Mélodie
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Le bruit du ballon frappant le sol du gymnase et les grincements des baskets glissants sur ce même sol lisse étaient la mélodie la plus enivrante, captivante, fascinante et attrayante que Kuroko connaissait. Il ne s'en lassait pas, et était certain que jamais rien ne pourrait rivaliser avec cette musique.
Mais c'était encore mieux lorsqu'il pouvait marier à ce doux son la plus belle image que ses yeux pouvaient captiver. Aomine Daiki en plein entraînement, un sourire heureux accroché aux lèvres, et les gestes aussi rapides que puissants, dont il pouvait également percevoir une touche de bestialité. Lui était déjà complètement épuisé, il tenait à peine debout et respirait avec peine. Niveau endurance, il y avait encore beaucoup de choses à revoir. Il avait toujours admiré Aomine sans pour autant être aussi expansif que Kise, et jamais il ne se lasserait de le voir jouer.
C'était pour cela qu'il aimait venir plus tôt dans le gymnase, seul avec Daiki. Les autres ne tarderaient sans doute pas à arriver à leur tour, autant en profiter un maximum.
Daiki revint vers lui après avoir effectué un splendide dunk, et s'avachit aux côtés de Kuroko qui l'observa simplement attraper sa bouteille d'eau et la finir d'une traite.
― Ben alors Tetsu ? Déjà fatigué ?
― Aomine-kun, tu baves.
Réalisant que parler alors qu'il venait juste de boire était compromettant pour son image, Daiki s'essuya rapidement les lèvres en pestant dans sa barbe. Ils étaient restés après l'entraînement habituel, comme auparavant, mais Tetsuya se fatiguait vite. Les mains posées derrière lui pour soutenir son buste, Kuroko observait le terrain en tentant de reprendre son souffle et ignorant les gouttes de sueurs dévalant sa peau opaline. Il ne vit pas (ou fit semble de) l'As se mettre perpendiculairement à lui dans son dos. Il profita de l'effet de surprise pour tirer violemment Tetsuya près de lui et le coucher sur ses jambes. Ce dernier émit quelques bruits de protestations mais se laissa faire, plus heureux qu'autre chose bien qu'il n'en montra rien. Le bas de ses reins resta contre la jambe gauche du bronzé, et ses omoplates trouvèrent refuge contre sa cuisse droite. Il soupira imperceptiblement et ferma ses yeux, complètement détendu.
― Hey ! J'suis pas ton coussin !
― C'est toi qui m'as allongé sur toi.
― C'était pas pour que tu t'endormes !
Kuroko l'ignora et bougea un peu pour se mettre plus à l'aise, faisant soupirer Daiki. Les doigts d'Aomine écartèrent quelques de mèches de cheveux et il sourit en le sentant frissonner aux quelques caresses occasionnelles.
― A quoi tu penses ?
― A toi, répondit le passeur sans daigner ouvrir les yeux.
Aomine écarquilla les yeux avant qu'un sourire satisfait n'étire ses lèvres. Son petit Tetsu pensait à lui ? Cela l'enchantait au plus haut point.
― Enfin, à ton jeu serait plus exact.
Daiki perdit son sourire aussi vite qu'il était apparu et fixa d'un air blasé Kuroko qui n'avait toujours pas ouvert les yeux. Qu'est-ce qu'il avait son jeu ? Ah ! Peut-être qu'il l'admirait lorsqu'il tenait un ballon et que l'effort rendait ses vêtements mouillés de sueurs, lui collant à la peau ? Ça, c'était encore plus satisfaisant.
― T'es en train de me dire que tu me mates quand je joue ?
― Mmh… C'est une manière de dire les choses. Répondit-il, placide.
Il ne pourrait pas avoir l'air plus sincère ? Ou un peu gêné ? Ou même réticent à l'idée de lui avouer ? Tch, juste quelques rougeurs sur son visage si peu expressif n'était pas trop demander ! Sa main – toujours dans ses cheveux clairs – glissa lentement le long de sa tempe en effleurant ses cils qui frémirent, traversa sa pommette et glissa sur sa joue avant de s'arrêter à la commissure des lèvres rosées et terriblement tentantes. Ses doigts s'y attardèrent et la sensation que Tetsuya éprouva l'obligea à entrouvrir ses lèvres.
