Bonjour à tous ! Bon en fait je ne prévois avec ça qu'un ou deux chapitres, mais c'est déjà de quoi m'occuper (mdr et vous occuper aussi ^^). En fait, toute cette histoire me vient d'un rêve. L'émotion que j'ai ressentie cette nuit là m'a poussé à écrire. La première image, sous la pluie, et gravée depuis une semaine dans ma mémoire sans que je puisse m'en détacher ! Et le « rouge sur noir », c'est pire encore TT ! Voici donc le premier jet, basé sur mon subconscient… et l'imagination a fait le reste ! ) J'ai vraiment essayé de retranscrire l'ambiance, mais du coup ça donne une écriture super dépouillée, en tout cas bien différente de d'habitude ! Je pense avoir réussi : je tremble autant en le lisant qu'en l'écrivant !
Le nom, par contre, me vient directement de mon rêve ! (je me demande parfois ce qui me passe par l'esprit, mais vaut peut être mieux ne pas y penser TT… Je suis contrôlée par le démon des nuits bizarres, méfiez vous ! ) Lol excusez je suis folle. Vous en faites pas, c'est sombre mais ça passe.
Quand à la spéciale dédicace, ça va vous paraître pompeux mais j'aimerai la faire à la Corée… Ce petit pays qui à tant souffert et qui mérite l'attention. Allez fini les déclarations je me lance ! A vous maintenant…
Celui qui chante après l'amour.
Prologue
Puissante et glacée, la pluie parcourt et transperce mon corps, comme pour finir de m'absorber complètement. Elle s'écoule le long de mes phalanges crispées sur la pelle, d'une caresse presque mortelle. J'en suis sûr, avant demain, il aura neigé.
Partout autour tout n'est que barrières, frontières, barbelés et grilles. Partout autour tout n'est que souffrance, faim, maigreur et mort.
Je fais partie de ces âmes fantômes qui ne vivent que pour survivre.
Je fais partie de ces vies oubliées qui s'enfoncent progressivement vers la mort.
Le froid pénètre partout, sur ma poitrine, près de mon cœur. Il s'accroche à mes cheveux et descend paresseusement sur mes joues. Il glace mes os, à peine recouverts par ma peau.
Sous l'épais rideau de pluie, les contours du camp de détenus s'amenuisent, s'effacent, disparaissent. Ici, je fais partie de ces hommes qui ont perdu la liberté à cause d'une guerre qui leur à tout pris. Mais je me refuse à penser une fois de plus au passé à tous mes passés.
Pour survivre, il faut oublier.
Première partie : Celui qui souffre en silence.
Je creuse.
Je creuse un trou pour ne penser à rien d'autre. Je ne suis plus qu'un numéro : 1425.
Et sournoisement, mon passé me rattrape. Je revois notre arrestation, les interrogatoires, les coups les pressions toutes ces nuits où il nous avait fallu être cinq pour arriver à s'apaiser, à s'oublier, à s'endormir.
Junsu était parti le premier, enlevé par deux militaires. Il n'était jamais revenu. J'avais hurlé, pleuré, tapé sur la lourde grille qui me retenait, seule frontière encore entre son corps et le mien. J'avais dû apprendre son absence, son silence et l'oubli qui m'anesthésiait. J'avais dû accepter que le numéro 1424 fût définitivement effacé des registres du camp.
J'avais dû comprendre la haine et la rage.
Je me souviens avec précision du jour où j'ai perdu une nouvelle part de moi-même. Debout, silencieux, hagard, j'attendais dans le froid, écrasé par la hauteur et la désillusion des murs qui m'entouraient. Je me souviens de la voix de Jaejoong lorsqu'il a suivi un groupe de détenus désignés. Il savait qu'il ne reviendrait pas.
Il m'avait regardé, puis Changmin, puis Yunho, et il avait simplement murmuré, dans un petit rire désabusé : « A bientôt, les mecs ! ». Je me suis rendu compte dans sa voix qu'il pleurait en silence.
Finalement, la dernière chose dont je peux me souvenir, c'est le jour morne où ce fût mon tour. Du jeune militaire qui palpa mon épaule pour en mesurer la musculature. D'une voix ennuyée, il avait simplement fait l'effort de dire « Celui-là aussi. ». Changmin et Yunho étaient restés derrière. J'avais refusé de les regarder, de me retourner. Je ne voulais pas les voir pleurer.
