Titre : At the borders of humanity [Aux frontières de l'humanité]

Disclaimer : Les Vocaloid présentés ne m'appartiennent pas, et je ne me fais pas d'argent avec cet fanfiction.

Pairing : Luka x Rin (Shôjo-ai)

Note de l'auteur : C'est la première fois que j'écris sur les Vocaloid, et c'est également la première fois que je poste une fanfiction contenant du yuri (même si c'est uniquement du shôjo-ai)... J'espère donc que ce three-shots vous plaira, étant donné que c'est assez innovant de ma part de poster ce genre de texte. ^.^'


Le magasin était bondé. Partout, des gens se bousculaient, se cognaient, parfois même tombaient, mais personne n'y faisait attention. Des cris retentissaient un peu partout, d'excitation ou de colère, et la tension était visible. Les gens ne faisaient pas attention les uns aux autres, trop pressés de voir enfin la merveille, jusqu'alors cachée. Le petit bijou créé après de longues années de patience et de travail acharné par l'un des leaders mondiaux du marché. Cela faisait trois ans maintenant que les citoyens du monde entier retenaient leur respiration, attendant la venue au monde d'une merveille technologique, de la révolution ultime qui balayerait tout le reste.

Les pantins, comme ils avaient été baptisés par le producteur du produit, n'étaient pas de simples poupées. Ces marionnettes avaient des tailles, des poids, des réactions et des voix humains. De véritables automates vivants, capables d'effectuer n'importe quelle tâche à votre place. Des pantins capables de parler, de converser, de comprendre… Des poupées uniques au monde, avec un visage, une voix, un teint de peau et même des caractères prédéfinis. Des humains artificiels. Ces pantins, pouvant servir pour n'importe quel usage, allaient changer le monde.

Dans le magasin, les gens se bousculaient dans une cohue infernale, cherchant à être les plus prêt des rayonnages pour pouvoir se servir en premier et prendre la poupée la plus attirante. Les conversations, enthousiastes et excitées, allaient bon train, formant un brouhaha insupportable – une sorte de bourdonnement continu, ce qui donnait vaguement l'impression de se trouver au beau milieu d'une ruche.

Une voix retransmise par les haut-parleurs annonça que les pantins seraient bientôt en vente, priant inutilement les clients surexcités de rester calme et de se conduire de façon civilisée. Consignes claires, peu complexes, et pourtant visiblement trop compliquées pour la masse des acheteurs qui se pressaient contre les barrières, momentanément transformés en troupeau de bêtes sauvages.

Soudain, neuf heures sonnèrent. Seul le premier « gong » retentit, ridiculement faible en comparaison aux cris des clients déchaînés, qui se précipitaient partout, courant, se cognant les uns aux autres, à la recherche de l'objet tant désiré. Ni les barrières de sécurité, vite mises à terre, ni les vendeurs désespérés qui tentaient de calmer leur source de revenus, ni même les consignes aimablement dictées par la voix des haut-parleurs n'eurent l'effet escompté.

Pendant une heure complète, les clients affluaient en masse, se précipitaient, choisissaient un pantin, puis repartaient aussi vite qu'ils étaient arrivés, laissant leur place à d'autre. A la fin de la matinée, le magasin, sans dessus dessous, à peine reconnaissable, était jonché de barrières tombées, de cartons déchiquetés, de papiers, de tissu – des vêtements ? – et d'autres joyeusetés. Les rayonnages, vidés de presque tous leurs produits, étaient vides de monde. L'ouragan était passé, venait à présent le calme plat qui le suit et la constatation des dégâts allant avec.

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Luka remit en place une mèche de cheveux derrière son oreille, sondant du regard le magasin dévasté. Certes, les rayonnages ne comptaient plus beaucoup de pantins, mais elle avait au moins évité la foule hystérique qui attendait depuis la veille pour pouvoir acheter le dernier bijou technologique. La jeune femme osa poser un pied dans la boutique malgré la capharnaüm qui y régnait, et voyant que personne n'intervenait, continua dans sa lancée, foulant à grandes enjambées le sol à moitié recouvert de détritus en tous genre, faisant claquer ses talons aiguilles.

