Chapitre 1: Kentucky…
En cette belle matinée de printemps, le soleil irisé fait difficilement grimper la température, rendue fraîche par les brumes dominantes.
Nos deux frères ont décidé de prendre du temps pour eux, afin de se ressourcer. Ils sont donc allés se balader en forêt, malgré la brise fraîche qui souffle.
Ils longent en ce moment le lac, bordé par des bosquets feuillus, parlant de tout et de rien, excepté de la chasse.
Alors que l'aîné parlote, il sent soudain un jet d'eau s'écraser contre sa joue gauche, suivi d'un éclat de rire sournois de son frère. Quand il se tourne vers celui-ci, il le découvre armé d'un pistolet à eau, sourire vainqueur aux lèvres.
-Sammy.. Ca tu vas me le payer..
Accourant vers son frère, il entreprend de le désarmer, mais celui-ci n'a pas l'intention de mordre la poussière si facilement…
C'est trempés jusqu'à la moelle que nos deux jeunes frères rentrent au motel. Quelque peu frigorifiés, mais heureux de ce moment de détente.
Mieux vaut ne pas rester dans leurs habits: ils se mettent donc à se sécher les cheveux, lorsque soudain on entend une vibration, suivie d'une mélodie, propre au portable de Dean.
Intrigué, il décroche…
La douce voix féminine qu'il entend, qu'il a toujours voulu entendre à nouveau depuis tout ce temps, le replonge dans ses souvenirs.
-Hé.. Ca fait plaisir de t'entendre..
- A moi aussi.. Tu chasses toujours comme au bon vieux temps?
-Hum, mais maintenant Sam est de la partie. Ca fait longtemps dis-moi.
- Je sais mais... Dean j'ai besoin de toi.
La voix tremblotante, elle reprit..
Tu dois m'aider sinon...
- Je me mets en route de suite. Toujours la même adresse?
- Oui. Fais vite je t'en supplie... J'ai... J'ai peur Dean...
Elle coupe la communication. Sam observe son frère dont le visage reflète soudain de l'inquiétude.
- Qu'est-ce qui se passe? C'était qui?
- Je t'expliquerai en route. On s'en va, ça urge.
Ils rejoignent l'Impala au pas de course et, après y avoir rangé leurs effets, se mettent en route.
Adios Ohio..
Le ronronnement du moteur bat en rythme avec la musique, emplissant le silence qui règne dans l'habitacle. Tandis que Sam observe la beauté du paysage, l'inquiétude se lit sur le visage de l'aîné. Ce dernier jette un bref coup d'œil à Sam, puis, déclare machinalement..
-T'as rien à me demander?
-On va où?
-Kentucky.
-C'était qui au téléphone?
-Quelqu'un que je connais depuis longtemps. Je l'ai rencontré au cours d'une chasse avec papa. Ca fait longtemps que j'avais plus eu de ses nouvelles.
-C'est qui exactement?
-Quelqu'un qui compte beaucoup pour moi. Elle a quelques soucis..
-Une fille? J'aurai du m'en douter..
Dean ne releva pas la remarque, mais la curiosité de Sam piquée à vif, il continua..
-De quel genre sont ces soucis?
-Du genre qu'on règle tous les jours..
-Tu peux m'en dire un peu plus?
-J'en sais pas plus pour le moment..
-Alors tu fonces comme ça sans savoir de quoi il en retourne?
-Elle a besoin de moi, ça me suffit amplement.
Avant qu'il ne rajoute quelque chose, Dean réplique..
-Fin de la discussion!
Le cadet soupire, la mine boudeuse. Mais le visage inquiet de Dean le laisse supposer que cette personne doit vraiment compter pour lui.
Il préfère donc garder pour lui les questions qui se bousculent dans sa tête.
Le trajet continue dans un silence pesant, Sam se demandant qui pouvait être cette mystérieuse inconnue.
Le soleil impose avec ardeur son règne au zénith, lorsque enfin, les premiers signes d'habitations se font sentir.
Lorsqu'il reconnaît l'une d'elles au loin, l'excitation, la nostalgie prennent le pas sur Dean. Tant de souvenirs se bousculent dans sa tête qu'il ne peut s'empêcher de sourire. Sam, trop occupé à se poser dix mille questions sur la personne qui a appelé son frère, n'y fait pas attention.
Il prend le petit sentier qui s'offre à eux sur la gauche, puis continue en direction de la maison, qu'on peut distinguer de plus en plus.
