Disclaimer : Les personnages de base, et d'autres éléments qui viendront plus tard appartiennent à Cressida Cowell. Les films appartiennent à Dreamworks.
LineCut
"Taisez-vous tous !"
L'enfant se fige, les bras encore levés et à quelques millimètres des portes massives du Grand Hall.
Les yeux écarquillés, il sent les muscles de ses épaules se tendre soudainement, réaction instinctive au haussement de voix.
Il laisse retomber ses bras, sans un bruit.
Et tend l'oreille.
(Sa curiosité finira par le perdre.)
"J'entends vos demandes. Et je ne peux nier les faits."
Le petit sait qu'il devrait être dans cette salle avec tous les adultes de son île. Il devrait ouvrir la porte, se glisser dans la salle. Se placer au pied de l'estrade. Ne parler que quand on lui demandera. Baisser la tête et attendre.
Attendre sa punition.
(Il doit rentrer mais il ne peut pas.
Il a trop peur.)
"Les lois de nos dieux sont sans appel, Chef."
Il reconnait la vieille voix grinçante. Mildew l'Acariatre. Il a aide à déplacer ses affaires de l'autre côté de l'île, deux hivers plutôt, avec quelques autres enfants du village.
Le vieil homme et son mouton n'étaient jamais satisfaits.
Et son bâton frappait fort.
(Certaines cicatrices ne se sont jamais effacés.)
"Je sais."
Froid. Dur. Sévère. Fort. Puissant. Sans appel.
Le mur. Le rempart. Le bouclier du village.
Il utilise sa voix de Chef.
Sa voix des Décisions. Sa voix des Ordres.
La Voix qui est Loi.
(Ses doigts s'entremêlent nerveusement.)
"Le Conseil a pris sa décision."
Pendant une seconde, l'enfant fronce les sourcils, perdu.
Perdu et presque en colère.
Pourquoi le conseil aurait-il décidé de sa punition sans qu'il ne soit présent ? Chaque Viking a pour devoir d'expliquer ses actions avant que le village ne se concerte sur son sort. Rien n'a changé, en 300 ans et 8 Conseils différents, tout autant de Chefs.
Alors pourquoi ?
(Pourquoi aujourd'hui ?)
La colère disparaît pour laisser place à une émotion plus insidieuse, plus viscérale.
Plus connue du garçon.
La peur.
(Et soudain, il sait.
Il sait que tout a changé.)
"À l'aube selon les lois de nos dieux, le garçon sera banni des terres de Beurk."
Il n'écoute pas la suite. Ni le vieil homme qui acquiesce. Ni les murmures du Conseil. Ni la cacophonie du reste du village.
Ni le cri outré d'un forgeron couvert de blessures.
Les bras soudain ballants, il n'écoute plus rien.
(Il n'entend pas le hurlement de l'homme aux membres dépareillés. Il n'entend pas les insultes qu'il profère et jette à la tête des villageois. Il ne l'entend pas prendre sa défense contre le Chef, bravant même la Voix. S'il l'avait entendu, il serait peut-être resté là. Il aurait peut être accepté d'écouter.
Peut être auraient-ils pu tout réparer.
Mais il ne l'entend pas.)
(Il n'entend plus rien.)
Deux battements de cœur.
C'est le temps qu'il lui faut pour faire demi-tour, fermer les yeux et prendre ses jambes à son coup.
Il ne voit pas les quelques enfants dans les rues qui froncent les sourcils en le voyant passer, les jumeaux eux-mêmes cessant de se battre pour l'observer. Il ne voit pas l'Ancienne qui l'observe du haut de sa cabane et qui lève la tête vers les cieux avec un regard triste et furieux.
(S'il l'avait vu, la logique aurait repris le dessus et il se serait demandé pourquoi la Plus Ancienne n'était pas au rassemblement. Pourquoi la Conseillère personnelle du Chef n'était pas avec lui. Pourquoi la Plus Sage n'était pas là pour prendre cette décision avec le reste du villages
Il se serait peut-être arrêté pour comprendre son absence.
Mais il ne la voit pas.)
(Il ne voit plus rien.)
Il court, court et court, pénétrant dans la forêt sans ralentir. En quelques instants, on ne le voit plus, fondu dans les ombres.
Personne ne le suit.
