Hello ! Pour cette histoire, je me dois d'apporter quelques informations : tous les personnages ont été inventés par mes soins, excepté un seul qui arrivera vers la fin et qui est la propriété de ma meilleure amie. Mais bon, on en est loin pour le moment, alors contentons-nous de dire que tous les personnages et tous les lieux sont le fruit de ma propre imagination. Les créatures en revanche sont celles du jeu de cartes Magic the Gathering (faut dire que passer d'une collec d'un deck à une ou deux centaines de cartes voire plus, c'pratique), donc les créatures que vous rencontrerez ne m'appartiennent pas. Voilà voilà ! J'espère que vous apprécierez :3
Ce fut le manque d'argent qui conduisit Théron dans une vieille église abandonnée, au lieu de passer sa nuit dans une auberge. Les habitants lui avaient tous répété de ne pas y aller, qu'il risquait sa peau, mais entre l'église en ruines et les rues pavées mouillées par la pluie battante des trois derniers jours et qui continuait, l'homme en armure avait choisit la solution qui, a ses yeux, était la meilleure. Le bâtiment de Dieu abandonné avait par endroits des trous dans la pierre ; le tout sentait la moisissure et quelques rats allaient et venaient entre la nef sans dessus-dessous et l'arrière de l'autel de pierre à moitié défoncé. La grande statue du Dieu créateur avait été décapitée, bien que faite de marbre, il arborait un imense trou à la poitrine et était rongé de part et d'autre. Théron devina sans peine que la personne à l'origine de tout ceci ne devait pas aimer cette figure. Un partisan des Ténèbres? Le blond frissona et trouva rapidement un coin sec, contre le mur opposé à la vieille orgue délabrée. Il entendait dehors la pluie qui tombait toujours et sans cesse, et qu'il savait accompagnée de ces nuages gris peu rassurants et qui vous insinuent dans l'esprit des images de morts-vivants. Théron y pensait d'autant plus qu'il se trouvait dans ce lieu en particulier.
Le combattant ne s'endormit que de moitié, bercé par le bruit du torrent qui s'abbattait dehors et qui contrastait avec le relatif saint-silence de l'église abandonnée, entrecoupé des couinements des rats qui semblaient ignorer totalement sa présence. Au bout d'un temps qu'il n'arriva pas a déterminer car en état de somnolence, le blond entendit, au travers de son esprit embrumé, comme des échos de notes. Il ouvrit durement un oeil, se concentra sur la musique qui semblait provenir d'une orgue, puis se réveilla totalement. Alerté, il saisit la garde de sa grande épée posée près de lui et s'approcha le plus silencieusement possible du gros bloc de pierre qui le cachait jusque là à la vue de l'intrus jouant de l'orgue. Lentement, très lentement, il risqua un regard : un fantôme ! A cette vue il sursauta, provoquant un bruit retentissant de métal qui résonna entre les hauts murs du lieu hanté. Le fantôme se retourna vers la source du bruit en provoquant un crissement de dizaines de chaînes qui cliquettaient à chacun de ses mouvements, et Théron se redressa brutalement en position de combat, tenant fermement son arme face à lui. Mais que pouvait-il faire, lui n'ayant aucune connaissance magique, face à un esprit errant?
Mais l'âme en peine resta fixe, flottant légèrement au-dessus du sol, semblant le regarder, et se remit à jouer de l'orgue. La musique emplit doucement l'église, les sons pénétrant la peau de Théron doucement et calmement, comme si le fantôme jouait pour l'apaiser et le détendre. Suspicieux, le blond resta immobile, l'épée prête frapper l'être immateriel. Puis une voix se fit entendre, comme rêveuse et à la fois envieuse de le sortir de son apparente torpeur.
