Titre : Gruesome Fairytale
Chapitres : 01/??
Auteur : Foxx
Genre : Lemon, AU, angst...
« ...Promotion Harugin New Item ! Nos deux nouvelles chevalières sont disponibles à prix réduit sur le site .com, avec en exclusivité une photographie dédicacée de Ruki-san, pour les dix premiers achats ! Soyez les premiers à profiter de... »
La voix féminine qui vantait les mérites d'Harugin fut soudain couverte par un grognement de lassitude, provenant d'un lit exigu au draps défaits. Uruha se retourna avec un soupir au milieu des couvertures en désordre, profitant encore quelques secondes de la chaleur confortable du sommeil. Le soleil se levait à peine et comme chaque matin, le son nasillard de sa radio de mauvaise qualité venait le tirer d'une courte nuit de repos, à l'heure où la plupart de ses amis se couchaient juste.
Un jingle retentit dans la petite chambre de l'appartement au moment où Uruha se dégageait avec regret de la douceur de son lit, et quelques notes d'une chanson familière se firent entendre.
« Atte sono kuchi kara
Kikasete hoshii... »
Uruha adressa un sourire à son reflet dans le miroir accroché au dessus de la commode, marquant d'un léger hochement de tête le rythme des guitares. Il ouvrit un tiroir pour attraper quelques vêtements, sans prêter grande attention au choix de la tenue, puis il ouvrit la porte de la salle de bain, s'attardant un peu plus dans la chambre pour entendre quelques dernières notes.
« Utsubuse no asu utaeba toge wo tsutau suimin
Karada ni karamaserareta Restraint
Even the mind seems to sleep ! »
La chanson s'interrompit brutalement après le refrain, le jingle de la station de radio, criard et agaçant, s'élevant à nouveau dans la chambre d'Uruha. Celui-ci s'apprêtait à éteindre le poste lorsque la voix d'une présentatrice attira son attention.
« ...Nous venons d'entendre Chizuru, le tout nouveau single, et Ruki-san est avec nous. Bonjour Ruki-san ! Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur cette nouvelle chanson ?»
Uruha haussa un sourcil et jeta sur son lit défait les vêtements qu'il tenait à la main. Il monta le son puis se glissa silencieusement dans la cuisine pour réchauffer le café de la veille, prenant garde à ne pas perdre une miette de l'interview du jeune chanteur qui se déroulait à l'antenne.
« Et bien... » hésita une voix grave, suivie d'un silence et d'un léger bruit de reniflement. « A vrai dire, je voulais composer quelque chose, depuis longtemps, pour les personnes que je n'ai pas le temps de voir en tournée, et auprès desquelles je ne pourrais pas être s'il se passe quelque chose. Je voulais aussi faire quelque chose de très différent des chansons précédentes, alors cette idée s'est présentée et le résultat est Chizuru. »
Uruha ne put s'empêcher de sourire, à la fois amusé et presque touché par la manière dont ce jeune chanteur vedette se confiait sur les ondes sans la moindre gêne, avec la candeur attendrissante des débuts. Ruki était la coqueluche de tout un milieu depuis à peine deux ans, et malgré la rapidité avec laquelle il avait gagné en popularité les premiers mois, son succès ne s'était depuis absolument pas tarit. L'innocence dont il faisait parfois preuve, son manque de tact aussi, et sa pudeur charmaient tout autant que ses attitudes provocatrices, si bien que les journalistes se l'arrachaient littéralement pour obtenir une de ses rares interview.
Interview qu'Uruha avait d'ailleurs eu la chance d'obtenir, grâce à son journal, puisqu'il devrait rencontrer le jeune homme le lendemain même, afin de lui poser quelques questions.
« Le nouveau single est déjà une réussite ! » s'exclama la présentatrice, sur un ton enjoué parfaitement maîtrisé malgré l'heure matinale. « Une série de concerts est prévue pour l'été et certaines rumeurs parlent même d'un nouveau disque d'ici là... »
Uruha étouffa un rire sarcastique en entendant la dernière phrase de la speakerine. Ruki était réputé pour être un des artistes les plus secrets quant à ses projets et en trois ans de carrière, pas la moindre prétendue fuite d'information ne s'était révélée exacte. Même le Forbidden Colours, journal à scandale pour lequel travaillait Uruha, ne consacrait en général que quelques lignes au chanteur, faute d'informations réellement intéressantes.
« Malheureusement, je ne peux pas vous en dire plus, » répondit Ruki d'une voix qui, même déformée par le son de la radio, cachait mal son amusement. « Tout ce que je peux dire, c'est que la prochaine tournée comptera au moins une dizaine de dates. Je présenterais Chizuru sur scène et j'espère que tout le monde sera au rendez-vous. »
Uruha sourit en portant la tasse de café à ses lèvres. Le liquide était encore un peu chaud mais supportable, et le journaliste était occupé à en apprécier la saveur corsée lorsque la voix de la présentatrice laissa la place à une annonce automatisée accompagnée d'un jingle désagréable et décidément répétitif.
