Bonjour tout le monde !
Cette histoire me trotte dans la tête depuis la diffusion du dernier épisode de la saison 2. Pour vous dire que mon calvaire dure depuis un moment, ce qui explique mon "craquage " d'aujourd'hui ! ^^ J'avais besoin d'écrire autre chose, une fois encore, et d'enfin mettre au net cette vague idée qui me torture depuis des mois. Une sorte de garantie d'écrire cette histoire jusqu'au bout et de ne pas l'abandonner avant même d'avoir eu l'occasion de la commencer.
Ma betâ m'a mise au défi d'écrire une fic exclusivement Lucifer. Ce sera donc pour les trois-quarts de l'histoire, 100 % POV Lucifer. Pardon d'avance pour les addicts des POV Chloé ou autres personnages de la série.
Conseil musique pour ce prologue :
" The World is unraveling " - Milck.
Il s'agit de la bande-son de la fin de l'épisode si vous vous souvenez.
Musique " thématique " :
Une musique en particulier traduit très bien l'ambiance globale de cette fiction et le sentiment de Lucifer. Il s'agit de " Dear God " - Lawless feat. Sydney Wayser.
Comme d'habitude, les personnages et le contexte général ne m'appartiennent pas. Tout le crédit va à la Fox.
Une très bonne lecture à tous !
PLUS AUCUNE MARCHE ARRIERE
" Plus aucune marche arrière. "
Chaud.
Brûlant, même.
Pourquoi brûlant ?
Il n'en savait rien. Il ne tenait pas vraiment à le savoir, en fait.
Il voulait juste que ça s'arrête, que cette chaleur pesante cesse de lécher son corps et sa conscience. Il voulait seulement arrêter de ressentir cette fournaise. Cette douleur cuisante dans son crâne accentuée par cette constante brûlure dans l'air.
Où diable était-il ?
Pourquoi n'arrivait-il donc pas à ouvrir les yeux ou tout simplement bouger le reste de son corps ?
La possibilité d'être de retour en Enfer effleura rapidement son esprit, mais s'estompa avec la même rapidité. Ce n'était pas possible. Il ne pouvait pas être en Enfer. Comment aurait-il pu y retourner, hormis par sa propre mort physique ?
Était-ce cela ? Était-il mort ?
Non.
Il pouvait à présent sentir la caresse de son souffle laborieux contre sa main, le soulèvement continu de son torse avec chaque nouvelle inspiration accompagnée d'une autre sensation à chaque fois plus douloureuse que la précédente. Plus conscient encore qu'il y eût quelque secondes – ou bien plus longtemps que cela -, il parvint à déterminer l'origine exacte de cette chose rugueuse qui grattait sa peau et fouettait fréquemment son visage.
Du sable.
Pas de retour en Enfer, donc.
Tout chaleureux qu'il pût être, l'Enfer ne comportait aucune zone aride de cette sorte. Pas à sa connaissance, du moins. Et il en connaissait suffisamment à ce propos pour être assez sûr de lui. N'en restait malgré tout qu'il n'était sûr de rien pour ce qui était de sa situation actuelle. Pas tant qu'il ne se déciderait pas enfin à reprendre le contrôle de son corps et de son esprit.
Et c'est au prix d'un effort surhumain que Lucifer ouvrit doucement les yeux.
Une clarté insupportable attaqua ses rétines, l'obligeant à refermer brièvement les yeux afin de ne pas risquer la cécité pour le reste de son existence. Si le diable pouvait encourir ce genre de risque, bien évidemment. Il refit une nouvelle tentative, humectant ses lèvres de sa langue. Celles-ci semblaient vouloir rivaliser avec l'aridité alentour. Sa gorge était aussi brûlante que l'air qu'il respirait, ne diminuant en rien l'inconfort de Lucifer. Une fois accoutumé à la clarté agressive tout autour de lui, il distingua les contours imprécis de son bras droit supportant sa tête lourde comme le plomb qu'il s'évertua à redresser de quelques centimètres.
Un effort après l'autre.
Il pouvait le faire.