« C'est beau, pas vrai? »
La voix était féminine et ricochée par les murs, aussi Théron ne put distinctement discerner sa provenance. Un autre fantôme? Une intruse? Il se tourna, se retourna, mais il y n'y avait personne. Un léger ricanement moqueur se fit entendre, couvert par la triste mélodie de l'âme enchaînée, et le combattant entendit bientôt un bruit sourd sur la pierre derrière lui : quelqu'un venait de tomber et un bruissement de tissu parvint à ses oreilles. Il jeta un regard en coin et vit qu'il s'agissait d'une adolescente. Aussi grande que lui, elle était habillée de vêtements sombres et pour la plupart déchirés en quelques endroits, mais recouverte d'une cape verte émeraude foncée qui semblait très propre et nette, peut-être un objet magique? Sa capuche ne laissait deviner que le bas de son visage à la peau pâle orné d'une bouche au petit sourire rêveur, ainsi que des mèches de cheveux très bouclés et châtains. Lorsqu'elle attérit au sol, une demi-dizaine des rats qui allaient et venaient vinrent s'agglutiner à ses pieds en réclamant quelque attention. A cela, l'inconnue sourit plus franchement et se baissa pour les caresser un a un, les prenant tous dans ses bras pour se relever ensuite. Théron réprima une grimace à la vue des rats d'égout qui grimpaient joyeusement sur l'épaule, dans la capuche, ou qui restaient dans les bras de l'adolescente. Elle s'approcha finalement de lui, se mit à sa hauteur, lui adressa un regard, puis se reporta sur le fantôme qui jouait toujours sa mélancolique mélopée.
« Tu peux baisser ton épée, il joue pour toi.
-Comment ça? »
L'idée de faire confiance à une adolescente apparemment partisane des Ténèbres ne l'enchantait guère ; et l'idée de ne pas se méfier d'un fantôme enchainé l'était encore plus.
« C'est ce qu'on appelle un geist de chapelle. Ce sont des âmes retenues prisonnières en ce bas-monde pour avoir commis trop de pêchés et causé trop de souffrances ; ils essaient de racheter leurs crimes. A chaque bonne action, à chaque rédemption, un maillon se dénoue. »
Théron considéra l'esprit qui jouait toujours en ayant en tête les explications de l'inconnue aux rats. Ce fantôme semblait en effet triste, mais autant de chaînes ne montraient-elles pas qu'il avait commis un nombre incalculable de pêchés?
« Qui êtes-vous?, demanda-t-il.
-Je m'appelle Luca, et vous vous trouvez actuellement dans une zone de mon territoire. Les habitants de la ville ne vous ont pas dit que cette église est hantée?
-Si, mais...
-Oui, je comprends, j'aurais également choisi l'église à la pluie. Et vous, qui êtes-vous?
-Je m'appelle Théron.
-Vous êtes un garde de la Cité-mère?
-Non, mais mon père l'a été ; cette épée était à lui. »
La dénommé Luca hocha la tête gravement puis resta silencieuse plusieurs secondes, contemplant avec compassion le pauvre esprit enchaîné qui continuait sa mélodie en espérant désespérément faire plaisir à l'intrus qui était venu trouver refuge ici. Elle s'approcha finalement de lui.
« Tu peux cesser de jouer, mon ami. Je pense que tu en as fait assez pour te libérer d'un nouveau maillon. »
L'âme regarda l'adolescente avec gratitude, et Théron eut soudain l'impression que les deux êtres en face de lui se connaissaient. Cette sensation se confirma lorsque le geist de chapelle disparu après avoir adressé un signe de tête à Luca, qui sourit d'un air d'une mère fière de son enfant qui vient d'avouer sa bêtise. Elle revint vers le blond, soudain plus enjouée ; et même les rats sur elle semblaient heureux.
« Qu'est-ce qui vous mène dans cette cité?
-Je me rends près de mon frère.
-Il est encore loin?