Un nouveau trajet dans le noir des camions, de nouveaux murs et barbelés, de nouveau des insultes, des cris, des coups de nouveaux morts sous mes yeux. Le reste s'était noyé dans l'oubli, la fuite du temps me faisant progressivement oublier ma condition d'humain, d'artiste, de vivant.
Je fais partie de ces vies oubliées qui s'enfoncent progressivement vers la mort.
Mais mes dernières forces désertent mon cœur, mes bras ne puisent la force de creuser que dans ma pensée tourmentée. Je suis condamné à souffrir seul. A mourir dans un silence de fantômes.
Je rêve souvent des yeux de Junsu. Ils ont été le berceau de ma force, de ma voix ils ont été la chaleur qui me faisait avancer. Je rêve souvent des yeux de Junsu qui s'éteignent.
De minces coulées boueuses recouvrent le trou que je creuse. Ils sont cent, mille à travailler en silence sans même savoir à quoi bon. Je fais partie de ces êtres qui luttent contre le temps.
A mes côtés, un homme simple, encore jeune qui me regarde sans cesse d'un regard interrogatif. Je sais ce qu'il veut. Il aimerait que je me confie, que toute cette souffrance soit lavée avec l'eau qui nous fouette sans pitié. Il aimerait m'aider. Il sait qu'il ne pourra pas, et je le sais aussi.
Entre nous passe une entente forgée de cette unique pensée.
La pluie bat et, sur le chemin boueux, une limousine noire pénètre et transperce toutes les grilles, vainc les barbelés agressifs qui s'ouvrent à son passage. Je rêve à ces hommes qu'elle abrite, qui ont vu le soleil sans qu'aucunes chaines ne les entravent. Je rêve aux yeux de ces hommes.
Elle traverse dans un murmure cet océan infernal, union du sang des hommes et de la pluie qui le lave. Là-bas, bien loin de moi, elle s'immobilise en silence. Il me semble que mes oreilles n'entendront jamais plus que le bruit de mon cœur. Jusqu'à ce qu'il faiblisse. Qu'il cesse de battre. Pourtant.
Une voix, à mes côtés, murmure comme un chant étonné :
- C'est celui qui chante après l'amour…
Une autre s'élève, fantomatique, parmi les battements des gouttes.
- Il est ici… Pourquoi vient-il jusqu'ici ?
A l'entente de ces deux voix, nous nous sommes arrêtés. Je veux distinguer à travers la pluie l'homme qui a vu le soleil à travers les vitres de la limousine. Mes yeux rencontrent une couleur violente, qui défie ici le noir et le gris qui m'entourent. C'est un Kimono rouge sang.
L'homme qui le porte reste de dos, immobile presque fier. Le noir de ses cheveux longs tombent en vague couvrir la trop puissante couleur de son habit.
Rouge sur noir.
Mais il faut que je sache. Ma voix trop longtemps enfouie se libère, rauque, dans un murmure lancé aveuglément. « Qui est-il ? ». Je ne reconnais pas ce son.
C'est l'homme qui me répond, avec douceur. Il me semble qu'il est le seul à m'entendre. Même si j'avais crié.
« Celui qui chante après l'amour… C'est un jeune prisonnier qui à été désigné. Il est la geisha de tous les dirigeants militaires et politiques de la guerre. ».
Mon cœur se serre d'ironie à l'idée de cette vie oisive où ne subsiste que du sexe.
Cet homme n'a pas vu que le soleil. Mais il a pu le voir. Sentir sa chaleur.
Il n'a pas vu la mort, la faim, les grilles il n'a pas vu la boue recouvrir une vie. La haine irrigue mon cœur de toute sa force, de toute sa puissance malsaine. Je demande avec un ton de raillerie « Et pourquoi ce nom ? ». L'homme tressaille. Il a compris ma rage, qui résonne sur tout mon être comme une impuissance.
Je fais partie de ces cœurs blessés et humiliés qui n'ont même plus le droit de choisir de battre.
« On dit qu'il chante. Alors que les hommes en ont terminés avec lui, on dit qu'il chante, comme un murmure, toujours le même air. Il chante pour oublier qu'il n'a même plus de vie. »
Là-bas, le Kimono se fonce sous la pluie glacée. Il n'a toujours pas fait un geste. D'autres hommes descendent, je crois les voir lui intimer d'avancer. Aucun mouvement n'ose faire tressaillir le lourd habit de sang. Des mains l'attrapent, veulent le tirer, le traîner, l'attirer, l'emmener. Je le vois résister.
