- Réveille-toi Aibaka !

L'ordre moqueur fut donné par un garçon pas très grand, qui l'assortit d'une grande claque sur la tête du dormeur. Celui-ci se redressa brusquement et, l'air égaré, chercha autour de lui qui avait bien pu le frapper sans ménagement. Son regard se posa alors sur le garçon en question et il soupira.

- Hé Nishikido, c'est quoi ton problème à la fin ? Tu peux pas me fiche la paix ? T'as pas d'amis ou quoi ? demanda-t-il d'un ton las.

- Quoi ? Qu'est ce que tu viens de dire là ? fit alors l'interpellé d'un ton mal aimable.

- Les oreilles c'est comme le reste, ça se lave, répliqua Aiba Masaki du même ton en se levant dans l'idée d'aller aux toilettes.

Malheureusement, son tourmenteur et plus grand ennemi dans la classe n'aimait pas vraiment quand il lui répondait et ne se privait jamais pour le lui faire savoir de toutes les façons possibles. En l'occurrence, n'ayant pas le temps de chercher comment casser les pieds de son rival depuis l'enfance, il se contenta de tendre négligemment la jambe sur son passage. Encore mal réveillé de sa sieste, Aiba n'eut pas le réflexe de l'enjamber et s'étala misérablement de toute sa taille sur le sol froid de la salle de classe.

Il s'apprêtait à se relever en grimaçant, quand la porte de la salle s'ouvrit et quatre garçons semblèrent entrer comme au ralenti. Instantanément, l'activité parut s'arrêter dans la pièce alors que chacun les suivait du regard, comme hypnotisé : le premier, plutôt grand, avait des cheveux mi longs d'un brun chaud et des yeux très en amande couleur chocolat ; le second avait des cheveux d'un noir profond, un visage très doux et des yeux presque noirs ; le troisième, plutôt voyant, s'était décoloré les cheveux en blond et portait, en prime des lentilles bleues assombries par la couleur naturelles de ses yeux, mais qui permettaient quand même d'y discerner une certaine malice ; quant au dernier, ses cheveux coupés en boule avaient été teints en un rouge doux qui allait bien à son adorable visage rond. Ce charismatique quatuor se dirigea vers le fond de la classe et, voyant Aiba à terre, le premier entré lui tendit la main pour l'aider à se relever, avant d'aller s'asseoir à leurs places.

Un peu plus tard, Aiba se dirigea vers son endroit favori du lycée, qui était également à la fois son refuge et sa salle d'entraînement à la danse. L'endroit était d'ailleurs aménagé comme tel avec un grand miroir trouvé au fond d'une buanderie, des pots de fleurs et un vieux tableau à craie qui lui servait à noter ce qu'il ne voulait ou ne devait pas oublier. Sans oublier l'indispensable photo de son groupe préféré, qui lui donnait chaque jour la motivation pour avancer dans sa vie : KAT-TUN et surtout son incroyablement beau leader Kamenashi Kazuya, aka Kame. Ne pouvant l'approcher réellement puisque, bien qu'étudiant dans le même lycée, le jeune homme restait inaccessible à cause de son emploi du temps, Masaki avait pris l'habitude de parler à sa photo comme si son double de chair et de sang se trouvait près de lui.

- Coucou Kame, je suis là, annonça-t-il en souriant avant de s'emparer d'un arrosoir pour verser de l'eau dans les pots de fleurs.

Il fit ensuite mine de se battre contre quelqu'un et il n'était pas difficile de deviner qui car il mourrait d'envie de corriger Nishikido Ryo à chaque fois que ce dernier faisait quelque chose de stupide le concernant.

- Raaaaaah Ryoooooo tu m'énerveuuuuuuh ! s'écria-t-il en piétinant le sol, sans se soucier d'être entendu ou non.

C'est alors que derrière lui, les quatre garçons de tout à l'heure firent leur apparition, sautant par-dessus le muret qui séparait le toit en deux parties. Ne les ayant pas entendus approcher, Aiba sursauta lorsque le plus grand tapota son épaule de l'index.

- Wouaaaaaah ! Mais ça va pas de faire peur aux gens comme ça ?! Vous êtes qui d'abord ?! demanda-t-il alors que son regard passait de l'un à l'autre.

- Tu te sens mieux ? Par contre t'es toujours aussi nul en combat, heureusement que t'as pas à te battre vraiment, fit remarquer celui qui l'avait touché.

- He ? Comment ça "toujours aussi nul" ? Qu'est ce que tu en sais ?

- On sait tout, répliqua celui aux cheveux noirs d'un ton amusé.

- Mais tu nous reconnais vraiment pas ? interrogea le blondinet qui avait l'air de trouver ça très bizarre.

Le regard de Masaki à cet instant étant encore plus éloquent que son mouvement de recul, le grand se rapprocha encore de lui et posa une main rassurante sur son épaule.

- Tout va bien. Ne t'inquiète pas ok ? On peut être amis maintenant.

L'affirmation stupéfia Aiba, qui reprit, avec méfiance et un brin d'agressivité :

- Qu'est ce que tu raconte ? Vous êtes qui ? Partez d'ici, c'est mon coin !

Mais son attitude n'eut d'autre conséquence que faire sourire les quatre inconnus et Aiba, qui était courageux mais pas téméraire, prit la fuite en leur répétant de partir et que c'était son coin.

Interloqués à la fois par cette fuite et par son attitude, les garçons s'entreregardèrent et celui aux cheveux noirs poussa un soupir frustré.

- Et si on lui disait tout simplement la vérité ? demanda-t-il au plus grand.

- Tu sais bien que c'est impossible, répondit celui-ci. Il ne doit jamais savoir ou ce serait terminé.