Un haut-le-cœur puissant et soudain l'assaillit alors qu'il commençait à prendre appui sur son coude pour se relever, Lucifer crispant sa main dans le sable brûlant. Son cœur battait férocement dans sa poitrine, comme s'il avait pratiqué une activité physique intense.
Tout cela n'avait aucun sens.
Lucifer ferma les yeux, inspirant profondément l'air étouffant et chargé de sable avant d'exercer une nouvelle pression sur ses avant-bras ankylosés. Le monde tangua fortement tout autour de lui, faisant brièvement vaciller la luminosité insistante de cette zone désertique, mais Lucifer s'entêta à poursuivre sur sa lancée. Il chancela une fois debout sur ses jambes, risquant de peu de s'effondrer à nouveau sur le sol aride.
" Allez, Luci... Un petit effort ! "
Il déglutit, l'intérieur de sa bouche restant obstinément insensible à cette tentative d'humidification. La sensation de brûlure ne diminua en rien une fois qu'il parvint à rester plus en moins stable sur ses deux jambes.
Tout brûlait autour de lui.
Le sable brûlait ses pieds nus et écorchés, le vent brûlait la peau lésée de son torse dénudé. Tout comme l'astre étincelant qu'il avait jadis créé avec son Paternel torturait inlassablement ses yeux, avalant la moindre parcelle d'eau qui aurait éventuellement pu survivre dans son corps perclus de douleur. Haletant, Lucifer plaça machinalement sa main devant ses yeux, espérant assez stupidement filtrer ainsi la luminosité implacable du soleil. L'étendue désertique restait pourtant obstinément floue devant lui, des formes imprécises laissant deviner quelques buissons touffus et massifs montagneux éloignés.
Tout était flou. Le paysage, ses pensées...
Comment était-il arrivé jusqu'ici ?
Lucifer baissa rapidement son bras, fatigué d'essayer en vain d'adoucir son mal. Le soleil ne cesserait pas subitement de briller dans le ciel simplement parce qu'il en déciderait ainsi... Plus maintenant, en tout cas. Il lui importait plus de comprendre ce qui l'avait conduit dans ce désert, loin de toute honorable civilisation humaine. Et du reste de ses vêtements...apparemment.
Il tenta de se remémorer les derniers évènements, ses pensées s'entrechoquant à l'intérieur de son crâne avant de se rassembler en un fil conducteur plus ou moins cohérent. Il se rappelait avoir rendu visite à Linda. Il se souvenait avoir appelé l'inspectrice sans parvenir néanmoins à la joindre, lui laissant un message avant de raccrocher.
Et ensuite...
Un éclair de douleur lui fendit le crâne, Lucifer se prenant la tête dans les mains en lâchant un gémissement rauque.
" …- as pas le choix ! "
" Sa-… ! Tu ne peux échapper plus longtemps à-…-ivine ! "
La douleur reflua rapidement, ne laissant sur son sillage qu'un élancement cuisant à l'intérieur de son crâne. Lucifer prit une inspiration bruyante et étranglée, clignant plusieurs fois des yeux en laissant ses mains contre ses tempes.
Qu'est-ce-que c'était ?
Il sentit quelque chose d'humide couler le long de sa nuque raide. Il porta alors sa main à cet endroit, regardant ensuite avec une confusion grandissante une teinte pourpre recouvrir ses doigts.
Du sang.
Son propre sang.
Lucifer caressa cette trace sanguinolente marquant ses doigts, fronçant les sourcils. Comment pouvait-il s'agir de son propre sang ? Il était invulnérable. Du moins, l'était-il lorsque Chloé n'était pas à proximité. Et elle n'était pas là, dans ce désert. C'était une évidence. Il bougea à nouveau sa main couverte de sang vers sa tête, tâtant avec précaution chaque centimètre accessible de son crâne douloureux. Il arrêta son geste d'auscultation quelques instants plus tard, un nouvel élancement répondant instinctivement à son toucher maladroit alors que ses doigts effleuraient l'arrière de sa tête. Ses cheveux y étaient plaqués non pas par du sable tenace, mais par du sang séché. Lucifer retint un sifflement plaintif et tressaillit avec ce nouvel afflux de douleur. Une sensation étrange naquit alors entre ses omoplates, telle une réaction instinctive de son corps au détriment de son esprit.