Luka Megurine, jeune femme de vingt-six ans, un mètre soixante-quinze pour moins de cinquante-cinq kilogrammes, était la directrice d'une boîte spécialisée dans la création de design de vêtements et costumes. Elle était peu connue de nom, mais l'argent n'en affluait pas moins, son entreprise étant l'une des rares à avoir réussi à se faire connaître de tous. Les affaires marchaient bien, et il n'y avait aucune raison que cela ne continue pas dans ce sens. En réalité, la jeune femme, vêtue de sa tenue de travail habituel – un tailleur et une jupe noirs, assortis d'une paire d'escarpins bordeaux et d'une jolie pochette en cuir sombre – ne venait pas pour acheter les pantins proposés, quoique ces poupées vivantes semblaient être très intéressantes. Ayant participé à la création de la plupart de leurs costumes, et en ayant fourni un grand nombre au producteur des marionnettes, elle venait plutôt observer son travail.

Depuis le début, Luka avait travaillé en collaboration avec Kaito Shion, dirigeant de l'entreprise à l'origine des pantins. Ses équipes de designers avaient travaillé d'arrache-pied pendant quatre ans, créant au total plus d'un millier de tenues différentes, destinées à être portées par les pantins. A l'instar des mannequins immobiles, ces tenues n'étaient pas censées être portées à vie par les poupées vivantes, mais les mettaient en valeur, cherchant à pousser au maximum le public à acheter les merveilles de technologie. Luka s'était énormément investie dans ce projet, considérant que les pantins étaient l'avenir mondial et qu'elle se devait de fournir un travail conséquent. Elle avait vu, revu et revu encore les différents costumes, tant et si bien qu'elle aurait été capable de les reconnaître au premier coup d'œil. Certains visaient à affiner la taille, d'autres à mettre en valeur les yeux, d'autres encore à faire ressortir les multiples atouts des pantins, en fonction de leurs différents physiques.

C'était donc la raison de la venue de la jeune femme, qui considérait comme un devoir le fait d'aller observer le succès des pantins qu'elle avait en partie produits. Malgré l'état désastreux du magasin, elle ne pouvait s'empêcher d'afficher un petit sourire hautain empreint de fierté. Elle déambula longuement dans les allées désertes de la grande surface, contemplant avec une fierté – mêlée d'admiration pour l'impressionnant travail de ses collaborateurs – les pantins.

Il y avait là des filles, des garçons, des petits, des grands, des pâles, des mates, des blonds, des bruns… Certains avaient de magnifiques yeux bleus, d'autres de grands iris irisés de rouge ou de rose, les créateurs ayant laissé leur imagination vagabonder, laissant libre court à leurs fantaisies. Les corps des pantins, soigneusement habillés des costumes confectionnés par la boîte de Luka, étaient gardés dans de grandes cuves, emprisonnés dans ce qui ressemblait à de grands flacons de plexiglas. Leurs yeux étaient grands ouverts, et ils étaient totalement immobiles, tels les poupées qu'ils étaient. Encore inanimés, mais néanmoins fascinants. La seule chose qui rassemblait ces êtres artificiels était leur incontestable charisme. S'adaptant au public, l'entreprise de Shion les avait façonnés en suivant des critères de beauté précis. Ils avaient des traits à la limite de la perfection, des peaux sans taches, de beaux cheveux soyeux, étaient fins, musclés, aux formes généreuses… Si ils n'avaient pas été entassés, immobiles, les yeux grands ouverts comme des morts, on aurait pu croire à des anges tombés sur Terre.

Luka contempla les pantins. Il y en avait tellement, malgré l'ouragan de la foule de clients enragés qui en avait emporté une grande partie, et ils étaient tous si… humains. La jeune femme sera contre elle sa pochette de cuir, peu rassurée par cette immobilité. Elle avait beau savoir qu'ils n'étaient que des machines, ces yeux grands ouverts – sur un monde qu'ils n'étaient pas en capacité de voir – lui faisaient penser à des rangées entières de cadavres. Retenant un début de nausée, la jeune femme replaça une mèche rosée derrière son oreille, tic qu'elle avait acquit avec le temps. Elle continua sa traversée des rayonnages, et ne put s'empêcher d'envier les heureux possesseurs de ces bijoux de technologie.

