Mon enfer au goût d'absinthe
Le retour du guerrier
Alice entre en trombe dans ma chambre et coupe le son de la chaine hifi.
-Il revient ce soir.
Et merde. Je n'ai pas le temps d'en demander plus qu'elle ressort aussitôt me laissant seule. Je ne m'en fais pas trop, il ne vit plus ici depuis des mois, il va juste rentrer chez sa vieille. Je reste connectée sur internet, mon pc sur les genoux, casque vissé sur la tête me renvoyant la discographie complète de Muse dans les oreilles.
Je ne sais pas depuis combien de temps je suis sur cette page, mais je n'avance pas. Autant arrêter les frais, on verra demain.
Alice revient frapper à ma porte, je reporte mon attention sur ma sœur qui gesticule. Je ne peux pas l'entendre vu que Matthew Bellamy s'égosille. J'appuie sur pause et laisse le débit coutumier de ma cadette me parvenir.
-Il est 20h, on passe à table !
Je rechigne un peu pour la forme mais fini par me lever. Ma petite sœur est aux fourneaux, c'était son tour de cuisiner: un gratin de macaroni. Bien, tachons de faire bonne figure.
Alice est petite, brunette, à la pointe de la mode mais pas cuisinière, raison pour laquelle nous mangeons un plat de pâtes un jour sur deux.
Je porte le tout dans la salle à manger, elle a dressé la table. Et ben, elle progresse la petite.
Après avoir rempli copieusement nos deux assiettes, nous commençons notre repas dans un silence religieux, troublé uniquement par le bruit des fourchettes entrant en contact avec la porcelaine.
-Il va passer nous voir.
Je repose brutalement mon couvert, Alice sursaute.
-Tu comptais me le dire un jour ?
Elle baisse le regard et contemple son plat, bien fait !
-Avant qu'il ne fasse la tournée pour annoncer et fêter son retour, on a du temps devant nous ! Peut-être même que nous serons déjà couchées.
Des coups sont frappés à la porte d'entrée, il fait nuit mais je connais déjà notre visiteur. Il me fait mentir ce con ! Ma sœur part lui ouvrir la porte en silence.
-Bonjour, bonjour !
Je le regarde dubitative, Alice retourne s'assoir.
Il a grossit, sa chemise vert-eau est horrible, bien que je ne sois pas LA spécialiste en mode, n'importe qui en ferait la constatation.
-Ton voyage s'est bien passé ?
Je soupire et regarde ma sœur. Elle veut vraiment jouer le jeu de la conversation, bon.
Je prends mon courage à deux mains et attaque.
-Tu es rentré par où finalement ?
La dernière fois que je l'ai eu au téléphone trois jours plus tôt, il n'était pas capable de me le dire. La seule information que j'avais pu glaner était qu'il atterrirait prochainement quelque part sur le continent américain d'ici quelques jours. Ce mec est une plaie.
-J'ai fait une escale à Tokyo.
Très logique, mais venant de Charlie il faut s'attendre à tout.
-Tu nous as ramené quelque-chose ?
Les yeux de ma sœur s'illuminent. Je la comprends, elle n'a que seize ans, elle est naïve. Je souffle « ma gueule » doucement bien que je sache que ça ne passera pas inaperçu. De toute façon c'est voulu.
-Tu n'as pas prévenu ta sœur pour rajouter une assiette ?
Une bouffée de haine remonte le long de ma gorge et comprime mon cœur. Alice ramène un couvert et sert la tâche.
-Je vais rester dormir ici ce soir !
Non. Je le regarde avec de grands yeux ronds et les mots sortent seuls :
-Pour qui tu te prends ?
-Je suis encore chez moi !
-Ça reste à prouver !
Alice me donne un grand coup de pied sous la table et fait les gros yeux. J'affiche un air impassible, détaché, et bois une gorgée d'eau.
Il se lève et part chercher un pot dans un de ses sacs dans l'entrée. Alice en profite pour mimer un « silence » entre ses lèvres. Je croise mes bras sur ma poitrine, je n'ai plus faim.
Il ouvre un pot de confiture d'abricot où séjourne une mixture compacte rouge. Une odeur pestilentielle remplit la pièce. Je recouvre mon nez avec mon gilet. Irrespirable.
-Mais c'est quoi cette horreur !
Ses pupilles vitreuses croisent les miennes.
-Du piment.
Ce n'est pas le scoop de l'année, rien qu'à l'apparence je l'avais deviné, c'est l'odeur en revanche qui est étonnante.
Alice reprend le sujet épineux « souvenirs de Thaïlande », et je rigole mentalement.
Je me prête de mauvaise grâce à la conversation en cours, large sourire hypocrite:
-Tu n'as pas maigri.
Il me regarde, il me fait pitié, mais je ne continue pas. Il marmonne, Alice en rajoute.
-Non, c'est juste que…
Elle fait des gestes illustrant un apport en largeur dans les trois dimensions. J'explose de rire et contamine ma petite sœur.
