Des coups de feu retentirent. A la fenêtre de sa chambre, une enfant observait d'étranges hommes entrer dans sa demeure. Simplement habillée, elle ne semblait nullement inquiétée, par la vague de colère qui envahissait les lieux. Elle était élégamment coiffée, son regard brun balayant les jardins avant, à la recherche d'une quelconque solution. Mais elle n'en trouva aucune. C'était la fin. Étrangement, elle n'avait pas peur.

Un homme a la calvitie avancé entra violement dans la chambre de l'enfant. Il était essoufflé et rougi par sa course.

"Mademoiselle, il faut fuir, un jet vous attends. expliqua-t-il d'une voix saccadée. Vous allez à Londres, chez vos cousins. ajouta-t-il devant l'air perplexe de l'enfant.

Des coups de feu plus proches se firent entendre dans le hall. Sans attendre l'homme prit un sac et y fourra les rares affaires de l'enfant. Il lui prit ensuite la main et la mena à l'abri de la violence qui se déchénait chez elle. L'air hagard, la petite fille suivait l'homme qui l'avait aidé dans les pires moments, sans poser de question. Elle lui faisait confiance, comme elle faisait confiance à ses cousins de Londres. L'homme s'arrêta une fois dans les jardins arrières de la maison, devant une grande voiture noire. Il fit monter l'enfant à l'intérieur, regardant une dernière fois son air trop sérieux pour son âge.

"Vous irez jusqu'à l'aéroport, la bas un homme vous mènera à un avion, qui vous mènera à Londres. Adieu Mademoiselle, prenez soin de vous. murmura t il, en serrant une dernière fois celle qu'il considérait comme sa fille.

L'enfant resta silencieuse, ne comprenant pas cette pièce qui se jouait sous ses yeux. L'homme claqua violement la porte et la voiture partir sur le champ. Les décors défilaient devant la fenêtre de la fugitive, passant des campagnes désolée de mondes, à la capitale de la France. La voiture noire ne passait pas inaperçue auprès des parisiens curieux. Derrière les vitres teintées, la petite fille les observait, aussi intriguée qu'ils ne l'étaient.

Dix minutes plus tard, la voiture se gara devant l'immense aéroport. Le chauffeur ouvrit poliment la portière de l'enfant. Elle sortit, dévisagée par tous les passants. Mal à l'aise, elle pressa le pas, son unique sac sur le dos. Le chauffeur la suivit du regard, avant de reprendre la route. Il avait des comptes à régler, auprès des familles qu'il avait brisé.

La fille fut prise en charge par un grand homme, de noir habillé. Il accueilla l'enfant d'un hochement de tête professionnelle, et la mena jusqu'à son avion, dans un silence obligatoire. L'avion était petit, ne contenant qu'une dizaine de place, toutes aussi confortables les une que les autres. En entrant dans l'appareil, elle reçut un téléphone. C'était un vieux téléphone à touche, de la marque Nokia. Dessus se trouvait un post-it, avec les mots

"Pour communiquer durant le trajet. MH."

Elle alluma le vieux téléphone. Elle entra les initiales MH, déverrouillant le téléphone, avec facilité. Il n'y avait seulement qu'un seul contact, celui de son cousin. Elle lui envoya :

"L'avion décolle bientôt. ML."

Son cousin mit quelques secondes à répondre par un simple "Ok." L'enfant s'installa sur un siège, observant les pilotes en pause à travers le hublot. L'avion décolla et emplit l'enfant d'une étrange sensation. Un sifflement aiguë résonna dans ses oreilles, et elle l'eut la sensation de monter. Les grands bâtiments de Paris devinrent rapidement de simple point gris, tandis que l'appareil s'envolait dans les airs. L'enfant n'eut aucun souvenir de son voyage dans les cieux. Ce fut la main rugueuse du pilote qui la réveilla d'un sommeil partiel.

