Notes de l'auteure : Bonjour à tous ! Nouvelle fic longue ! Ceux qui n'aiment pas les blablas, sautez les premiers paragraphes et allez lire. Les autres qui ont cinq minutes à tuer, restez ;)
Pour MON anniversaire, je VOUS offre donc le premier chapitre de cette nouvelle fic longue, qui en comptera une quarantaine, et dont les 3/4 sont écrits. L'idée de base me vient de mes deux monstres de cousins. Merlin va courir derrière Arthur en couche culotte, comme moi je le fais avec eux.
Titre : Il n'est pas anodin… Chez moi, tout fait l'objet de listes, sur lesquelles je mets des abréviations. En l'espèce, « Le Temps de l'innocence » devient TI. Et TI chez moi, c'est le Tribunal d'Instance. Comme parfois, je vais me faire l'avocat du diable dans le procès d'Arthur et Uther, je trouve le titre très bien ^^
Infos sur l'histoire : Certaines des situations sont du vécu ! Parfois adaptée pour les besoins de l'époque, mais quand même… Ils ont de la ressource, les enfants. Le langage hésitant et bizarroïde, c'est aussi du vécu :) Y'a juste dès fois, j'ai dû réfréner mes pulsions pout ne pas être anachronique… je pense notamment au train électrique que j'ai voulu offrir à Arthur, puis me dire « non mais t'es bête, comment veux-tu qu'il soit électrique, son train ?! » J'ai donc opté pour un train en bois. Avant de réaliser la profonde profondeur de ma bêtise.
Et notez bien, je vous prie, que ce qui partait pour une fic gentille et mignonne se retrouve en drame à tous les étages !
Rating : Tout public ! Yeah ! On y croit, je vais parvenir à cesser le yaoi M (mais pas les meurtres à la pelle, désolée, je vais tuer des gens)
Disclaimer : les personnages de Merlin ne m'appartiennent pas, ils me sont gentiment prêtés par la BBC et leurs producteurs, JJ, JM et JC. Mais comme il n'est jamais apparu dans la série les personnages plus jeunes de 20 ans, on pourrait presque dire que la version jeune des personnages m'appartient non ? Non. Bon, tant pis. Je ne possède que les personnages originaux qui feront leur apparition.
Niveau spoiler : saison 4 (+ UN élement de la saison 5)
Rythme de publication : Les samedis et mercredis, avec un décalage d'une semaine et demie : si je publie un samedi 14, le prochain chapitre n'est pas Me 18, ni Sa 21, mais mercredi 25, soit 10 jours. Capite ?
Wanted : Je recherche un/une bêta. Le job est simple : à chaque publication, le/la bêta reçoit le prochain chapitre. Il/elle a alors une semaine et demie pour traquer les trois fautes d'orthographe qui se glissent dans chaque chapitre (et les répétitions). Entendons-nous bien, je n'ai juste pas le temps de chercher des petites étourderies, alors qu'un œil extérieur repère ça en douze secondes chrono… Des intéréssé(e)s ? :)
Début lent, je pose le décor. Comme si ça changeait !
Bonne lecture !
…
Chapitre 1 : la peur à mène à la colère. La colère mène à la haine. La haine mène à la souffrance.
...
Morgana haïssait Uther. Elle haïssait Arthur, aussi. Et tous les chevaliers. Dans la foulée, elle haïssait également Guenièvre, pour lui avoir volé son trône, qu'elle estimait lui revenir de droit. Et puis comme sa colère ne s'apaisait pas au fil des années, elle haïssait également l'intégralité du château, et pour faire bonne mesure, elle haïssait également la plupart des villageois alentours.
Au milieu de l'océan de colère et de douleur dans lequel Morgana s'était perdue depuis longtemps désormais, il y avait cependant deux choses immuables, antagonistes et paroxystiques.
