PDV HG
La guerre, bien qu'horrible et meurtrière est quelque chose qui nous est inconnue, nous, les spectateurs qui n'en connaissent que ce dont les écrans nous montrent. Tous ces hommes, combattants, morts ou blessés montrés comme des héros, infaillibles à la douleur et défiant la mort pour le bien de leur patrie. Mensonges. Que des mensonges. Elle était là, au milieu de ces combats acharnés, de ces sifflements incessants fruits des tirs de mitraillettes et de bombes. Au milieu de ses amis s'effondrant les uns après les autres.
Sa psychologue, Parvati Patil, lui dit sans cesse qu'elle doit se pardonner d'avoir survécu. Mais elle ne le peut. Elle ne comprend pas, pourquoi elle ? Revenir du champ de bataille a des conséquences, les insomnies lors des bonnes nuits, les cauchemars atroces et douloureux lors de ces trop peu nombreuses nuits de sommeil. Mais la culpabilité, cette culpabilité d'avoir survécut tandis que d'autres mourraient à côté d'elle, lui bouffait les entrailles de l'intérieur et lui donnait envie de mourir.
Les antidépresseurs, c'est bien. C'est bien un temps, puis ça devient inutile. Et vient l'alcool, doux réconfort dans son monde de solitude. Elle sombre toujours plus profondément dans les méandres de sa vie.
- "Mon nom est Hermione Granger et je suis ici car je souffre d'un choc post-traumatique suite à mon retour d'Afghanistan."
- "Bonjour Hermione."
- "Il y a deux ans, j'ai terminé mon internat comme médecin avec dans la tête l'envie de partir exercer dans des pays défavorisés. Malheureusement la vie ne semble pas toujours vouloir aller dans notre sens et après la mort de mon père, pilote dans l'armée de l'air, et mort en service, j'ai décidé de me lancer comme médecin dans l'armée. J'ai servi deux ans et suite à une blessure accompagnée d'un trauma crânien j'ai été mise à l'arrêt. Je parle peu de la vie là-bas et je ne ressens pas le besoins d'en parler. Je ne suis ici que pour prouver à ma psychologue que je suis apte à reprendre le travail comme médecin. Elle marque un temps de pause dans son récit. Merci."
- "Très bien, merci Hermione, maintenant…"
La séance continue, mais Hermione ne prend pas la peine d'écouter les récits de tous ces gens meurtris. Venir à ces séances, c'est comme mettre les pieds de son plein gré en enfer, et l'enfer ça craint. Vraiment, quel est l'homme assez masochiste pour vouloir s'infliger toutes ces souffrances contées lors de ces séances ? Patil, optimiste qu'elle est, s'emploie à lui prouver le contraire et, elle, elle ne lui dira jamais que depuis la toute première séance, l'ancienne combattante avait développé bon nombre de tactiques afin de ne plus avoir à écouter ces gens se plaindre. Aujourd'hui, elle prétexte une migraine. Plausible, il n'est pas rare pour les gens comme elle d'en souffrir. La jeune femme sort de l'immeuble glauque à souhait et sort de sa poche, ses plus fidèles compagnons, ses lucky strikes. Première taffe, inspire, expire. Dehors le ciel est sombre et les premières gouttes d'eau s'écrasent sur ses cheveux. Deuxième taffe, inspire, expire. Devant elle une femme embarque dans le taxi qui lui était destiné. Tant pis, c'est mieux de marcher, d'être en mouvement. Encore une, inspire, expire. Ça aide, être en mouvement, ça garde l'esprit occupé. Encore une. Elles la tueront. Encore une. Hermione accélère le pas dans l'espoir de se mettre à l'abri le plus vite possible. Une autre. La pluie s'abat à grosses gouttes maintenant et ses efforts se révèlent vains, elle est trempée.
Indifférence.
Dans un geste calculé, elle écrase sa cigarette sur le trottoir. L'indifférence. Drôle de sentiment. Sa psychologue la rassure, c'est naturel. Naturel de ne plus rien ressentir. Ni joie, ni peine. Juste de la colère dans son cas, son monde est emplit de colère. Mais la colère ne se fait ressentir que lorsqu'elle songe au passé. Aujourd'hui elle est incapable de profiter des petites choses de la vie. Ses livres, ses amis, sa famille. Même l'écriture. Plus rien, ni même sa passionne parviennent à la faire réagir. L'ancienne Hermione est morte sur le champ de bataille à l'instar de ses plus proches amis. La page blanche ? Quelle absurdité d'avoir peur de ne plus avoir d'inspiration lorsque l'on a vécu dans l'angoisse de nouvelles attaques. Plus de 6 mois qu'Hermione n'écrit plus. Son échappatoire s'étant transformée en prison depuis son retour.
