Bonjour à toutes/tous !

Voici ma première fiction sur le thème de HTTYD, j'écris habituellement dans la rubrique Harry Potter, mais voilà, il y a quelques semaines, j'ai assisté à l'avant-première de Dragons 2, et si j'avais aimé le 1, le second volet m'a définitivement conquise. Il n'y a pas de mots pour le décrire alors si ce n'est pas déjà fait, courrez le voir ! Quoiqu'il en soit, je préviens, il y aura du spoiler car ma fiction se déroule deux ans après HTTYD 2.

Sur ce, bonne lecture !

Les mains derrière le dos, Harold stoppa un instant ses va et viens pour regarder les première lueurs de l'aube illuminer le ciel de couleurs flamboyantes. Si d'habitude cette vue le ravissait, il n'éprouva rien d'autre qu'une angoisse sourde et profonde ce matin là, et il se remit à faire les cent pas.

La nuit avait pourtant bien commencé. Comme chaque soir, ils s'étaient blottis l'un contre l'autre, et avaient bavardé jusque tard. C'était une sorte de rituel, qu'ils suivaient depuis des années, depuis bien avant leur mariage, la seule différence était que désormais, ils parlaient dans les bras l'un de l'autre, dans leur lit, dans leur maison. Souvent, elle lui demandait de raconter en détail les vols qu'il avait effectués sur Krokmou, puis sur Tempête. Elle était terriblement frustrée d'être clouée au sol, mais une femme enceinte, aussi coriace qu'elle puisse l'être, n'avait pas sa place dans les airs, même Harold était d'accord avec ça. Alors il veillait à ce que Tempête fasse de l'exercice chaque jour, même si la dragonne, réticente au début, lui avait valu quelques coups de chaud dans tous les sens du terme.

Un cri retentit de la maison, un cri de souffrance qui lui arracha un frisson. S'il sentait ses genoux faiblir, comme si son corps était prêt à s'effondrer, il n'hésita pas à bondir pour stopper Krokmou, qui se précipitait vers la porte d'entrée en grognant d'un air menaçant.

_Non mon vieux ! Tout va bien, tout va bien ! Personne ne lui fait de mal… C'est… C'est normal…Enfin je crois…

Krokmou grogna de nouveau et foudroya Harold du regard. Celui-ci ne se laissa pas impressionner et enroula ses bras autour du cou du dragon pour venir y blottir son visage.

_Ca va aller, souffla-t-il, comme pour se convaincre lui-même.

Il avait compris que quelque chose n'allait pas lorsqu'il l'avait sentie se tendre contre lui, son visage s'était tordu de douleur puis ses yeux bleus s'étaient écarquillés de surprise. Elle venait de perdre les eaux alors que les premières douleurs apparaissaient déjà.

Un nouveau cri résonna et il enfouit sa tête plus profondément contre Krokmou, essayant de trouver un mince réconfort dans le contact de la peau chaude et écailleuse du dragon. Astrid était forte, elle était forte et courageuse, tout irait bien. Comme à chaque fois qu'il sentait l'angoisse sur le point de le submerger, il visualisa son visage, le jour de leurs noces. Son sourire radieux, les fleurs des champs tressés en une couronne délicatement posée sur ses longs cheveux blonds, détachés pour l'occasion. Sa robe d'un blanc éclatant qui lui donnait l'air d'un ange.

Si quelques années auparavant, on lui avait dit qu'il épouserait Astrid Hofferson et qu'il fonderait une famille avec elle, il aurait ri au nez de cette personne. Ou aurait simplement tourné les talons, pensant qu'on se moquait une nouvelle fois de lui. Et pourtant, c'était arrivé. Les dragons avaient littéralement changé sa vie, il leur devait tout.

Le cri qui retentit cette fois-ci lui glaça le sang. Et si…

_Non, ça va aller, ça va aller… murmura-t-il en secouant la tête.