La première, c'était son amour sans borne pour Aithusa. L'antique animal avait surgi dans sa vie au moment où elle s'y attendait le moins, alors qu'elle essuyait un nouvel échec catastrophique dans sa lutte pour récupérer son château. Ce jour là, Morgana s'était cru mourir. Ce n'était pas la première fois qu'elle frôlait la mort, mais cette fois avait bien failli être la bonne. Mourir n'était rien pour Morgana. En tant que Grande Prêtresse de l'Ancienne Religion, elle aurait probablement une place de choix parmi les déesses de l'autre monde. La mort en soi était même une amie pour elle, une présence familière et habituelle qui l'accompagnait, la regardait de loin. Parfois, elle s'approchait un peu plus. Parfois trop. Cette fois, elle s'était carrément penchée au dessus de Morgana et avait exhalé un souffle glacial contre sa joue. Alors la sorcière avait attendu tranquillement que tout cela prenne fin.
Mais les dieux n'en avaient pas décidé ainsi pour Morgana. Elle ne s'était pas pardonné sa vie, et gardait rancune de bien trop de personnes parmi les vivantes –même si on comptait sa haine à l'égard de quelques personnes mortes– pour avoir le droit de mourir. Les dieux projetaient de la hanter probablement encore longtemps, et la regarder se consumer par la haine.
Pourtant, ce jour-là, Morgana avait eu envie de vivre. Parce que la présence qui avait repoussé la silhouette indistincte et irréelle de la Mort de ses côtés avait diffusé dans ses veines une douce chaleur agréable.
Une fois remise, Morgana avait donc cherché l'antique animal salvateur, sans succès tout d'abord. Elle en avait également profité pour rassembler les maigres possessions de sa maison, et cherché un autre abri. Lentement, elle avait alors entrepris de se reconstruire. Lentement mais sûrement. Tout en cherchant le dragon. Elle avait complètement abandonné l'espoir de le retrouver lorsqu'il revint vers elle, lui murmurant son nom dans son esprit comme une douce mélopée.
Depuis ce jour, Aithusa ne la quitta plus et Morgana fit de la dragonne sa plus grande confidente, sa meilleure amie, et sa source de joie. Mais même Aithusa ne pouvait rien contre la gangrène qui se nommait vengeance et prospérait dans le cœur tourmenté de la jeune femme.
La deuxième chose immuable, c'était sa fureur à l'égard de Merlin. Longtemps, elle l'avait considéré comme l'innocent agneau au sourire trop large qui se pressait aux côtés d'Arthur. Longtemps, elle l'avait pensé son ami. Il paraissait si transparent, si vulnérable dans son sourire et son air dégingandé ! Son insouciance et son innocence l'avaient amusée de prime abord. Il était maladroit en tout, notamment avec les filles. Morgana se souvenait avec nostalgie de sa candeur et de son ignorance des mystères féminins, à voir comment il se comportait avec elle ou Guenièvre.
Puis l'enfant avait grandi. Ou bien avait-il toujours été ainsi, et Morgana le découvrait seulement plus tard. Merlin était devenu son plus proche ami, le seul à connaître le terrible secret magique qui la rongeait et la hantait. Le seul à la soutenir et l'aider. Le seul à continuer de lui sourire, alors même qu'il savait tout de ses haïssables talents, ou du moins le pensait-elle ainsi à l'époque. Devenu alors un soutien inébranlable pour la jeune femme, elle l'avait aimé comme un ami.
Et puis l'agneau était devenu un loup. Un loup désolé, mais un loup quand même. Il l'avait sciemment empoisonnée, non sans remords, pour sauver Arthur et tout le château. Et l'avait regardé se mourir sans ciller. Morgana avait tenté de retrouver le Merlin qu'elle appréciait en revenant au château passé son année d'exil auprès de Morgause. Après tout, il avait accepté sa magie lors de sa découverte. Peut-être aurait-il pu l'accepter aujourd'hui qu'elle était une vraie sorcière presque accomplie.
