
Effectivement, il y avait un gros rond de verre sur la couverture d'un livre à sa droite.
« - Désolé. »
La Cape lui prit son verre des mains pour aller le poser sur la table à l'autre bout du bureau.
« – Il est tard. Tu devrais aller te coucher. »
« – Je ne suis pas fatigué. »
« – Tu n'as pas dormi depuis deux jours. »
« – J'ai assisté à des opérations plus longues que ça. »
« - Stephen ! Va te coucher ! »
Strange grommela, mais obéit. Quand Wong commençait à faire sa mère poule, il avait intérêt à baisser la tête et rentrer dans le rang. La Cape prenait TOUJOURS le parti de Wong. Et si Wong pouvait être écarté, ce n'était pas le cas du bout de tissu enchanté.
« - ça va, ça va. »
Il prit quand même le temps de prendre un bain puis d'observer un peu comment allaient les autres héros de la guerre contre Thanos avant d'aller se coucher.
Clint s'occupait de ses gamins, Scott Lang aidait sa fille à faire ses devoirs (à moins que ce ne soit l'inverse ? Hope en avait marre qu'il soit une patate en physique). Sam Wilson aidait le colonel Rhodes avec l'armée, à moins qu'ici aussi ce ne soit l'inverse. Le nouveau rôle de Captain du jeune homme était plus difficile que simplement sourire et avoir l'air viril, engageant et avoir un beau petit cul. Le pauvre vétéran était en train de l'apprendre à la dure. Il était loin, très, très loin d'avoir le charisme de Steve Rogers.
Pepper lisait une histoire a sa fille, Wanda s'était mise à la recherche de son père, Steve Rogers faisait des mots croisés avec un chat sur les genoux, seul dans sa maison de banlieue…
Stephen secoua la tête. C'était un tel gâchis. Il comprenait évidemment le désir de Steve de vivre enfin sa vie après l'avoir sacrifié pour le bien de tous, mais… Ha c'était du gâchis !
Avec le décalage horaire entre le Sanctum et New York, la matinée était à peine commencée.
Ha tient… Barnes n'était plus au Wakanda. Il était revenu à New York ? Sans doute pour voir le capitaine. Le pauvre Soldat avait une fois de plus tout perdu. Steve n'avait sans doute jamais réalisé les vrais sentiments du Sergent pour lui. C'était peut-être aussi bien même si le cœur crevé du Soldat était difficile à supporter. Son regard était tellement triste et résigné…
Stephen finit son rapide tour de surveillance par les Gardiens de la Galaxie. Ils le faisaient toujours sourire de leur stupidité. L'adjonction de Thor à l'ensemble n'arrangeait rien. Au poids de bêtise cumulée, ils avaient fait péter la balance. Et il ne parlait pas de la panse à bière de Thor qui se réduisait lentement. Perdue au milieu de ce ramassis d'idiots, il plaignait sérieusement Nébula. Heureusement que la femme cybernétique n'avait pas de cheveux sinon, elle aurait fini par ses les arracher à pleines mains.
Stephen se concentra enfin sur Peter.
De tous, c'était pour l'adolescent que Strange s'inquiétait le plus. Il était si jeune, si désireux de bien faire, si plein d'innocence…
Mais une partie de cette innocence était morte avec Stark. C'était sans doute même là qu'était la plus grosse part de culpabilité de Strange. Stark avait vécu sa vie. L'envoyer à la mort avait été nécessaire. Mais voir ce petit bouchon adorable et motivé souffrir à ce point de la mort de son mentor, l'homme qu'il voyait comme un père même, lui serrait le cœur à chaque fois.
Pour l'instant, Stephen s'était contenté de l'observer de loin et de le surveiller pour être certain qu'il ne lui arrivait rien. Pourtant, depuis quelques jours, il hésitait à intervenir directement.
La langueur de Peter n'était ni étonnante ni inattendue. Mais il aurait dû commencer à aller mieux. Un peu.
Ce n'était pas le cas, au contraire. Stephen avait l'impression que le gamin s'enfonçait un peu dans la plus noire des dépressions chaque jour qui passait. Il n'allait même plus en patrouille depuis trois semaines.