« Il est sept heures, merci d'écouter Road FM. Et maintenant, une page de publicité...»
Uruha écarquilla les yeux manquant de recracher son café sur le parquet de l'appartement en entendant l'annonce de l'horloge parlante. Il avait dû se mettre en retard sans même s'en rendre compte, à cause de l'interview sans doute. Le journaliste avala d'une traite le contenu de sa tasse de café puis saisit son téléphone portable posé sur la table de nuit, écrivant rapidement un message à l'attention de Reita, qu'il devait retrouver en ville le matin même. Il jeta ensuite son téléphone sur le lit, y attrapant les vêtements qu'il y avait laissés, puis il se précipita dans la salle de bain, maudissant cette mauvaise habitude qu'il avait prise de se mettre systématiquement en retard les jours importants ou rien remplis.
* * *
Près d'une demie-heure plus tard, Uruha s'arrêtait devant un magasin dans le centre-ville, situé à côté de boutiques luxueuses. La vitrine détonnait dans le paysage du quartier commercial de Tokyo puisqu'elle était décorée dans les tons dorés, pourpres et noirs, les mannequins de plastique qui s'y trouvaient arborant de fières tenues punk hors de prix.
poussa hâtivement la porte du magasin, inquiet à l'idée d'être en retard. Il chercha Reita du regard, impressionné par l'allure des étalages et l'audace des créations, reprenant peu à peu son souffle après qu'il ait courut pour arriver le plus tôt possible.
Un blond accoudé nonchalamment contre le comptoir du magasin l'observait d'un regard amusé, les mains dans les poches.
« Alors, il faut que je te réveille moi-même ? » s'enquit Reita avec un sourire en coin, ses yeux pétillant d'affection pour le journaliste avec qui il était amis depuis l'enfance.
« Ca ira, désolé, mais y'avait une interview de Ruki à la radio et je voulais écouter, » se justifia ce dernier d'une voix encore légèrement saccadée. Il passa la main dans ses cheveux pour tenter d'arranger quelques-unes des mèches caramel de sa coiffure soigneusement désordonné, un peu honteux de n'être vêtu que d'un jean et d'une chemise noire face au style vestimentaire de Reita, travaillé jusqu'à la perfection.
Il portait un pantalon noir plutôt large, mais assez étroit pour mettre sa silhouette en valeur, qui contrastait avec une ceinture blanche ornée de clous, fermée par une boucle massive en forme de tête de mort. Une veste en cuir rouge, qui devait probablement coûter un ou deux mois du salaire d'Uruha, venait compléter la tenue, portée négligemment au dessus d'une chemise blanche entrouverte. Une paire de gants en cuir noir et un foulard bleu orné de têtes de morts étaient posés sur le comptoir un peu plus loin, indiquant que le styliste n'était pas arrivé depuis aussi longtemps qu'il voulait le faire croire.
« Ah oui, la fameuse interview. C'est pour ça qu'il te faut une tenue, et que tu as pensé à moi, hein ? » répondit Reita en hochant la tête, avant de se décoller d'un mouvement de hanches du comptoir auquel il était adossé. Il examina un long moment la silhouette d'Uruha, l'air presque intimidant, puis il se dirigea vers un portant de vêtements, caressant du bout des doigts quelques tenues aux couleurs vives.
« Je ne porte pas de léopard, Rei, » protesta le journaliste entre ses dents, au moment où le styliste s'approchait dangereusement d'un costume accroché à part, entièrement imprimé de ce motif. Reita secoua la tête en signe de désapprobation, puis il traversa le magasin d'un air pensif pour fouiller dans un autre rayon, tandis qu'Uruha observait avec curiosité les portants situés juste à sa droite.
« C'est quoi ça ? » demanda le journaliste d'une voix mal assurée, sortant prudemment une veste rayée de couleurs bordeaux et noir. Reita se tourna vers lui et croisa les bras sur sa poitrine, dévisageant Uruha quelques instants avant de répondre.
« Ce n'est peut-être pas trop ton style, mais ça pourrait bien t'aller... » dit évasivement le styliste. Il prit adroitement le vêtement dans les mains de son ami et piocha parmi les tenues accrochés au portant un pantalon assorti, noir et sobre, orné d'une discrète chaîne en argent à la ceinture. Reita tendit le tout à Uruha et jeta, en guise de complément, une chemise blanche dans les bras du journaliste, avant de lui indiquer d'un geste l'arrière du magasin où se trouvaient les cabines.