Une sensation oubliée.
Il crut tout d'abord avoir imaginé ce toucher doux, ce poids conséquent dans son dos qu'il n'avait plus ressenti depuis quelques années. Depuis son départ de l'Enfer.
" Non. "
Lentement, Lucifer baissa sa main le long de son flanc, déglutissant difficilement, tant par l'aridité constante dans sa gorge que par l'appréhension puissante qu'il éprouvait en cet instant. Il tourna tout aussi lentement sa tête à gauche. À droite, ensuite.
" Non... Non. "
Sa respiration devint erratique, répondant à la rage et l'incompréhension qui tétanisaient l'ensemble de son corps, l'ensemble de ses pensées. Il releva la tête, scrutant le ciel bleu au-dessus de lui de ses yeux écarquillés d'effroi, une question muette sur ses lèvres craquelées et dans cette expression horrifiée.
" Pourquoi ? "
Pourquoi ? Il ne Lui avait rien demandé ! Rien du tout !
Ses immenses ailes blanches prirent leur pleine expansion le long de ses flancs, imposant davantage leur retour dans son existence. Quelque puissent être ses envies, elles étaient de retour pour ne faire qu'un avec lui. Lucifer serra les poings, lançant un regard noir au ciel insensible.
— Je ne T'avais rien demandé ! croassa-t-il entre ses dents.
Qu'avait-Il donc imaginé, cette fois-ci ?
Que Lucifer accueillerait cette énième manipulation de son plein gré parce que... parce que quoi ?! Parce qu'il aurait subitement changé de comportement, ce changement s'étant traduit par l'abandon de sa revanche céleste avec la Lame Enflammée ?! Parce qu'il avait préféré envoyer sa mère ailleurs au lieu de risquer la vie d'autres frères et sœurs dans cette absurde querelle ?!
Parce que quoi ?!
Il n'avait rien exigé en retour. Rien.
Il s'entêta à fixer le ciel avec toute la haine dont il était capable, espérant une réaction, quelque chose qui expliquerait un tant soit peu cette absurdité.
Rien ne vint, hormis le souffle insistant du vent le long de ses ailes.
Évidemment.
Lucifer lâcha une exclamation amère et baissa enfin la tête. Bien sûr, qu'il n'obtiendrait aucune réponse. Pourquoi en aurait-il eu une maintenant, après tant de millénaires murés dans le silence ? Il regarda à nouveau autour de lui, se désintéressant du retour inopportun de ces appendices dans son dos pour se concentrer sur tout autre chose. Il devait découvrir ce qui lui était arrivé. Et déguerpir de cet endroit aride inconnu.
Où avait-il atterri ? Était-il arrivé jusqu'ici de son plein gré ou-... ? Non, sans doute que non. Qui donc l'avait emmené ici ? Pourquoi ? Comment ?
Pourquoi tout s'emmêlait dans sa tête ?
Lucifer ne se souvenait de rien après avoir rangé son téléphone. Il regarda à nouveau le soleil éclatant qui ne semblait pas vouloir tarir le flux lumineux constant qui lui brûlait la peau. Depuis combien de temps était-il dans ce désert ? Il fouilla l'intérieur de ses poches sans rien trouver d'utile. Plus aucune trace de son téléphone ou même de ses clés de voiture. Quoique ni l'un ni l'autre ne lui auraient été d'un grand secours à présent. Il doutait de pouvoir trouver un quelconque réseau pour contacter Mazikeen ou même l'inspectrice et-…
Chloé.
Son message.
— Bloody Hell...jura-t-il, inquiet.
Il lui avait promis.
Plus aucune marche arrière.
Qu'allait-elle donc penser de lui en ne le voyant pas arriver chez elle ? Le pire, sans le moindre doute. Comment aurait-il pu l'en blâmer ? Lucifer était le seul et unique fautif dans cette histoire. Il l'avait tant de fois déçue et blessée que sa disparition apparaîtrait inévitablement comme une énième dérobade aux yeux de la jeune femme.
