La Fontaine de Poudlard
(titre provisoire, parce que je ne suis pas douée pour ça)
- Qui aimes-tu le mieux, homme énigmatique, dis? ton père, ta mère, ta soeur ou ton frère?
- Je n'ai ni père, ni mère, ni soeur, ni frère.
- Tes amis?
- Vous vous servez là d'une parole dont le sens m'est resté jusqu'à ce jour inconnu.
- Ta patrie?
- J'ignore sous quelle latitude elle est située.
- La beauté?
- Je l'aimerais volontiers, déesse et immortelle.
- L'or?
- Je le hais comme vous haïssez Dieu.
- Eh! qu'aimes-tu donc, extraordinaire étranger?
- J'aime les nuages... les nuages qui passent... là-bas... là-bas... les merveilleux nuages!
Baudelaire, le Spleen de Paris
Disclaimer
:
Tout est à JKR, sauf le titre qui est de Turner et que, j'espère, vous reconnaîtrez... (j'arrive pas à mettre le lien mais le tableau s'appelle comme le chapitre, si ça vous intéresse)
I – Pluie, vapeur, vitesse
Recroquevillée en boule sur son siège, elle dormait. La bouche ouverte, un peu de bave aux lèvres, et l'air vaguement idiot. Il remarqua la perle à son oreille – blanc sur blanc.
Le jeune homme qui la voyait ainsi – vulnérable, fragile, sans défense – eut très envie d'en profiter pour se venger de tout ce qu'elle lui avait fait subir depuis qu'il la connaissait. A savoir : tortures diverses lorsqu'ils étaient gamins (bouffer des escargots, lécher la poussière par terre, plonger dans la Manche tout habillé, ce genre de choses – et lui, pauvre gosse, il en redemandait), indifférence totale et réciproque plus tard (mais il n'aimait pas qu'on lui soit indifférent), et enfin, tortures morales très poussées quand ils avaient été plus grands.
Elle avait toujours été très, très douée, la Française, et il avait bien envie de profiter de ce moment de grâce… Mais il était un gentleman, n'est-ce pas ? Quel dommage… Donc il referma doucement, pour ne pas la réveiller, la porte du compartiment, et redescendit du train au lieu de la tuer avec l'aide d'un bourreau nazi particulièrement motivé. Le Poudlard Express partit à onze heures, comme d'habitude.
Il regarda sa petite sœur lui faire de grands signes par la fenêtre de son compartiment, lui sourit gentiment, soupira et partit.
(Il s'appelait Achille Macbeth, et il était amoureux de la Française)
Dans le train, la jeune fille à la perle se réveilla avec lenteur et se rappela brusquement – en voyant le paysage défiler à toute allure – où elle était et pourquoi. Elle allait à Poudlard, pour apprendre la magie… elle avait dix-sept ans… et, ah oui, en France il y avait des tas de gens insupportables.
Elle allait rencontrer des Anglais désagréables, lourds, stupides, ou pire, intelligents. Elle ne connaissait pas l'Angleterre, ni les Anglais – juste un, et il n'était pas représentatif. Mais elle partait faire sa dernière année d'études à Poudlard, et ce n'était pas comme si elle parlait anglais. Ni comme si elle savait ce qui l'attendait. Ni comme si elle aimait l'Angleterre, en fait.
Au moins, c'était elle qui avait insisté pour y aller… Pour une fois, elle avait pris une initiative et décidé quelque chose. Merveilleux. Comme si elle avait pu rester en France alors que toutes sortes d'inconscients voulaient son bonheur et faisaient de leur mieux, pour son bien. Enfin, elle aurait pu, mais elle n'avait pas voulu faire exploser la maison… le village… et toute la Normandie en fait. Trop d'étrangers en ce moment dans le coin, faut pas décourager les touristes.