Spider Man avait disparu des rues de New York, à la grande joie du Bigles mais à l'inquiétude croissante des New-Yorkais. Où était leur petite araignée ? Plusieurs journaux s'en étaient déjà inquiétés. Après avoir retrouvé Spider Man après cinq ans, il avait à nouveau disparu. Pourquoi ? Ils avaient besoin de lui !
« - STEPHEN ! »
« - Ça va, ça va… »
Strange désactiva le miroir de longue-vision pour aller se coucher. Au passage, il jeta un regard noir à sa cape.
« - Traîtresse. »
Le bout de tissu magique attendit qu'il soit endormi puis se posa sur lui. Même s'il rougnait, il se détendit visiblement dans son sommeil agité d'avoir cette amie de tissu sur lui.
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Bucky serra les mâchoires.
Il détestait positivement venir là.
Le « là » en question était la gentille maison de banlieue avec une barrière blanche, une voiture dans le garage, une vieille balançoire à l'arrière, et de jolis rideaux aux fenêtres.
Le « là » était la maison de Steve Grant, connus de ceux qui le connaissaient vraiment sous le nom de Steve Rogers, ex-Captain America.
Le Soldat de l'Hiver prit une profonde inspiration pour aller taper à la porte de la maison. Il venait régulièrement voir son vieil ami.
Bucky avait conscience de se faire du mal, mais ne pouvait s'en empêcher. Un peu comme un gosse qui gratte une croûte jusqu'à ce qu'elle saigne, mais est incapable de se retenir. Ça faisait mal, ça laisserait une cicatrice, mais il y revenait dès qu'il le pouvait sans que la douleur soit intenable.
« - Bucky ! »
« - Salut, Punk. Comment tu vas ? »
Malgré ses quasi cent vingt ans, le vieux capitaine était encore bien droit et… solide. Plus que bien des hommes de la moitié de son âge. Bucky était certain que peu d'hommes parviendraient à se prendre une claque de Steve sans manger leurs dents sur le bitume, même encore maintenant. Si ça augurait de son propre vieillissement, Bucky commençait à s'inquiéter de son plan d'épargne retraite.
« - Entre, entre. Ça va. Et toi ? »
Un énorme chien effondré sur le canapé releva à peine la tête pour lâcher un « wouf » puis remuer vaguement la queue.
Bucky entra dans la maison confortable, une boule dans la gorge et une autre dans l'estomac.
Il se faisait du mal à chaque fois, mais revenait, encore et encore, pour voir son ami avant… avant…
Le perdre au combat, il aurait supporté. Le voir vieillir et mourir ? Et surtout savoir qu'il mettrait sans doute autant de temps de son côté ? C'était de la torture. Combien de temps restait-il au capitaine ? D'après les toubibs du SHIELD que Fury l'avait forcé à voir pour un bilan complet, Steve avait le même état physique, malgré les rides, qu'un homme de 60 ans maximum. Steve était physiquement en meilleur état que Fury ! Alors combien de temps lui restait-il ? Trente ? Quarante ? Plus ?
Bucky aurait préféré qu'il meure au combat. Ou qu'il ne revienne pas du tout. Cruel sans doute, mais son cœur souffrait davantage de le voir que de l'avoir perdu.
Histoire de repousser les larmes, il alla vers le vieux chien pour lui caresser la tête.
« - Salut Poussin. »
« - Wouf. »
« - Sérieux, Steve. "Poussin" ? Pour un mastiff de 80 kg ? »
« – Quand je l'ai eu, il faisait 700 grammes.
« – Tu savais ce qu'il deviendrait non ? Alors "poussin" ? »
« - J'avais hésité avec "Caninos", mais… »
Bucky resta interdit un instant
« — … Le Grand Steve Rogers, Captain America, joue à Pokemon ? »
« – Ça me passe le temps quand je vais faire mon footing. » Il courait assez lentement maintenant pour que son kilométrage de course soit pris en compte par le jeu. Bref. « Je ne m'attendais pas à te voir si vite. Tu étais passé la semaine dernière. »
« – La semaine dernière, j'étais juste de passage avec T'Challa. »
« – Comment va-t-il ? »
« – Il voudrait savoir s'il peut venir te voir sans te déranger. »
Ha, donc Bucky faisait le messager.