Il devait la rejoindre. Éclaircir ce malentendu.
Mais comment ?
Il ne savait toujours pas où il se trouvait et par où aller. Marcher dans ce désert, sans rien pour se guider, c'était... Il n'était même pas certain de pouvoir marcher une telle distance. Quelle que fût la distance à parcourir pour rejoindre la civilisation. Pour la rejoindre.
Indécis, Lucifer regarda par-dessus son épaule ses grandes appendices duveteuses qui effleuraient ses flancs rougis avec chaque nouveau mouvement de sa part. Il n'était pas obligé de marcher à proprement parler. La voie des airs pouvait très bien supplanter la voie terrestre. Une possibilité assez envisageable s'il aurait s'agit d'un tout autre être céleste que Lucifer.
Inenvisageable, donc.
Il n'avait pas voulu leur retour. Et il ne désirait pas y avoir recours d'une quelconque façon. Il était hors de question de donner ainsi satisfaction à son Paternel.
C'était absolument hors de question.
Lucifer tendit sa main recouverte de terre en visière au-dessus de ses yeux éblouis, inspectant une dernière fois les alentours desséchés devant lui avant de se décider. Il prit une profonde inspiration, ses ailes disparaissant dans l'éclat implacable des rayons du soleil. Il baissa sa main et se mit à avancer droit devant lui.
Le soi-disant Christ avait bien arpenté le désert pendant quarante jours et quarante nuits, un simple mortel philosophe suffisamment fou pour intéresser le diable lui-même lors de ce périple insensé. Si un mortel aliéné avait pu survivre aussi longtemps dans un tel endroit sans boire ou même manger...
Lucifer Morningstar le pouvait aussi.
-xXx-
Depuis combien de temps marchait-il ?
Une minute ?
Une heure ? Toute une journée ?
Le soleil n'avait pas bougé d'un pouce, brûlant le dos nu et écorché de Lucifer sans interruption, suivant chaque pas, chaque avancée vacillante de ce dernier sur le sol aride et rocailleux s'étendant encore et toujours à perte de vue devant lui.
Le vent, fouettant le sable et irritant ses yeux rougis par la fatigue et la chaleur, caressait de temps à autre ses oreilles, le souffle bruyant se transformant alors en paroles incompréhensibles.
" Tu dois m'aider à r-… la f-…, Lucifer ! "
" On doit s-... aller : tout de suite. "
— La ferme... répliqua faiblement Lucifer, secouant doucement sa tête pour chasser cet étrange phénomène auditif.
Peut-être qu'il hallucinait... Oui, peut-être.
Il tenta de se concentrer sur son avancée chaotique, sur l'élancement régulier le long de ses pieds égratignés par le contact rêche du sable et de la roche. Un pas après l'autre. Il ne devait pas s'arrêter.
Surtout pas s'arrêter.
" Dépêche-toi ! Ils arr-… ! "
Il avait soif.
Tellement soif.
Pourquoi sa gorge demeurait-elle aussi asséchée et douloureuse ? Il avait besoin d'eau. L'alcool aurait été préférable, mais l'eau lui apparaissait à présent comme un nectar bien plus précieux et cent fois plus délectable que tous ses alcools précieusement gardés dans son penthouse.
De l'eau.
Juste une goutte. Une seule goutte.
" Le gros des troupes a été réquisitionné pour endiguer la-… "
— La ferme ! voulut-il crier de toutes ses forces.
Ne lui en restant que très peu, un murmure courroucé fut la seule chose qui sortit difficilement de sa bouche brûlée. Cette expression verbale, qui se voulait agressive, perturba l'équilibre de Lucifer, qui tituba sur une certaine distance avant de s'écrouler à genoux sur le sol ravagé par la chaleur de l'astre inflexible. Il resta ainsi, le souffle court avec son cœur qui s'affolait à l'intérieur de sa poitrine.
C'était mauvais signe. Très mauvais signe.
Les voix s'étaient tues, au moins.
Il poussa sur ses mains sans parvenir à se relever. Il devait se relever.