Il reste à nous observer, immobile, sans comprendre, perdu. Vraiment il me ferait presque de la peine si j'avais encore un cœur pour lui.
-Le mot que tu cherches est dilatation ! Il s'est dilaté !
Nous rions plus fort, il referme sa bouche et l'information semble être parvenue à ses trois neurones.
Ma sœur insiste et il finit par avouer ce que je devinais depuis le début, il ne lui a rien ramené, prévisible.
Alice laisse exploser sa colère, prévisible deux fois.
Ma sœur n'est pas un ange, ni un démon mais elle supporte très mal les déceptions.
Dans mon cas, ce n'en est pas une, je m'y étais préparée. Alice me fixe.
-Ne me dis pas qu'il ne nous à rien rapporté !
J'acquiesce. Alice frappe sa tête contre le bois de la table, je dois intervenir.
-Alice arrête, tu risques de devenir plus folle que tu ne l'es déjà !
Elle me lance un regard noir mais termine son manège. Je suis écœurée, je ne supporte plus sa vue, mon rythme cardiaque s'accélère et je retrouve ses sensations que j'avais bien trop vite oublié.
Ce corset qui se resserre, emprisonnant mes poumons et mon palpitant qui poursuit sa course effrénée. Je ne me sens pas bien, il faut que je me calme, j'ai besoin de prendre l'air.
Je me lève et quitte la table. Alice me suit dans la cuisine.
-Tu pourrais être gentille avec lui, si tu veux qu'il…
Je la coupe dans son monologue, mauvaise.
-Je vois ce que ça te rapporte.
Je ponctue ma réplique d'un petit sourire, la déferlante ne se fait pas attendre.
-Tu es mauvaise avec tout le monde tu m'étonnes que tu n'es pas plus d'amis !
Elle me laisse seule, ce n'est pas pour me déplaire. Je retourne dans ma chambre et consulte mes mails, rien. Un sms clignote sur mon portable :
« Alice ma prévenu, courage, si tu as besoin n'hésites pas E. »
Je tape rapidement une réponse sinon connaissant Emmett il va débarquer dans l'heure si je ne le rassure pas et ce ne sera pas jolie-jolie.
« Pas de soucis, Alice est avec lui, tout va bien B.»
Emmett Cullen est un nounours sous sa carapace de gros dur, mon ami le plus fidèle.
Il est en deuxième année de sport sur Seattle et rêve de devenir coach sportif, il m'a souvent sorti de situations plus ou moins… délicates. Fils unique, ses parents habitent de l'autre côté de la ville, son père est chirurgien dans notre modeste hôpital.
J'essaye de me reconnecter à mon commentaire d'arrêt mais visiblement l'inspiration ne viendra plus ce soir. Frustrée, je referme l'ordinateur et redescend dans le salon. Une bouteille git au sol, vide. Alice contemple un objet en bois d'où pendent des fleurs en papier crépon jaune. Elle le passe sous mes yeux, une fine cordelette rouge fixée sur le panneau noirci par des hiéroglyphes en Thaï.
-C'est pour apporter du bonheur !
Je regarde Charlie, il est beurré. Il se lève, et tangue. Finalement il se stabilise et avance vers l'escalier, ma sœur sur ses talons. Mauvaise idée.
-Laisse-le !
Elle se retourne mais avant d'avoir eu le temps de répondre, la voix éraillée et chargée d'alcool de Charlie Swan retentit devant elle.
-Ferme-la Bella, tu n'es qu'une égoïste qui ne pense qu'à ta gueule, tu ne vois que ton petit nombril !
Il croit encore que ce genre de phrase peut me blesser, je ne suis pas cette fille, cette ado qu'Il pouvait malmener à sa guise. J'ai grandi et plus personne ne me fera taire.
Ma sœur l'escorte jusqu'à sa chambre qu'elle a nettoyé dans la semaine. Il entre et lui claque la porte au visage, encore.
Je pause ma main sur son épaule dans un geste de réconfort mais elle se dégage et entre dans ses appartements. Deuxième claquement.
Je souffle mais ne lui en tient pas rigueur, après tout c'est difficile pour elle aussi.
Mp3 branché, casque revissé sur les oreilles, le classique est de rigueur ce soir.
Je ferme les yeux bercée par Frantz Liszt et laisse revenir le fil de ma vie.
Bella Swan, 19 ans, étudiante en deuxième année de droit, en charge d'une sœur cadette en crise d'adolescence, orpheline de mère et fille d'alcoolique.
Bonjour à tou(te)s !
Voici une nouvelle fic, radicalement différente de « Bienvenue dans le Centre » que je ne laisse pas tomber, le chapitre 12 arrive comme promis avant dimanche !
Merci à ma chère Capit-Alice pour son aide, ses conseils et son inspiration pour le titre
Cette histoire est plus sombre. Maintenant je vous laisse le choix si vous voulez une suite ou si je pars me cacher^^
xoxo Calestina.