-Oui. »
L'adolescente hocha de nouveau la tête et retira sa capuche mouillée, révélant des yeux noisettes et un nez presque crochu, mais encore en trompette. Elle dévisagea l'homme de presque trente ans en face d'elle, blond, les cheveux en bataille, les yeux bleus, une barbe naissante et peu soignée, la peau dure d'un guerrier.
« Je suppose que si vous êtes ici et pas dans une auberge, c'est que vous n'avez rien pour la payer.
-Oui. »
Théron avait bien comprit qu'il s'agissait là d'une affirmation et non d'une question. L'espionnait-elle?
« J'ai peu à partager mais je peux vous donner de quoi manger. »
Le blond la lorgna d'un air suspicieux, elle leva les mains en signe de paix.
« Je ne suis pas une adepte des Ténèbres comme vous le pensez. Je ne suis dans aucun camp. Je vis pour mon compte et vous ne m'avez rien fait, ni rien non plus à mes protégés. Alors à moins que vous ne vouliez mourir de faim, je ne pense pas qu'un séjour d'une nuit dans les égouts vous fasse grand-mal.
-Vous vivez dans les égouts?
-Et les catacombes. Les souterrains de la cité m'appartiennent, en quelque sorte. Certains brigands viennent parfois s'y cacher, seuls ou en bande, mais ils ont assez de jugeotte pour ne pas me réclamer mon territoire. Et puis, je ne vis pas tout à fait dans les égoûts, mais dans une ruine au niveau le plus inférieur de la cité, cachée, et ou personne ne se rend jamais.
-C'est censé ma rasséréner, peut-être?
-Non, mais a part avec des mots, je ne vois pas comment je peux vous convaincre que je ne vous veux aucun mal et que je fais ça seulement par bonté et parce que j'en ai envie. »
Malgré les beaux discours de Luca, Théron avait très bien remarqué qu'elle lorgnait d'un oeil avide sur son immense épée. Il la remit dans le fourreau attaché à son dos et l'adolescente, comprenant qu'il acceptait de la suivre, sourit d'un air doux. Avec un geste avenant, elle lui indiqua de la suivre jusque derrière l'autel. Les rats descendirent de ses épaules pour se remettre au travail, et le blond pu admirer un trou béant fait dans le sol, éclairé par une faible torche. Une sale odeur en remontait, et Luca lui expliqua que c'était dû à la moisissure continuellement trempée. Elle sauta sans hésitation dans la plaie de la pierre, et Théron n'entendant pas le clapotis significatif de l'eau, la suivit. Et resta surpris. Il n'était pas spécialement adepte de magie, et en voir l'étonnait toujours. Il y avait bien présence d'une eau sale et souillée à leurs pieds ; mais Luca l'écartait autour d'eux pour qu'ils ne trempent pas leurs bottes de ce liquide malodorant. Les rats eux pouvaient nager dans le très faible courant de l'eau vaseuse mais un petit rebord leur permettait de ne pas se mouiller le poil, tout était à leur convenance. Luca attrapa le poignet ganté de Théron pour l'inciter à avancer, ne le lâchant pas.
« Dans peu de temps tu ne verras plus rien ; moi je vois dans le noir. Tire ton épée si cela t'enchante, et si ça peut te rassurer d'avoir un ascendant sur moi pour prévenir une quelconque trahison. Je sais que le noir total effraie les gens. »
Théron se dit que si l'adolescente lui disait cela, c'était pour lui prouver sa bonne volonté. Mais il était un guerrier et avait plusieurs raisons de vivre encore, aussi il tira son épée et la laissa clapoter dans l'eau, trop lourde pour qu'il arrive à la porter correctement d'une seule main. Puis, très rapidement, il se retrouva effectivement emprisonné dans une obscurité totale, opaque, étouffante, nauséabonde et emplie de couinements de rats, de clapotis d'eau croupie et du bruit de leurs bottes sur le sol trempé et couvert de vase par endroits. Il sentit la prise de Luca sur son gant et se rendit soudain compte qu'il était en totale position de faiblesse : si elle voyait effectivement dans le noir, elle pouvait le conduire n'importe où ou bien le tuer sur le champ ; les rats semblaient l'écouter et la comprendre et pouvaient faire de redoutables ennemis aux dents aiguisées si elle le leur demandait ; et au final son épée l'empêchait de bouger correctement. Théron sentit plusieurs fois des tournants, ils marchèrent pendant au moins cinq minutes qui furent les plus longues de sa vie, et finalement il entrevit une faible lumière verdâtre. Luca ne lui avait rien fait.