Il devait avancer.
" Mais... vers où ? "
Lucifer regarda devant lui, ne voyant que la même terre desséchée, les mêmes rochers et les mêmes plants.
Toujours le même paysage.
Toujours cette même fatalité.
Toujours la même crainte.
Était-il perdu ? Peut-être. Peut-être pas. Difficile à dire. Il lui était difficile de réfléchir. Il lui était également difficile de respirer. Quand donc allait-il sortir de cette zone stérile ? Une torpeur de plus en plus oppressante taquinait ses membres et sa volonté. Il aurait tant aimé pouvoir y succomber. Rien ni personne ne l'y en empêchait.
Il était seul au milieu de nulle part.
Seul et épuisé.
" Alors... Je viens vous rejoindre et je vous dirai toute la vérité me concernant. "
Lucifer prit appui sur ses mains, se redressant sur ses jambes flageolantes avec une horrible lenteur.
Pas question de rester là.
Lucifer continua à avancer droit devant lui, déterminé. Faisant abstraction de la douleur, de la fatigue et de ses voix étranges qui se remirent à murmurer à ses oreilles. Faisant abstraction de la chaleur, de la soif...d'absolument tout, si ce n'est une seule chose.
Une seule personne.
Une seule promesse.
— Je viens vous rejoindre, marmonna-t-il à l'horizon désertique.
Il ne briserait pas sa promesse. Il ne la briserait certainement pas maintenant, encore moins envers l'inspectrice.
Le diable n'avait qu'une parole.
— Je viens vous rejoindre...
-xXx-
Tout était tellement... jaune.
Pourquoi ?
Il était certain qu'il y avait une explication logique à ce phénomène, mais il ne parvenait pas à s'en souvenir. Tout ce qu'il savait se résumait à cette teinte aveuglante et uniforme devant lui.
Étrange, vraiment.
Le ciel n'aurait pas dû être aussi clair, lui semblait-il. Le ciel aurait dû être bleu.
Pas jaune. Pas aussi aveuglant.
Lucifer se perdit dans cette contemplation, poursuivant son questionnement plus que pertinent sur la teinte inhabituelle des cieux. Il fronça les sourcils après un temps, une autre question émergeant dans son esprit.
N'était-il pas en train de marcher ?
Oui, il avait marché. Dans ce désert.
Et ensuite ?
Juste cette clarté jaunâtre devant lui.
Il n'avait jamais vraiment apprécié cette couleur. Elle était grossière, sans subtilité et difficile à porter, même pour lui. C'était vraiment une couleur atroce. Elle arrivait même à s'infiltrer au-delà de ses paupières closes, maintenant.
Envahissante, vraiment.
Pourquoi devait-il subir cela, déjà ?
Il n'en avait aucune idée précise. Juste une vague sensation d'urgence. Quelque chose à faire. Quelque chose d'essentiel, non ?
Possible.
Cette teinte jaune des plus insolites se fit plus entreprenante, agressant sans relâche ses yeux, mais également son corps. Lucifer sentit de faibles secousses se répercuter dans son épaule, puis dans son bras.
— Dég-...age... tenta-t-il d'articuler.
La couleur se mit à émettre des sons tout aussi étranges. Un bruit étouffé retentissant à intervalle régulier qui accompagnait chaque nouvelle secousse insistante le long de son membre engourdi. Une couleur n'était pas supposée agir ainsi.
Une autre secousse contre son bras suivit. Tout comme un autre bruit indistinct.
— Va-...Va-t'en...grommela-t-il en tournant imperceptiblement la tête sur le côté, agacé.
La carnation l'obligea à lui refaire face en tenant fermement son visage de ses mains, Lucifer grommelant d'autres insultes incompréhensibles tout en se débattant faiblement dans son étreinte. Il se figea au bout d'un temps, confus.
Des mains.
Une couleur ne pouvait pas avoir de mains, si ?
— …-sieur ? Ouvrez les yeux ! Allez !
Et une couleur ne pouvait définitivement pas parler.
Ouvrir les yeux.
Ouvrir les yeux...