Mais en grattant sous la surface vernie du garçon charmant, poli et maladroit, Morgana avait découvert l'indéfectible loyauté à l'égard d'Arthur. Il n'y avait rien que Merlin ne ferait pas pour celui qu'il considérait déjà à l'époque comme le vrai roi de Camelot. Qu'importait les conséquences de ses actes sur son âme, si cela servait Arthur, Merlin le faisait sans la moindre parcelle d'hésitation. L'âme qu'elle croyait si pure semblait bien souillée, en réalité. Et pourtant, il ne changeait pas.
Alors elle l'avait haï. Pas autant qu'elle avait pu haïr Uther ou Arthur, mais de la haine tout de même. Quoiqu'elle fasse, quoiqu'elle tente, le gardien protecteur d'Arthur s'érigeait entre elle et le Prince. Qu'importait qu'il soit faible et malingre, et si facile à balayer d'un coup de vent ! Il était là, rempart inébranlable sur son chemin vers le trône. Tel l'Hydre de Lerne, si on le repoussait, il revenait plus déterminé encore. Cela agaçait passablement Morgana. Elle avait aimé le torturer lorsqu'elle avait tenu le précieux jouet d'Arthur entre ses mains.
Cette fois encore, c'était Merlin qui s'était précipité entre elle et son but, en soutenant Guenièvre. Le pire était de constater la faiblesse du garçon, mais aussi de vérifier sa chance insolente qui lui permettait de se tirer de toutes les situations périlleuses dans lesquelles il se fourrait, inconscient du danger lorsqu'il s'agissait d'Arthur.
De l'ami attentif, Merlin était devenu son plus gros problème, et sa fureur contre Merlin était donc immense. Un seul autre homme alimentait sa fureur de la sorte, d'être toujours entre elle et son but tout en restant insaisissable : Emrys. Mais Emrys n'était qu'un rêve, une image irréelle. Il s'était incarné quelques fois devant elle, mais elle savait que l'image était fausse, une protection de son identité. Il n'était pas si facile d'être en colère à l'égard d'un concept.
Alors parfois, dans ses rêves –les rêves normaux, pas ceux prémonitoires attestant de ses talents– les deux hommes se confondaient. Sa fureur envers les deux se fusionnait en une seule rage et c'est probablement cela qui décida Morgana. Dans un brouillard de colère et de détresse, elle entama une longue procédure que Morgause lui avait apprise. Ça n'avait pas beaucoup de logique de faire cela, mais elle avait ainsi à s'occuper durant ses journées. Même sa haine ne lui ferait pas oublier sa raison et sa froide logique. Elle n'allait pas marcher seule sur Camelot sans plan, aveuglément. Il viendrait un temps où Arthur ne serait plus tenaillé par les souvenirs de la pupille d'Uther, sa sœur, et serait capable de l'assassiner sans remords. Seule, elle marcherait vers sa mort. Il lui fallait du temps, une armée, des partisans, avant de pouvoir espérer reconquérir la citadelle. Alors pour s'occuper en attendant, elle entreprit cette préparation.
Cela lui prit des semaines, durant lesquelles elle se reconstruisit un nid pour elle et Aithusa. La dragonne grandissait, et bientôt elle ne pourrait plus rentrer dans la maison de Morgana, mais en attendant ce jour, la Sorcière profitait de la présence rassurante de l'animal aux pieds de son lit.
Aithusa ne parlait pas, mais Morgana l'en savait capable. Elle était simplement trop jeune pour cela à l'heure actuelle. Pourtant, elle se faisait très bien comprendre pour approuver ou désapprouver les actions de sa maitresse. Un simple regard de la dragonne permettait à la jeune femme de comprendre immédiatement si l'animal était d'accord avec elle ou pas. Et quand elle ne l'était pas, Morgana ne changeait pas d'avis pour autant.
