J'ai commencé cette fic au mois de mai, elle compte pour le moment quatres chapitres. Elle reprend la trame principale du jeu Dragon Age, certains dialogues, le tout agrémenté des pensée et sentiments du perso principal. J'ai choisi pour ce dernier la classe voleur (car c'est ma classe de prédilection^^) et l'origine elfe dalatien (car j'aime beaucoup cette race et bien que toutes les origines possèdent leur attrait, je trouvais celle-ci plus adéquate à ce que je voulais faire).

Je reprend donc les grandes lignes du jeu, rencontre avec les compagnons, quêtes principales, romance, ect...

Le perso évoluera au fil de l'histoire, je ne suis pas pro-elfe (ou anti-humain) je vous rassure^^


Si j'avais su ce qui allait se passer ce matin là et à quel point cela bouleverserai les fondations mêmes de mon existence, je me serais abstenu d'aller m'aventurer au plus profond de cette clairière avec Tamlen… Je me souviens de ce jour maudit comme si c'était hier…

Voilà plusieurs lunes que nous avions élu domicile au sud de la forêt de Bréciliane. J'appartenais à l'un des nombreux clans elfes dalatiens, nomades depuis des générations suite à la chute de notre terre d'attache la Dalatie. Nous étions toujours en mouvement, et nous montions notre camp toujours à la lisière des bois, suffisamment loin des contrées humaines. Ces mêmes humains qui des ères auparavant nous avait arraché à notre patrie, sous prétexte que nous n'adorions pas leurs dieux et que notre esprit de liberté les dérangeait…

Nous n'avions rencontré aucun problème en nous installant ici, si bien que nous sommes restés plus de coutume en ce lieu, riche en ressources naturelles la chasse était toujours excellente et la forêt regorgeait de plantes variées et de trésors insoupçonnés.

Mais ce matin là, nous sommes tombés sur une proie indigeste en allant chasser…

Tamlen et moi nous connaissions depuis l'enfance, nous étions inséparables et avions pour habitude de commettre nos incartades de concert, c'est donc tout naturellement que ce matin là nous étions parti tous deux à la chasse sans en avertir l'Archiviste, sous le couvert de l'aube à peine éveillée, alors que nous avions d'autres obligations au camp.

Le temps de cette douce matinée était en notre faveur, idéal pour une embuscade réussie, le vent étant de notre côté, les rayons du soleil perçant à peine les feuillages des grands chênes qui se dressaient fièrement pour enlacer leur mère nature.

Nous avions repéré un vieil ours nonchalant quelques mètres en contrebas de notre position et nous nous préparions à l'attaquer sur deux fronts à la fois, Tamlen s'était avancé pour lui faire face avec son arc, tandis que je le prenais à revers munie de mes deux dagues. J'attendais son signal d'attaque, Tamlen étant le plus à découvert, c'était à lui de décider du moment pour lancer l'assaut mais après de trop longs instants de silence et l'ours qui finit par s'engouffrer dans un virage hors de ma portée, j'en conclus qu'il devait y avoir un impondérable. Je me dirigeai alors vers la position de mon ami et entendit d'autres voix résonnaient en plus de la sienne, qui s'élevait de manière agressive.

Lorsque j'arrivai finalement à sa hauteur, je sortis mon arc et me plaça à ses côtés, face à lui trois shemlens hagards :

- Tu tombes à pic, j'ai trouvé… ces humains terrés dans les fourrés, des brigands sans doute.

- On n'est pas des brigands juré ! Ne nous faites pas de mal…

- Pitoyable. J'ai du mal à croire que vous autres shemlens n'ayez jamais pu nous extorquer

nos terres.

- Nous on a jamais fait de mal aux dalatiens ! On ne savait même pas que c'était votre

forêt !

- Cette forêt n'est pas notre imbécile. Vous vous êtes aventurés trop près de notre

campement. Maudits shems, vous êtes incorrigibles.

Qu'en dis-tu, iëthallan ? Qu'allons-nous faire d'eux ?

Même si je reconnais qu'à l'instar de Tamlen je ne portais pas les shemlens en haute estime bien au contraire, la curiosité a toujours été chez moi la plus forte face au mépris… Et la présence de trois shems, aussi peu malins qu'ils semblaient l'être, était pour le moins inhabituel, si prés de notre campement.

- Tâchons d'abord de savoir ce qu'ils font ici.

- Quelle importance ? Epargnez ces humains nous obligerez à lever le camp.

- E-écoutez… on ne voulait pas faire d'ennuis. On a juste trouvé une caverne…

- Oui une caverne, avec des ruines comme on en a jamais vu ! On a pensé qu'il y avait peut-

être…

- Un trésor ? Ce qui fait de vous des pillards et non plus de vulgaires brigands.

Etant donné notre présence prolongée ici, j'avais eu tout le loisir d'explorer les environs et je n'avais jamais remarqué une telle caverne ! Et je suis pourtant bien plus aguerrie que ces misérables shems, qui ne savent même pas se déplacer en forêt. C'est donc sur un ton des plus méprisants que je leur lançais :

- Ha ! J'aimerais bien voir ces ruines !

- Moi aussi, je n'ai jamais entendu parler de ruines dans les parages.

- J'ai… j'ai une preuve ! Tenez… on a trouvé ça pas loin de l'entrée.

L'un des humains, celui qui semblait être le moins couard des trois, et celui qui s'adressait le plus souvent à nous, nous jeta une pierre polie que Tamlen ramassa avec précaution sans quitter ce shem du regard.

- La pierre est gravée de runes… elfiques. De l'elfique scriptural.

- Il y en a plein d'autres dans les ruines mais on n'est pas allé très loin.

Je ne me souciais guère de se que raconter cet humain et m'adressa, intriguée, à Tamlen :

- Tu es sûr que c'est de l'elfique, Tamlen ?

