...comment ça le dernier épisode de SLG m'a complètement inspirée ? Comment ça j'attendais depuis des mois qu'il glisse sur cette pente plus sérieuse et réaliste et qu'il aille au bout de sa logique ?

Mais absolument. On se retrouve en bas.


L'Échafaudage

Allongé sur son lit les yeux ouverts, Mathieu Sommet ne voyait rien dans son esprit vide.

Vide.

Un néant noir qui l'entourait, l'enrobait, le tuait avec cet écho creux qui résonnait au loin lorsqu'il appelait.

Un appel sans aucune réponse.

Juste le silence.

Le Docteur était parti. Parti depuis… depuis quand déjà ? Une heure ? Deux ? Une nuit ? Une journée ? La chambre était plongée dans la pénombre. Quelle heure était-il ? Quel jour étions-nous ?

Il ne savait plus. Il ne savait plus rien. Qui était-il et qui étaient-ils tous ? …il n'avait pas pu les inventer, c'était impossible, ils ne pouvaient pas être… aaah !

Mathieu ferma les yeux en secouant la tête comme un homme perdu. Il roula sur le côté et se recroquevilla sur lui-même. Il inspira plusieurs fois doucement mais son souffle tremblait. Un air tiède qui s'échouait sur les draps un peu humides de son angoisse. Ses nerfs étaient à fleur de peau et il n'osait plus penser. Penser était effrayant, penser était dangereux.

Il avait la sensation diffuse de n'être qu'à une pensée de la folie. Une pensée, une de trop de trop et tout l'échafaudage de son esprit s'effondrerait sur lui-même dans un immense fracas et il se briserait. Il ne serait plus rien. Il disparaîtrait. Le plus terrifiant était qu'il ignorait quelle était cette pensée dangereuse… et c'était normal car s'il la connaissait, il serait déjà détruit. Elle pouvait arriver n'importe quand, à n'importe quelle seconde, au détour d'une réflexion, à la suite d'un soupir. Il la guettait et tremblait de peur.

Il se sentait si fragile. C'était horrible. Une sensation de vulnérabilité comme jamais il ne l'avait connue.

Il s'était parfois senti en position de faiblesse durant sa vie. C'était normal, ça arrivait, comme lorsque petit, les plus grands et plus forts venaient se moquer de lui et le frapper. Comme lorsqu'il avait attendu que cette fille réponde à son message. Comme lorsque ses parents l'engueulaient et lui interdisaient des choses à cause de bêtises qu'il avait faites. Comme lorsqu'il était ressorti bourré et défoncé de cette soirée et qu'il s'était perdu pour rentrer chez lui, errant dans les rues noires et inquiétantes. Comme lorsque la voiture avait quitté la route.

Mais pas comme ça.

Pas comme ça.

Toutes ces situations, ces moments désagréables, ces impressions de faiblesse et de danger avaient tous été passagers. Un moment difficile, une matinée pour se remettre, une semaine pour se reparler, un mois pour guérir mais au final rien de dramatique. Une anecdote oubliée, un souvenir relégué au fond du placard de l'esprit et qui n'en ressortirait peut-être jamais.

Qu'ils semblaient risibles à présent, ces moments. Amusants de simplicité, déchirant de facilité. Comment avait-il pu à l'époque y accorder de l'importance et se dire qu'il vivait « le plus pénible moment de sa vie » ? Ridicule, si ridicule, mon Dieu ! Que ces moments semblaient agréables en comparaison avec ce qu'il était en train de ressentir en cet instant. Il aurait préféré revivre tous ces moments un à un plutôt que de subir ça... Il aurait su que ça n'étaient que des mauvais moments à passer et que la fin arriverait tout au bout des minutes allongées.

Alors que là ça ne passait pas.

Ça ne passerait plus.

Et pourtant, qu'il l'aurait voulu.

Non de Dieu, ce qu'il l'aurait voulu !

Il essayait de comprendre, de trouver un moyen pour que ça s'arrête, pour à nouveau se sentir bien mais rien ne venait. Où était passé le bien-être et la tranquille routine qui l'habitait depuis tous ces mois ? Il ne comprenait plus rien et c'était terrifiant. Chacune de ses pensées tombait sur une impasse ou une contradiction, plus rien n'avait de sens. Il ne comprenait plus ce qu'il se passait dans sa propre tête, qui il était, ce qu'il était, qui ils étaient. Des illusions ? Non ! Non ils ne pouvaient pas être uniquement dans sa tête, c'était impossible ! Il les avait vu, leur avait parlé pendant des heures, passé des journées et des nuits avec eux! Il avait vécu à leurs côtés, mangé avec eux, était sorti à leurs côtés ! Ils existaient, ils… aaah !

Il ferma ses yeux qu'il ne se rappelait pas avoir ouverts en portant une main à sa tête. Cette dernière ne lui faisait plus aussi mal qu'avant mais une sorte de tambour sourd cognait au loin et arrivait par vague s'écraser sur le rempart de son esprit. Ça faisait vibrer son crâne et ses réflexions. Il perdait le fil. Ça l'énervait et l'effrayait. Était-il malade au point de ne plus pouvoir simplement penser !?

