Note: l'univers et les personnages de The Expanse ne m'appartiennent pas. Cette fanfiction s'appuie principalement sur la série sans la reprendre complètement, et si elle inclut quelques éléments tirés des livres, il n'est cependant pas nécessaire de les avoir lus pour la comprendre.


Les derniers rayons de soleil avaient à peine disparu pour laisser place à la nuit, que l'alarme du portable posé sur la table de chevet se déclencha. La jeune femme roula aussitôt sur le côté, arrachant un glapissement aux ressorts, coupa la sonnerie, puis rejeta vivement les couvertures. Une fois habillée, elle s'empara du sac à dos dissimulé sous le lit, et en sortit une petite mallette. Ses doigts composèrent presque d'eux-mêmes la combinaison. Il y eu un cliquètement familier, suivi d'un bref soupir de soulagement lorsque ses yeux se posèrent sur un flacon en verre rempli d'une substance d'un bleu soutenu. Il était toujours là. Satisfaite, elle remit la mallette à sa place, attrapa le reste de ses affaires et se dirigea vers la fenêtre qui donnait sur l'arrière de l'hôtel. Cette dernière lui résista un instant avant de céder. Elle enjamba le rebord et atterrit souplement deux étages plus bas, près des voitures. Elle se redressa et huma l'air. Aucun danger immédiat. Une expression déterminée sur le visage, elle ajusta les bretelles et se mit à courir.

Chapitre 1 : Bienvenue à Cérès

Joe Miller regarda avec résignation le couple assis non loin de lui s'extasier à propose de leur prochaine visite, les yeux rivés sur leur guide touristique qui n'avait rien à envier à un annuaire, appareil photo autour du cou et t-shirt clamant leur amour pour New York sur le dos. Il avait été comme eux, à une époque. Mais cela faisait bien longtemps que la ville avait cessé de le charmer. Peut-être était-ce parce que lorsqu'il voyait une ruelle, il s'interrogeait sur le trafic qui devait s'y dérouler à la faveur de l'obscurité, ou encore parce que lorsque tout le monde parlait du nouveau building qui partait à l'assaut du ciel, lui ne pouvait s'empêcher de songer à la corruption et au détournement d'argent. Déformation professionnelle diraient certains. Si vous voulez son avis, c'était de la lucidité.

Quand les touristes se levèrent, il comprit qu'il était arrivé à sa station, mais ne se décolla pas de la paroi avant que le gros de la horde ne soit descendu. Il enfila plusieurs rues, et eut à peine le temps de sortir de l'ascenseur que sa chef le convoqua.

Le bureau du capitaine Shaddid était tout de verre, métal et lignes franches, à l'image de celle qui l'occupait.

« Votre nouvelle enquête » l'informa-t-elle en lui tendant un dossier qui devait être aussi épais que la chemise qu'il portait. Il l'ouvrit et tomba sur la photographie d'une jeune asiatique aux longs cheveux bruns.

« Juliette Andromeda Mao, 25 ans. Son père nous a signalé sa disparition il y a quelques jours, mais pense plutôt à une fugue. Ils ne s'entendaient plus très bien. Vous comprendrez qu'il veut que cela se fasse dans la plus grande discrétion. »

Miller retint un ricanement. Oh oui, il comprenait. Jules-Pierre Mao était un des hommes les plus riches et les plus influents de la ville, à la tête d'une firme pionnière en matière d'infrastructures et d'équipements scientifiques. La dernière chose qu'il souhaitait, c'était que le visage de sa fille se retrouve en une de tous les journaux. Viendraient les questions, les rumeurs et les soupçons, lesquels pouvaient miner sa crédibilité auprès de ses associés, voire détruire sa famille.

« Bien m'dame. » Alors qu'il s'apprêtait à se lever, son interlocutrice fit signe à quelqu'un qui attendait à l'extérieur. Un jeune homme en blouson matelassé entra.

« Bonjour, capitaine », sourit-il poliment. La policière le salua d'un signe de la tête et reporta son attention sur l'enquêteur.

« Votre nouveau co-équipier, Dimitri Havelock.

— Enchanté » dit ce dernier. Miller ignora sa main tendue et le scruta par-dessous le rebord de son chapeau. Jeune, plutôt bien bâti, avenant, avec l'air du gars dévoué pour protéger son prochain et sauver l'humanité. Il ne lui donnait pas trois semaines avant d'aller pleurer demander une mutation. S'il ne se faisait pas tuer avant.

Légèrement décontenancé par son manque de réaction, Havelock laissa retomber sa main.

« Ouais, moi de même » Miller finit-il par lâcher.

La famille de Julie habitait un penthouse en plein cœur de Manhattan. Un homme à la raie et au costume impeccables conduisit les deux policiers jusqu'à Monsieur Mao, qui les reçut avec son épouse dans un salon dont la taille, estima Miller, devait faire celle de son appartement. A l'invitation de leur hôte, le vieil enquêteur s'enfonça dans le canapé en cuir et refusa toute boisson, contrairement à son partenaire, et entra dans le vif du sujet.

« Merci de nous recevoir. Nous sommes là pour parler de votre fille, Julie. Vous avez dit penser à une fugue plutôt qu'à un enlèvement ?

