Titre : Chemins brisés
Auteur : Kashiira
Genre : POV, Ncs, angst
Source : Saint Seiya
Pairing : …
Note de l'auteur : Cette fic est inspirée de celle du Blog de Gwenn consacré à Camus du Verseau. Je reprends le thème de base – le Verseau abusé et le cœur en miette – et brode de mon côté. On va voir comment deux fics partant de thèmes identiques peuvent évoluer. -
Chemins Brisés
I
Camus
Lorsque je reprends conscience, la première chose que mon esprit embrumé identifie est une étrange odeur, à la fois douce et épicée, un peu comme celle du bois de santal. Familière aussi. Où l'ai-je déjà sentie ? C'est ce moment précis que la douleur choisit pour se manifester et j'étouffe un gémissement de protestation tandis que j'ouvre les yeux sur un plafond décoré de lignes et de courbes de couleur vive.
« Où ? » réussis-je à croasser.
« Tu es réveillé ? »
Un visage entre soudain dans mon champ de vision. Mu. Je le regarde sans comprendre le pourquoi de sa présence à mes côtés.
« Mu ? »
« Comment te sens-tu ? »
Mal, évidemment. Si la douleur que je ressens est un indicateur de ma santé, je dois être dans un sale état. Je me contente de grogner d'un ton évasif, trop fatigué pour répondre mais aussi trop fier pour risquer de trahir ma faiblesse et observe, faute de mieux, mon vis-à-vis. Ses yeux sont rougis, comme s'il avait pleuré mais la seule idée que le Bélier puisse manifester une telle preuve d'humanité est à ce point ridicule que je l'écarte sans y penser davantage. Je laisse mon regard dériver sur la chambre dans laquelle je suis alité. Est-ce celle de mon compagnon ?
Les murs blancs sont peints de la même façon que le plafond, laissant planer une impression de fantaisie lumineuse… apaisante. Il y a un vase rempli de magnifiques fleurs oranges aux innombrables pétales posé sur l'appuie fenêtre, un coffre déborde de tissus mêlés de livres et de parchemins. Le reste de la pièce est couvert de larges coussins brodés et sur l'un d'eux trône, soigneusement assise, une poupée sculptée avec amour, aux traits appliqués et aux vêtements usés d'avoir été caressés.
Soudain, je me fais l'effet d'un voyeur, un peu comme si j'avais ouvert un journal intime ou observé une scène d'amour de derrière une porte, et je détourne la tête avec une précipitation qui me donne le vertige. Est-ce la chambre de Mu ? Et dans ce cas, est-ce réellement un aperçu de sa personnalité ? Ai-je pu me tromper à ce point sur lui ?
« Camus ? »
Sa voix est hésitante et je reviens à lui. Il me fixe d'un air inquiet, franchement dubitatif. Je me rends compte que mon esprit a dérivé de pensée en pensée et que j'ai oublié sa question initiale.
« Où. »
« A Jamir. Je… J'ai… »
Il s'interrompt, évitant mon regard et je ne peux empêcher un sentiment de peur m'envahir. Depuis quand Mu agit-il avec si peu de confiance, envers moi ? Nous n'avons jamais été proches, ni même amis mais il ne s'est jamais gêné non plus pour me dire le fond de sa pensée…
« Vu les circonstances… J'ai pensé que tu aurais besoin d'un peu de temps pour te recentrer… »
Les circonstances ? Mais de quoi parle-t-il ? Je commence à me sentir un peu agacé de tous ces mystères mais suis toujours trop faible pour récriminer. Et puis… Où est Milo ? C'est toujours lui qui s'occupe de moi lorsque je suis blessé. Pourquoi ne suis-je pas dans son temple ? Et… pourquoi cette envie de pleurer m'envahit-elle lorsque je pense à lui ?
« Que s'est-il passé ? »
C'est le silence de l'Atlante qui me fait rouvrir des yeux que je ne m'étais pas aperçu avoir fermés. Il me fixe sans mots dire avec quelque chose de douloureux dans le regard, tant et si bien que je finis par détourner le mien.
« Mu ? »
Il sursaute et se redresse précipitamment, resserrant autour de lui l'étrange sari, à la fois chaud et vaporeux, qu'il porte.