Arrivée devant son petit immeuble de banlieue, elle recherche ses clés sous la pluie battante, ses écouteurs enfoncés dans ses oreilles, se balançant doucement sur la musique. Quand elle passe, enfin, la porte de son chez soit elle est trempée jusqu'aux os.
Ici, c'est calme.
Plus de sons de voitures, de passants. Plus d'odeurs de pollutions, de nourriture. Plus rien.
Ici, c'est calme.
Son taudis est dans un état lamentable entre les cadavres de bouteilles, les mégots de cigarettes et les restes de nourriture. Elle est loin, cette Hermione qui en aurait fait une crise. Elle se débarrasse de son manteau, bien trop léger pour la saison, qu'elle jette négligemment sur son canapé détruit par le temps et passe par son petit salon. C'est cosy comme lieu de vie. Il ne contient qu'une bibliothèque accolée au mur donnant sur la rue, ainsi que son fidèle canapé accompagné d'un vieux coffre en bois jonché de bouteilles. Pas besoin de télévision, elle a vu assez d'horreur pour toute une vie. Les murs d'une couleur jaunâtre, sont tachés et endommagés par les années mais c'est son chez elle et ici,
C'est calme.
L'eau coule, chaude sur sa peau, comme une délivrance à ces longues minutes passées à l'extérieur. Goutte après goutte, elle se détend avant que les hurlements des voisins troublent son bien-être. Un bruit de verre qui se brise, une porte qui claque, un coup dans le mur puis plus rien. Leurs disputes quotidiennes animent l'immeuble le temps d'un court instant et puis de nouveau le silence. Oppressant. Alors, elle se dirige vers la cuisine, seulement vêtue d'une serviette de bain, dans le but d'oublier sa solitude.
Première gorgée, le liquide brûle sa gorge et l'oblige à tousser. Deuxième gorgée, elle allume ses enceintes et les premières notes de Think Twice résonnent. Troisième, la brûlure s'estompe et avec elle, ses démons. Elle dance, se libère, vit et les verres s'enchainent, son esprit s'emplissant d'un brouillard apaisant.
Elle sombre, encore et toujours.
PDV DM
La musique emplit le bar d'une douce mélodie. Il se déplace vers sa proie, confiant et sûr de lui. Il l'a vu l'observer toute la soirée. Son verre de whisky à la main, il s'apprête à l'aborder, cette jolie blonde aux yeux verts. Belle. Certes, pas autant que sa dernière conquête mais il s'en contentera pour ce soir.
La lumière vacille soudain, il se stoppe dans sa traversé du bar. Sa vision se rétablit, pourtant à peine son mouvement amorcé, une migraine l'oblige à battre en retraite vers les toilettes des hommes. Le jeune homme aux cheveux blonds platine passe de l'eau sur son visage et se regarde dans la glace. Il est beau. C'est une constatation, un fait. Pas seulement grâce à ses traits aquilins, il est beau parce qu'il est sûr de lui, de ce qu'il dégage. Il sait qu'il est meilleur que les autres. La vie lui a tout donné. Richesse, beauté, intelligence, patrimoine, tant de chose que la vie lui a fournie sans rien lui demandé en retour et qui le discerne de la populace.
Il se redresse, un vertige le prend. Abus probable d'alcool. Sors ton téléphone, appel ton chauffeur, rentre. Sa conscience prend le relais et il ne peut que se plier à ses exigences. Il se dirige péniblement vers la sortie du bar, son chauffeur l'attend, fumant une cigarette sur le parking du bar. Il entre dans sa limousine et ferme les yeux. Elles sont trop fréquentes. Trop intenses. Il sort ses cigarettes. Mauvaise idée, à peine la première taffe entamée, la nausée l'assaille et il ouvre la fenêtre dans une vaine tentative de conserver le contenu de son estomac. Le courant d'air frais qui s'engouffre dans le véhicule, lui permet enfin de respirer. Les minutes s'écoulent lentement. Inspire, expire. La nausée persiste, comme encrée. Inspire, expire. L'alcool c'est fini. Inspire, expire. Mais encore une gorgée, juste pour la faire passer. Inspire, expire. Peine perdue, il rend tripes et boyaux sur le sol de la limousine. Lorsque la voiture arrive enfin devant le manoir familial, il se hisse hors d'elle, trainant son corps douloureux vers la bâtisse. Sonne. La nouvelle domestique, il ne prend plus la peine d'apprendre leurs noms, lui ouvre la porte les yeux plissés de sommeil. Trois heures du matin, tant pis pour elle. Nouveau vertige.
Il sombre.