- Ne me regarde pas comme ça Aithusa ! Je sais que c'est dangereux d'aller si proche de la frontière, mais j'ai besoin de cette herbe.
Un grognement doux lui répondit. Aithusa s'inquiétait pour elle, rien d'autre. Quiconque aurait observé la vie de Morgana l'aurait traité de folle. Elle vivait dans une pseudo-grotte, avec peu de possessions physiques, passait ses journées à touiller des plantes dans des fioles pour en faire des potions, conversait avec un dragon qui ne lui répondait pas… Rien de tout cela ne paraissait très équilibré. Fort heureusement, elle savait qu'elle était saine d'esprit. Et d'une froide logique. Il existait de par les cinq royaumes de nombreuses caches connues uniquement des Prêtresses de l'Ancienne Religion qui contenaient des bijoux et de l'or. Morgause lui avait légué tout son argent, et Morgana l'économisait. Elle vivait de chasse et de cueillette, n'utilisant l'or que lorsqu'elle se mêlait aux humains et aux bourgs. Après tout, les armes et les bocaux ne poussaient sur les arbres, et elle en avait besoin pour vivre. Tout comme un millier de petites autres choses qui paraissaient naturelles d'obtenir lorsqu'on vivait dans une ville mais qui devenait infiniment plus difficile de se procurer lorsqu'on habitait une cabane dans les bois.
Malgré tout, Morgana ne ressentait pas le besoin de quoi que ce soit. Elle se contentait étonnamment bien de la simplicité de sa vie actuelle. Probablement que l'attente rageuse qui habitait son cœur de récupérer le luxe de SON château l'aidait à surmonter cette épreuve avec philosophie.
Et puis actuellement, elle avait un but, alors tout allait très bien.
L'enchantement qu'elle préparait était complexe à réaliser, mais très simple à comprendre. Il s'agissait d'un enchantement à distance sur une personne particulière, puis l'obliger à vivre « hors de son temps pour lui causer la souffrance de l'inadaptation, la folie du retour en arrière, ou la douleur du revécu ». Ces mots-là étaient de Morgause, et Morgana ne les avait jamais réellement compris. Tout ce qu'elle avait retenu, c'était la dangerosité du sort, et les mots « souffrance, douleur, folie ». Elle voulait causer la plus grande souffrance possible à son tracas perpétuel incarné dans la personne de Merlin. Alors elle s'activait lentement.
Elle se souvenait de tous les mots de sa sœur, et elle avait vérifié la formule dans l'une des caches. Morgause était suffisamment intelligente pour dissimuler ses livres de sorcellerie et autres artefacts magiques dans des endroits inatteignables, sinon pour quelqu'un doué de pouvoirs magiques.
La préparation était longue, nécessitait des ingrédients rares, et qui parfois demandaient eux-mêmes une préparation. Mais une chose qu'on ne pouvait pas enlever à Morgana, c'était sa patience lorsqu'il s'agissait d'atteindre ses objectifs. Elle s'accommodait très bien de cette vie, avec Aithusa qui était toujours à ses côtés.
Puis un jour, ce fut prêt. Il ne restait que l'incantation, longue et complexe, à prononcer à la nuit tombée. C'était de prime abord parfaitement étrange de faire ça dans la soirée. Mais en fait, Morgause lui avait expliquée que les effets commenceraient le lendemain. Sans toutefois donner plus de précision sur les fameux « effets ». Morgana espérait une intense douleur mortelle, ou qui donnerait à Merlin l'envie de suicider. N'importe quoi qui supprimerait l'embarrassant serviteur de son chemin.
Comme le sort allait lui prendre une partie de la nuit, Morgana décida de faire une sieste dans l'après-midi. Elle s'en éveilla sous l'impulsion du museau rieur d'Aithusa, qui la regardait avec le sourire. La dragonne savait que ce jour était important pour Morgana, et même l'inquiétude de l'animal ne pouvait entacher sa volonté de faire plaisir à sa maîtresse. Elle se montrait enjouée, couinant et émettant des cris de ravissement, contente de voir l'achèvement des semaines de travaux de Morgana. Peut-être qu'après, la jeune femme allait cesser ses dangereuses expériences.