« Rien… Il ne s'est rien passé. Repose-toi. »
Je n'y comprends plus rien ! Mais je n'ai pas la force de le rappeler tandis qu'il sort de la pièce. Cette dernière tournoie autour de moi et la dernière chose que je vois avant de sombrer dans l'inconscience, c'est la poupée aux couleurs si vives qui me rend mon regard avec quelque chose comme de la compassion dans ses yeux peints par une main d'enfant.
°°
Mu
Appuyé des deux mains sur la table de la cuisine, je lutte pour reprendre mon souffle. Les larmes ont envahi ma vision et le bois, sous mes doigts, se trouble. Je n'y comprends rien, Camus ne semble pas se rappeler de ce qui s'est passé. Peut-être est-ce mieux ainsi après tout. Ne pas vivre avec la peur omniprésente. Je l'envie quelque part.
Lorsque je l'ai trouvé au pied de mon temple, tout s'est effondré autour de moi. J'ai passé tant d'années à me reconstruire petit à petit… pour voir mes efforts réduits à néant en un seul instant. J'ai paniqué lorsque je me suis aperçu dans quel état il se trouvait et je l'ai téléporté à Jamir. Je sais à quel point on se sent fragile et sale après…
Même maintenant, je reste incapable d'en parler…
J'étais persuadé, et je le reste, que personne ne pourrait vraiment comprendre ce que c'est de vivre après ça. Je pensais que je pourrais l'aider comme, moi, j'avais espéré que l'on m'aide mais… c'est trop dur. Je n'y arriverai pas, je n'ai pas la force de revivre à nouveau ce cauchemar ! Je ne peux pas !
Mes jambes tremblent sous mon poids et je me laisse tomber à genoux sur le sol dur, le front contre le chêne rugueux, tandis que mes larmes coulent le long de mes joues. Cette douleur qui me mange, je ne la souhaite à personne, ni à mon pire ennemi et encore moins à Camus, même si nous n'avons jamais été amis.
« Mu ? »
Secoué par les sanglots que je peine à contenir, je n'entends pas immédiatement l'appel qui résonne dans mon esprit.
« Mu ? … Chevalier du Bélier ! Reprends-toi ! »
La voix mentale claque comme un fouet dans ma tête, me tirant de la transe presque hystérique dans laquelle je m'étais plongé.
« Shaka ? »
Je le sens intrigué, pas vraiment inquiet, de me sentir si bouleversé mais il n'insiste pas. Ce n'est pas qu'il soit particulièrement diplomate ou sensible mais ce genre de situations le met mal à l'aise. En ce moment d'ailleurs, ça m'arrange, je n'ai pas vraiment envie de parler.
« Que se passe-t-il ? »
« Sais-tu où se trouve Camus ? Tout le Sanctuaire le cherche et son cosmos est masqué… »
Evidemment que personne ne peut le sentir, c'est mon œuvre. Le Verseau n'a pas besoin d'interférences en cet instant. Il lui faut du calme et puis… Je ne sais pas ce qui va se passer plus tard mais je peux au moins lui offrir un abri, le temps qu'il se remette et soit à nouveau capable de faire face…
« Peut-être n'a-t-il pas envie d'être trouvé ? »
« Tu sais donc où il est ? »
J'hésite un instant.
« Oui… Je ferai connaître sa présence, lorsqu'il le désirera. »
« C'est donc son souhait ? »
« Shaka… Tu sais que je ne lui ferai jamais de mal. Ni à lui, ni à l'un de nos frères d'arme. Il reprendra contact lorsqu'il se sentira prêt. »
« Et tu ne me diras pas ce qui s'est réellement passé ? »
« Ce n'est pas à moi d'en parler. »
Il garde le silence un long moment avant de soupirer mentalement.
« Que dois-je dire à Milo ? »
Je grimace intérieurement en imaginant l'inquiétude du Scorpion pour son ami. Ce dernier n'est pas particulièrement réputé pour son calme, ni pour sa retenue.
« De prendre patience. »
« Très bien. »
Le ton de Shaka est sec. Je compatis, ma réponse ne va pas l'aider outre mesure mais que puis-je dire d'autre ?
« Mu ? … Prends soin de toi, mon ami. »
Trop surpris par cette dernière phrase, je ne réponds pas tandis qu'il coupe le contact. Toujours à genoux devant la table, j'ai cessé de pleurer. J'ai terriblement froid mais je sais déjà que rien ne pourra me réchauffer. J'ai des années d'expérience en ce domaine, au contraire de Camus. Ma volonté raffermie, je me relève et fais chauffer de l'eau. J'ai besoin d'une tisane et surtout d'agir.