De style gothique et dotée d'une cheminée, l'habitat a une moyenne envergure. Dean remarque que l'aspect n'a pas beaucoup changé depuis la dernière fois, depuis la dernière fois où il l'a revu..
Il gare la Chevrolet contre la barrière en bois.
-On y est.., lance-t-il à son frère.
Puis il descend. Il observe les alentours: pas un chat avant plusieurs mètres.
Il monte les quelques marches qui le sépare du perron, et appuie sur la sonnette.
La porte s'ouvre alors sur une jeune femme, dans les 25 ans, brune et le regard bleu marine. Elle est plutôt grande et, visiblement, plutôt enceinte. Dean s'en approche et une longue étreinte s'ensuivi.
-Dean.. Si tu savais comme tu m'as manqué..
-A moi aussi. Deux ans sans avoir de tes nouvelles, c'est une éternité tu sais..
-Disons que j'avais mes raisons. Sam je suppose?
-Enchanté de vous connaître.
-Moi aussi. Je suis Sandra.
-C'est pour quand?
Se rendant compte qu'il fait allusion à l'accouchement, elle déclare, caressant par réflexe son ventre..
-Pour dans trois semaines si tout va bien.
-Et où est le petit monstre?Il a dû grandir.
-Entrez et installez-vous, je vais le prévenir que tu es là.
Ils s'exécutent tandis qu'elle disparaît à l'étage.
-Tu m'expliques maintenant?
-Y a rien à expliquer d'accord? Et avant que tu demandes, c'est pas moi l'heureux papa. D'ailleurs, je suis étonné de pas le voir celui-là…
Sam poursuit néanmoins son interrogatoire..
- Depuis quand tu la connais?Et pourquoi tu ne m'as jamais parlé d'elle, alors qu'elle, elle semble me connaître?
Dean n'a pas le temps de lui répondre. Une petite tornade fait son apparition et lui saute dans les bras.
-Holà Kyle, doucement! Tu ne voudrais pas casser un os à ton pauvre parrain tout de même…
-Parrain??
-Ne fais pas cette tête, Sammy. J'ignore peut-être beaucoup de choses de ta vie, mais dis toi bien que tu ne connais pas tout de la mienne.
-Kyle, lâche ton parrain et retourne jouer dans ta chambre, chéri. Nous avons besoin d'être tranquille pour discuter.
-Oui, maman. A tout à l'heure parrain, et monsieur copain de parrain.
Alors qu'il grimpe à toute allure les marches vers l'étage, Sandra les conduit au salon.
Autour d'une bonne tarte aux citrons et d'un café, la discussion peut commencer..
Tandis qu'elle leur narre sa soirée, les souvenirs affluent dans son esprit, la peur immense qu'elle a ressentie revient la hanter..
L'horloge affichait déjà les neuf heures du soir passées, lorsque Sandra réapparut de la chambre de son fils. Elle venait de le coucher, lui racontant son histoire habituelle.
Épuisée de sa soirée, elle allait en faire autant. Elle passa d'abord par la salle de bains, histoire de prendre une douche et détendre son dos rudement mis à l'épreuve par sa grossesse.
Elle esquissa un léger sourire, heureuse de ce prochain nouveau-né. Elle n'était en aucune façon stressée; elle savait qu'elle pouvait y arriver.
La mine joyeuse, l'excitation de Kyle à la nouvelle, l'avait emplie de bonheur.
Plongée dans ses pensées, elle ne remarqua pas la volute de fumée sombre qui se matérialisait, dessinant les contours d'une silhouette.
Sandra eut la désagréable impression que la chaleur avait soudainement disparue; une brise légère, la parcoura. Les poils de sa peau se hérissèrent.
Alors qu'elle se dirigeait vers le radiateur près de la porte, elle stoppa son geste, se rendant enfin compte qu'elle n'était pas seule.
Elle fit marche arrière, plus par instinct de survie que par peur. La première pensée qui lui vint à l'esprit était primordiale: protéger son bébé de cette personne qui n'avait pas l'air d'avoir toute sa tête. La température ne cessait de chuter, la frigorifiant.
Elle plongea son regard dans celui de l'individu qui lui faisait face; il reflétait du plaisir, comme s'il avait réussi une chose qui le travaillait, qui l'empêchait d'aller de l'avant ..