Il savait qu'elle était entre de bonnes mains, leurs mères respectives s'occupaient d'elle. Il aurait pourtant aimé rester avec elle, la soutenir, lui tenir la main, mais Ayanelle Hofferson l'avait mis dehors en clamant que les hommes devaient laisser aux femmes ce qui appartenaient aux femmes. Il avait vu le regard sceptique de Val, sa mère, mais elle n'avait rien dit, après tout, cela ne faisait que deux ans qu'elle était de retour. La légitimité de ses interventions était encore fragile à Berk, ce qu'elle acceptait sans ciller.

Il avait passé une nuit blanche, et pourtant jamais il ne s'était senti aussi éveillé. La peur qu'il s'efforçait d'ignorer courait dans ses veines comme un fluide glacial qui le paralysait à chaque cri. Astrid n'était pas douillette, elle était résistante, elle ne comptait plus les brûlures, les blessures, et elle n'avait jamais gémi, ne s'était jamais plainte. Alors l'entendre crier ainsi, hurler d'agonie, était sans doute la chose la plus terrifiante qui lui eut été donné de vivre.

Jamais son père ne lui avait autant manqué qu'à cet instant-là. Il aurait tout donné pour entendre sa voix grave et puissante le rassurer sur ce qui se passait.

_Harold !

Il se détacha si brusquement de Krokmou qu'il faillit tomber, son regard fixant avec avidité la porte dans l'embrasure de laquelle se tenait Val, sa mère, livide.

_Vas chercher Gothi, vite !

Il eut l'impression que le sol se dérobait sous ses jambes. S'il y avait besoin de Gothi, c'était mauvais signe. Il avait envie d'entrer, de courir à l'étage, de voir Astrid, de la prendre dans ses bras.

_Vite Harold !

L'urgence dans la voix de sa mère le tira de sa léthargie. Elle tourna les talons et disparut à l'intérieur tandis qu'un nouveau cri lui arracha un sanglot. Astrid…

Comme s'il sentait qu'Harold était incapable de formuler la moindre pensée cohérente, Krokmou le poussa légèrement du museau, l'invitant à grimper sur son dos, ce qu'Harold fit automatiquement sans même y penser. Ce fut lorsqu'il se retrouva devant la maison de Gothi, qui dominait tout le village endormi, qu'il sembla reprendre le contrôle de lui-même. Il tambourina à la porte avec ses poings en criant.

_Gothi ! Gothi ! Nous avons besoin de toi ! C'est Astrid…

Sa voix se brisa. Heureusement, la porte s'ouvrit aussitôt, si vite qu'il se demanda si Gothi ne dormait pas juste derrière. La vieille dame avait déjà passé un sac en bandoulière, elle observa un instant Harold, son visage affolé, ses yeux pleins de larmes.

Elle hocha simplement la tête en le dépassant pour se diriger vers Krokmou.

Le dragon pencha la tête sur le côté pour l'observer avec curiosité, mais se laissa faire lorsqu'elle entreprit de grimper sur son dos. Harold se précipita pour l'aider et se jucha à son tour sur le dragon.

Quelques secondes suffirent pour les déposer devant sa maison.

_Attends moi ici mon vieux ! s'écria Harold en emboitant le pas à Gothi.

Un cri les accueillit, long et effroyable. Harold passa devant Gothi, grimpa les marches deux par deux, ignorant le grincement de sa prothèse qui protestait, et entra en trombe dans la chambre. Val et Ayanelle Hofferson le dévisagèrent avec surprise.

_Harold ? Où est Gothi ?

_Harold, tu dois sortir !

Mais il ne les entendait plus. Il avait l'impression d'avoir reçu un coup dans la poitrine qui aurait vidé ses poumons de tout oxygène. Il faisait face à Astrid, et cette vision, il en était sûr, le hanterait toute sa vie. Elle avait le teint grisâtre, sa respiration était si faible que sa poitrine se soulevait à peine, et une mare de sang s'étendait sur le lit, entre ses jambes aux trois quarts recouvertes par un drap. Il sentit un gout de bile le prendre à la gorge et eut l'impression que le monde vacillait.