Les enfants ne savent pas, alors ils retournent à leurs jeux et chamailleries. Ils ne savent pas et ils oublient presque tout de suite, au profit du moment présent. Ils ne savent pas. Un jour ils apprendront, mais pas aujourd'hui.
Aujourd'hui, ce ne sont que des enfants.
(Comme lui, qui fuit. Comme lui et pourtant…)
L'Ancienne hésite, mais elle sait. Elle ne peut pas l'approcher. Pas encore. Pas maintenant. Elle sait mais elle ne peut ignorer la culpabilité qui l'écrase en voyant le garçon disparaître. Elle sait.
Et pour la première fois, la Plus Ancienne, porteuse de la Connaissance, souhaite plus que tout être ignorante.
(Mais elle sait. Elle sait.)
LineCut
Plus tard, les adultes ressortiront du Hall pour préparer la barque qui se perdra sur les eaux. Les deux couples envoyés pour trouver l'embarcation travailleront en silence, vérifiant par trois fois qu'il n'y a aucune imperfection dans la coque, et lorsqu'ils rentreront chez eux, ils serreront leurs enfants dans leurs bras, prenant seulement conscience de tout le poids de la décision du village, de leur décision.
Deux hommes iront chercher une portion de vivres, pour trois jours. Le plus grand, se souvenant du sourire lumineux du garçon pour lequel il prépare le sac, y ajoutera une pomme rouge, ses préférées, et un morceau de saumon, le plus rose de la réserve, et son compagnon n'osera pas dire quoi que ce soit. Il n'osera croiser son regard heureux qui imagine déjà le bonheur du garçon devant son repas préfère. Il ajoutera juste quelques morceaux de bœuf séché de plus que le strict nécessaire, lui aussi.
Un manchot unijambiste se faufilera au travers de son propre village, un sac d'outils sous le bras et une expression sombre sur le visage. Il s'approchera de la barque, étonné de trouver quelques couvertures cachées sous le banc, un sac d'herbes médicinales fourré dans un coin. Il laissera un sourcil désabusé et presque méprisant avant de cacher son propre chargement. Pendant un instant, il sortira une feuille de sa poche, hésitant, avant de secouer la tête et de la déchirer et de la jeter. Il clamera que les Vikings n'écrivent pas. Il pensera que des mots ne suffisent pas.
(Ce sont ces mêmes mots qui ont condamné l'enfant.)
(Ces mots qui avaient pourtant longtemps été sa seule défense contre le reste du monde.)
Plus tard, du haut de la plus haute falaise de Beurk, l'enfant observera l'horizon, traces de larmes sur les joues et une pierre aiguisée à la main.
Il se tiendra là, admirant le coucher du soleil à l'Ouest de ses grands yeux vifs et intelligents, des yeux d'enfant plein de merveilles et d'espoir.
Puis il s'agenouillera devant la vieille stèle qu'il a un jour découvert par hasard, en explorant la forêt. Il empoignera son couteau de fortune, avant de graver quelque lettres dans la pierre.
Il sentira presque le souffle des dieux guidant sa main.
(Personne ne lira cette stèle. Et personne ne comprendra les mots qu'il a gravé. Il le sait. Il le sent. Mais il écrit tout de même.)
Il accrochera le petit morceau d'obsidienne autour de son cou, avant de se retourner vers la forêt.
De siffler trois fois.
Et de disparaître dans les ombres une fois de plus.
LineCut
À l'aube, alors que quelque adultes gardent les enfants loin du port, on attend le Chef et le futur banni. Beaucoup de Villageois ne sont pas présents, et le forgeron Gueulfor ne peut pas s'empêcher de rire, d'un rire froid et condescendant.
Courage et Honneur étaient leurs qualités, à une autre époque.
À l'aube, la Plus Ancienne Gothi descent de sa maison, le regard grave et s'appuyant plus lourdement sur sa crosse qu'auparavant. Elle observe les villageois, l'air sombre. Elle ne voit que des enfants, des bébés presque. Elle ne voit que la honte dans ces hommes attendant le bannissement d'un enfant.
Elle se sent trop vieille.
À l'aube, enfin, le Chef Stoick revient seul, et on découvre la disparition de l'enfant.
À l'aube, Harold est déjà loin.