En temps normal, la joie d'Aithusa ravissait Morgana, et elle avait le don de l'apaiser. Mais en se relevant de sa longue sieste, la sorcière ne se sentait pas très bien. Ses rêves, imprécis et douloureux, lui peuplaient encore la tête, et elle confondait imaginaire et réalité. La tête embrumée et l'esprit pas assez réveillé, elle ne réalisa pas qu'elle n'était pas assez lucide pour lancer correctement le sort. Les gémissements aigus d'Aithusa ne l'atteignirent pas, et elle commença à psalmodier sa longue litanie de mots d'un autre âge.
Agenouillée devant sa cabane, elle faisait fi des protestations de la dragonne qui tournait autour d'elle, tandis que la lune se levait et que l'incantation n'en finissait pas. Devant elle, la mixture qu'elle avait préparée bouillonnait, et disparut alors qu'elle acheva le sort, offrande à Gaia et Chronos, pour les supplier d'accéder au succès.
Mais Morgana était perturbé, absolument pas consciente de ce qu'elle faisait. Dans sa tête, tout se mélangeait. Merlin ou Emrys ? Lequel avait-elle voulu envouter et détruire ? Lequel détestait-elle le plus ? Elle ne savait plus. Morgause avait été très claire la dessus : le sort ne pouvait fonctionner que si l'enchanteresse le pratiquant connaissait sa cible, qu'elle le représentait mentalement. Or plus rien n'était clair dans la tête de la sorcière. Les vapeurs de la mixture s'étaient infiltrées dans son esprit, obscurcissant sa conscience d'une brume inhabituelle.
Elle gardait les yeux ouverts, mais le monde était flou, incertain. Elle tenta de se relever, mais sa stabilité précaire ne lui permit de se retrouver fermement debout. Elle oscilla, cherchant de la main quelque chose à quoi se raccrocher tandis que son estomac protestait violemment et lui donnait envie de vomir. Jamais Morgause ne lui avait parlé des conséquences d'un tel sort. Malheureusement pour Morgana, jouer avec le temps et l'espace n'était pas si simple, et il fallait payer un prix, souvent élevé. En l'occurrence, dans ce type de sort, l'enchanteresse laissait une part de sa vie. Ce sort altérait le cours naturel de la Terre. Et pour modifier aussi profondément l'ordre des choses, il fallait offrir une compensation au dieu du temps : le prix était extrêmement simple, on offrait aux dieux une partie de sa vie. Le passé était écrit dans le marbre, mais le futur restait à construire et personne ne pouvait le prédire.
Personne, sauf ceux qui pactisaient avec Chronos. En offrant une part de leur existence en lançant ce sort, il savait que leur vie était réduite d'autant qu'il projetait l'ensorcelé dans le temps. Mais cela, Morgana l'ignorait car Morgause elle-même n'était pas au courant.
De fait, Morgana n'était absolument pas préparée à la sensation qu'une partie de sa vie tentait de s'extraire de son corps pour lui échapper et servir d'offrande. Pire encore, son esprit était déjà peu lucide lorsqu'elle avait lancé l'enchantement, au point qu'elle ignorait quelle personne elle visait –Emrys ou Merlin– et elle n'avait pas envisagé la moindre durée.
Or la magie réclamait son dû. Le sorcier qui déclamait pareille incantation sans en connaître parfaitement les conséquences ne pouvait qu'une seule issue possible : la mort. Faute de pouvoir quantifier le nombre de jours, de mois ou d'années sacrifiés dans l'entreprise, les dieux réclamaient en paiement l'intégralité de la vie de l'incanteur. C'était donc le sort qui attendait en toute logique Morgana, a fortiori puisqu'elle ne savait même pas vers qui le sort était censé s'orienter.
