Notes :

J'ai rédigé cette histoire en 2014, pendant le hiatus de la saison 2 d'Hannibal (c'était une période très difficile). Je ne l'ai jamais publiée car je ne la trouvais pas assez bien et trop ridicule... puis aujourd'hui je suis retombé dessus par hasard et je me suis dit "...pourquoi pas ?".

J'espère que vous l'apprécierez !

N'hésiter pas à laisser des remarques (ou des cookies. C'est bon, les cookies). Vous pouvez également me retrouver sur Tumblr (lactobacille).


« Je te pardonne, Will. »

La voix d'Hannibal semblait tellement lointaine. Comme un écho qui se réfracte contre les pierres d'une cave souterraine. Will ne savait plus s'il était conscient ou non. Une douleur lui transperçait les entrailles et il tentait de retenir le liquide chaud qui s'écoulait de son ventre en pressant ses mains contre sa blessure. Sa vision commençait à devenir floue. Le corps parcouru de tremblements, il pouvait à peine distinguer le visage brisé, trahit d'Hannibal. Il semblait tellement souffrir. La flaque de sang dans laquelle Will était couché paraissait futile comparée à la peine que pouvait ressentir Hannibal.

Il n'avait pas voulu le trahir. Pas vraiment. Will avait été en éternel conflit entre Jack et Hannibal mais il ne supportait pas de voir son ami dans cet état. Il ne pouvait même pas lui en vouloir pour l'avoir éventré. Au fond de son esprit, il savait qu'il l'avait poussé à bout. Son seul désir à présent était de retourner contre lui, sentir à nouveau la chaleur de son corps contre le sien. Il s'était senti paisible, en sécurité, malgré le coup presque fatal qu'Hannibal lui avait donné. Il avait été si stupide. Il aurait dû accepter l'offre d'Hannibal de partir ensemble. Il l'aimait, c'était sûr. La présence d'Abigail, en vie et en bonne santé, attendant le retour de ses pères de substitution, en étant la preuve. Cela avait été une surprise pour Will, un cadeau consciencieusement gardé jusqu'au bouquet final. Sauf qu'il avait tout détruit. Il avait tout gâché en suivant Jack, croyant faire ce qui était juste. La différence entre bien et mal semblait à présent floue dans son esprit. En revanche, sa peine était aussi claire que de l'eau. Il se moquait que Hannibal soit un meurtrier. Il n'en avait que faire d'avoir été manipulé et éventré. Cela ne changeait en rien ses sentiments pour lui, le seul être qu'il le comprenne, son seul soutien depuis longtemps. Il a été toujours là, et Will se retrouvait toujours devant sa porte pour chercher sa compagnie. Mais à présent, tout était terminé.

« Me pardonneras-tu ? »

Hannibal fit mine à Abigail d'approcher et Will vit avec horreur devant ses yeux brumeux la jeune fille se retrouver dos à l'éventreur de Chesapeake, le couteau sous la gorge. Hannibal était tellement blessé qu'il voulait détruire tout ce qui se trouvait autour de lui, à la manière d'un loup mutilé en pleine forêt.

« Non… non, non, non,… »

Will tentait de retarder l'inévitable mais ses yeux se remplirent de larmes lorsqu'il vit Hannibal faire glisser son couteau contre le cou d'Abigail, exactement au même endroit où son père biologique l'avait blessée. Will se sentait encore plus mal qu'il ne l'était, en pleurs et gémissant. Lorsque le corps de la jeune fille tomba à ses côté, il s'accrocha d'elle et tenta d'arrêter le saignement, oubliant le sien, sachant que cela était inutile tellement la blessure était profonde. Ils étaient là, tous les deux, baignant dans le mélange de leur sang, et Will aurait voulu mourir sur le champ pour faire disparaître toute cette douleur.

Il vit alors Hannibal s'approcher doucement d'eux, avant de se pencher au dessus de Will.

« Tu peux tout faire disparaître. » murmura-t-il. Will fixait les yeux trahis qui le regardaient néanmoins tendrement. Hannibal souffrait. Tout ce qu'il aimait, ou du moins ce qu'il avait l'impression d'aimer, était en train de se vider de son sang. Will n'arrivait pas à quitter son regard du visage écorché d'Hannibal. Son âme se brisa une nouvelle fois lorsqu'il distingua une unique larme glisser le long de la joue du psychiatre. Le monstre avait réellement des sentiments. Mais Will était sûr que c'était la dernière fois qu'il les laisserait le submerger.

« Tu peux tout oublier, continua Hannibal. Met la tête en arrière, ferme les yeux. »

Il ne pouvait pas supporter de faire souffrir Will. Pas encore. Sa voix n'était qu'un souffle.

« Imprègne-toi du calme de la rivière. »


Will Graham ouvrit les yeux dans un cri. Il transpirait énormément et son rythme cardiaque était tellement élevé qu'il avait l'impression de mourir. Il se battit furieusement avec des liens autour de son corps et de ses membres avant de se rendre compte que c'était un drap qu'il l'entourait. Sa respiration commença lentement à se calmer. Essuyant la sueur de son visage, il pris doucement conscience de son environnement. Il était chez lui, dans son lit, et c'était le milieu de la nuit. Une truffe humide inquiète venait de lui frôler la jambe. Winston.