°°
Camus
Lorsque je me réveille à nouveau, je suis toujours dans la même chambre. Je me sens moins faible mais je n'essaye pas de me lever. Je ne suis pas seul dans la pièce.
« Itai. »
C'est un murmure, à peine perceptible. Mu est assis en tailleur sur l'un des coussins près du lit, toujours vêtu de cet étrange sari. Des vêtements que je reconnais pour les miens sont étalés sur ses genoux et il se suce le doigt d'un air chagrin.
« Mu ? »
Il redresse la tête et m'adresse un sourire amical.
« Tu es réveillé… Comment te sens-tu cette fois ? »
Je reste silencieux un long moment.
« Mieux. »
Je brûle de lui demander ce qui m'est arrivé mais je me rends compte qu'au final, je ne suis pas pressé de savoir. Est-ce de la peur que j'éprouve ?
« Bien… Est-ce que tu as faim ? »
Je vais pour répondre par la négative lorsque mon ventre émet un gargouillis sonore et je me rencogne contre mes oreillers, embarrassé. L'Atlante ne fait pas de commentaires et se contente de poser son ouvrage à côté de lui avant de se lever avec une grâce féline.
« Attends un instant, je vais te réchauffer de la soupe, » fait-il simplement avant de sortir de la chambre.
Mes vêtements sont en piteux état, déchirés en plusieurs endroits. Certains accrocs sont raccommodés et je ne peux m'empêcher de ressentir une certaine gêne m'envahir. Mu me veillait et réparait mes affaires. C'est rassurant en un sens mais… je ne suis plus un enfant depuis longtemps.
Je serre les dents, tandis que je m'assieds lentement. J'ai mal partout mais apparemment, en dehors de quelques côtes fêlées, je n'ai rien de cassé. De cette position, la pièce m'apparaît différemment. C'est un univers à part entière et je me sens comme un étranger. Pourtant, elle a un côté apaisant et, bientôt, je me lève et tente quelques pas hésitants avant de devoir m'asseoir sur un coussin. Je suis épuisé, aussi faible qu'un nouveau né. Haletant, j'avise la poupée que j'avais remarquée auparavant et la prend pensivement. Ses traits ont été gravés d'une main enfantine, un peu malhabile mais talentueuse. Elle semble me regarder avec tristesse et je caresse ses cheveux sans vraiment y penser. C'est ce moment que Mu choisit pour revenir. Il me regarde un long moment, son visage lisse aussi impénétrable qu'un masque. Il pose le plateau qu'il porte sur un coffre avant de s'agenouiller devant moi, solennel.
« Je… »
A nouveau, je me sens étranger dans ces lieux et je lui tends le bébé qu'il accepte gravement avant de la coucher dans une sorte de berceau construit manifestement par la même main enfantine qui a créé le jouet. C'est étrange de voir ce puissant chevalier se comporter avec tant d'attention envers une poupée. Pourtant, il ne me paraît pas plus efféminé pour la cause. Au contraire. Je ne peux pas vraiment expliquer ce que je ressens mais je devine que je suis témoin d'un pan de la personnalité de Mu que personne même parmi ses proches ne peut se vanter avoir déjà vu.
Lorsqu'il revient vers moi, il semble plus détendu et me tend un bol de soupe fumant. Au moins, ne me traite-t-il pas comme un infirme et je lui en suis reconnaissant. Cependant, j'ai présumé de mes forces comme la tête me tourne et seuls les bras du Bélier sous mes aisselles m'empêchent de tomber. Je le laisse me mener jusqu'au lit quand, soudain, le contact me semble insupportable et je me débats, le frappant durement au visage. Il me laisse battre en retraite sur le lit, les traits impassibles et d'un calme surprenant étant donné ma réaction.
« Tu es épuisé et blessé, Camus, » dit-il doucement. « Repose-toi. »
Mais je ne veux pas dormir ! Tout à coup, l'obscurité me semble menaçante et, à ma grande honte, je me recroqueville, tremblant de tous mes membres, terrifié sans en connaître la raison. Mu m'observe un instant en silence avant de s'asseoir à côté du lit sur les coussins, dans la même position que lors de mon réveil.
« Je reste à tes côtés, » ajoute-t-il sur le même ton.
C'est idiot mais ça suffit à me rassurer et, à peine, ai-je fermé les yeux que le sommeil me gagne.
A suivre
