Prologue : Trop vide
Un téléphone bippa au fond de l'appartement. L'enregistrement se déclencha, tel un bon petit soldat informatisé : Vous êtes bien chez Charlotte Raymond, je ne suis pas disponible, laissez un message.
Charlotte Raymond lança un regard paresseux vers la table basse où était posé le téléphone, qui débitait le message de son banquier, mielleux et caressant pour une de ses meilleures clientes. L'appartement, plongé dans le noir, ressemblait à une photo de catalogue. Tout était froid, impersonnel, banal. Pas de photos d'amis ou de famille, pas de posters à la gloire d'un film ou d'un groupe, pas de souvenirs à contempler avec nostalgie. Tout était désespérément trop vide, trop froid, trop grand pour être l'appartement d'une jeune femme de 25 ans pleine aux as. Mais la jeune femme qui portait le nom de Charlotte Raymond s'en foutait pas mal, de l'aspect qu'avait son appartement. Ce n'était rien de plus qu'une sorte de QG, une adresse fixe bien pratique pour les formalités et pour se faire livrer des sushis.
Elle était assise en tailleur sur un tapis moelleux, dans la seule zone de l'appartement qui semblait accueillir de la vie. Autour d'elle, des dizaines de vieux journaux, d'articles de blogs, de livres d'histoire, de carnets griffonnés étaient étalés. Les yeux de Charlotte parcourait toutes ses lignes, cherchant un indice, un signe des aiguilles dans les bottes de foins qu'elle cherchait. Elle était pleinement concentrée, ses sourcils froncés faisant apparaitre des rides qui semblaient malvenues sur un visage aussi jeune.
Un autre bip, plus strident et plus bref retentit à son poignet. Autour de ce dernier, sur l'écran d'une sorte de bracelet montre futuriste, clignotait son message : une date, le 21 mars 1919. Charlotte Raymond sourit alors et ressembla enfin à une jeune femme du XXIème siècle. Sauf que Charlotte n'était en rien une femme du XXIème siècle.