Pendant ce temps, Aiba qui était en train de descendre les escaliers pour retourner dans le bâtiment, s'immobilisa à mi chemin. Qui étaient ces garçons ? Il ne lui semblait pas les avoir déjà vus avant, pourtant eux semblaient le connaitre. Les avait-il oubliés ? Non il se serait souvenu de visages pareils. C'est alors qu'il aperçut au loin un van qui venait de s'immobiliser dans la cours du lycée. Aussitôt, un attroupement se forma et il comprit ce qui se passait : KAT-TUN arrivait ! Kame arrivait !

Toute autre pensée désertant son esprit, Masaki qui se sentait soudain pousser des ailes, descendit au plus vite les marches restantes et se précipita de toute sa vitesse en direction de la foule qui entourait le véhicule. La portière coulissante s'ouvrit alors, livrant d'abord le passage à Nakamaru Yuichi aka Maru, puis à Ueda Tatsuya et enfin il sortit, lui, l'astre solaire qui faisait battre son cœur et avancer sa vie : Kame. Arrivé dernier, il tenta de sauter pour apercevoir son idole par-dessus la foule, mais le chanteur était de taille moyenne et la masse de lycéens rendait tout approche impossible, alors il tenta de l'interpeller par son nom de scène, mais peine perdue, sa voix ne passait pas par-dessus les cris des fans assemblés. Se redressant, il inspira et se mit alors à jouer des coudes comme jamais, dans le but de se rapprocher au maximum de lui et y parvint finalement au moment où Kame souriait adorablement à la foule. Il se rappelait encore de la toute première fois où il l'avait aperçu dans le lycée, peu avant qu'ils débutent : il s'entrainait sur le toit, à l'endroit exact où lui-même s'entraînait depuis, répétant un même mouvement de chorégraphie, encore et encore et encore, en indiquant sur le tableau à craie le nombre de fois qu'il l'avait fait… Et Aiba l'avait trouvé magnifique en plein effort et concentré comme il l'était. Tout avait commencé à ce moment. Lui et ses amis avaient débuté à peine quelques mois après et depuis, Masaki n'avait pas cessé de suivre leur carrière avec passion.

Rappelé au présent par les cris de la foule, il observait le chanteur avec des yeux de merlan frit éperdus d'amour, quand une voix se fit entendre près de lui :

- Tu t'amuse bien ?

C'était le grand garçon de tout à l'heure et bien sûr, ses trois amis étaient là aussi. A quel moment l'avaient-ils rejoint ? Ils étaient rapides. Enfin peu importait, il…

Il ne put terminer sa pensée, car il se sentit brusquement poussé en arrière. Juste sur Kame qui n'avait pas bougé et sur qui il tomba de tout son long, appuyant sans le vouloir avec son coude sur la partie sensible de son corps. L'incident sembla amuser les quatre inconnus, mais fit atrocement mal à l'idole, qui se recroquevilla dès que son agresseur involontaire fut poussé sur le côté. Aussitôt, inquiets, les deux autres membres du groupe se précipitèrent vers leur leader, mais l'incident était une aubaine pour les fans rassemblés, qui se mirent à mitrailler la scène de photos avec leurs portables, au grand embarras de Kame qui ne savait plus où se mettre tant la scène était gênante.

Il ne fallut donc pas longtemps pour que les photos de l'incident et celles de Masaki se mettent à circuler sur internet, accompagnées de commentaires et phrases assassines venant des fans, l'accusant d'avoir attenté à la pureté de leur idole. Le soir venu, rentré sur le terrain où il vivait dans une grande caravane face à la Sumida depuis que sa tante, profitant de sa douleur d'avoir perdu sa mère, l'avait, quelques mois auparavant, dépouillé de tout ce qu'elle lui avait laissé, le jeune homme se laissa tomber sur le grand lit qu'il avait aménagé à l'extérieur pour lui permettre de regarder les étoiles et soupira. Il attirait les ennuis comme un aimant le métal, c'était une catastrophe. Cette constatation à son sujet fut confirmée par les commentaires qu'il recevait en cascade sur son téléphone et qui le traitaient en gros de tous les noms. Raaaaaah à cause de cette histoire, il était maintenant haï du monde entier… Et le responsable, il savait qui c'était : ce gars bizarre qui pensait qu'ils pouvaient devenir amis. Celui-là, s'il lui mettait la main dessus, il allait voir !

S'allongeant sur son lit en palettes, il fixa le ciel étoilé et, comme à son habitude, adressa une phrase à sa mère disparue.

- Kaa-chan, j'espère que ça va là-haut…

Il ferma ensuite les yeux et s'endormit profondément, vaincu par les événements de la journée.

Au petit matin, presque éveillé, il se retourna et passa son bras par-dessus un grand coussin à sa droite. Il s'apprêtait à replonger dans le sommeil car il était très tôt, quand une information fit son chemin dans son esprit embrumé : il n'avait pas de grand coussin sur son lit-terrasse. Malgré sa fatigue, il se força donc à ouvrir les yeux… et ses yeux rencontrèrent alors un magnifique visage endormi à seulement quelques centimètres du sien. Ouvrant grand les yeux comme pour mieux se réveiller, son regard se posa sur la bouche pulpeuse du garçon. Il ne comprit pas vraiment ce qui se passait, jusqu'à ce que le garçon en question entrouvre les yeux.

- Qu'est ce que tu regarde ? lui demanda-t-il.

Comprenant brusquement de qui il s'agissait, Aiba se redressa, se retourna, aperçut les trois autres garçons pareillement endormis près de lui sur le lit et poussa un grand cri de stupeur.