Et puis en fait elle aurait dû rester mais elle avait décidé n'importe quoi. Elle racontait n'importe quoi. Elle faisait n'importe quoi (en l'occurrence, se recroqueviller en position fœtale, si on la voyait…). Et finalement, il valait mieux qu'elle se rendorme au lieu de stresser.
(Elle s'appelait Aréthuse de Mayeul et elle était magnifiquement angoissée)
Elle sourit nerveusement à son amie. Elle était contente, elle n'avait pas eu à s'expliquer à propos du badge « P-e-C » épinglé sur sa poitrine. Les gens pensaient sans doute qu'elle ferait une bonne préfète-en-chef. Splendide.
Meredith lui dit que ses vacances s'étaient très bien passées, et elle sourit encore, un peu moins crispée. Elle acheta des bonbons quand la vendeuse passa dans leur compartiment, mais n'en proposa pas à sa voisine qui continuait à lui raconter sa vie, ses amours, ses vacances.
Meredith lui dit encore que Tania Kelly, l'Australienne, avait dû retourner d'urgence dans son pays… mais que tout le monde savait pourquoi, qu'Eileen Prince sortait avec un Moldu, et que Macbeth avait eu une permission d'un mois mais qu'il rentrait aujourd'hui au front, avec dix jours d'avance et que c'était son père qui avait insisté parce que, hum… (insérez ici quelques gloussements)
Elle n'était pas très intéressée par ce genre de potins et ne fut pas mécontente quand Meredith changea de sujet. Puis elle dit doucement, que ses vacances à elle aussi s'étaient bien passées mais qu'elle était maintenant un peu fatiguée.
Au bout d'un moment, Meredith se tut et le voyage continua en silence.
(Elle s'appelait Minerva McAlistair et elle n'était pas encore Animagus)
Un grand sourire sur les lèvres – type chat du comté de Chester – il fumait avec ses amis sur le toit du Poudlard Express, ce qui ne doit pas être si dangereux qu'on le pense puisque des tas de gens font ça dans les films, que ce train-là était magique, et que depuis qu'il y avait un Poudlard Express des Septième année montaient sur le toit pendant le trajet. Il suffisait de rester assis et de bien s'accrocher.
Pendant l'été il était enfin devenu indépendant de tout ce qui n'était pas lui-même, et ne plus avoir besoin des autres, c'était la première étape vers le pouvoir, d'après le Manuel du parfait mage noir. (La seconde étape, c'était de ne plus avoir besoin du Manuel)
Sans son père, ce Moldu imbécile qui ne lui avait légué que son nom, sans sa mère, cette Cracmolle sentimentale qui l'avait abandonné, sans ce vieux fou de Dumbledore auquel il ne devait rien, il n'avait plus qu'une seule attache : Poudlard, et qu'une seule dette : Hagrid qui avait payé à sa place.
Cette année, il rembourserait Hagrid et s'assurerait de garder son lien avec l'école aussi longtemps qu'il vivrait. Il comptait vivre longtemps.
Il avait déjà un petit groupe de fidèles. Cette année, il s'intéresserait aussi à leurs petites amies, sœurs et cousines, mais au second rang, bien sûr.
Ses camarades redescendirent à l'intérieur du train pour ne pas se faire prendre, mais il resta encore un peu. Il aimait être en groupe, mais seul, c'était aussi bien. Il finit sa cigarette, la lança au loin, se leva, et enfin, quand le train fut tout près d'arriver, debout sur le toit, il vit Poudlard où commençaient à briller les lumières. Ses yeux s'attachèrent presque avidement entre la Forêt interdite et Pré-au-Lard, là où vivait ce beau monde dans lequel il avait voulu pénétrer. Il lança sur cette ruche bourdonnant un regard qui semblait par avance en pomper le miel, et dit ces mots grandioses : - A nous deux maintenant ! (1)
(Il s'appelait Thomas Jedusor, et il était ambitieux)
(1) Attention, si vous ne comprenez pas la référence, il faut que vous vous mettiez immédiatement au Père Goriot !