- J'ai vu pareilles inscriptions sur les parchemins de l'Archiviste…

Et c'est tout ce que vous avez trouvé ? Vous n'avez pas cherché plus loin ?

- Il y avait un démon ! Un démon énorme, avec de grands yeux noirs ! Mais on a réussi à lui

échapper, le Créateur soit loué !

- Un démon !

Où est-elle cette caverne ?

- Quelque part, à l'ouest je crois. Il y a une caverne dans la paroi rocheuse, avec un trou

immense dedans.

- Alors ? Tu les crois sur parole ? On les laisse filer ?

Je ne doutais pas de leur bonne foi, ils étaient trop apeurés et pas assez rusés pour nous mentir. Mais les laisser partir pourrait être fâcheux pour notre clan, ils iraient immédiatement rapporter à leur village qu'ils avaient croisés des dalatiens. Et nombres de légendes absurdes circulent sur les nôtres chez le bas peuple des humains, ils nous chasseraient à coup sûr ou pire encore, la peur des humains pour ce qu'ils ne connaissent pas et ne comprennent pas les pousse à d'horrible choses. C'était donc avec une satisfaction dissimulée sous des airs de raison que je répondis à Tamlen :

- Pour qu'ils rameutent toute une armée de leurs semblables ? Tuons les tous.

- Oui ces maudits shems en seraient bien capables. Ce ne sera pas long…

Ce fut en effet rapide, trois shems, trois flèche de haut vol elfique qui sifflèrent dans les airs avant d'abattre d'un coup sec et sans bavure leurs cibles.

- Si nous allions inspecter ces prétendues ruines ? Ces inscriptions m'intriguent je l'avoue.

J'étais moi-même avides de découvertes, et puis désobéir pour désobéir… autant le faire jusqu'au bout.

- Nous devrions en informer l'Archiviste mais je ne résiste pas au goût de l'aventure.

- Ces inscriptions devraient piquer sa curiosité c'est vrai. Mais ne nous emballons pas.

Allons plutôt voir de quoi il retourne. D'ailleurs on est déjà sur place.

Voyons ils ont dit à l'ouest…

La direction de l'ouest déboucha sur la clairière que j'évoquai plus tôt, le soleil ne se montrait désormais plus aussi timide qu'à notre arrivée dans la forêt, il déployait généreusement ses faisceaux sur cette clairière l'éclairant d'un éclat doré verdoyant et nous réchauffant le visage de ses douces caresses. Nous arrivâmes finalement face à ce trou béant dont avait parlé cet humain.

- Voilà la caverne. Je ne me rappelle pas l'avoir déjà vue, et toi ?

- Moi non plus. Allons voir de plus près mais restons sur nos gardes on ne sait jamais.

- C'était bien mon intention. Avec de la chance nos découvertes nous vaudront les honneurs

du clan !

Personnellement je n'étais pas en quête de gloire, cela ne m'avait jamais attiré, non ce qui m'attirait c'était l'aventure, le frisson du danger, l'incertitude du moment menant à l'inattendu. Pour le coup j'allais être servi, au-delà de mes espérances, au-delà de ce que j'aurai imaginé et souhaitait, maudite soit ma témérité et celle de Tamlen !

Nous pénétrâmes alors dans la caverne, il y faisait sombre et froid, pourtant une atmosphère pesante nous encerclait, et étrangement un frisson me parcouru le corps. Les parois rocheuses semblaient datées d'un autre temps, elles étaient serpentées de racines noueuses qui semblaient se complaire dans cette quasi obscurité humide et inquiétante.

Tamlen prit soudain la parole et ma « contemplation » de ce lieu qui m'avait semblé durer une éternité, n'avait en réalité duré que quelques secondes.

- Eh bien le shem avait dit vrai en fin de compte, mais ces ruines ressemblent davantage à de

l'architecture humaine. Etrange.

Cet endroit me glace le sang.

Je n'avais même pas remarqué ce détail, si je puis dire, de son architecture.

- Qu'est-ce que c'est d'après toi ?

- Aucune idée. On dirait un très vieil édifice humain. Dans quel but l'avoir construit ? Et que

feraient ici des reliques elfes ? Peut-être nos ancêtres ont-ils vécu dans des cavernes. Très

peu pour moi… je préfère le plein jour.

Il est vrai que nous en savons si peu sur nos ancêtres et qui sait quelle allure avait cet édifice du temps où il était encore fréquenté, avant que la forêt ne l'investisse. Pourtant je doutais que des elfes aient pu y vivre…

- Je ne crois pas qu'il s'agisse d'une habitation…

- Je ne sais pas. J'ai le sentiment qu'on a… dérangé quelque chose. Comme si on avait

pénétré dans l'antre d'un dragon. En tout cas ce n'est pas ça qui m'arrêtera, je n'ai peur

de rien !

Ces paroles me firent sourire malgré moi, Tamlen l'intrépide ! Il déclamait ces mots davantage pour se rassurer je crois, ce qui en de pareilles circonstances ne semblaient pas inapproprié. Je sentais moi aussi que quelque chose de surnaturel régnait en ce lieu, même si mon imagination n'allais pas jusqu'à prétendre avoir pénétré dans l'antre d'un dragon.

Je ne pus m'empêcher de taquiner Tamlen à ce propos.

- Mais oui c'est ça, cause toujours si ça peut te rassurer.

- Tu peux parler !

Nous éclatâmes d'un rire nerveux qui nous détendit un peu, puis nous reprîmes notre route pour explorer plus avant cette caverne.