_Astrid…

Il avait l'impression d'avoir hurlé, mais seul un murmure s'échappa de ses lèvres. Deux mains le saisirent fermement par les épaules et le poussèrent hors de la pièce, il n'eut le temps que d'apercevoir Gothi qui s'affairait déjà autour de sa patiente avant que la porte ne se referme.

_Harold, tu ne peux rien faire pour elle, tu dois nous faire confiance…

La voix de Val eut le don de le faire réagir. Ses yeux s'embuèrent.

_Maman…

Jamais il ne s'était senti aussi petit, aussi insignifiant, aussi inutile… Son sentiment d'impuissance était écrasant. Tout semblait prendre une tournure dramatique autour de lui. Krokmou, sa jambe, son père… Il avait l'impression d'être un petit garçon, mais s'il était reconnaissant d'avoir retrouvé sa mère, son père lui manquait. Si leurs relations n'avaient pas été simples lorsqu'il était adolescent, pendant son enfance, c'était son père qui le réconfortait quand il se blessait ou quand il faisait un cauchemar… C'était lui qui avait été présent…

_Ca va aller mon garçon, Astrid est forte, elle s'en sortira…

_Je ne peux pas… Sans elle… Je ne peux pas…

Il éclata en sanglots, sa mère le serra contre elle. Krokmou, qui entendit les pleurs du jeune Viking depuis l'extérieur, monta à l'étage dans un ramdam digne de lui. Il nicha son museau contre Harold et attendit avec un faible ronronnement. Ses grands yeux exprimaient une tristesse si humaine que ses sanglots redoublèrent. Perdre Astrid était inenvisageable. Elle était sa meilleure amie, avec Krokmou, et elle était la personne autour de laquelle il avait construit son univers, ils avaient vécu tant de choses, se soutenant envers et contre tout, s'aimant plus encore. Astrid était une guerrière, elle vaincrait, elle devait vaincre. Il la revoyait soupirer en caressant Tempête, bougonnant qu'elle en avait assez d'être prisonnière de son propre corps. Et lui ne pouvait s'empêcher d'avoir un sourire béat, ce qui lui valait inévitablement un coup de poing dans le bras. Mais il ne pouvait pas s'en empêcher, la voir s'arrondir autour de ce trésor, du fruit de leur amour, était la plus belle chose qui lui eut été donné de voir. Et s'il la perdait ? Et s'il les perdait ?

Un cri les fit sursauter, Harold voulut se ruer sur la porte mais Val l'en empêcha. Puis un silence effroyable, assourdissant, s'abattit dans la maison, un silence si lourd qu'Harold avait l'impression que l'air s'était solidifié dans ses poumons et autour de lui.

_Non… souffla-t-il.

La peine qu'il ressentit le submergea, il tomba à genoux, puis son cœur se mit à palpiter lorsqu'un faible cri, un vagissement jeune et tremblant, s'éleva. Le cri d'un nouveau-né. Il se redressa aussitôt, le cœur battant à tout rompre, la gorge nouée, les yeux fixés sur la porte. Celle-ci finit par s'ouvrir, et Ayanelle apparut, portant avec précaution un petit paquet enveloppé dans une fourrure. Avec un sourire ému, elle le tendit à Harold.

_Voici ta fille, Harold…

Il tendit des bras tremblants et saisit le nouveau-né qu'il cala maladroitement contre lui. Il avait affronté des dragons, des criminels, des guerriers… Mais rien ne lui avait semblé aussi effrayant que cette toute petite fille déjà endormie dans ses bras. Elle avait un petit visage rond, légèrement joufflu et rose, elle avait de longs cils, et de fins cheveux blonds parsemaient son crâne. Avec un geste hésitant, il effleura sa joue du bout des doigts. Elle était si douce. Si parfaite malgré les substances qui la recouvraient encore. Sa fille, leur fille. Tout son monde venait d'être mis sans dessus dessous par un minuscule bébé, il était père, c'était si nouveau, si effrayant, il avait l'impression d'être au bord d'un précipice vers lequel il était irrémédiablement attiré. Et il sentit une bouffée d'amour instinctive, viscérale, gonfler dans son cœur. Sa fille…