Dehors un rideau de pluie tombait. Elle regarda le vieux téléphone qu'on lui avait offert. Un message était arrivé, lui indiquant des falsifications de documents. L'enfant les regarda, perdue. Elle n'avait aucune notion administrative, et ces paperasses ne lui disaient absolument rien. Elle prit son sac et quitta l'avion, habritée par le parapluie du pilote, qu'il tenait au dessus de l'enfant, se mouillant à moitié le dos. L'avion avait atterri à un aéroport londonien. Une fois qu'elle fut à l'abri, au milieu des autres passagers, l'homme la salua, et retourna à son travail. ML, envoya à son unique contact la nouvelle qu'elle était arrivée. Elle ne reçut aucune réponse. Elle quitta son portable des yeux, et regarda la masse de gens qui avançaient ou reculaient devant elle. Son sac sur les épaules, elle se se dirigea vers la sortie, traversant la foule, comme un bateau perdue en pleine tempête. Dehors, la pluie battait son plein. Les phares des voitures déchiraient la pénombre, naviguant seule dans cet océan déchaîné. Il ne fallut pas plus de quelques secondes, pour qu'elle se retrouve trempée de la tête au pieds. Elle était éloignée de la route, évitant les éclaboussures des véhicules de justesse. Une voiture noire s'arrêta doucement à sa hauteur. La vitre arrière descendit, laissant apparaître le visage d'un homme sérieux, d'une trentaine d'années. Il regarda l'enfant en silence. Elle comprit le message dans l'immédiat. Elle monta dans la voiture aux côtés de l'homme, enlevant sa veste au passage, risquant de salir les sièges en cuirs. L'homme regarda l'enfant s'installer et fit signe au chauffeur de continuer le chemin. La voiture démarra, quittant les embouteillages de l'aéroport. Après cinq minutes de silence, il se mit à parler d'une voix grave et polie.

"Alors, cousine, comment s'est passé ton voyage ?

L'enfant regarda l'homme. Dans la pénombre de la voiture, elle ne pouvait distinguer les détails de son visage, pourtant ses yeux brillaient limpidement, comme les yeux d'un chat dans la nuit.

"Très bien. finit par répondre la petite fille, honteuse de mentir ainsi à un adulte.

C'était faux, elle n'avait aucun souvenir de son voyage. Elle s'était simplement endormie, fatiguée par les événements qui n'avaient cessé de s'enchaîner ces dernières semaines.

"Je suis navré pour l'évacuation rapide, mais je n'ai appris la nouvelle que ce matin. se confia l'homme.

Elle hocha la tête, peut intéressée par ses excuses. Elle ne lui en voulait pas, et pour elle, c'était un miracle de se retrouver dans cette voiture. L'homme sortit de nombreux papiers de son sac et les tendirent à l'enfant. A l'intérieur se trouvait un acte de naissance, un carnet de santé et une carte d'identité. Tous faux. Elle regarda tour à tour les documents. Sur la carte se trouvait le nom de "Claire Holmes", mais ce n'était pas son nom. Elle n'eut pas besoin de formuler sa question, que son cousin lui répondit :

"Ce sera ton nouveau nom. Il vaut mieux éviter de prononcer l'ancien nom, même ici, le nom des Lament est tabou.

- Claire... murmura la petite fille.

- J'ai préféré tout changer. l'informa MH.

Claire sourit. Ce nom lui plaisait déjà. C'était un nom merveilleux, le nom qui entamait sa nouvelle vie. Elle regarda l'homme assis à côtés d'elle et lui sourit. Finalement cela avait ses avantages d'avoir le gouvernement britannique en cousin.

La pluie avait subitement cessé, laissant place à une nuit aux nuages pollués au dessus de Londres. La voiture de son cousin s'arrêta dans un quartier du centre de la ville. Claire observa l'endroit, impassible. La voiture s'était arrêté devant un petit café et une étrange porte verte, à la poignée de travers.

"Te voilà arrivée. l'informa son cousin.

La petite fille le regarda, indécise. Allait elle vivre dans le café ?

- Sherlock habite au 221B Baker Street, et bien sûr il est impensable que tu vive avec moi. continua t il.