Se surprenant elle-même, elle laissa ses pensées vagabonder à leur gré : si jamais elle possédait un pantin, qu'en ferait-elle ? Sans doute l'utiliserait-elle comme secrétaire, ou domestique attitré. Peut être s'amuserait-elle à faire la conversation avec l'être humanoïde, et sans doute s'en lasserait-elle au bout de quelques heures seulement. Agacée par ses propres réflexions, Luka pinça les lèvres, et fit demi-tour. Après tout, elle n'avait plus rien à faire au milieu de ce bazar monstre, à contempler ces merveilles qui ne lui étaient pas destinées.

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Luka se réveilla, de bonne humeur. Elle avait passé une nuit très agréable, ponctuée de rêves idylliques, et était tout à fait reposée. La jeune femme éteignit le réveil qui répétait en boucle, d'un voix à peine robotique : « Debout ! Il est l'heure de se lever ! Debout ! Il est l'heure de se lev… »

La jeune femme quitta sans mal la chaleur douillette de ses couvertures, et s'étira en bâillant. Cela faisait maintenant plus d'une semaine que les pantins de type V1 avaient été mis en vente. Le « V1 » avait été ajouté à leur nom, car la boîte de Shion promettait d'améliorer lesdits pantins, et de sortir de nouvelles versions. Officiellement, aucune date n'avait été prononcée. Officieusement, Luka savait parfaitement que le producteur profiterait un maximum des V1 avant de lancer la version V2, qui n'arriverait pas avant un ou deux ans, voire plus. En attendant, les affaires marchaient mieux que jamais, et la jeune femme était heureuse d'avoir un si bon métier, si bien rémunéré, lui permettant de vivre dans le luxueux duplex qu'elle occupait actuellement.

A peine fatiguée, Luka sortit de la douche, s'habilla pour aller travailler, tira ses longues mèches roses en une queue de cheval haute, puis, quelques minutes plus tard, attrapa sa pochette et claqua la porte de son appartement. L'habitation en question s'étalait sur deux étages. Une baie vitrée occupait le mur sud, donnant une vue imprenable sur New York et ses hautes tours. La jeune femme utilisa l'ascenseur, sortit dans la rue, et héla brièvement un taxi.

La routine quotidienne, qui pourtant ne lui déplaisait pas. Avec le succès international des pantins V1, la jeune femme était plus aisée que jamais, et cela lui plaisait. Elle était fière d'elle, de sa réussite sociale et professionnelle, et même si elle ne le disait pas clairement, elle était heureuse de sa vie actuelle. Elle avait d'ailleurs signé un nouveau contrat avec Shion, qui l'engageait à créer et à produire les costumes destinés à la future version V2 des pantins – qui, même si ils ne seraient pas sur le marché avant des années, étaient déjà en cours de création.

Luka paya le taxi, puis poussa la porte de son lieu de travail et siège de son entreprise. Ses employés la saluèrent poliment alors qu'elle se rendait directement à son bureau. Beaucoup n'étaient sans doute pas sincères, mais ils n'avaient pas de quoi se plaindre. La jeune directrice les payait bien, et ne virait presque jamais son personnel. L'ascension rapide de la boîte était également un atout pour eux, et elle ne voyait pas de quoi ils pourraient être malheureux, de son point de vue de dirigeante.

La jeune femme s'assit dans son fauteuil, examinant les papiers laissés la veille en suspens. Elle repéra parmi eux des demandes de contrats et de collaborations de la part d'entreprises mineures, cherchant à s'élever – elle les jeta à la poubelle sans regret. Elle s'occupa de quelques lettres de candidature pour de petits postes dans des bureaux de sa boîte aux quatre coins du monde, qu'elle examina attentivement, faisant un choix qui pouvait s'avérer crucial pour l'expansion et le bon fonctionnement de ses bureaux.