Une bouffée d'air glacial, si glacial qu'il la saisit brusquement, lui faisant perdre pied. Cette onde la compressa de l'intérieur, lui coupant le souffle. La respiration saccadée, la teinte de son visage légèrement rougie, Sandra espérait de tout cœur que l'être qu'elle portait en elle, ne souffrait d'aucun danger, d'aucune menace..
Il fallait croire que le destin ne tenait pas compte de cela; elle se sentit de plus en plus faible, comme si la fatigue la gagnait. Malgré son esprit qui s'embrumait, malgré l'envie irrésistible de s'endormir, elle lutta pour garder ses paupières ouvertes, craignant qu'il ne profite son inconscience pour lui voler son bébé. Son bébé.. L'angoisse prit place. Elle sentait de moins en moins ses battements de cœur. Elle se devait de réagir, de tenter quelque chose..
Dos au lavabo, elle pivota et chercha avec véhémence dans le placard de quoi l'éloigner.
Alors qu'elle sentait que ses jambes ne la supportaient plus, elle trouva enfin ce qu'elle cherchait. Son chapelet, que sa mère lui avait donnée à son jeune âge..
Elle le plongea dans un verre d'eau, puis dans un dernier effort, le lui balança au visage.
Il se tordit de douleur, relâchant ainsi la prise sur Sandra, qui s'écroula.
Enfin, il s'évapora, se faufilant par l'interstice de la fenêtre…
A la fin de son récit, elle éclate en sanglots, tremblante. Dean s'en rapproche et la serre dans ses bras, la rassurant.
-Hé, c'est fini… On est là maintenant, on va t'aider. Calme toi Sandy…
-J'ai eu si peur.. Si tu ne m'avais pas appris certains de tes trucs anti-fantôme je serai sûrement morte à l'heure qu'il est. Et mon bébé aussi.
-Tu as eu le meilleur professeur sur le marché il faut dire.
Cette remarque suffit à arracher un sourire à son amie.
-Toujours le même humour hein, Snickers.
Le sourire de Dean disparaît en entendant ce nom. Sam, lui, est pris d'un fou rire.
-C'est pas vrai, tu vas m'appeler comme ça encore longtemps?
-C'est comme ça que je t'appelle quand je pense à toi…
-En tout cas, on peut dire que ça te va comme un gant. Snickers.
-Toi si tu continue à te marrer comme une baleine, je te jure que je te tue.
-Allons Dean, laisse le rire va. Bon, je vais vous préparer une chambre.
-Certainement pas. Sammy sera heureux de s'en charger. Hein, Sammy, tu vas quand même pas laisser une femme enceinte se tuer à la tâche pour toi?
Sam affiche un air faussement vexé, comprenant que ces deux là ont besoin de rester seuls quelques temps. Il se lève et se dirige vers la chambre que Sandra lui a indiquée.
-Alors, tu me dis où est l'autre naze?
-Dean…
-Non, il n'y a pas de Dean qui tienne. Je veux savoir. Je te retrouve enceinte, menacée par je ne sais quoi et ce con n'est même pas là.
-T'as jamais pu le sentir.
-Absolument. Alors dis moi la vérité. C'est à cause de lui que tu m'as laissé sans nouvelles?
-Oui.
-Pourquoi? Qu'est-ce qu'il t'a fait?
Sandra ne répond pas. Les larmes lui reviennent et Dean a un mauvais pressentiment.
-Il t'a battu? Est-ce que ce salaud t'a touché?!
La réaction de son amie lui laisse comprendre qu'il a vu juste. Il la serre dans ses bras pour calmer son nouvel afflux de larmes.
-Je suis désolé. J'aurai du être là pour te protéger.
-Tu ne peux pas être partout et ce que tu fais est bien plus important que ma personne.
-Si je met la main dessus, je te jure que…
-Non, c'est pour ça que je ne t'en avais pas parlé. Je ne veux pas que tu fasses quelque chose d'irréparable.
-Très bien mais si jamais il croise ma route, je le défonce. Personne n'a le droit de toucher à un seul de tes cheveux. Pour moi, tu es aussi importante que Sam.
-Je sais déjà cela. C'est pour ça que je t'ai appelé. Mais bon, dans l'immédiat, tu vas t'occuper un peu de ton filleul, que je puisse me reposer un peu.
-A vos ordre m'dame.