« – Ma porte est toujours ouverte pour mes amis ». Une étincelle triste passa fugitivement dans les yeux bleus de l'ancien capitaine. Sam n'était pas venu le voir depuis qu'il lui avait donné le bouclier. Ni lui ni aucun des autres. Juste Bucky. Ça le peinait même s'il le comprenait. Son choix était une trahison quelque part. Alors il comprenait. Il était même étonné que Bucky passe aussi souvent.
« – Je reviens m'installer dans le coin. » La voix de son vieil ami le sortit de ses pensées.
« - Vraiment ? Tu n'aimes plus les chèvres ? » Steve se prit un coup de poing sur l'épaule. Heureusement, c'était le poing droit.
« – Très drôle. T'Challa a décidé d'installer une délégation diplomatique à New York. »
« - … Toi ? »
« – Ne soit pas ridicule. Mais je fais partie du contingent. » Un sourire à l'ironie majuscule apparue sur les lèvres du sergent. « Tu as devant toi le premier non Wakandai de naissance à avoir droit à la nationalité pour services rendus. »
Steve siffla entre ses dents. Ce n'était pas rien ! Et T'Challa avait dû faire hurler les conservateurs chez lui. Ce qui expliquait aussi la présence de Bucky. Il pouvait être un étranger au Wakanda, ou un Wakandai à New York. Mais pas un Wakandai au Wakanda.
« – Ton boulot ? »
« - Éviter que les gentils diplomates se fassent dégommer. »
« – Plus facile à dire qu'à faire. »
« – J'ai le droit de les taper s'ils font n'importe quoi. L'avantage des régimes autocratiques. Je tiens mes ordres du roi, personne n'osera moufter. »
Comme si T'Challa était un dictateur ! Le roi était au contraire quelqu'un de très ouvert et raisonnable. Sans doute même un peu trop parfois.
Un silence difficile s'installa petit à petit entre les deux amis.
« – Je t'offre un thé ? Un café ? »
« – Un café, je veux bien. »
Bucky laissa Steve partir en cuisine. Un petit sourire un peu triste lui monta aux lèvres. Malgré les années, Steve avait toujours un cul de rêve. Tsss.
Le sergent quitta le canapé pour faire le tour de la pièce. Les meubles y étaient un mélange de classique, d'ancien et de moderne. Là une couseuse qui devait avoir soixante ans, un peu plus loin une bibliothèque Billy remplit de livres, un écran plat dernier modèle avec une console de jeu (fallait bien occuper sa retraite sans doute), une table en bois plein qui devait dater des années 1920….
Bucky se planta à la fenêtre. Comment Steve avait-il pu vivre sa vie dans le passé en sachant ce qui arriverait à l'avenir ? Même s'il savait que son lui-même plus jeune serait réveillé dans le futur, ça avait dû être de la torture.
Plusieurs photos au mur avec Peggy. Il la voyait vieillir sur les photos. Steve aussi évidement, mais moins. Chez Steve, c'était de l'âge. Alors que chez Peggy, c'était de la vieillesse. Même encore maintenant, Steve était marqué par l'âge, pas vraiment par la vieillesse.
« – Ton café. »
« - Merci. »
Leurs doigts s'effleurèrent lorsque Bucky prit la tasse. Il dut maîtriser un violent frisson de lui remonter dans le dos. Il haïssait cette alliance au doigt de son ami. Il haïssait cette maison, ces photos, cette vie que Steve avait vécu sans lui.
Il en venait à haïr Steve de l'avoir abandonné.
Bucky avala son café juste assez vite pour ne pas se brûler le gosier.
« – Je vais y aller. Je repasserai sans doute dans pas longtemps. »
Steve lui sourit encore.
« – Ma porte t'est toujours ouverte. À toi, et à tous les autres. »
Bucky se mordit la langue pour retenir un commentaire aussi ironique que mesquin. Steve avait bien le droit de se reposer. Il avait le droit de vivre sa vie comme il l'entendait. Si c'était dans le passé avec Peggy, qui était-il pour le lui reprocher ?
Il sortit de la maison puis s'éloigna les mains dans les poches après un dernier signe pour son ami de toujours.
Il avait les joues trempées quand il remonta sur sa moto.