Uruha entassa maladroitement les vêtements qu'il portait sur son bras gauche, marchant jusqu'aux cabines. Il s'apprêtait à ouvrir, de sa main libre, l'épais rideau rouge qui séparait les cabines du reste du magasin lorsque quelque celui-ci s'écarta devant son visage.
« Rei.. oh ! » s'exclama un jeune homme à la peau pâle, les yeux écarquillés par la surprise. Uruha s'immobilisa face un inconnu brun, au corps élancé et délicat, si mince qu'il semblait presque irréel, voué à s'éteindre au moindre souffle. Le journaliste se sentit rougir lorsqu'il réalisa que deux prunelles couleur ébène s'étaient posées sur lui, rehaussées par un trait de khôl noir qui contrastait avec la peau pâle et sans défaut de l'inconnu. Celui-ci détourna finalement le regard et Uruha fit aussitôt de même, troublé par cette rencontre.
« Oh Aoi, je t'avais oublié ! » s'excusa soudain Reita, manquant de faire sursauter Uruha qui avait un instant oublié la présence de son ami dans le magasin. « Je te présente Uruha, c'est un ami journaliste. Uruha, voici Aoi, un mannequin qui a la patience d'essayer mes affaires. »
Le brun hocha doucement la tête, un sourire à peine discernable venant orner ses lèvres bien dessinées. Il se faufila entre Uruha et le comptoir du magasin puis rejoignit Reita, lui adressant un regard plus doux avant de poser discrètement sa main sur le bras du blond.
Uruha esquissa un sourire forcé, de politesse, puis il pénétra rapidement dans l'arrière-boutique, quelque peu soulagé de laisser Reita seul avec cette troublante beauté. Lui qui avait toujours été un éternel adolescent, incapable de décrocher un emploi stable en dehors des quelques articles qu'il écrivait pour son journal, il se sentait un peu à l'écart face au calme et à la maturité qu'affichaient Reita et cet inconnu – Aoi.
Le styliste avait visiblement eu l'occasion de faire de charmantes rencontres depuis que la célèbre marque Harugin l'avait remarqué pour l'embaucher à grand frais, quelques mois auparavant. Uruha, malgré des années à fréquenter le milieu des stars et des journaux à scandale, ne pouvait en dire autant et le journaliste se surprit un instant à jalouser son ami d'enfance, styliste de génie, convoité par les plus grands malgré son jeune âge.
Uruha acheva de se déshabiller dans la cabine spacieuse du magasin, tentant de revenir à la réalité. Reita avait certes un emploi en or et un mannequin sublime à ses côtés mais beaucoup de contraintes pesaient sur ses épaules, et Uruha était presque convaincu que sa liberté valait bien d'avantage que n'importe quel poste dans n'importe quelle marque prestigieuse.
Il déplia soigneusement le pantalon noir sélectionné par Reita, puis l'enfila avec précautions avant de l'ajuster sur ses hanches, surpris de constater à quel point la coupe convenait à sa silhouette. Uruha sourit à son reflet puis enfila à son tour la chemise blanche et enfin la veste rayée qu'il avait lui-même choisie. Il épousseta un peu les côtés de la veste, afin de la faire tomber parfaitement sur ses flancs, puis il ajusta distraitement le col de la chemise et leva enfin les yeux vers son reflet, manquant de pousser une exclamation de surprise.
La tenue qu'Uruha portait offrait un réel contraste avec son apparence d'habitude décontractée. La couleur sombre des vêtements faisait ressortir la teinte caramel des longues mèches qui retombaient sur ses épaules. La veste était peut être légèrement trop courte, mais elle donnait une certaine originalité à l'ensemble, et les pans de la chemise qui dépassaient rappelaient un peu le côté brouillon du journaliste, son style d'ordinaire plus anarchique et hasardeux.
Uruha cligna des yeux, incapable de réprimer un large sourire satisfait. L'éclairage tamisé dans les cabines y était peut-être pour quelque chose, mais il s'était rarement trouvé aussi élégant – ce qui lui donnait une certaine confidence dont il manquait un peu à l'ordinaire. Uruha se pencha pour chercher l'étiquette accrochée à la veste rayée, curieux d'en vérifier le prix.
« Quand même... » murmura le journaliste pour lui-même, avant de recompter, dans le doute, le nombre des zéros qui se trouvaient avant la virgule. Uruha déglutit et adressa à nouveau un regard à son reflet, tentant déjà de se faire à l'idée que cette tenue n'était pour lui qu'un rêve impossible à atteindre. Il ne put s'empêcher de penser que Reita avait sans doute, lui, une pleine armoire de vêtements aussi luxueux, et un sentiment de jalousie refit à nouveau surface, irrépressible.