Krokmou le poussa du museau dans le dos, lui rappelant sa présence. Harold ne put s'empêcher de sourire et se tourna pour présenter l'enfant au dragon. Celui-ci eut d'abord un mouvement de recul, mais sa curiosité prit le dessus. Il approcha avec hésitation et renifla la fillette, qui dormait toujours, imperturbable.

_C'est ma fille, mon vieux, tu te rends compte, je suis papa… Astrid et moi nous sommes parents… Tu veilleras sur elle, hein, pas vrai mon grand, comme tu as veillé sur Astrid…

Krokmou pencha la tête et émit ce qui ressemblait à un rire, mais ce qu'Harold savait identifier comme étant un assentiment.

Il présenta sa fille à Val, qui la prit contre elle avec un sourire radieux et un amour débordant. Puis il se tourna vers Ayanelle.

_Je peux voir Astrid ?

Elle pâlit et son sourire se fana. Harold déglutit tandis qu'il avait la sensation qu'une main glacée se resserrait autour de son cœur.

_Comment va Astrid ?

_Elle… Elle a perdu beaucoup de sang, elle…

Mais il ne lui laissa pas le temps d'achever sa phrase, il la dépassa et entra dans la chambre. Gothi roulait des draps tachés de sang et les posait dans un coin de la pièce avant de se tourner vers Harold. Celui-ci ne quittait pas Astrid des yeux. Ses cheveux avaient été tressés, elle avait été changée, mais son visage était luisant de sueur et toujours aussi pâle. Il s'agenouilla auprès du lit et prit une de ses mains dans les siennes. Elle était si petite, si immobile…si morte… Les mains d'Astrid n'étaient jamais immobiles, elles étaient toujours en activité, pleines de vie, elles étaient rugueuses, couvertes de brûlures, de cicatrices, elles s'animaient sans cesse, pour prendre soin des Dragons, pour s'entraîner au maniement des armes, même quand elle ne faisait que parler, ses mains étaient en mouvement. Alors la vision de sa main inerte était pire que tout.

_Gothi nous a dit que si elle passe la journée, elle sera sauvée. L'enfant aura du lait de yack en attendant… expliqua Val, qui était entrée sans un bruit derrière lui.

Harold acquiesça faiblement. Gothi désigna deux pots et une tasse posés sur une table.

_Il faudra lui faire boire cette potion deux fois, une tasse à midi, une autre à la tombée de la nuit.

Harold ouvrit la bouche pour répondre, mais il dut se racler la gorge.

_Merci… souffla-t-il.

Gothi hocha la tête et se dirigea vers la porte.

_Astrid est forte…

Sur ces mots, Val sortit pour raccompagner Gothi, et Harold entendit la porte se refermer.

Le silence s'abattit à nouveau, terrible et oppressant. Il devait faire quelque chose, lui parler, agir…

_Astrid… Ta fille… Notre fille est magnifique… Elle aura ta beauté c'est sûr, je n'ai pas encore vu ses yeux, elle dormait profondément, elle tiendra ça de moi au moins…

Sa tentative d'humour sonna sinistrement sans le rire d'Astrid pour accueillir ses blagues.

_Tu dois te réveiller Astrid, tu dois la voir, elle… elle a besoin de toi… Moi je suis une catastrophe, je peux déjà à peine m'occuper de moi, mais toi, tu es forte, tu es brillante, tu es si belle… Tu sauras ce qu'il faut faire…S'il te plait…

Sa voix s'éteignit. Il s'accrocha à sa main comme si sa vie en dépendait. La journée allait être longue et éprouvante, mais il ne la quitterait pas.