Kuroko déglutit imperceptiblement mais gardait obstinément les yeux fermés. Il ne voulait pas voir son visage, pas maintenant qu'il se montrait si tendre et affectueux, il aurait peu de tout gâcher en rougissant et bafouillant. Il ne questionnait pas sur le pourquoi du soudain élan d'affection que lui témoignait l'As, lui qui avait toujours été si tactile avec lui. Mais ces gestes lui semblaient différents et augmentaient l'allure de son cœur.
― Ouvre les yeux, Tetsu. Ordonna Daiki en caressant paresseusement sa joue.
Le passeur pinça légèrement ses lèvres mais abandonna et leurs yeux aux différentes nuances de bleus se rencontrèrent. Ils se regardèrent un silence, un moment, avant qu'un étrange sourire n'étire les lèvres d'Aomine qui fit froncer les sourcils de Tetsuya. D'un geste rapide, Aomine attrapa la bouteille de Tetsuya pour la verser sur lui, le faisant brutalement sursauter.
Kuroko se débattit un instant et donna un violent coup à Aomine qui gémit de douleur. Mais avant que Tetsuya n'ait pu se saisir de la serviette posée sur la tête de Daiki, celui-ci prit son visage en coupe et l'embrassa. Trop ébahi, Kuroko se laissa manipuler, els yeux écarquillés, mais à peine pu-t-il répondre au baiser qu'Aomine se recula, souriant vicieusement.
― Avoue que c'est moi que tu aimes.
Le visage de Kuroko exprimait toujours la stupeur, ses joues rouges seyant à merveille à ses lèvres grenades, ses mains crispées sur son haut de basket. Tetsuya frissonna en se disant qu'ils étaient encore si proches qu'il pourrait effleurer les lèvres de sa lumière en se rapprochant un petit peu…
― Ne sois pas si égocentrique.
Son expression et le ton de sa voix cassaient sa phrase, et Aomine ne se retint pas de caresser sensuellement ses lèvres des siennes, souriant en le voyant perdre pied.
― J'aime… La musique que tu crées en parcourant le terrain.
Les fines mains du passeur remontèrent doucement, hésitant, jusqu'à caresser l'épiderme de son cou.
― J'aime le son de ta voix, quand tu me parles.
Elles passèrent sur sa nuque pour fourrager dans ses cheveux.
― J'aime les regards que tu poses sur moi.
L'un de ses mains glissa sur sa joue et il caressa sa lèvre de son pouce. Son cœur qui déjà tambourinait dans sa poitrine lui donna l'impression d'exploser lorsqu'il prononça la phrase suivante :
― Et j'aime… la manière dont tu m'as embrassé.
Sans même songer à se retenir, Aomine l'embrassa encore, le plaquant d'autant plus contre lui. Il le redressa en ravageant ses lèvres déjà rougies de plaisir et se délecta des sons étouffés qui lui parvenaient. Ses mains passaient aisément sous le large maillot de l'équipe et il l'installa contre lui. Sentir les mains de Tetsu parcourir son torse, bien que gêné par son maillot, lui prodiguait une telle sensation de bien-être qu'il voulait ne jamais s'interrompre.
Tetsuya tentait de ne pas s'étouffer sous l'écrasant baiser qu'il subissait et respirait difficilement. Sans qu'il ne s'en rende compte, il s'était retrouvé assis sur Daiki, légèrement en hauteur, et la main du bronzé passa sous son haut pour caresser sa peau pâle. Finalement, à bout de souffle, Kuroko repoussa gentiment Aomine et prit de grandes goulées d'air avant de poser son front sur l'épaule de Daiki.
― Tetsu, tu m'as toujours pas avoué.
Sa voix rauque le fit frissonner. Il bougea ses mains qui s'étaient retrouvés il ne savait comment sous son tee-shirt et retraça les courbes de ses abdominaux, avide de contact.
― J'ai pourtant été explicite…
― Je crois pas, non.
Aomine saisit son menton pour accoler leur front, souriant en voyant son visage rouge. Ce qu'il était mignon, quand même.
― Je veux que le dises.