Les mains se font pressantes, urgentes, tyranniques. Les mains se font violence. L'une d'entre elles s'élève, et s'abat sur son visage.
Je vois ses cheveux parcourus d'un long frisson.
Le pas lourd d'un militaire fait trembler le sol. Il crie : « Au travail, bande de larves ! » Son bâton s'abat sur un dos, puis un autre. Les hommes à mes côtés, en un seul et unique mouvement, retournent à leur tâche. Il me montre du doigt : « 1425 ! Tu vas nettoyer le hall du bâtiment ! ».
Je frissonne. Chaque changement dans notre illusoire stabilité peut nous rapprocher de la mort.
Au loin, mon nouveau lieu de travail m'attend. Tout est noir, habituel. La brûlure du bâton sur mes côtes et le cri à mes oreilles intiment à mes jambes d'avancer. Il est trop tard pour éviter de se faire remarquer, à présent. Bien trop tard.
Le regard de l'homme que je laisse derrière moi est inquiet, troublé. Nous vivions sans nous remarquer, mais l'absence de l'autre est devenue lourde de sens.
Je suis un numéro isolé. Je marche seul au milieu du royaume boueux, les murs imposants se rapprochent, m'écrasent. Je fais partie de ces corps que la guerre a rendus insignifiants. Je n'en suis qu'un parmi d'autres.
Je m'arrête subitement. Le dégoût remonte des profondeurs de mon âme. Le dégoût et l'aversion. Devant moi, il est au centre du hall. Celui qui chante après l'amour.
Il est de dos. Immobile de nouveaux. Mes phalanges serrées autour du balai. Mon cœur battant à la chamade.
Dans la vitre d'en face, malgré l'obscurité, je peux apercevoir un filet de sang. Il prend naissance juste à la base de son nez. Contourne les lèvres rouges. Se perd dans son cou.
J'ai envie de vomir, essuie l'eau qui me brouille la vue. Et de ma voix la plus malveillante :
« - Tiens ? Qu'est-ce-que tu attends ici ? Tu es là debout, tu sais que la chaleur t'attend. Pourquoi tu ne bouge plus ? Pourquoi tu ne vas pas les rejoindre ?
Tu te pense peut-être malheureux, délaissé du destin. Tu t'imagines que le monde doit te plaindre. Pauvre petite créature à la merci des hommes…
Mais tu crois quoi, putain ! Tu n'as jamais vu la mort, ni senti la faim, ni assisté à l'agonie et à l'enferment ! Tu vois le soleil ! Tu crois que tu peux te plaindre ? Tu crois que tu as le droit de chialer ?
Tu bouffe à ta faim, tu dors dans un lit, tu ignores la solitude ! Qui est crédule, ici ? T'es sincèrement ridicule ! Tu me dégoute à un point… Va au diable, toi et ton prétendu malheur ! Mais ne viens plus jamais nous narguer avec ta gueule de victime… ! »
Je tremble, mon corps trop tendu perce de douleur. Je cri ma rage épuisée de s'être longtemps tue je hurle mon malheur comme un ultime sursaut d'agonie. Et lui, n'a toujours pas fait un geste.
« Tu ne sais pas ce que c'est, petit con, que de creuser des trous à longueur de journée ! Tu n'as qu'à laisser les autres creuser le tien avec plaisir ! ».
Je me tais d'un coup.
Il a eu un sursaut sur la fin de ma phrase. Un long sursaut. Comme celui que je fais en me réveillant d'un cauchemar.
Un sursaut de souffrance.
Dans un frémissement, le long kimono se met en mouvement. Ses cheveux glissent sur l'étoffe. Il se tourne vers moi, si lentement.
Sa voix m'atteint comme une vague brulante : « Tu crois vraiment que tu as le droit de me juger, Yoochun ? »
Junsu.
Une douleur dans ma poitrine. Comme mille flèches atteignant leur cible en même temps. Mon esprit assailli de milliers d'images.
Son corps. Exploré, malmené, contraint, découvert, entrouvert. Son corps manipulé par mille mains, mille doigts.
« Tu as le droit de me juger, Yoochun ? ». Sa voix m'assourdit, elle ne prend naissance que dans mon imagination. Sous le joug de la surprise, du supplice, mes jambes s'effacent sous moi.
En moi s'est ouverte une plaie béante.
Une de plus.
Celui qui chante après l'amour n'est autre que mon ancien amant.