Ce n'était pas possible. Il ne devrait pas être là mais, encore brumeux, il avait du mal à se souvenir pourquoi. Il aurait dû être… à l'hôpital. Oui, c'était ça. Ou bien dans un cercueil. Mais pourquoi ? Que lui était-il arri—

Les souvenirs le frappèrent comme une balle de revolver. Cette journée, cette terrible journée qu'il avait passé. Et cette nuit sanglante. Pris de panique, il s'assit sur le lit et souleva son t-shirt blanc. Il se passa une main tremblante sur le ventre. Rien. Pas de trace de blessure. Pas une cicatrice. Juste sa peau lisse et trempée de sueur. Avait-il rêvé ? Ou était-il en train de rêver ? Plus rien n'avait de sens. Il essaya de se rappeler avec plus de détail cette fameuse nuit mais ses sentiments le prirent de court : douleur, souffrance, trahison, affection. Devant lui, il avait encore la vision d'Abigail agonisant au sol, le visage de Lecter si déchiré. Il fut pris de nausée et poussa Winston de son chemin pour atteindre rapidement la salle de bain avant de vomir ses entrailles au dessus des toilettes. Il se sentait mal, très mal, aussi bien au niveau physique qu'au niveau psychologique. Il ne savait plus quoi penser, comment partager fiction et réalité. Alors, il s'allongea sur le sol froid et resta là sans bouger pendant plusieurs heures, les yeux fermés, en chien battu. Il voulait se réveiller de ce cauchemar. Pourquoi cela lui arrivait-il ? Pourquoi cette nuit était-elle arrivée ? Etait-elle vraiment arrivée ?

Une sonnerie aiguë de téléphone le sortit de sa rêverie. Il se leva, pâteux et chercha la cause de ce bruit assourdissant. Il retourna dans sa chambre et trouva son portable sur la table de chevet. Il décrocha dans un reflexe en se frottant les yeux tandis que le soleil filtrait à travers ses fenêtres.

« M. Graham ? fit une voix claire de jeune femme inconnue.

— Oui… » répondit le concerné dans une voix proche du grognement. Ce rêve, ou quelque soit cette chose, commençait à être pénible finalement.

« Ici le secrétariat de l'académie du FBI, reprit la voix, froidement. Puisque vous n'avez prévenu personne, vos élèves aimeraient savoir si vous comptiez venir.

— M-mes élèves ?

— Ils attendent depuis ce matin 9h et la matinée se termine. Personnellement, je trouve que c'est un comportement irrespectueux car même si un imprévu est arrivé, vous auriez pu avoir la décence d'appeler—

— Attendez, coupa Will qui commençait à paniquer. Je n'ai pas d'élèves. Je ne suis plus autorisé à enseigner depuis un moment.

— J'ai le planning sous les yeux, M. Graham, fit sèchement la voix. Vous avez… aviez une conférence.

— Ce n'est pas possible.

— Ecoutez, j'ai du travail. Je vais présumer que vous ne viendrez pas ce matin et laisserais partir les étudiants. Pensez à appeler la prochaine fois. »

La secrétaire raccrocha au nez de Will qui resta abasourdi pendant plusieurs minutes, le téléphone toujours à l'oreille.

Que se passait-il donc ? Il fonça dans son séjour et observa méticuleusement son environnement. C'était bien chez lui mais certaines choses étaient différentes. Il manquait des objets mais il n'arrivait pas à se souvenir quoi. Il fouilla ensuite dans ses papiers. Il y trouva ses cours, des examens d'élèves en pagaille, comme s'il était en train de les corriger la veille. Mais ce n'était pas possible. Car la veille il était chez Hannibal…

Il sortit de sa maison, plusieurs chiens enfin éveillés à ses pieds. Un grand soleil brillait. Il faisait presque trop chaud. Ça n'avait pas de sens. Il avait l'impression que c'était la fin de l'été alors que la veille était le milieu du printemps. Will retourna à l'intérieur et alluma frénétiquement la télévision qui était poussiéreuse. Il zappa entre plusieurs chaînes d'information. Aucune ne parlait d'un cannibale aristocrate en évasion recherché par le FBI. Les présentateurs ne parlaient que de fait divers sans grande importance. Encore plus confus, il voulut éteindre l'appareil, quand un détail frappa son œil. Il lâcha la télécommande et tomba à genoux, bouche bée. Ses yeux restaient fixés sur la date du jour du journal télévisé. Il croyait à une erreur mais en parcourant les autres chaînes, il n'eut plus de doutes. Cette date correspondant au moment où il avait commencé à travailler comme consultant au FBI.

Will s'endormit quelques temps après cette révélation, en espérant se réveiller un autre jour. Lorsque cela ne fonctionna pas, il essaya des méthodes conventionnelle comme se pincer ou se gifler, sans résultats. Battu, il abandonna. C'était peut-être un rêve. Ou bien la réalité. Que cela signifiait-il ? Etait-ce un test ? Une seconde chance ? Cela semblait si réel. Même dans ses cauchemars les plus vivides, l'atmosphère ne lui avait jamais paru aussi vraie. Mais tout cela n'avait pas d'importance. Il s'était résolu à accepter sa fatalité, que ça soit le signe d'une mauvaise blague ou d'une intervention divine.

D'une façon ou d'une autre, il allait revivre tout ce qui lui était arrivé depuis sa rencontre avec Hannibal Lecter.