A peine avait-on franchi le seuil que des bruits crépitants se firent entendre au dessus de nos têtes. Soudain nous furent attaqué par deux araignées géantes, heureusement que nous avions sorti nos armes prêts à dégainer dès notre entrée dans ces ruines. J'évitais de justesse le crachat de l'une d'elles qui voulait de toute évidence me paralysait avec sa toile et je lui assénai un coup violent au niveau des pattes qui l'a fit chavirer, j'en profitai alors pour lui porter le coup de grâce. Tamlen avait été plaqué au sol par son assaillante et s'en était libéré en la poignardant avant de se dégager de son étreinte poisseuse.

- Argh quelle saleté !

Plus de peur que de mal pour le moment. J'adressai un sourire complice à Tamlen qui tenter de se débarrasser tant bien que mal du sang visqueux de cette créature. Et nous continuâmes avec encore plus de vigilance notre investigation.

Il n'était guère surprenant de trouver ici des araignées géantes même si je n'avais pas coutume d'en voir, elles aimaient à infester ce genre de lieu pour y vivre, nous allions surement en rencontrer d'autres.

L'une des pièces que nous explorâmes était doté de pièges à pression que je désamorçai sans peine, cela m'interpella de trouver pareille mécanismes dans une caverne oubliée depuis des lustres, on ne trouve généralement de pièges que dans des ruines dissimulant un trésor ou quelque artefact de valeur, cela ne me disait rien qui vaille, la gloire était peut-être à notre portée comme l'espérait Tamlen, mais elle s'accompagnait habituellement de mauvaises surprises.

- Pourquoi tiens-tu à ce point à explorer cet endroit ?

- La curiosité. Le désir d'en apprendre plus sur notre histoire. La gloire… les ménestrels

chanteront nos louanges !

- Ne me raconte pas d'histoires, Tamlen.

- Si je rapportais à l'Archiviste une relique du fond des âges, elle me pardonnerait peut-

être… tu sais quoi.

- Merci de ne pas m'avoir dénoncée, à propos. J'aurais dû être punie avec toi.

Encore un de nos écarts de conduite, on s'était évertué à découvrir ce que renfermer l'aravel de l'Archiviste, on y découvrit des parchemins regorgeant de symboles et d'écrits anciens. Notre peuple avait pour habitude de tout partager mais certaines choses ne sont pas à la portée des novices tels que nous, et c'était un manque de respect évident de pénétrer ainsi à la dérobée dans la tente de notre Archiviste, notre guide à tous. Par ailleurs nous avions présumés de nos talents de furtivité et nous sommes fait pincés, j'ai réussi à m'échapper de justesse mais pas Tamlen. Sous le couvert de la nuit, l'Archiviste n'a pas pu me reconnaitre et Tamlen a refusé de lui avoué qui j'étais, bien qu'elle s'en doutait.

- N'en parlons plus. Tu en aurais fait autant pour moi.

En tout cas je ne m'attendais pas à trouver un endroit pareil. Je commence même à

regretter mon impatience…

- Maintenant qu'on est là autant aller jusqu'au bout.

- C'est certain, je ne comptais pas rebrousser chemin.

Nous croisâmes encore quelques araignées que nous tuâmes sans grande difficultés avant de finalement atteindre un embranchement orné d'une statue poussiéreuse. Tamlen s'y arrêta, émerveillée.

- Je n'en crois pas mes yeux. Tu reconnais sûrement cette statue ?

Je la scrutai avec attention.

- Elle est en piteux état, mais elle m'est vaguement familière…

- Au temps où notre peuple vivait en Arlathann, ces statues honoraient les Faiseurs. Quand

les shems nous ont asservis, ce savoir s'est perdu.

Une architecture humaine… mais cette statue est de facture elfique. Ces ruines remontent-

elles à l'époque d'Arlathann ?

Arlathann était un lointain mirage, du temps où notre race était glorieuse et éternelle, ne souffrant pas des stigmates du temps et du joug des humains. Une époque perdue, ne portant ni nom, ni chiffre. Notre peuple était alors grand, ancré dans des traditions mystiques et béni des dieux. Puis l'homme est arrivé, frêle, mortel, insolent il a contaminé les elfes de son infériorité les rendant malades et petit à petit vulnérables aux caprices du temps. Notre peuple a perdu son immortalité et a été réduit en esclavage, leurs descendants sont aujourd'hui les elfes citadins, les « oreilles aplaties » comme nous les appelons car ils vivent dans les taudis humains, considéraient comme la vermine des bas fonds. Ceux de nos ancêtres qui ont fuient les humains et leur contagion sont devenus Dalatiens. Mais tout le savoir de nos ancêtres a été détruit, Arlathann engloutie dit-on par la magie destructrice des inquisiteurs tévintides, ceux là même qui plus tard infesteront les cieux pour pervertir la Cité de leur Créateur et engendrer un cataclysme sans précédent.

- Comment peux-tu en savoir si long sur cette statue ?

- J'ai vu une gravure dans l'un des vieux grimoires que l'Archiviste nous défend d'approcher.

C'était l'un des dieux anciens. L'archiviste l'appelait le « chalant des morts ». C'était un

guide, le conducteur des âmes défuntes jusqu'à leur repos éternel, par delà le monde des

esprits. Mais ce n'était pas un dieu malfaisant, comme Fen'Harel, le Dieu loup. Un lieu si…

malsain ne lui ressemble pas

- Alors c'était peut-être un lieu de culte.

- Mais pourquoi les shems auraient-ils vénéré des dieux elfes.

En effet la question restait toute entière. Mais nous attarder devant cette statue n'apporterai aucune réponse, nous reprîmes alors notre exploration.

- Mais au fait, tu ne devais pas assister Maitre Ilen aujourd'hui ? Comment as-tu échoué en

ma compagnie ?

- Tu me connais je ne rate jamais une occasion d'échapper à la routine et je préfère

davantage la chasse alors je me suis défilée.