Il se lève et rejoint Kyle dans sa chambre. Sandra s'étend sur le canapé et s'endort, enfin sereine, sachant que Dean est près d'elle…
Deux heures plus tard, Sandra se réveille. Elle entend des rires à l'étage. S'extirpant difficilement de son canapé, elle se dirige vers l'escalier. Elle grimpe les marches lentement, souriant un peu plus à chaque nouvel éclat de rire qu'elle entend. Cela faisait si longtemps que Kyle n'avait pas ri de la sorte. Encore une chose qu'elle doit à Dean. Même quand Kyle était bébé, il était le seul à pouvoir le faire rire aux éclats. Oui, il avait ce don avec les enfants. Arrivée devant la chambre, elle y jette un œil. Les garçons étaient assis sur le sol, jouant avec le train électrique. Dean avait attaché un soldat sur les rails et le faisait crier au secours. Sam faisait galoper un cheval aux côté du train et ne cessait de le faire tomber, lâchant des « zut » et des « aie aie aie ». Kyle était censé jouer le méchant, mais il riait tellement à leurs singeries qu'il ne pouvait pas dire un mot.
En la voyant sur le pas de la porte, nos deux chasseurs purs et durs se sentent un peu penauds. Puis c'est le fou rire collectif.
-Bon, est-ce qu'un de ces cow-boys veut bien venir m'aider à la cuisine?
Sam saute sur l'occasion de pouvoir se retrouver seul avec elle. Il espère ainsi qu'elle pourra éclairer les nombreuses zones d'ombre que son frère a laissé.
-Je viens. Je voudrais pas priver Snickers de ses joujous.
Et il quitte la chambre, évitant de justesse un ours en peluche qui finit sa course contre la porte.
-Parrain, je peux t'appeler Snickers aussi moi?
Dean lui lance un regard noir, mais devant la mine déconfite du petit garçon, il ne peut que se résoudre.
-Bien sur Kyle, tant qu'on y est…
Sam descend les escaliers, jetant un œil sur Sandra qui le suit, ayant peur qu'elle ne fasse une mauvaise chute. Une fois en bas, tout deux se dirigent vers la cuisine.
-Dean va vous tuer si vous l'appeler Snickers. Il n'apprécie pas du tout ce surnom.
-Et bien s'il me tue, au moins j'aurai bien rigolé avant. Il m'appelle tout le temps Sammy alors qu'il sait que ça m'énerve. Disons que j'ai l'occasion de me venger.
-Et comment réagissez vous quand d'autre que lui vous appelle ainsi?
Sam se rend alors compte de ce qu'elle est en train de lui expliquer. Pour lui, il n'y a que Dean qui peut l'appeler Sammy. Et c'est sûrement la même chose pour son frère. Seule Sandra a le droit de l'appeler Snickers.
-Ok c'est bon, je le lâche avec ça.
-Merci pour lui. Je m'en voudrais de l'avoir mis mal à l'aise.
-Vous vous êtes connu comment?
-Il ne vous en a pas parlé?
-Non. A vrai dire, je n'ai appris votre existence qu'après votre appel.
-Il ne se confie pas facilement, c'est dommage.
-Il m'a juste parlé d'une chasse.
-C'est exact. Votre père et Dean sont venus nous aider. Problème de poltergeist. C'était il y a 6 ans.
-Je ne m'en souviens pas..
-Il me semble me rappeler que vous passiez plus de temps à l'école que sur les chasses.
-Oui, c'est vrai. Mais je sais que Dean ne m'a jamais parlé de celle-ci. Ca je m'en souviendrais.
-Il a ses secrets et je le comprends.
-Donc, vous ne m'en direz pas plus.
-…
-Je peux au moins savoir s'il y a quelque chose entre mon frère et vous?
-Oui, il y a quelque chose. Mais là non plus, ce n'est pas à moi de vous en dire plus. Bon, aidez moi à préparer le repas maintenant.
Tout deux s'affairent donc dans la cuisine, tentant de préparer un festin pour fêter ces retrouvailles. Le repas fut copieux et délicieux, laissant nos gaillards repus. Kyle avait décidé de faire tout comme son parain. Il se tenait à table comme lui, se resservait comme lui. Il avait même demandé une bière, comme lui. Ils eurent donc droit à une crise de larmes après le refus de sa mère.
-Bon, il est temps de coucher ce petit monstre.
Elle se lève, et après que Kyle ait embrassé les garçons, il suit sa mère à l'étage. Les garçons se posent au salon, une bière à la main. Quand soudain, ils entendent des cris provenant de l'étage…