Toussant, chancelant, Morgana se sentait partir et lutait violemment pour rester conscience. Mais ses yeux papillonnaient, elle ne parvenait pas à les ouvrir correctement. Elle se courba pour vomir tant les entrailles lui brûlaient. Elle aurait pu s'évanouir et ne jamais se réveiller, mais c'était sans compter Aithusa.
La dragonne nourrissait pour Morgana la plus forte des affectations depuis leur première rencontre, et chaque journée passée en compagnie de la sorcière avait renforcé cet attachement. Elle n'était pas prête à laisser celle qu'elle considérait comme sa plus fidèle compagne, amie, protectrice et maîtresse, sans défense.
Son cri de douleur déchira l'air et ranima la conscience presque éteinte de Morgana, qui se redressa soudain, l'air hagard. Aussitôt, l'antique animal se plaça à ses côtés et lui servit de support, crachant du feu pour réchauffer l'atmosphère. S'accrochant aux écailles comme à une bouée, Morgana crachota d'une voix rocailleuse des mots sans suite.
- Eau… parvint à discerner Aithusa au milieu de tout ça.
L'intelligente animal se mit aussitôt en route vers la rivière qui coulait à proximité avec la ferme intention d'y pousser Morgana afin qu'elle recouvre ses esprits. En attendant, la dragonne se concentrait pour tendre son esprit vers Morgana, et parvint à entrer en communication avec celui-ci. Alors, avec une patience et une abnégation à toute épreuve, Aithusa entreprit de repousser les présences malfaisantes qui tentaient de s'emparer de l'âme de sa maîtresse. Mais l'effort est de taille pour la malheureuse.
Elle devait simultanément porter Morgana qui s'accrochait à elle en tremblant, et progressait en direction de l'eau à la vitesse d'une tortue, réchauffer l'air de son souffle puissant sans brûler leur maison, et conserver son lien mental avec la sorcière. Elle s'escrimait en vain à tout mener de front, et faillit renoncer plusieurs fois, mais alors la main de Morgana se posait avec plus de douceur sur sa peau, et faisait des caresses amicales. Sous toutes les actions conjuguées d'Aithusa, Morgana reprenait des forces et marchait d'un pas plus assuré, tandis que ses yeux s'ouvraient clairement et voyaient plus distinctement.
Lorsqu'elles parvinrent cahin-caha à la rivière, Morgana avait repris suffisamment de force pour se tenir debout sans aide, et la brume devant ses yeux avait disparu. Restait celle de son cerveau, qu'on tentait toujours de lui arracher et qu'elle repoussait de son mieux. Dès qu'elle aurait bu et se serait rafraichie, ça irait mieux, elle en était sûre.
C'était peut être la magie qui se battait contre elle, mais elle était une grande Prêtresse de l'Ancienne Religion, la dernière de son espèce à se battre pour le retour de la magie en terre d'Albion depuis que son frère avait pris la tête du royaume. Jamais la magie ne tuerait totalement, sciemment et violemment la dernière des ses enfants ainsi, elle en était sûre. Malheureusement, elle ignorait que le plus puissant des enfants de la magie était toujours en vie et se battait par d'autres moyens que les siens, mais dans un but semblable. Et elle ignorait également que la Magie, qui naissait de la Terre, n'avait pas d'incidence sur le temps et l'espace, et donc ne pourrait la sauver des puissances destructrices qu'elle avait réveillées et qui réclamaient leur offrande.
Elle s'agenouilla près de la rivière, tandis qu'Aithusa se laissait tomber à ses côtés, épuisée par l'effort qu'elle avait fourni.