- Je ne connais personne aussi avide de découvertes et aussi douée à la chasse que toi.

Je suis comme toi, même si je ne t'arrive pas à la cheville.

- Et puis… j'avais envie d'être avec toi.

J'avais dit ça sans même regardé Tamlen, ne voulant pas croiser ses yeux bleus qui m'aurait électrisaient sur place. Je devais rester concentré, mais ces mots étaient sortis tout seul de ma bouche.

- Je… j'en suis ravi. Tâchons d'en savoir plus et filons d'ici afin de poursuivre cette

discussion en un lieu plus propice.

Nous trouvèrent quelques mètres plus loin une grande porte massive ornée de reliefs décoratifs qui me faisaient penser à des branches fleuries enlacées, dansant sur leur socle et nous invitant à franchir leur chambranle. La suggestion aurait été des plus charmantes si nous n'avions pas dû, pour nous en approcher, enjamber des squelettes jonchés sur le sol… Et lorsque nous nous en approchâmes suffisamment, un mécanisme habilement caché s'enclencha et laissa échapper une étrange fumée verte inodore qui vint réveiller les occupants décharnés que nous venions de dépasser. Je reçu par surprise une flèche qui faillit se loger dans mon épaule droite mais qui ne fit que l'effleurer, m'entaillant légèrement les chairs, il m'en fallait plus pour me désarçonné. Tamlen s'était immédiatement chargé du fautif et moi je m'étais occupé du cadavre le plus à ma porté le décapitant avec mon épée longue. Le reste des ses compagnons ne tardèrent pas à retrouver leur place inerte au sol.

- C'était des… des morts vivants ! Cet endroit est hanté ! Par les faiseurs, que font des morts

vivants ici ?

Cela m'avait tout aussi déroutée que Tamlen, des araignées géantes passaient encore mais des morts vivants, cela n'augurait rien de bon.

- D'après l'hahren Païvel, un tel lieu où la mort s'est multipliée devient parfois un

sethërénann, un horizon de rêves éveillés. Le Voile, qui nous sépare du monde des esprits et

des rêves, s'affaiblit et les esprits s'insinuent dans notre monde. Alors ils prennent

possession d'un corps, quel qu'il soit.

- D'après toi nombre d'elfes seraient morts ici ?

- En tout cas ce ne sont pas les ossements qui manquent… manifestement. Et nul n'a survécu

pour leur offrir une sépulture.

- Cet endroit est de plus en plus malsain. Mais je refuse de rebrousser chemin maintenant.

Je savais qu'à ce moment là que j'aurais dû forcer Tamlen à repartir au campement pour informer les nôtres de ces ruines et y revenir mieux équipés et en plus grand nombre. Mais j'étais tout aussi téméraire que Tamlen, malgré les signaux d'alerte que nous avions rencontrés, malgré ma raison qui me criait que c'était de la folie, je n'en avais cure, une force indicible me poussait à continuer. Nous entrâmes alors dans la salle érigée derrière cette porte et nous fûmes immédiatement accueillis par une bête énorme aux grands yeux noirs, à n'en pas douter le démon dont ces shems avaient fait mention. J'ignore ce que c'était, je n'en avais jamais entendu parler, ni vu auparavant, il était immense et robuste, des poils hérissés et même aiguisés… Tamlen esquiva sa charge et roula de côté, tandis que l'animal se dressa sur ses pattes arrières, plus grand qu'un humain. J'en profitai pour l'embrocher, assisté par Tamlen qui fit de même. La bête poussa un cri rauque avant de s'effondrer sur ses flancs, elle respira lourdement quelques instants, nous regardant de ses yeux sombres et rendit son dernier soupir.

Le temps de nous remettre de cet affrontement insolite, nos regards furent attiré par des lueurs argentées. Un grand miroir se tenait au milieu de cette pièce, harnaché à ses flancs de deux imposantes statues jumelles, armées d'épée. Ce miroir était étrangement brillant et dénué de poussières, comme s'il venait tout juste d'être installé là. Des inscriptions filaient sur son encadrement.

- C'est superbe, non ? Je me demande ce que signifie l'inscription.

- « Défense de toucher au miroir » ?

- Il est impeccable en tout cas, aucune fêlure, ni saleté.

Hé tu as vu ! J'ai cru voir un reflet dans le miroir.

L'attraction quasi hypnotique que m'avait procuré ce miroir dès l'instant où mon regard s'était posé sur lui s'ébranla soudainement, je venais de réaliser qu'il ne nous renvoyer pas nos reflets et que sa surface semblait étrangement trouble.

- Quoi ? Ecarte-toi du miroir, Tamlen. Je… je crois qu'il vaut mieux ne pas s'en approcher.

- Un instant, je veux savoir ce que c'est. Tu ne le vois pas ? Là ! Encore !

J'apercevais en effet des ondulations étranges sur la surface du miroir.

- Tu as senti ? Je crois que cette chose est consciente de notre présence.

Si je m'approche…

Je suivis Tamlen malgré moi lorsqu'il gravit les quelques marches qui menaient au miroir, me tenant juste derrière lui.

- Je vois… des lieux étranges. Comme une ville… une ville... souterraine ?

Tamlen effleura le miroir de sa main qui se mit de nouveau à onduler, comme des circonvolutions sur l'eau.

- Et… des ténèbres immenses… Elles… elles m'ont vu !

Aide-moi ! Je n'arrive pas à m'en détourner.

Je n'eu pas eu le temps d'agir que je fus violemment projetée par un champ de force inconnu. Et ensuite plus rien, j'ignore ce qui est arrivé à Tamlen, c'est le néant absolu.

J'ouvris avec douleur les yeux, comme dans un rêve encore confus. De brèves apparitions, un morceau de ciel bleu, des branches soufflées par le vent, un homme barbu au teint basané.