Après avoir terminé de régler les affaires plus ou moins urgentes qui s'entassaient et finissaient par être oubliées, Luka, replaçant une mèche de cheveux roses derrière son oreille, décida de prendre une pose bien méritée. C'était sans compter son téléphone, qui se mit à sonner. Surprise, la jeune femme laissa tomber sa tasse de café, et d'humeur peu clémente, décrocha à regret.

« Oui ? grinça-t-elle.

- Madame Megurine, désolée de vous déranger, fit timidement la dame qui s'occupait de l'accueil. Monsieur Shion, de la société du même nom, demande à vous parler. »

Luka fronça les sourcils, surprise mais non moins agacée. Replaçant une nouvelle fois ses mèches rebelles, elle sortit un papier, un stylo, afin de pouvoir prendre des notes au besoin. Elle enfila ses lunettes, qui lui servaient plus à se donner un air sérieux qu'autre chose, s'assit, et répondit sur un ton acide :

« Passez-le moi. »

Une douzaine de secondes, qui parurent des heures à la jeune femme, s'écoulèrent. Pendant ce court laps de temps, elle put remarquer que son chemisier blanc était sans doute irrécupérable, une large tâche de caféine s'étendant dessus. Mais à peine commençait-elle à maugréer intérieurement qu'une voix bien connue la dérangea dans ses pensées.

« Mademoiselle Megurine ?

- Vous vouliez me parler, Monsieur Shion ? répondit-elle sans une once de politesse dans la voix.

- Vous avez l'air de mauvaise humeur… Tant mieux. »

Luka grogna quelque chose d'inaudible. Elle n'appréciait pas réellement Shion. En réalité, elle ne l'aimait vraiment pas. Mais il était utile à sa boîte, et inversement. Les lois du business passaient avant les sentiments personnels, sans quoi elle lui aurait déjà raccroché au nez. Kaito Shion était un homme très singulier. A première vue, il n'était qu'un jeune homme comme tant d'autre, ayant réussi là où d'autres avaient échoué, par un tour de force – ou de chance. Intérieurement, et pour n'importe quelle personne qui tenait avec lui une conversation de plus de dix secondes, il était étrange. Surprenant. Ses actions, ses paroles, rien ne correspondait à ce que l'on pouvait attendre. D'ailleurs, ne venait-il pas d'avouer clairement que la mauvaise humeur de la jeune femme le réjouissait ?

« J'ai une surprise pour vous, continua Shion sur un ton chantant qui laissait supposer que, lui, était de très bonne humeur.

- De quoi parlez-vous ? Lâcha Luka, glaciale.

- Ne le prenez pas sur ce ton-là, je suis persuadé que cela vous fera plaisir !

- Et puis-je savoir en quoi consiste cette surprise ? En quel honneur ?

- Vous ne pourriez pas, juste une fois, arrêter d'utiliser ce ton froid avec moi ? soupira son interlocuteur. Je vais finir en glaçon !

- Vous ne répondez pas à ma question, fit la jeune femme, adoucissant à peine sa voix – nouveau soupir de la part de son collaborateur.

- Pour faire simple : vous avez grandement aidé mon entreprise en acceptant de nous fournir les costumes. Votre aide a été réellement appréciée – et même indispensable, si j'ose dire. Pour vous remercier, je me suis permit de vous faire un petit cadeau – pas à titre personnel, bien sûr ! Je l'ai fait livrer chez vous directement, vous m'en direz des nouvelles ! »

Sur ce, Kaito Shion raccrocha au nez de la directrice médusée. Elle ne comprendrait jamais cet énergumène, ni sa façon si peu professionnelle de se comporter. Elle avait l'impression de parler avec un gamin. Un gamin possédant la société la plus influente du monde, et s'amusant avec comme si ce n'était qu'un joujou sans importance. Et puis, de simples remerciements n'auraient-ils pas été suffisants pour lui faire comprendre que sa collaboration avait été acceptable ? Luka soupira, remit sa veste pour masquer la tâche de café sur son chemisier, puis alla s'en servir une autre tasse, sa curiosité attisée par la « surprise » qui devait l'attendre chez elle.