Il effleura ses lèvres des siennes et plongea sans retenu dans son regard. Les lèvres du passeur se pincèrent légèrement et il frémit lorsqu'une caresse plus poussée fit gémir l'As. Il ne savait pas pourquoi mais il appréhendait le fait de dire de voix vive ce qu'il ressentait, rien que l'idée de prononcer ces mots faisait battre son cœur à lui en faire mal et réchauffait ses joues. La position commençait à le gêner, mais il sentait ses jambes trembler et il était sûr qu'elle ne tiendrait pas longtemps debout.
― Je… Les autres ne vont pas tarder…
― Alors dépêche-toi de cracher le morceau.
Il semblait vraiment vouloir entendre ces mots. Et puis il était assez têtu, il ne voulait pas avoir à dire ces mots devant ses coéquipiers.
― Je préférerais que tu le dises avant… Murmura-t-il.
Aomine sourit vicieusement et fronça ses sourcils.
― Qui te dit que je ressens la même chose ?
Kuroko écarquilla les yeux et asséna une puissante tape dans le ventre d'Aomine, gonflant ses joues d'une manière boudeuse – réplique identique de Kise. Daiki pesta silencieusement en se massant le ventre, mais sourit en voyant l'expression du plus petit. Il avait beau parler, sa main gauche était resté sur son tee-shirt. Il avait été méchant, mais il voulait vraiment entendre ces mots !
De son côté, Testuya savait bien qu'Aomine n'avait pas été sérieux, c'était uniquement pour l'embêter, le taquiner. Mais il n'aimait pas cela, c'était comme s'il s'amusait de ses sentiments. Et ce n'était pas amusant, ce n'était pas un jeu.
― Je plaisantais, et tu le savais ! Reprocha l'As en se baissant pour mordiller ses pommettes carmines.
Tetsuya se mordit la lèvre inférieure et se fustigea de ne pas pouvoir lui en vouloir longtemps. On ne plaisantait pas avec ses sentiments, ni ceux d'autrui ! Surtout lorsqu'on envisageait la possibilité de poursuivre ce début de relation…
― Et puis, si tu me le demandes, je te ferais écouter une autre mélodie que celle de mon jeu de basket, toute aussi plaisante ! Une mélodie plus… érotique. Avec des gémissements de plaisirs, des soupirs d'extases, le grincement d'un lit, et…
Mais au lieu de répondre, Kuroko lui infligea un autre coup sur le buste qui le propulsa au sol, alors que Kuroko se relevait sans faire attention aux insultes étouffées que lui adressait Daiki. Dieu, il avait faillit avoir une hémorragie nasale à cause des paroles licencieuse du bronzé ! Non pire, il avait faillit… avoir une réaction…
Il plaqua une main sur son visage pour tenter d'atténuer ses rougissements, Daiki agonisant toujours en position du fœtus, et sursauta en entendant ses camarades les interpeller.
― Ben Aominecchi, qu'est-ce que tu fais par terre ?
― Il fait le balai. Supposa Midorma en remontant d'un geste expert ses lunettes.
― Oh~ ! C'est pour ça que Minecchin a des goûts de balai à chiotte~ ! Déclara Murasakibara en regardant l'un des nounours en gélatine de son paquet de bonbon.
― Vos gueules ! Kuroko m'a dégommé le bide !
Akashi s'était déjà changé, et vu la rapidité, les autres se demandèrent un instant s'il ne c'était pas changé ici même pour ne pas perdre de temps, mais ils ne voyaient pas l'uniforme…
Kuroko était redevenu inexpressif, au grand damne de l'As de l'équipe, et après un rapide tour aux vestiaires, ils se retrouvèrent au gymnase pour entamer l'entraînement. Et avant que l'échauffement ne démarre, ballon en main, Daiki se rapprocha de Kuroko qui, dos à lui, s'étirait vaguement les épaules. Il baissa son visage pour placer ses lèvres près de son oreille et souffla un peu, appréciant les frissons qu'il perçut. Kuroko s'était figé, laissant ses lèvres effleurer son lobe. Il murmura pour que lui seul l'entende, d'une voix suave et pleine de promesse qui fit presque rougir le Passeur :
― Ma proposition n'est pas à durée indéterminée. Tu devrais te dépêcher si tu veux vraiment entendre cette autre mélodie…
Et alors qu'il s'éloignait, Tetsuya déglutit difficilement et ne pu s'empêcher de penser qu'il devrait se déclarer. Uniquement pour voir si cette autre mélodie égalerait celle de son jeu de basket, évidemment !
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Karrow.