La lune était pleine et éclairait l'eau qui chatoyait sous les éclats d'argent, et semblait animée d'une volonté propre. Puisant son courage dans la présence rassurante de la magie, terre nourricière qui s'écoulait dans le torrent et dans la présence d'Aithusa à ses côtés, Morgana trempa ses mains dans l'onde fraîche et repoussa plus vaillamment l'attaque mentale qui poursuivait sa quête sans relâche.
Il y eut un léger cri d'Aithusa sur sa gauche, et Morgana, inquiète, tourna brusquement la tête vers elle. Elle aperçut alors le museau de la dragonne entravée par une lourde corde, et des mains humaines qui s'activaient autour d'elle. La sorcière tenta de crier, faire un geste en direction de son amie… Rien ne lui importait plus que la vie d'Aithusa, et elle ne réfléchit même pas à ce qui se passait. La prudence la plus élémentaire aurait voulu qu'elle observe les alentours et se tienne sur ses gardes, mais cela ne lui effleura même pas l'esprit. Elle ne parvint qu'à se jeter en direction de la créature. Elle ne l'atteignit jamais. Avec violence, un sac s'abattit sur sa figure, la privant de son sens le plus essentiel, la vue. Puis immédiatement après, ce fut un choc sur sa tête, et le trou noir de l'inconscience dans lequel elle chuta indéfiniment. Son réveil clair se ferait dans un puits noir lugubre et exigu, son futur palais pour l'année à venir.
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Les mercenaires, payés par le Seigneur Sarrum se félicitèrent à grand renfort de tapes viriles dans le dos et de congratulations relatives à leur sexe « comme un véritable homme, félicitations les gars ! ». Ils tenaient la sorcière et son monstre, et ils seraient grassement récompensés pour ça. La surveillance de la sorcière avait porté finalement ses fruits. Tant qu'elle était en pleine possession de ses moyens, c'était assez difficile, voire suicidaire de l'approcher. Les hommes avaient finalement décidé de capturer la dragonne lorsqu'elle s'éloignerait suffisamment longtemps de Morgana, pour ainsi obtenir un moyen de pression sur la Grande Prêtresse, et l'obliger à se soumettre.
La maladie de Morgana et sa faiblesse leur avaient grandement facilité la tâche. Bien sûr, pour leur fierté d'homme, ils narreraient à leur Seigneur une lutte acharnée contre le monstre millénaire cracheur de feu, puis un bras de fer épique contre la sorcière pour parvenir à ce résultat.
Avouer qu'ils avaient profité d'un instant de faiblesse d'une femme amaigrie n'avait que trop peu de gloire.
Morgana se réveilla brièvement durant la chevauchée vers le palais de Sarrum, où elle serait offerte comme un vulgaire cerf comme trophée de chasse. Son esprit sentit Aithusa enchainée près d'elle, aussi sut-elle que les mercenaires n'hésiteraient pas un instant à sacrifier la dragonne si elle se rebellait. Avant de retomber dans l'inconscience, elle nota cependant un point positif : plus aucun mal ne semblait être fait à son esprit, plus rien ne tenait de lui aspirer sa vie de l'intérieur. Les hommes l'avaient assommée, et cela avait rompu le lien mental avec la magie maléfique qui réclamait son dû. De fait, elle était saine et sauve. Du moins, pour cette menace là. Concernant les hommes qui la malmenaient, rien n'était moins sûr. L'autre mauvaise nouvelle, c'est qu'elle n'avait au final aucune certitude sur la réussite de son sort. Si ce n'était pas le cas, tout cela serait encore pire que le reste, car elle aurait manqué de mourir, mis la vie d'Aithusa en danger et se serait fait capturer en vain.
Sur cette considération peu joyeuse, et à cause d'un cahot plus fort que les autres sur la route, elle retomba dans l'inconscience pour de bon.
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J'avais dit lent ? Ça l'est tellement qu'on n'a même pas encore vu les personnages principaux ! ^^ Au prochain chapitre, le Me 25 donc :)
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