— C'est exact.

— Qu'est-ce qui vous fait dire ça ? » L'homme aux cheveux argentés prit une courte inspiration. Au même moment, Ariadne Mao revint avec le café de Havelock –avec de la crème s'il vous plaît, sans sucre. Merci, c'est très aimable à vous.

« Ces derniers temps, Julie fréquentait des activistes qui luttent contre le capitalisme. Je respecte ses différences d'opinions, inspecteur Miller, mais ce sont des gens peu recommandables, violents. Elle a abandonné ses études du jour au lendemain alors qu'elle était promise à une brillante carrière de physicienne, et a quitté la maison. Nous avons essayé de la contacter, mais elle a ignoré tous nos appels et nos messages. »

Sa femme serra sa main et lui sourit faiblement. Du coin de l'œil, Miller vit son co-équipier griffonner sur un calepin.

« Vous avez une idée de l'endroit où elle aurait pu aller ? »

Les époux échangèrent un regard. « Nous pensons qu'elle s'est peut-être rendue dans la Ceinture, à Cérès. Plusieurs personnes avec lesquelles elle était en contact viennent de là-bas.

— Vous parlez des activistes ? Vous pourriez nous donner des noms ou nous les décrire ? intervint Havelock.

— Je suis désolé, je ne les ai jamais vus et il est hautement improbable qu'ils utilisent leurs véritables identités. Je sais simplement que leur groupe s'appelle Far Horizons Foundation. »

Le stylo se mit à gratter de plus belle contre le papier.

« J'aimerais jeter un œil à sa chambre, si ça ne vous dérange pas, déclara Miller.

— Bien sûr, inspecteur. Suivez-moi. »

Le parquet et les tons crème qui recouvraient les murs donnaient un aspect chaleureux à la pièce, une impression accentuée par la lumière que laissait entrer la baie vitrée. Tous les meubles étaient faits de bois, que ce soit le lit, la table de chevet, l'immense bibliothèque ou le bureau. Un cadre photo posé sur ce dernier, à côté de l'ordinateur portable, attira l'attention du policier qui le prit afin de l'examiner de plus près. C'était Julie Mao, souriante et un peu plus jeune, les bras passés autour des épaules d'un garçon et d'une fille qui se tenaient de chaque côté d'elle. À en juger par leur ressemblance, il devait s'agir de deux des autres enfants de la fratrie.

« Clarissa et Petyr, confirma le père. Ils ne savent rien encore de ce qui s'est passé avec leur grande sœur. »

Miller reposa la photo. « Nous allons devoir emporter l'ordinateur et fouiller la chambre pour d'éventuels indices.

— Tout ce que vous voudrez, inspecteur. Mais je vous en prie, retrouvez ma fille. »


Le Canterbury était rempli du cliquetis des verres, du bruit des conversations et des éclats de rire des personnes qui cherchaient à se détendre après une semaine de travail. Derrière le comptoir, un jeune homme brun essuyait des verres lorsqu'il remarqua l'arrivée d'une nouvelle cliente. Il jeta nonchalamment son torchon sur l'épaule et alla la voir.

« Bonsoir, qu'est-ce que je vous sers ?

— Une bière, s'il vous plaît.

— Ça marche. » Il revint peu de temps après, sa boisson à la main et un sourire aux lèvres. « Et voilà. » Elle le remercia et ne lui prêta plus attention, jusqu'à ce qu'elle constate qu'il se tenait toujours devant elle, immobile.

« Oui ? » demanda-t-elle en haussant légèrement un sourcil.

« Vous êtes de passage ? C'est la première fois que je vous vois ici. » Si certains habitants de Cérès aimaient passer le week-end dans les autres villes en périphérie de New York qui composaient ce qu'on appelait la Ceinture, l'inverse était aussi vrai. Et jamais il n'aurait oublié une femme à la peau mate et aux yeux en amande, dont la chevelure bouclée était rasée sur les côtés.

« Je suis arrivée il y a quelques jours.

— C'est vous qui allez reprendre le garage ? » L'ancien gérant, déjà présent à l'arrivée d'Holden à Cérès il y a plusieurs années et apparemment depuis encore beaucoup plus longtemps que ça comme il l'apprit par la suite, s'était décidé à laisser sa place et partir couler ses vieux jours au soleil avec son épouse.

Elle l'observa un instant.

« Vous paraissez surpris. Vous imaginiez un homme, je suppose ?

— Non, ce n'est pas ça. Je - ».

« Holden ! interrompit un de ses collègues. Sert les autres clients au lieu de flirter ! ». Le barman grimaça, puis lâcha un léger soupir avant de s'éloigner sous le regard amusé de son interlocutrice. Sa tâche accomplie, il revint aussitôt la voir, bien décider à dissiper tout possible malentendu.

« Pour tout à l'heure, ce que je voulais dire c'est que je n'ai rien du tout contre les mécaniciennes, expliqua-t-il. Au contraire, je trouve que c'est une bonne chose. On n'en voit pas beaucoup par ici. »

Elle sourit, puis lui tendit une main aux longs doigts fins.

« Naomi Nagata.

— James Holden, répondit-il en lui serrant la main. Bienvenue à Cérès. »