- Vous m'entendez ? Je suis vraiment désolé.

Il me dit quelque chose mais je ne l'entends pas. Ma tête vacille de nouveau et je replonge dans le néant.

Je me réveillai dans mon Aravel, ne comprenant pas encore très bien où j'étais et ce qui était arrivé. Je me sentais toute engourdie comme après une nuit tumultueuse. Je sortis prendre l'air après m'être vêtue, la lumière du jour m'aveugla un instant et mes yeux se plissèrent avant de pouvoir tenter un éveil plus complet.

Fénarel se tenait à proximité, il avait du veiller sur ma tente… C'est avec une joie non dissimulée qui vint à ma rencontre et m'adressa la parole.

- Tu es éveillée ! Je peine à y croire. Tu as la chance des dieux, iëthallan.

Je dû le regarder d'un air indécis et perdu car il enchaina :

- Du calme. Tu es de retour au campement.

Tout le monde s'inquiète pour toi. Comment te sens-tu ?

C'était en fait difficile à dire… Les derniers évènements me revenaient en mémoire par bribes, recomposant rapidement le puzzle qui avait embué mon esprit jusqu'à présent.

- Je vais bien mais je me fais du souci… Où est Tamlen ?

- Nous l'ignorons. Le shem qui t'a ramené n'a trouvé aucun signe de lui.

- Un humain ?

Je ne m'en souvenais pas vraiment… Tout ce dont je me rappelais c'était ce miroir et cette force qui me renversa et me plongea dans le néant. Ensuite je me réveillais ici.

Un humain m'avait donc trouvé et ramené au campement, voilà qui était des plus suspects…

- Un shem t'a ramené il y a deux jours. Tu te souviens de lui ?

- Deux jours !

Je ne pensais pas que mon état avait nécessitait autant de repos !

- C'était un Garde des ombres. Il a surgi de nulle part, ton corps jeté sur son épaule. Tu

délirais de fièvre. Il a affirmé t'avoir trouvée à l'orée d'une caverne dans la forêt seule et

sans connaissances. Il t'a confié à nos soins avant de s'esquiver. L'Archiviste a usé

d'anciennes arcanes pour te soigner.

Pourtant lorsque j'ai été frappé par le miroir je me suis immédiatement évanouie, c'était au cœur des ruines. Comment a-t-il pu me retrouvé à l'orée de cette caverne ? Me serais-je déplacée telle une somnambule, ou quelqu'un l'aura fait à ma place ? Manifestement beaucoup d'éléments dans cette sombre histoire m'échappaient et je détestais ça.

- Et Tamlen ? Les recherches ont-elles commencé ?

- Naturellement ! Nos chasseurs remuent ciel et terre à sa recherche.

Mais l'Archiviste souhaitait te parler à ton réveil. Reste ici, je vais la chercher.

L'Archiviste est le dépositaire du savoir sacré de notre peuple, elle transmet ce savoir aux générations suivantes pour qu'ainsi se perpétue notre histoire, et que plus jamais nous ne perdions les vestiges de notre civilisation, comme du temps d'Arlathann. Elle est notre guide, le « chef » de notre clan, la plus sage et la plus respectée.

- Tu as finalement émergé des limbes, da'len. C'est une chance que Duncan soit tombé sur

toi… J'ignore quel sombre pouvoir s'est abattu sur toi, mais il s'en est fallu de peu qu'il te

conduise au trépas. J'ai bien cru que ma magie n'y suffirait pas.

- Duncan ? C'est l'humain qui m'a trouvé ? Et Tamlen ! Il pourrait lui aussi être malade ?

- S'il a été exposé à la même pestilence, oui. Lorsque le Garde des Ombres t'a retrouvée tu

en portais déjà les germes. Duncan pense que vous avez rencontré des engeances dans la

forêt, est-ce vrai ?

- J'ai vu des morts vivants, et des monstres… Mais n'est-il pas allé lui-même exploré la

caverne ? Et pourquoi devrions-nous prêter l'oreille à un vulgaire shem ?

- La Garde des ombres est un ordre ancien et vénérable, da'len. Et nous autres Dalatiens

avons assez d'ennemis comme cela. Qu'il est veillé à ta survie plaide en sa faveur, il me

parait digne de confiance.

Les morts vivants sont la manifestation d'obscure magie, mais ces créatures sont

étrangères à l'engeance. Quand aux monstres, je ne sais pas.

Qu'as-tu trouvé d'autres ? Quel est ton dernier souvenir ?

- Un miroir… Tamlen l'a touché.

- Un miroir ? Etrange. Aucune de nos annales ne rapporte pourtant l'existence d'un tel objet.

J'espérais des réponses mais ton témoignage ne suscite que de nouvelles questions.

Tamlen n'a pas reparu. Sa vie m'importe plus que tout le savoir que peuvent renfermer ces

ruines. Son état est grave, surtout s'il était aussi atteint que tu l'étais.

Duncan est retourné traquer les engeances dans la caverne, et je ne puis exiger qu'il prenne

sur lui de rechercher Tamlen. Il nous faut agir vite. Te sens-tu assez de force pour y

retourner, da'len ? Toi seule connais le chemin.

- Je me sens la force Archiviste. Je vais bien.

- Je suis soulagée de l'entendre.

J'ai ordonné au clan de lever le camp et de partir vers le nord.

Guide Merril jusqu'à la caverne et retrouvez Tamlen si vous le pouvez, mais hâtez-vous.

- Le clan reprend la route ?

- Si Duncan dit vrai, l'engeance ne tardera pas à se manifester dans la région. Nous devons

nous éloigner de ses hordes. Par ailleurs un village humain s'est brusquement offusqué de

notre présence. Comme d'habitude les nôtres ne sont pas les bienvenus. Nous ne nous

sommes que trop éternisés, nous devons partir et vite.