Non, il n'était pas malade.

Il ne l'était pas.

Ils existaient.

Il leur avait assez parlé, il les connaissait.

Cet homme lui mentait.

…mais où étaient-ils ?

- …-aagh !

Le cri était monté dans sa tête et étranglé dans sa gorge. Son esprit meurtri lui faisait mal. Le souffle court il se rassit précipitamment sur son lit et respira profondément pour se calmer les nerfs.

Cela ne marcha pas. Il posa un pied par terre mais hésita à se lever. Pour aller où ? Pour voir quoi ?

La réponse fusa immédiatement dans sa tête et l'apaisa. Lorsqu'il en réalisa le sens un nœud lui noua l'estomac.

Aller leur parler et leur demander conseil. Bon, ils étaient souvent inutiles mais les voir ça ferait du bien.

Ha.

Un rire cynique lui échappa et il ne reconnut pas sa voix. Aller les voir. C'était donc à eux qu'il pensait en premier. À ses… ses amis ? C'était ce qu'ils étaient ? Vraiment ? Il n'en était pourtant pas sûr, ils étaient… non.

Non il ne voulait pas savoir.

Ils étaient…

Le silence de la chambre était assourdissant. Pourquoi n'étaient-ils pas là, pourquoi ne parlaient-ils pas ? Il savait avec horreur que s'il élevait la voix pour poser une question au Panda, il ne répondrait pas. Cette certitude le glaçait.

Il se sentait seul.

Il avait besoin de parler de ce qui lui arrivait à quelqu'un mais ils n'étaient plus là.

Car c'était eux le problème.

C'était eux.

Il trembla, s'entoura inconsciemment de ses bras avec un hoquet.

Il était à l'asile et on le soignait. Ils n'existaient pas et lui ne s'était rendu compte de rien depuis tous ces mois. La vidéo que cet homme lui avait montrée était claire : il avait déjà réalisé par le passé où il était puis l'avait oublié. Quand oubliait-il cela ? Comment le pouvait-il ? En dormant ? Allait-il à nouveau perdre le fil après s'être assoupi, allaient-ils reprendre le contrôle ?

Mais non, ils ne le contrôlaient pas, ils n'étaient pas comme ça ! Ils étaient… qu'étaient-ils !?

NON.

Il se rendit compte avec horreur qu'il aurait en fait voulu oublier. Il aurait voulu dormir et ne plus réaliser où il était. Il ne pouvait pas l'accepter, cela ne pouvait être qu'un très, très mauvais rêve.

Il n'était pas fou.

IL N'ÉTAIT PAS FOU !

Il se laissa retomber sur son lit et se passa ses mains moites sur le visage. Entre ses doigts il aperçut la caméra installée dans le coin de la pièce et referma les yeux avec un gémissement incontrôlable. Il voulait qu'elle disparaisse.

Qu'elle n'existe pas.

Mais là aussi il savait que s'il rouvrait les yeux, elle serait toujours là.

Il se retourna contre le mur qu'il fixa d'un regard vide. Tout était si silencieux, ça le rendait malade.

Où étaient-ils ? Jamais là quand on avait besoin d'eux ! Eux auraient réagi. Le Patron aurait arraché la caméra, le gamin lui aurait donné une peluche débile à serrer, le Panda aurait chanté une chanson idiote pour le faire rire et le hippie lui aurait filé un joint pour se détendre.

Ils l'auraient entouré, vanné et se seraient assis sur le lit en prenant toute la place jusqu'à ce qu'il étouffe et soit forcé de se lever. Bande de crétins.

Les imaginer ainsi l'apaisa un peu. Une tranquillité née du quotidien, un déjà-vu rassurant.

Mathieu ferma les yeux en les imaginant tous ainsi, à se promener dans la pièce et lui parler.

Comme d'habitude.

Cette vision était tranquillisante.

Dans sa tête fragile, les échafaudages tremblaient moins et la vibration qui agita son crâne ébranla à peine leur image. Il se sentit mieux. Les choses s'arrangeaient. Ils devaient être là, c'était logique, oui, c'était ça qui était normal.

Il soupira, épuisé. Penser… était si… fatiguant.

Il se glissa sous la couverture, s'employant à repousser toute pensée et question en rapport avec sa réalité jusqu'à ce que le sommeil embrume son esprit et l'emporte loin de cette pièce.


Je ne connais rien de plus grisant que le besoin impérieux d'écrire. Cette fougue que l'on ne peut ni veut combattre, la flamme de l'inspiration divine.

Je ne pensais pas un jour écrire sur un Web Show mais la vie réserve bien des surprises. À présent c'est à vous, à vos claviers ! Dites-moi ce que vous en avez pensé ! Ce n'est certainement que le début.