Ils débouchèrent dans un endroit plus nauséabond encore que le tunnel : il s'agissait là d'une espèce d'embouchure ovale d'où partaient d'autres tunnels, certains étaient éclairés et d'autre plongés dans le noir duquel ils venaient de se dépêtrer. A l'entrée du plus petit des passages, le blond vit avec dégoût un amas ignoble de déchets pourris charriés ici par les canalisations ; et tout était tellement fondu qu'il ne pouvait discerner les déjections des morceaux de chair, les os, les vêtements, les champignons de moisissure et la vase gluante. La brune a contrario contempla l'amoncellement en putréfaction avec un léger sourire ravi : des dizaines de rats s'affairaient à démenteler ce tas de détritus et Théron était sûr de voir des choses ressemblant vaguement à des centaines de vers noirâtres s'agiter entre les horreurs puantes.
« Cette chose bouche une partie des eaux, ils s'occupent de le détruire ou d'en déplacer des parties. Pas très ragoûtant, hein? »
Théron dégluti. Et s'il finissait comme ce monceau putride, perdu dans les égouts d'une ville qui n'était pas la sienne, sa peau ramollie et moisie se faisant digérer par des vers noirs et brillants d'eau sale? Luca eut un sourire moqueur à son intention, ses yeux brillants de malice à la lumière des flammes éclairant le plafond en voûte.
« De quoi as-tu peur? Ce ne sont que des déchets dégueu et puants qui se sont amoncellés là. A moins que ce ne soient les ras? Les vers? Tu n'as pas a avoir peur d'eux tant que je suis avec toi.
-Depuis... Depuis quand on se tutoie?
-Tu es plus âgé mais je crois que tu t'es rendu compte que tu ne pourrais rien faire si j'étais du « mauvais côté »... Bien que ce ne soit pas le cas, rassure-toi. Bien, suis-moi, ce n'est pas très loin. »
Le blond fut conduit dans un autre tunnel, bien plus éclairé que le précédent. Ils débouchèrent sur un terreplein face à une rivière d'eau croupie charriant diverses choses peu identifiables. Ils semblaient en pleine voie circulatoire pour les rats, mais ceux-ci s'écartaient autour d'eux, certains poussant des couinements chaleureux, comme des salutations à l'adolescente. Plus ils s'avançaient, plus Théron remarquait que la taille des rats augmentait ; et à chaque fois Luca le « rassurait » en lui expliquant la provenance de ces rats géants. Mais rien ne pu rassurer Théron lorsqu'ils croisèrent le chemin de trois rats albinos humanoïdes. Ils se tenaient sur leurs pattes arrières, portant des masques noirs sur leurs longs museaux blancs, sales et aux poils trempés. Leurs pattes étaient pourvues de griffes noires et acérées, et ils avaient une réelle lueur d'intelligence dans leurs yeux rouges. Et ils étaient immenses ! Théron du haut de son mètre quatre vingt les voyait qui, se redressant totalement sur leurs pattes musclées et tordues, lui arrivaient aux hanches. Les trois monstres se raidirent en sentant l'arrivée d'intrus, mais se calmèrent de demi lorsqu'ils reconnurent Luca. L'un d'eux, qui semblait être le chef, délaissa le crâne – humain...? – sur lequel il s'affairait pour s'approcher de l'adolescente. Le blond eut un haut-le-coeur et recula de quelques millimètres : le rat mutant le regardait d'un air mauvais tout en baragouinant d'une espèce de son de gorge guttural couinant ce qui semblait être une question.