Merril était l'apprentie de l'Archiviste, elle l'avait initiée aux arcanes de la magie et un jour, elle succèdera à notre Archiviste Marëthari et deviendrai notre guide.

Elle avait le même âge que moi, Fénarel et… Tamlen. Nous avions tous grandi ensemble, même si Merril avait toujours eu des difficultés à s'intégrer à notre groupe, elle suivait les enseignements magiques de l'Archiviste. Nous, nous n'étions pas versé dans ce type de formation, et nous allions souvent à la chasse ou aux entrainements du combat pendant ce temps.

Je me dirigeai donc à la rencontre de Merril qui m'attendait à l'entrée de la forêt. Je croisai Fénarel en chemin, à peine après avoir quitté l'Archiviste, qui me demanda de m'accompagner. Il n'en avait bien sûr pas informé l'Archiviste mais je savais qu'elle y aurait consenti avec un peu de persuasion. Le danger était bien réel mais je connaissais suffisamment Fénarel pour savoir que lorsqu'il avait une idée en tête il était difficile de lui en faire changer, qui plus est Tamlen était aussi son ami, je ne pouvais pas lui reprocher de vouloir se joindre à nous pour les recherches et ne pouvais pas lui refuser.

Merril pesta un instant contre cette idée mais je lui assurai que tout était en ordre et elle n'en ajouta pas davantage, nous nous mirent alors en route vers cette caverne maudite. J'aurais préféré ne jamais y remettre les pieds, mais la vie de Tamlen était en jeu.

- Euh… avant d'y aller. Tu es sûre que tu te sens bien ?

- Tu sembles… tu sembles bien pâle maintenant que Merril en parle.

- Je vais bien ! Que voulez-vous insinuer ?

- Rien… Oublie ce que j'ai dit. Allons-y, nous ne devons pas perdre de temps.

En chemin nous croisèrent des créatures viciées, probablement des engeances. Je n'avais jamais vu pareille abomination. Ainsi ce shem, Duncan, disait vrai. Plus nous nous rapprochions de la caverne et plus la forêt laissait planer un silence de mort. Ce silence n'était pas naturel, en plus de tout le reste. Je ressentais le même malaise que j'avais éprouvé avec Tamlen lorsque nous avions exploré ces ruines.

Une fois arrivés dans les ruines, Merril s'étonna tout comme Tamlen de son architecture inhabituelle et laissa sous entendre que le retrouver tiendrait du miracle. Je me révoltai contre cette idée, nous n'en savions rien ! Nous combattîmes d'autres engeances dans les couloirs de cette caverne avant d'atteindre la salle où reposait le miroir. Duncan se tenait là, des cadavres d'engeances jonchaient à ses pieds. Il se retourna à notre venue pour nous adresser la parole.

- C'est donc vous qui combattiez l'engeance. Je pensais bien avoir perçu la clameur d'un

combat.

C'est vous l'elfe qui erriez dans la forêt, n'est-ce pas ? Je m'étonne de vous voir en si

parfaite santé.

- Je suis robuste, humain.

Merril ne put s'empêcher de relever ma remarque.

- Même si c'est un humain, un Garde des ombres mérite le respect.

- Elle ne me doit rien. Il était de mon devoir de rendre une Dalatienne blessée à son clan,

nous sommes liés par une ancienne alliance.

- De la compassion et de l'honneur ? Curieux de la part d'un humain.

Fénarel tenta de modérer notre entrevue en revenant à des sujets plus pragmatiques.

- Etes-vous arrivé jusqu'ici seul, humain ? Vous avez vaincu toutes ces créatures ?

- En effet. Mais je dois avouer que votre contribution m'a été précieuse.

Ce n'est pas votre Archiviste qui vous envoie ? Je lui ai pourtant dit que je ne courrai aucun

danger.

Peu m'importait la situation de cet humain.

- Nous recherchons notre frère Tamlen. Mais elle nous avait indiqué que nous pourrions

vous trouver ici.

- Votre ami et vous, vous êtes donc aventurés dans cette caverne et y avez vu le miroir ?

- Oui… Tamlen a effleuré le miroir, et j'ai perdu connaissance.

- C'est… regrettable.

Nous autres, Garde des ombres, sommes familiers de ce genre d'artefact. Ils sont d'origine

tévintide et servaient jadis lieu de moyen de communication. La plupart ne sont guère à

l'épreuve du temps, ils ont été souillés par le même mal que les engeances. Le contact de

votre ami Tamlen a dû réveiller cette corruption. C'est ce mal qui vous a contaminée…

ainsi que votre ami.

- Peut-on y remédier ?

- Hélas non. Désormais, la corruption affectera quiconque s'en approchera de trop près.

Merril ne doutait de rien et était toujours fidèle à ses convictions, même les plus absurdes.

- Je ne crains pas cette affliction. L'Archiviste en connait le remède.

- Peut-être s'est-elle en atténuer les effets, mais la guérir ? J'en doute.

Votre répit n'est que provisoire, la corruption vous ronge. Regardez en vous, vous le

constaterez par vous-même.

Maintenant que Duncan évoquait cela, je sentais en effet que quelque chose avait changé en moi me ronger, effectivement, de l'intérieur. Comme un poison perfide, issu du fond des âges. Je le sentais qui parcourait mon être, ruisselait dans mon sang et s'insinuait dans mon esprit. Cela me terrifia au plus au point, mais je n'en laissai rien paraitre.

- Peut-être y a-t-il… quelques vérités dans vos paroles, humain.

- Avisez donc votre Archiviste, elle confirmera mes dires.

Pour l'heure, soucions-nous du miroir… le danger est grand.