Elle hocha la tête, comprenant le choix de son cousin. Il serait dangeureux pour lui, et pour elle, qu'elle reste à ses côtés. Ses parents s'étaient fait un nom, et l'idée de colère et de vengeance restait encore fraîche dans l'esprit des victimes. Braquage, pillage, meurtre, ils avaient tout fait, et elle aussi. Elle regarda son cousin, silencieuse. Elle comprenait ce qu'il sous entendait, mais refusait de quitter la voiture. Le gouvernement britannique le comprit rapidement, et sortit dehors, accompagné de son fidèle parapluie, puis suivi par l'enfant. Elle avait l'air misérable à ses côtés. L'air hagard et perdu, ses habits détrempés, tremblante de froid, même le diable en personne aurait eu pitié d'elle. Son cousin soupira en voyant l'état désastreux de l'enfant. Il déboutonna sa veste qu'il offrit à Claire. Elle le regarda, puis prit son cadeau, comme un cadeau d'adieu. Il remonta rapidement dans la voiture, après avoir donné plusieurs coups secs contre la porte. Claire resta silencieusement devant la porte, jusqu'à ce que cette dernière s'ouvre. A la grande surprise de l'enfant, ce ne fut pas un jeune homme aux cheveux bruns qui vint lui ouvrir, mais une vieille femme aux cheveux courts. Cette dernière fronça les sourcils en apercevant l'enfant. Claire reprit rapidement ses esprits et donna à la femme sa "carte d'identité". En la lisant elle s'exclama :

"Encore une Holmes !"

Puis sur ces mots, elle fit entrer l'enfant. L'appartement était petit et sombre. Elle l'amena jusque dans la cuisine, ou elle lui servit une tasse de thé et une assiette du repas qu'elle avait préparé pour elle. Peu habituée par des accueils si chaleureux, la petite fille se dandina sur place, gênée.

"J'ignorais que Sherlock avait une soeur. lança la femme en s'installant avec elle.

- Je suis leur cousine. lui expliqua Claire d'une petite voix.

- Je vois. Et comment se fait il que tu sois arrivée ici ? demanda-t-elle.

- Mes parents sont mort. Mycroft m'a déposé ici.

Ses réponses étaient claires et précises. Elle ne voulait pas entrer dans les détails, de peur de se faire piéger au jeu de son cousin.

- Oh ma pauvre chérie ! la plaint la femme.

L'enfant ne répondit pas. Elle ignorait si ses parents étaient morts, mais au fond, elle espérait que oui. Elle n'avait jamais rien ressenti pour ses parents, ayant plus de compassion pour les fourmis qu'elle écrasait dans les jardins, que pour eux. Mais ce sentiment était réciproque. Elle termina le repas que lui avait offert la dame en silence.

"J'ai une chambre au rez-de-chaussée pour toi. l'informa la ménagère, une fois son assiette fini.

Claire la regarda, puis hocha docilement la tête. Elle était fatiguée, et la seule chose qu'elle souhaitait faire était de se reposer. Mais la loi de Murphy avait décidé d'empêcher le repos de la française. Pile au moment où elle quittait la cuisine, la porte d'entrée s'ouvrit, laissant place à un homme au teint pâle, accompagné d'un second homme de petite taille. Entre les deux, Claire n'en connaissait qu'un. Sherlock posa ses yeux clairs sur la fille, et lui sourit. Sans attendre, la petite lui sauta dans les bras, heureuse de trouver du réconfort après sa journée éprouvante.

"Alors désormais tu es Claire Holmes, c'est ça ? sourit l'homme en la portant dans ses bras.

Claire ressera les bras autour de son cou, et enfoui sa tête dans son épaule, respirant l'odeur récente de la pluie sur son manteau. Sherlock la portait avec aisance, entamant une conversation avec la vieille femme. Mais blottit contre le corps de son cousin, Claire n'entendait pas ce qu'ils disaient. Il monta les marches grinçante d'un escalier, le menant vers la pièce qu'il préférait, son salon.