Lucifer se mit à lutter contre l'engourdissement de ses membres et de son esprit, il lutta contre la luminosité et ouvrit de quelques centimètres ses paupières.
Une ombre imprécise était devant lui, le secouant doucement et lui criant des encouragements. Il fronça les sourcils avant de fermer à nouveau les yeux, ébloui par les rayons impitoyables de l'astre dans le ciel.
— Non, non, non ! Allez ! Réveillez-vous ! dit alors l'ombre.
Il ne lui semblait pas qu'il dormait, cela dit. Il était fatigué, mais...
Lucifer sentit quelque chose de dur contre ses lèvres craquelées. Une solidité humide.
De l'eau.
Il tenta de redresser la tête et d'agripper de sa main la bouteille d'eau qui humidifiait sa bouche écorchée par la chaleur et le sable. Les mains qui maintenaient son visage se mouvèrent jusqu'à son dos pour le redresser un peu et l'aider à avaler plus aisément. Le liquide coula le long de son palais et à l'intérieur de sa gorge en un flot continu délicieux, mais rapidement interrompu. Lucifer rouvrit alors les yeux, émettant un grognement de protestation à l'encontre du responsable de cette interruption.
L'ombre précédente s'était estompée pour des formes plus précises. Un visage. Un regard inquiet. Un homme qu'il ne connaissait pas.
— Doucement. Si vous buvez trop vite, vous allez me vomir dessus et ça ne me tente pas vraiment. Vous pouvez me dire votre nom ?
Vomir ?
Le diable ne vomissait pas.
Lucifer cligna plusieurs fois des yeux, perplexe.
Qui était cet individu ? Pourquoi le soutenait-il ainsi dans ses bras ? Pourquoi vouloir son nom ?
Il se désintéressa de cet homme pour tourner la tête sur le côté. Au-delà de l'éblouissement constant du soleil, il pouvait voir à présent la route d'asphalte lissée fréquemment par le sable du désert qu'elle traversait. Cette route où il gisait depuis un moment, de toute évidence. Il pouvait aussi apercevoir une voiture à quelques mètres, la portière côté conducteur grande ouverte. Sans doute le véhicule de l'homme qui s'escrimait à attirer son attention.
Quoi encore ?
Il grimaça en sentant les secousses traverser son corps engourdi tandis que l'inconnu le secouait plus vivement.
— Votre nom ! Comment vous vous appelez ?
Son nom.
S'il tenait tant à le savoir...
— L-Lu...ifer.
— Lucifer ? Le diable en personne, hein ? plaisanta-t-il en autorisant enfin ce dernier à boire une autre gorgée d'eau. Vous avez eu de la chance que je passais par-là ! Moi, c'est Zach.
Magnifique.
L'eau coula doucement sur son menton, gouttant ensuite sur son torse brûlé par le soleil. Le diable... brûlé.
Encore.
— Non, non ! Restez avec moi, Lucifer, d'accord ? Ouvrez les yeux ! Je vais vous emmener à l'hôpital. Vous devez juste rester éveillé... Vous pouvez faire ça pour moi ?
Avait-il encore fermé les yeux ?
Il ne s'en était même pas rendu compte. Il en était navré. Apparemment, son corps refusait de lui obéir. De même que ses pensées. Et peut-être n'était-ce pas si mal. Il en avait assez de ce jaune. Assez de lutter contre le sommeil sans aucune raison valable.
Non.
Il y avait une raison.
Bien sûr qu'il y en avait une. Il s'en souvenait, à présent.
Lucifer gémit en essayant de bouger son bras, maudissant son état de faiblesse, et agrippa de ses doigts tremblants la manche de Zach. Il lutta pour garder ses yeux ouverts, ses paupières se baissant doucement sur ceux-ci avec une efficacité redoutable tandis qu'il articulait difficilement quelques mots à ce bon samaritain :
— Decker. C-Ch..oé Decker. LAPD... devez...
— Decker ? répéta Zach. Je dois quoi ? Hey ! Restez avec moi, mec !
Il n'allait nulle part, pourtant.
Il ne faisait que fermer les yeux, c'est tout.