Duncan brisa violemment d'un coup d'épée le miroir, provoquant un éclair indescriptible qui nous aveugla brièvement. La relique avait maintenant perdu son éclat surnaturel, elle semblait éteinte, morte. Elle n'était plus devenue qu'un simple artefact brisé par le temps.

- Quittons cet endroit maudit sans plus tarder. Je dois débattre de votre affliction avec

l'Archiviste.

- Et qu'en est-il de Tamlen ?

- Il n'est rien que l'on puisse faire.

- Je suis toujours en vie, lui aussi peut-être.

- Soyons clairs : sa cause est entendue. La souillure le tourmente depuis déjà trois jours. Il

est trop tard. Vous ne devez la vie qu'à votre volonté et aux dons curatifs de votre

Archiviste. Croyez-moi nous ne pouvons plus rien pour lui.

- Pas question que j'abandonne les recherches !

Je me refusais à laisser Tamlen souffrir ainsi, seul, face à ce mal insensé. Je ne pouvais pas… Même si il n'y avait aucun espoir, je… je ne pouvais pas l'accepter.

Le Garde des ombres se dirigea alors vers la sortie, nous indiquant qu'il nous retrouvera au campement et que je ne devais pas m'éterniser en vain ici, mon mal était bien réel et le temps m'était compté. Que m'importait ma santé à ce moment là, je ne pensais qu'à Tamlen.

Mais comme il l'avait prédit, nous ne découvrîmes aucune trace de Tamlen, seulement une étrange statue érigée au fond de cette caverne, commémorant l'apparition des dürgen'lens, des nains, en surface et leur brève relation avec des elfes, ils avaient creusé trop haut et atteint les elfes apparemment. Ceci pouvait expliquer la présence en nombre des engeances, ils avaient dû retrouver ce tunnel perdu et le remonter, attirer par ce miroir maudit. Mais maintenant que ce dernier était détruit, la forêt ne courait plus aucun danger.

Quoi qu'il en soit nous repartîmes alors vers le campement, je ne voyais rien d'autres à faire, ratissez la forêt en quête de Tamlen demanderais trop de temps et serait inutile.

Mon pauvre Tamlen… je n'arrivais pas encore à réaliser le fait que je ne le reverrai plus et qu'il était perdu à jamais. J'espérais simplement qu'il ai trouvé le repos éternel sans heurts plutôt que de songer à l'idée qu'il puisse être encore en « vie » quelque part, souffrant immanquablement de cette corruption…

De retour au campement je fus accueillie par Ashalle, celle qui avait veillé sur moi durant mon enfance. Je n'ai jamais connu mes véritables parents. Mon père était le précédent Archiviste de notre clan, quand à ma mère c'était une chasseuse émérite mais issue d'un autre clan. Leur amour fut désavoué du fait que l'entente entre les deux tribus n'était guère cordiale et ils nourrirent alors leur passion en secret. Un jour, alors qu'ils s'étaient aventurés seuls en forêt, ils furent surpris par des brigands shems, mon père fut tué en protégeant ma mère. Cette dernière, après m'avoir mise au monde m'abandonna, minait par le chagrin, à la lueur de la lune pour ne plus jamais revenir. Je ne sais si elle s'est laissé mourir sous le linceul d'un vieux chêne, mais je préfère l'envisager ainsi. Je ne lui ai jamais pardonné son abandon et peu m'importe ce qu'elle est devenue ou ce qu'elle était. Par contre j'éprouve de la fierté envers mon père, qui m'a-t-on dit était sage et respecté des autres Dalatiens.

Ashalle a toujours voulu me préservait de cette vérité. Elle me la révéla tout de même lorsque je reçu mes lettres de sang, les Vallaslin, les tatouages dont seuls les Dalatiens ont le secret, fait de notre propre sang et qui ornent notre visage et notre corps, notre Archiviste nous les grave lorsque nous sommes suffisamment matures pour être considéré comme des adultes. Cette révélation attisa malgré moi ma haine envers les humains.

- Par les Faiseurs ! Je suis soulagée de te revoir saine et sauve. J'étais morte d'inquiétude !

- Aneth ara, Ashalle. Mais tu ne devrais pas t'en faire autant pour moi.

- C'est plus fort que moi. Que s'est-il passsé ? Qu'est-il arrivé à Tamlen ? Tout le monde

prétend qu'il est mort.

- Il a… disparu. Je ne l'ai pas retrouvé…. Mais je ne veux pas croire en sa mort.

- C'est affreux ! Je sais que Tamlen et toi étaient… très proches, et combien vous comptiez

l'un pour l'autre. J'ai même toujours espéré qu'un jour vous… enfin, bref.

Cela doit être une terrible épreuve pour toi.

Je rejoignis ensuite l'Archiviste pour l'informer de notre échec. Le Garde des ombres était avec elle. Ils devaient débattre ensemble de mon sort, je devais donc revenir plus tard. En attendant, l'Archiviste m'avait demandé d'aller voir l'hahren Païvel pour qu'il s'occupe du rite funéraire pour Tamlen.

- Te revoilà de retour… Avec le Garde des ombres, mais sans Tamlen. Que s'est-il passé,

da'len ? Est-il perdu à jamais ?

- C'est ce que prétend le Garde, mais je n'en suis pas si sûre.

- Quand bien même, nous devons partir. Ce jour est funeste… Apparemment c'est la volonté

des Faiseurs que j'enterre ceux que j'ai jadis bercés de ma voix. Je comprends pourquoi

nos ancêtres immortels s'abandonné au sommeil.

En effet on raconte que ceux-ci, lorsque leur vie ne s'apparentait plus qu'à un fardeau, se laissait portait par un long sommeil, l'ulthenera, rejoignant ses proches dans un sommeil dont il ne se réveillera pas avant longtemps, sinon jamais. C'était disait-on un acte emprunt de beauté et de révérence, l'ultime sacrifice laissant place aux jeunes générations.