« Ce n'est rien, Knurog, il est mon invité. (puis, jetant un coup d'oeil aux deux autres et à ce qu'ils tenaient entre leurs pattes :) Y a-t-il eu des intrus pendant mon abence? »
La chose hocha la tête avec ce son rauque voulant sans doute signifier « oui ». Luca grimaça, mais abandonna cette moue et lança un sourire aux trois horreurs sales.
« Bien, merci de vous en être occupés. Erirtur, Ernar, dit-elle en salutations, Puisque Théron est un invité, vous serez gentils de ne pas l'effrayer ! Et faites également passer le mot à Rikrim, Kränan et Kalig, s'il vous plaît. »
Knurog s'inclina et reparti inspecter son crâne en compagnie de ses acolytes. Luca dû forcer sur le poignet de Théron pour l'obliger à avancer, tout tremblotant et dégoûté qu'il était. L'adolescente eut une moue désapprobatrice.
« Ce sont des rats, Théron. Juste des rats.
-Des rats humanoïdes, bipèdes, immenses, intelligents !
-Ils sont muté à force de vivre dans les égouts, c'est tout. Ils ne sont pas les seuls à être victime de ça. Il y a aussi ce que j'appelle des Ronge-Moelle, qui sont plus vindicatifs. Eux, je les appelle mes Profanateurs de crânes. Ils aiment bien le goût de la cervelle, à ce que j'ai pu voir. … Oui, je sais, ça te dégoûte, mais tu n'as absolument rien à craindre d'eux, ils sont mes gardes du corps.
-Il y a d'autres abominations ici? »
Sans s'arrêter de marcher et sans se retourner, Luca serra si fort sa main sur le poignet de Théron que celui-ci eut peur que l'os ne se brise. Il aurait dû, il s'en rendait compte maintenant, se rappeler qu'il avait face à lui une mage au commandement de toutes lesdites abominations du monde souterrain...
« Ce ne sont pas des abominations. Ils sont mes protégés. Ce n'est pas de leur faute s'ils sont devenus ainsi. C'est la faute des humains qui ne pensent pas aux créatures qui vivent sous leurs pieds.
-Désolé. »
Elle ne répondit que par un grognement et le combattant eut soudain peur pour sa vie. Serait-il en danger maintenant qu'il l'avait vexée? Le reste du trajet se fit dans leur silence total, brisé par le clapotis maintenant lointain de l'eau et de leurs pas essorant les diverses mousses et moisissures présentes sur le sol sempiternellement humide. Au bout de plusieurs minutes de marche supplémentaires, ils arrivèrent à une pente qui les mena à un nouveau trou : cette embouchure donnait sur le devant d'une immense cathédrale de pierre grise. Théron remarqua rapidement que le ciel était caché, ils se trouvaient sous un toit de pierre. Étaient-ils encore sous terre? Et il y avait ici nombre de rats plus immondes que les précédents ! Ils s'inclinèrent devant Luca tout en dévisageant Théron d'un mauvais oeil, comme un avertissement. L'adolescente lui apprit qu'il n'y avait là que des rats entraînés en ninjutsu dont un ayant acquis des connaissances en arcanes magiques, et qu'ils étaient tous là de leur plein gré pour défendre sa demeure, qui n'était autre que l'immense cathédrale grise. Sa devanture était composée d'arches identiques donnant sur un couloir extérieur, avec au milieu une immense porte de bois usé. Des lames rouillées par le temps pendaient de-ci de-là de la balustrade de pierre au-dessus des arches. En lieu de rosaces de verres étaient accrochées des épées d'argent sale disposées en cercles, et il y avait nombre d'inscriptions presque effacées que Théron ne sut pas lire. L'endroit était beaucoup plus sec et moins odorant que les égouts, mais il y avait par endroit des tas d'os et il régnait une atmosphère plus oppressante pour le combattant.