Mieux valait fermer les yeux.
Ce jaune était atroce.
-xXx-
— … ert du Mojave. Tout ce qu'il a pu me dire, c'est qu'il semblait être là depuis un moment. Un jour, peut-être plus.
— On peut vérifier la zone, mais-…
— Je sais, Dan. Il y a peu de chance qu'on trouve quoi que ce soit.
Quelles étaient donc ces voix ?
Il n'arrivait pas à mettre un nom dessus. Il les connaissait, cependant. Il y eut un froissement, suivi d'un soupir traduisant une certaine impuissance.
— Écoute, les médecins ont dit qu'il était hors de danger.
— Je sais, oui. Mais-… protesta la voix plus féminine.
Plus agréable à entendre, également.
— Il va bien. C'est Lucifer... Il va s'en remettre.
Un autre soupir. Il aurait aimé savoir qui parlait, qui soupirait autant. Savoir où il se trouvait et pourquoi. Il devait bien y avoir une raison à sa présence ici, non ?
Il y avait forcément une raison.
Un autre bruit plus sec retentit. Des bruits de pas.
— Il va s'en remettre, répéta la voix masculine familière. Fais-moi confiance, Chloé.
Chloé.
Chloé...
Oui, ça lui revenait maintenant. Il devait trouver l'inspectrice. Il devait lui dire, la prévenir que tout ceci était un affreux malentendu. Elle devait savoir...
Lucifer serra le drap rêche qui recouvrait son corps engourdi, ce simple geste basique éveillant incessamment une douleur lancinante dans ses membres. Il gémit faiblement, pris au dépourvu par toutes ces sensations fort inconfortables.
Pourquoi avait-il l'impression que son crâne était fendu en deux ?
— Lucifer ? demanda alors la voix féminine.
Il tenta de répondre, mais ne sortit de sa bouche qu'un grognement incompréhensible. S'il n'arrivait pas à formuler deux syllabes cohérentes, peut-être pouvait-il tout de même ouvrir les yeux ? Ça valait le coup d'essayer, en tout cas.
Il ne vit tout d'abord rien d'autre que la même obscurité, tant et si bien qu'il crût avoir là aussi lamentablement échoué. Puis, les ténèbres refluèrent soudainement de son champ de vision, laissant apparaître des silhouettes imprécises dans un premier temps. Deux personnes. Un homme assez costaud et une femme aux cheveux blonds se tenant près d'une fenêtre aux stores baissés.
La femme se tourna vers l'homme, empoignant rapidement le bras de celui-ci alors que son visage – toujours aussi imprécis pour Lucifer – restait tourné vers ce dernier.
— Va chercher un médecin... Vite ! lui intima-t-elle.
Un médecin ?
Pour qui ? Pour lui ?
Lucifer entendit l'homme sortir en trombe de la chambre alors qu'il se mettait à cligner plusieurs fois des yeux. Il regarda tout autour de lui, hagard. Il fixa longuement la perfusion accrochée au-dessus de sa tête et le moniteur cardiaque juste à côté.
Était-il à l'hôpital ?
— Lucifer ? Vous m'entendez ?
Il baissa les yeux et s'aperçut que la jeune femme s'était approchée de lui sans qu'il ne s'en rende compte. Il cligna des yeux une fois encore, les traits grossiers et brumeux de son visage se faisant peu à peu plus nets à son grand soulagement.
Ce n'était pas n'importe quelle jeune femme. Certainement pas.
C'était elle.
C'était ses yeux gris. Sa bouche. Son visage.
— Chloé... parvint-il à difficilement articuler.
Bon sang, que sa gorge était sèche.
Chloé sembla lire dans ses pensées et prit un verre d'eau posé près du lit, l'aidant à boire quelques gorgées sous son regard inquiet. Lucifer déglutit et esquissa un sourire.
Mieux. Beaucoup mieux.
— On dirait que le diable boit aussi de l'eau de temps en temps, le taquina l'inspectrice, bien qu'il pût discerner un léger tremblement dans sa voix.
Il voulut rire, mais son corps le rappela à l'ordre.
C'est vrai.
