Hope is the only thing stronger than fear.

1.L'annonce.

- Au soixante-seizième et dernier anniversaire, afin de rappeler à la population entière que l'espoir est plus fort que la peur, et que les rebelles sont vainqueurs, les tributs mâles et femelles seront moissonnés parmi les enfants du Capitole.

C'est alors que je vois les larmes couler sur les joues de ma mère. Mon père lui se lève et se dirige vers son bureau. Il n'a jamais été un homme de confrontation, alors quand ma mère craque sous la pression, lui part s'isoler pour éviter la crise.

Je me souviens encore du jour où Cooper, mon frère, avait annoncé pour la toute première fois sa décision de devenir Game Maker. Ma mère avait fondu en larmes, comme aujourd'hui, et mon père avait disparu pendant deux jours. Puis lorsqu'il était revenu à la maison, chacun avait fait de son mieux pour ne plus aborder cette discussion. A l'époque j'avais quinze ans et j'étais curieux. Je faisais de grands efforts pour ne pas poser des centaines de questions à mon frère lorsque nous regardions les Hunger Games en famille. Ces jeux ont toujours été une institution chez nous, mais c'est seulement à ce moment-là que j'ai compris qu'en pénétrant dans l'enceinte familiale, en s'immisçant plus personnellement dans nos vies, ils nous privaient du droit de s'en divertir.

Je sens le regard de Cooper posé sur moi, je vois de la tristesse et de la culpabilité dans ses yeux. Je comprends maintenant que ce ne sont pas seulement les Jeux qui font partis de ma vie, mais qu'à partir d'aujourd'hui je fais parti des Jeux. Mes yeux plongés dans ceux de mon frère, je retiens mes larmes. J'entends vaguement la voix d'Effie Trinket s'échapper de l'immense écran de télévision sur ma gauche, elle prolonge son discours sous les applaudissements du public, principalement constitué de rebelles.

Le regard de mon frère est insoutenable, j'aimerais seulement qu'il aille chercher notre père, sèche les larmes de notre mère et me dise que je ne suis pas encore condamné. Mais il ne fait rien de tout cela. Il reste là figé face à moi, de l'autre côté de la grande table en acajou du salon sur laquelle reposent nos assiettes encore pleines.

Quand je sens la première larme glisser le long de ma joue, je rassemble toutes mes forces, me lève avec grande peine et fait le tour de la table pour aller embrasser ma mère. Elle pose alors ses yeux sur moi pour la première fois depuis l'annonce, elle esquisse un sourire et me caresse gentiment la joue. Sa main est douce et chaude, elle me réconforte et me soulage. Il me semble que je lui rend son sourire parce que je remarque dans ses yeux comme une once d'apaisement. Je reprends mes esprits peu à peu, je me dirige vers ma chambre lorsque j'entends la phrase qui vient conclure le discours d'ouverture des Hunger Games. « Joyeux Hunger Games, et puisse le sort vous être favorable. ».

En ouvrant la porte je me rends soudain compte que le sort m'avait accordé une grande faveur jusque là. Ma naissance au Capitole était quelque chose dont je devais être reconnaissant, mais aujourd'hui j'ai perdu mon seul privilège, la situation s'est inversée et la chance de ma vie va me mener à la mort.

Après avoir pleuré à chaudes larmes durant plusieurs heures, je me suis, contre toute attente, endormi d'un sommeil de plomb. Des cris provenant du salon me tirent cependant de cette douce léthargie. Dans un demi-sommeil, je me blottis en boule sous la couette, les mains sur mes oreilles, en attendant que l'orage passe.

Je pense m'être endormi une seconde fois quand la porte de ma chambre s'entrouvre. Je sens un léger courant d'air froid m'assaillir et j'entends distinctement quelqu'un s'approcher de mon lit. Je cherche ma couverture pour me protéger des Tributs qui veulent ma mort, mais sans succès, j'ai sûrement du la faire tomber en me débattant. Je sens une main se poser sur la mienne et sursaute.

Mon père est là, assis sur le bord de mon lit, le regard vide. Rapidement, je me demande si tout ça n'est encore qu'un rêve.

« Il faut que tu manges, ta mère a préparé le petit déjeuner » me dit-il

Oui. Définitivement, l'annonce d'hier soir ne devait être qu'un cauchemar. Mon père serait encore enfermé dans son bureau si tout cela était vraiment arrivé.