« Où sommes-nous?
-Dans ce qui fut jadis la Cathédrale de la Guerre. »
Le blond fronça les sourcils. Le nom ne lui était pas inconnu... Et cela sonnait comme le nom d'un lieu cité dans une vieille légende. Lorsqu'ils entrèrent, après que le Déchiffre-Os aie ouvert la porte à celle qui semblait être pour eux une sorte de reine, Théron eut un hoquet et se retint de s'évanouir de peur : dans l'immense pièce se trouvaient un nombre incalculable d'araignées et de scorpions géants, de fantômes, de goûles... Il reconnaissait aussi tout un escadron de chauve-souris Chassessang, et des guerriers serpentiformes ! Qui se figèrent tous à la vue de l'adolescente accompagnée d'une inconnu. Peu désireuse de leur expliquer sa présence, elle saisit son poignet plus durement et le traîna aux escaliers au fond de la salle, toutes les créatures s'écartant religieusement sur leur passage. Une fois en haut et dans une pièce vide de toutes ces horreurs, Théron menaça Luca de son épée.
« Qui est-tu et pourquoi suis-je ici?, la brusqua-t-il, rendu raide par la peur qui agitait ses muscles.
-Je te l'ai dit, je m'appelle Luca. Par contre, rajouta-t-elle avec un petit sourir fier, C'est vrai que je ne t'ai pas dit que je suis la souveraine du monde d'en bas.
-Pourquoi suis-je ici?, répéta-t-il.
-J'allais te le dire ! Tu es là parce que, comment dire... J'ai eu comme une vision. Je suis télépathe, si tu veux tout savoir, et être un télépathe avec de telles responsabilités implique qu'on peut parfois avoir des visions prémonitoires... En gros je savais que tu allais venir ici. »
Théron ne releva l'étrange façon de parler de son interlocutrice.
« Je ne sais pas pourquoi mais apparemment tu es quelqu'un d'important... Enfin c'est ce que j'en ai compris. Il faut que je te donne quelque chose. Je peux bouger pour te le montrer? »
Le blond fit un geste pour l'y autoriser en priant tous ses Dieux pour que les monstres en bas ne s'aperçoivent pas qu'il était en train de menacer celle qui était apparemment leur reine. Celle-ci se dirigea vers l'un des nombreux coffres emplissant la salle, hésita deux secondes, se dirigea vers un autre, l'ouvrit, chercha dedans en poussant quelques jurons, puis en ressortit une pierre qu'elle rapporta à Théron. L'objet était poli quoique ayant un aspect rugueux que le combattant ne sentit pas à cause de ses gants ; et elle semblait translucide mais contenant une espèce de lueur noire et brillante. Il lança un regard interrogateur à Luca, qui haussa les épaules.
« Je ne sais pas ce que c'est, je l'ai trouvée pendant mes fouilles des égoûts, il y a très longtemps. Mais elle est très jolie, alors j'aimerais que lorsque tu auras finis ce que tu as à faire, tu me la rende.
-Et que dois-je faire?
-Si seulement je le savais ! Je ne sais même pas pourquoi j'ai eu cette vision, tu sais. Je ne fais que régner sur les créatures qui hantent les égouts et les rues de cette cité, c'est tout. Peut-être que tu en apprendras plus sur le chemin qui te mènera à ton frère, en tout cas j'ai pour ma part rempli la moitié des clauses de notre contrat. As-tu faim? »
Décontenancé par le brusque changement de sujet et part les maigres révélations que venaient de lui faire l'adolescente, Théron ne put qu'hocher la tête pour signifier que son ventre commençait à se tordre sous le manque de nourriture. Luca s'éloigna tranquillement de sa longue épée, comme si elle n'en avait au final rien à faire, et se dirigea vers un énorme bloc de pierre servant de table, au milieu de la pièce. Elle invita le combattant à venir s'installer, et ils purent déguster un maigre repas volé par la reine des bas-fonds et tous ses rats. Perturbé par le silence dans lequel semblait se complaire sa compagne de table, Théron posa la première question qui lui passa par la tête.