L'hahren Païvel s'approcha du feu de camp, fixant les flammes dansantes au crépuscule de ce jour déchirant.

- « Les étoiles tracent un chemin de feu dans les cieux,

afin de poser un dernier baiser sur tes yeux.

La terre s'ouvre tendrement à tes rêves,

tandis qu'au loin l'orage s'apaise.

Dague au fourreau, arc défait, en ta dernière demeure, le silence se fait. »

Nous avons pour habitude d'enterrer nos morts et d'y planter un arbre, la vie jaillissant de la mort, le cycle infini de la renaissance. Nous chantons également en l'honneur du défunt. Nous n'avons aucun corps à enterrer, mais ce soir nous chanterons pour Tamlen, pour son salut…

Je me posai près du feu, rejointe par Fénarel.

- Si seulement nous avions pu sauver Tamlen.

Et ces créatures… oh, je préfère ne pas y penser.

Pourquoi ce Garde des ombres ne t'en dévoile pas plus sur ce remède ? Tu es la première

concernée il me semble.

- Peut-être ce remède est-il aussi terrible que le mal…

Je contemplai les braises ondulaient sous mon regard, chatoyantes, comme si elles voulaient m'attirer à elles. Si tel était leur dessein, je leur laisserai volontiers s'emparer de mon âme afin d'y purifier mes plaies béantes et ce mal qui me ronge. Je le sentais de plus en plus, palpitant au fond de moi et je pressentais que cela n'était rien en comparaison de ce qu'il me réservait avec le temps. Je préfèrerais mourir plutôt que le laisser me souiller plus encore.

Une ombre me sorti soudain de mon égarement, j'aperçus l'Archiviste au loin qui me faisait signe de la rejoindre. Le Garde des ombres toujours à ses côtés.

- Votre Archiviste et moi avons devisé de votre avenir et conclus un arrangement. Mon ordre

a autant besoin de renfort que vous d'un remède.

Quand sonnera l'heure de mon départ, j'escompte que vous viendriez avec moi. Vous avez

l'étoffe d'une Garde des ombres.

- Quoi ! Je refuse d'abandonner mon clan.

C'était cela sa solution ! Non content d'avoir perdu Tamlen, mis en péril mon clan et la forêt et d'avoir contracté un mal viscéral, je devais maintenant quitter mon clan, ma famille, la vie que j'avais toujours connu.

Certes j'avais toujours rêvé d'évasion mais là c'était pour m'enrôler contre mon gré dans un ordre que l'on disait ancien et vénérable mais qui avaient perdu toute crédibilité depuis le dernier Enclin. Leurs rangs s'étaient clairsemés, et les humains, aussi stupides soient-ils, ne voyaient plus l'utilité de la Garde. Quand bien même un nouvel Enclin s'annonçait, en quoi cela me concernait-il ? Devais-je lui rappeler que ce sont les humains, ces mages tévintides avides de pouvoir, qui ont déclenché le Premier Enclin et plongé toutes les nations dans le chaos, menacées par les engeances et leur Archidémon.

- Je n'y aurai pas consenti si les enjeux n'étaient pas aussi graves, Illyria.

- La souillure de l'engeance court dans vos veines. Votre survie tient déjà du miracle. Mais à

terme la corruption finira par vous tuer ou pire encore. La Garde des ombres peut

l'empêcher, mais vous devez pour cela vous ralliez à nous.

- Ne pourriez-vous pas me donner le remède tout simplement ?

- Seule votre allégeance à la Garde vous délivrera de ce mal. Nous sommes le dernier

rempart contre l'engeance : et à ce titre seulement, nous jouissons d'une certaine…

immunité à la corruption.

Mais je n'agis pas par charité. Nous n'enrôlons que les meilleurs, et vous avez amplement

justifié de vos talents.

Cependant je dois vous prévenir si vous rejoignez nos rangs, il est peu probable que vous

reveniez un jour auprès des vôtres.

- Au temps jadis, les Dalatiens offrirent d'aider la Garde si un Enclin devait survenir.

L'heure est venue d'honorer notre parole.

Ton… exil me brise le cœur. Mais je ne saurai endurer de te voir mourir à petit feu. C'est à

la fois ton devoir et ta planche de salut.

Comment ne pas se raviser face à de tels arguments. Je me devais de me racheter, même si je savais que je ne devais pas me sentir coupable de ce qui était arrivé. Et puis ma vie m'importait encore un tant soit peu pour que je daigne lui accorder un second souffle.

- Soit. J'accepte votre offre, Duncan. Je crois que je n'ai guère le choix…

- Si tel est le destin que les Faiseurs te réservent da'len, affronte-le avec honneur.

Où que tes pas te guident tu restes Dalatienne et l'une des nôtres. Ne l'oublie jamais.

J'assistai le soir venu à la cérémonie en l'honneur de Tamlen, et fit mes adieux à mes frères et sœurs. Cela m'enserra le cœur mais c'était ainsi.

Le seul bien affectif que j'emportai de mon clan fut cet anneau que l'Archiviste m'offrit, me confiant qu'il avait jadis appartenu à mon père. Il était taillé dans un étrange bois argenté et ressemblait à deux feuilles enlacées.

Le lendemain nous partîmes à l'aube, moi et Duncan, en direction du sud, vers Ostagar, la forteresse humaine où devait se déroulait mon Union pour faire de moi une Garde des ombres…

Voilà comment le sort scella mon destin. Chance ou fatalité, je ne saurai dire.

Rien ne m'avait préparé à ce que j'allais vivre et accomplir par la suite…

Je suis Illyria Mahariel, enfant Dalatienne, Garde des ombres et héroïne de Férelden.