La Chambre d'Adrien

Gabriel Agreste est assis à son bureau, pensif. Son portable sonne, c'est Nathalie.

- Monsieur, je suis désolée de vous dire que Adrien est entré au collège avant qu'on ne le rattrape.

- Je vois.

- Voulez-vous qu'on parle au proviseur ?

- Non, vous pouvez rentrer.

- Bien monsieur.

Gabriel raccroche et sort de son bureau. Il se dirige vers la chambre de son fils. Au moment d'ouvrir la porte il hésite, cela fait longtemps qu'il évite de regarder l'intérieur de cette pièce. Gabriel se décide à entrer. La chambre est aussi sinistre que dans son souvenir, peut-être plus. Est-ce que c'est lui ou les gribouillages sur les murs sont plus nombreux ?

Ça avait commencé après la mort d'Émilie, Adrien écrivait sur un mur de sa chambre avec un marqueur indélébile, il y avait aussi des dessins. Quand Gabriel s'en était aperçu il était furieux mais aussi effrayé. « C'EST TA FAUTE ! », « NAZE ! », « CRÈVE ! », « DÉBILE ! », plein de messages d'insultes près de son lit, dirigés contre lui-même. Les dessins représentaient Adrien mais mort, pendu, poignardé, … et l'adolescent était sur son ordinateur, en train de faire une partie d'un jeu de combat, comme si tout était normal. Il s'était adressé à lui :

- Adrien, ces messages sur le mur, pourquoi as-tu fait ça ?

- De quoi tu parles ?

- Tu sais bien enfin, regardes moi ça ! La femme de ménage ne va pas être ravie !

- Je ne vois rien.

Il avait beau insister, Adrien refusait de reconnaître qu'il y avait des dessins sur son mur. Gabriel avait laissé tomber, Adrien pouvait faire ce qu'il voulait de sa chambre après tout, et s'il ne voulait pas lui en parler qu'est-ce qu'il pouvait faire ? C'était une erreur. Les marques se multipliaient et Adrien faisait encore l'innocent. Non, en fait il ne les voyait vraiment pas, Gabriel l'avait compris. Mais ça allait passer non ? C'était peut-être juste une phase, une crise d'adolescence ? Nathalie lui avait mentionné qu'une visite chez un psychologue était peut-être nécessaire, mais Gabriel avait refusé. Adrien n'était pas fou ! Il se comportait bien, il travaillait sérieusement comme mannequin et était bon dans ses études.

Maintenant, il s'était enfui pour aller à l'école. Un caprice étrange pour un garçon de son âge, mais en regardant sa chambre vide et couverte de feutre noir, Gabriel se dit que peut-être Adrien devrait sortir plus souvent, une minute dans cette pièce suffisait à le mettre mal à l'aise. Et c'était pareil avec son fils ? Qui sait si aller dans une école publique où il serait meilleur que tous les autres élèves n'aiderait pas Adrien à avoir plus d'estime de soi ? Mais Gabriel avait quelque chose de plus efficace pour l'aider, épinglé derrière sa cravate. Avec l'ultime pouvoir, il pourrait sauver Adrien de ce qui le tourmente.