« Depuis combien de temps es-tu ici?
-Hmmm..., marmonna-t-elle en réfléchissant. Je ne sais plus. Très longtemps.
-Tu es née dans les égouts?
-Non ! J'avais des parents dans le monde d'en haut, avant. Mais c'était il y a vraiment très, très, très longtemps.
-Et comment es-tu devenue... La reine de cet endroit? »
Luca sourit un peu en avalant son fromage.
« J'étais là avant eux, ils m'ont rapidement adoptée.
-Tu étais là avant toutes... Choses? »
Elle hocha la tête.
« La plupart des esprits que tu as vu en bas sont morts quand moi j'étais là.
-Quel âge as-tu...? »
Théron eu peur de la réponse que Luca allait lui donner et regretta tout aussi vite d'avoir posé une telle question.
« Je ne sais pas, les jours, les mois, les ans se comptent difficilement ici. Mais je suppose que ça fait plus d'un siècle, voire deux. Je ne sais pas exactement. »
Le blond manqua de s'étouffer avec son pain et le simili d'adolescente utilisa un quelconque sortilège pour lui empêcher de mourir étouffé.
« Tu n'es pas une humaine.
-Je ne sais pas.
-Comment cela? Tu devrais le savoir.
-Je ne le sais pas, je viens de te le dire. Je suis là depuis très longtemps et cela fait tout aussi longtemps que je suis la maîtresse de ces lieux. Tous mes protégés me reconnaissent comme telle car je l'étais déjà à leur naissance et à la naissance de leur père, et du père de leur père... Mais je suppose que tu viens d'apprendre trop de choses étranges en un coup. Finis de manger, et souviens-toi de deux choses : je suis toujours une adolescente de seize printemps et tu es en sécurité ici tant que tu n'essaie pas de me tuer. »
Le lendemain, Théron fut mené dehors par une Luca semblable à celle de la veille : elle ne lui avait joué aucun tour et s'était montrée telle qu'elle l'était réellement dès la première seconde où ils s'étaient parlés dans l'église hantée. Ils furent escortés, au grand dégoût du blond, par deux Ronge-Moelles nommés Rikrim et Kalig, qui étaient des rats mutants plus grands et humanoïdes encore que les Profanateurs de crânes de la veille, et ils parlaient également beaucoup plus intelligiblement. En chemin, Luca expliqua à son hôte d'une nuit qu'elle avait apprit à leurs ancêtres à parler, et qu'elle continuait ses enseignements. Théron se contenta d'hocher la tête mais ne pu s'empêcher d'imaginer les pires scénarios d'horreurs où des rats intelligents et armés sortiraient des bas-fonds pour envahir les cités...
Mais le trajet jusqu'à l'air libre se fit, une fois encore, sans anicroche aucune. Alors que les monstres blancs restaient en retrait dans l'ombre de l'entrée des catacombes, Luca accompagna Théron dehors. Elle garda ses yeux fermés pendant plusieurs courtes minute pour ne pas être agressée par la lumière et lorsqu'elle descella ses paupières, ses pupilles étaient si rétractées que le combattant blond ne les voyait plus. Un peu intimidé, il se tourna vers la pseudo-adolescente qu'il remercia un peu durement, encore troublé d'avoir passé une nuit dans le palais de la reine des égouts de la troisième plus grande cité du pays. La brune n'en tint pas cas et le gratifia d'un sourire, se moquant de lui à l'idée qu'il repasse leur rendre visite. Théron piqua un fard, ce qui fit éclater Luca de rire, et ils se séparèrent prestement, le blond ayant un peu de nourriture volée dans son sac, et muni d'une étrange pierre dont il ne savait ni la provenance, ni l'utilité.