« J'espère que nous ne t'avons pas réveillé cette nuit avec nos cris. Ton frère et moi devons te parler. »

Oh, je n'ai donc pas rêvé les cris, mon inconscient semble me jouer des tours, je ne discerne plus la réalité de la fiction. Mon père doit remarquer mon expression désemparée et mon regard perdu, parce qu'il plante un baiser sur ma joue et me glisse à l'oreille.

« Tout se passera bien, il n'y a pas de quoi s'inquiéter … » Alors qu'il se lève et sort de ma chambre je l'entends marmonner « Pour l'instant. »

Il faut que j'en ai le cœur net. Quelque que soit la sentence, que je continue à vivre normalement au Capitole ou que je parte vers une mort certaine,je ne peux pas rester dans ce lit indéfiniment. Je me frotte machinalement les yeux tout en me dirigeant vers la salle de bain attenante à ma chambre.

En allumant la lumière, je découvre mon reflet dans le grand miroir. J'y vois un garçon vieillit et fatigué aux yeux rouges. Je fais couler un léger filet d'eau froide et m'en rempli les mains avant de m'éclabousser la figure. Réveille-toi !

Je retire mes vêtements. - Ai-je vraiment dormi tout habillé ? - et me glisse sous la douche. J'actionne le programme « réveil » et la voix artificielle de la cabine m'indique qu'il est huit heures trente-sept. En sortant de la salle de bain je vois qu'un complet gris est posé sur mon lit. Je l'enfile et inspire profondément avant de rejoindre ma famille au salon.

Ma mère vient rapidement à ma rencontre et me tend un nœud papillon noir avant de m'embrasser sur le front. Je lui souris, mais ne peux m'empêcher de remarquer ses yeux bouffis cachés par ses longs cheveux violets qu'elle n'a pas coiffés.C'est à ce moment là que je comprends que ce n'était pas un rêve. L'atmosphère est tendue. Mon frère et mon père sont déjà à table, je les rejoins et prends ma place habituelle face à Cooper. Il m'adresse un léger sourire.

« Maman s'évertue à préparer le petit déjeuner mais nous savons tous que personne n'a la force de manger quoique ce soit » me dit-il à voix basse.

Je crois que c'est sa manière à lui de me dire que non seulement ce n'était pas un rêve, mais que la suite ne sera pas plus joyeuse. Mon frère a toujours pris ce rôle de modèle à cœur. Il n'a certes pas une personnalité très protectrice, son choix de carrière tendant à le prouver, mais pour compenser, il s'efforce de m'endurcir.

« Nous avons regardé la rediffusion de cette nuit, commence mon père, ils ont tout expliqué. Vous serez aujourd'hui tous rassemblés au Grand-Cirque. Comme celui des autres, ton nom ne sera présent qu'une seule fois dans l'urne. Après la Moisson, on fêtera la dernière session des Hunger Games. Espérons qu'il n'y est que cette partie qui te concerne.»

Je l'écoute patiemment, je jette de temps en temps un regard vers Cooper, qui me fait signe d'écouter. Je vois également ma mère qui s'affaire dans la cuisine, faisant anormalement beaucoup de bruit.

Puis mon frère prend la parole. « Écoute Blaine, si jamais ton nom est tiré aujourd'hui - Je vois mon père lui lancer un regard mécontent - il y a beaucoup de choses que tu dois savoir, je ne sais pas si j'aurai le temps de tout te dire pendant les quelques minutes que nous aurons après la Moisson. Nous avons beaucoup parlé de mon travail et de ce que je faisais dans la salle de contrôle. Il faut que tu me promettes d'essayer de te rappeler de tout ça car seules les commandes ont changées de mains, les intentions sont les même. Tu dois te battre Blaine, ce sera dur, mais tu es avantagé à côté des autres enfants. Tu as une chance, et tu dois te le mettre dans la tête. Tu es intelligent et populaire, forme des alliances bénéfiques. Surtout, souviens toi que tu ne peux pas abandonner, que ta famille t'attend à la sortie. Tu comprends Blaine ? »

« Oui. Rappeler à la population entière que l'espoir est plus fort que la peur. Je m'en souviendrai. »