La mortalité. Une chance que l'inspectrice n'ait pas été avec lui dans ce maudit désert.
— Ça ne vaut pas un bon scotch... murmura-t-il en la regardant.
— Le scotch n'est pas conseillé pour soigner une déshydratation sévère, malheureusement.
— Dommage.
Ils se turent tous deux. Chloé ne cessait de le regarder, une lueur qu'il n'arriva pas à définir traversant son regard à un moment donné avant de disparaître. Elle déposa le verre sur la table de chevet et s'assit sur un siège près de lui, lui offrant un sourire crispé. Il nota que des marques rouges cernaient ses yeux.
Avait-elle pleuré ? Pourquoi ?
— Que s'est-il passé ? demanda Lucifer, troublé par le soudain mutisme de sa partenaire.
— Un touriste vous a trouvé gisant sur l'autoroute en plein désert il y a quelques heures, expliqua Chloé en regardant en direction du couloir avant de reporter son attention sur lui.
— Le désert...Oui. Je m'en souviens.
— De quoi vous souvenez-vous d'autre ? demanda-t-elle en bonne professionnelle et aussi en amie inquiète.
Lucifer essaya de se concentrer, mais ses pensées lui échappèrent. Il n'arrivait pas à se souvenir de quoi que ce soit, excepté son appel.
— Je me souviens vous avoir appelé la nuit dernière, c'est tout. Je suis navré de vous avoir fait faux bond, Inspectrice. Là n'était pas mon int-…
Cette dernière avait froncé les sourcils de perplexité en l'écoutant, se redressant sur son siège avant de poser une main sur la sienne, davantage inquiète.
— Lucifer, l'interpella-t-elle, le coupant ainsi dans ses excuses maladroites. Vous pouvez me dire quel jour on est ?
Il la regarda sans comprendre.
— Eh bien... réfléchit-il tout haut. Hier, nous étions le six juin, si je ne m'abuse. Inspectrice... Pourquoi cette question ?
Elle le dévisagea sans ciller, serrant sa main dans la sienne tandis que son partenaire la dévisageait à son tour, perplexe.
En quoi la date d'aujourd'hui était-elle si importante ?
Il entendit la voix agaçante de Daniel à l'extérieur de la chambre, mais n'en tint pas compte. Le mutisme prolongé et le regard de Chloé, communiquant une émotion bien au-delà de l'inquiétude, happait toute son attention.
— Inspectrice ?
— Lucifer... Nous n'étions pas le six juin hier, dit-elle alors en guettant la moindre de ses réactions.
Il continua à la dévisager sans comprendre. Pourquoi la date d'hier semblait autant la bouleverser ? Ce n'était pas si important que cela, si ? Il s'agissait simplement d'une date.
Une date. C'est tout.
— Comment cela ? ne pût-il s'empêcher de demander, interloqué.
— Nous sommes le..., elle se tut, déglutissant difficilement en portant son regard partout ailleurs dans la pièce excepté vers lui. Nous sommes le douze juillet.
Le douze juillet.
Non. Non, c'était impossible. Hier encore, il sortait de l'hôpital - pour y retourner quelques heures plus tard, apparemment – et...
Non. Ça ne pouvait pas être vrai.
Lucifer secoua doucement la tête tout en fronçant les sourcils, confus. Chloé le regarda à nouveau, serrant presque douloureusement sa main pour lui annoncer l'horrible réalité qu'il peinait tant à cerner.
— Vous avez été absent très longtemps, Lucifer. Plus d'un mois...
A suivre...
Aloooors ? XD
Que pensez-vous de ce prologue ? Comme toujours, les reviews sont les bienvenus et je me ferai un plaisir de répondre à chacun. Je reviendrai sur cette fic de temps en temps, mais pas à intervalles réguliers. HSH prime avant tout !
Je vais continuer de ce pas le two-shots " what the devil needs " et après je migre une courte période vers le fandom GOT (ça fait un bail que je n'ai pas écrit la suite de " say something ").
Merci beaucoup d'avoir lu ce premier chapitre. J'espère que la suite vous plaira.
Bye !