"Alors comme ça, tes parents sont enfin morts ? demanda-t-il à sa cousine.

- Sherlock ! s'exclama une voix masculine.

- Allons, John, tout va bien. Claire n'appréciait pas vraiment ses parents. répondit le détective, redressant la petite qui lui glissait des bras.

- Ce n'est pas une raison. On ne peut pas dire à une orpheline qu'heureusement que ses parents sont morts. expliqua John.

- Bien, j'en prendrais note. lança son colocataire.

Il tenta de déposer Claire sur le canapé, mais cette dernière refusait de lâcher le détective. Sherlock soupira, et la lança avec facilité sur le canapé. Elle atterit doucement dessus, un sourire aux lèvres et se relevant avec peine. John les observait du coin de la pièce, ahuri par le spectacle qu'il donnait.

"Claire, tu pourras dormir dans ma chambre si tu le souhaites. lança Sherlock, se dirigeant vers la salle de bain.

John regarda l'homme partir, mal à l'aise. Il s'approcha de l'enfant et se présenta d'une voix solennelle.

"Je suis le docteur John Watson. Le nouveau colocataire et ami de Sherlock Holmes.

Il ne savait pas comment réagir devant cet enfant. Une partie de lui se disait qu'elle n'était qu'une gamine de 10 ans, et une autre lui soufflait que c'était avant tout une Holmes. Et il avait appris à se méfier des Holmes.

"Claire. se présenta maladroitement la petite.

Elle tentait de l'imiter, comme tout enfant de 10 ans le ferait. John soupira, honteux. Comme avait il pu croire qu'elle serait différente ? Même les Holmes avaient une enfance. L'homme sourit à la petite et alla s'assoir à côtés d'elle. Claire se decala, inquiète. Ils restèrent ainsi plusieurs minutes, le temps que Claire puisse se détendre.

"D'où viens tu, tu as un étrange accent. demanda le docteur.

- Elle est française John. répondit l'inspecteur qui venait se sortir de la douche, en peignoir. Mais je pense qu'on ferait mieux d'aller la coucher. ajouta-t-il, regardant sa cousine somnolente.

Il se pencha vers elle et la prit à nouveau des ses bras. Il alla à sa chambre, puis la déposa délicatement dans le lit qui lui servait habituellement. Il sortit et son colocataire referma doucement la porte.

"Sherlock, qui est elle ? demanda d'un coup John.

- Ma cousine. répondit le détective.

- Mais encore ? continua le docteur. Tu n'accueillerais pas ta cousine par empathie.

L'homme sourit.

- Effectivement, c'est un peu plus compliqué que ça. Disons que suite à plusieurs événements, ses parents sont devenus les personnes les plus détestables de France. Vole, drogue, meurtre, tous les plus grands crimes étaient d'eux, mais grâce à leur place dans le pouvoir français, ils possédaient une immunité totale. Mais d'après Mycroft, ce matin même, une émeute à eu lieu chez elle. Et on avait préféré de la récupérer en cas d'incident majeur.

- Et pourquoi la récupérer ? osa demander l'homme, sachant que le détective n'avait pas tout dit.

- Elle a quelques antécédents.

- Antécédents ? répéta t il.

- Quelques troubles bipolaire, hallucinations auditives et visuelle, quelques tendances meurtrières, et par conséquent un début de trouble de personnalité. Bien que Mycroft pencherais plus pour la schizophrénie. expliqua Sherlock calmement.

Le médecin resta interdit. Il regarda son ami qui commençait à s'installer sur le canapé. Il avait dit cela avait tant de décence, que John ne savait comment réagir. Voyant le mal être de son camarade, Sherlock lui lança sur un ton compatissant.

"Ne t'inquiètes, elle ne te fera rien. Du moins j'espère. ajouta t il après un temps de pause.

Puis il tourna le dos au médecin, emmitouflé dans de fines couvertures en laines. L'homme le regarda, puis partit rejoindre sa chambre, dans le silence pesant qui planait au dessus du 221B Baker Street.