Chapitre 1

Allez, courez,

Je suis une proie si je me livre,

Allez, courrez,

Vos lois me broient mais je suis libre

(Tunisiano-Arrête moi si tu peux)

La ville était en effervescence, la prison ayant laissé un de ses plus dangereux criminels s'échapper de ses entrailles. Hiruma Yôichi, le démon, un véritable monstre selon les journaux et même la justice. L'homme forgeait le respect de ses pairs, terrorisait tous les flics ayant le malheur de croiser sa route. Il n'était ni plus ni moins que le roi du déguisement, maître du changement d'identité et un menteur sans pitié, surtout pour jouer avec les sentiments des pauvres femmes croisant sa route. La somme de tout ces petits détails avait achevé d'en faire l'ennemi public numéro un, en plus d'un parcours plutôt impressionnant qui comptait meurtres de sang froid, vols à mains armées ainsi qu'une bonne dose de proxénétisme.

Trois ans avaient passé depuis et à l'heure actuelle, personne ne savait où il avait fui après son évasion. Certains pensaient au sud du Japon, d'autres à la Chine profonde ou même les Etats Unis. Rien de tout cela, il était tranquillement caché ailleurs. Où ? Lui seul le savait …

Quelques jours passèrent sans qu'il ne fasse parler de lui dans tout les journaux du pays ou presque avec un autre délit ajouté à son palmarès, si bien que les plus imbéciles songeaient naïvement à une mort accidentelle. Impossible évidement. Hiruma Yôichi ne pouvait pas mourir dans le silence et surtout pas à cause d'une intervention inopinée du destin. Si la mort devait ramener le démon à elle, cela se ferait avec perte et fracas. Un homme tel que lui se devait de partir avec un certain panache. Par conséquent, il ne mourrait que de la manière dont il l'avait décidé et quand il l'aurait décidé. Personne n'était assez fou pour se lancer à sa poursuite par peur d'y laisser la vie car chacun savait qu'il ne laissait rien passer. Rien du tout.

En vérité, il y'avait bien une personne assez folle, suffisamment inconsciente des risques tout en les connaissant, pour se lancer sur les traces de cet horrible individu. Cette jeune femme se nommait Mamori Anezaki, était journaliste et courait après le fantôme Hiruma pour une simple raison, la vengeance. Il lui avait pris l'homme qu'elle aimait lors d'un de ses braquages il y a trois ans de cela. Son petit ami était l'otage qui avait permis l'évasion du démon, il s'était cru sauvé quand Hiruma avait fichu le camp. Mais une balle de révolver avait réduit son bonheur au silence ainsi que sa vie, par la même occasion. Depuis ce fameux jour, Mamori ne dormait plus, ne vivait plus. C'est simple, ce salaud lui avait pris ce qu'elle avait de plus précieux au monde alors comment continuerait-elle ainsi ? Il devait payer, et il en serait ainsi. Durant les trois ans de réclusion du Démon, elle avait pu amasser une énorme et incroyable quantité d'informations. Et c'est quand la jeune femme avait appris la nouvelle de son évasion qu'elle s'était lancée sur ses traces. Elle le retrouverait et vengerait son amour défunt. Tout n'était qu'une question de temps. Et Dieu savait que du temps, l'un comme l'autre ils n'en avaient pas …

A ce moment précis, Hiruma quittait sa planque. Un chapeau à large bord enfoncé sur son crâne recouvert d'une toison brune, une cigarette placée entre ses lèvres au dessus desquelles trônait une moustache noire et fournie, il était méconnaissable. La transformation était parfaite, une nouvelle fois.

Les gens défilaient autour de lui, ne soupçonnant nullement cet homme de s'avérer être le criminel si dangereux dont l'avis de recherche décorait soigneusement les murs de béton comme dans un western de mauvais goût. Hiruma observait d'ailleurs dédaigneusement la décoration exhibant son faciès, se retenant d'aller arracher ces maudites affiches. Pour qui se prenaient ses poursuivants, grand Dieu ? Avec ces avis de recherche d'une effroyable débilité, il avait la sensation d'être un clébard perdu et pisté activement par ses gentils maîtres. Selon lui, les autorités étaient le chien et lui, le bâton après lequel le clébard ne cesse de courir. Si on suivait cette logique, ils se fatigueraient bien avant lui, le bâton ne pouvant éprouver la fatigue. Se livrer n'était point dans ses intentions justement, s'offrir à eux n'aurait que sa ruine pour signification…

Entre temps, il était entré dans la banque de la ville, déserte à cette heure de la matinée. Juste une employée placée au guichet pour surveiller les clients potentiels. Parfait. Esquissant un sourire charmeur dans l'ombre de son chapeau, il aborda l'employée : « Bonjour à vous, charmante demoiselle !

- Que puis-je pour vous, monsieur ? » fit-elle en réponse, le sourire tout aussi mielleux.

Feignant d'être embarrassé, il plongea la main dans l'intérieur de son manteau et en ressortit un revolver qu'il plaça sur la tempe de la jeune femme. Une voix rauque s'éleva, bien différente de celle dont il avait usé juste avant : « Vas m'chercher tout le fric que t'as, avant que je te bute ! Ordonna-t-il tandis qu'une balle de son arme explosait la caméra de surveillance juste au dessus d'eux.

- Tooout … Tout de suite Monsieur ! » , Bégaya la jeune femme en se dirigeant vers les coffres.

Hiruma sourit de satisfaction en la voyant s'empresser de déposer l'argent qu'elle avait sorti des coffres devant lui. Sans un mot, le Démon se saisit du sac qu'elle lui tendait et fit mine de partir sans oser la toucher. Un soupir de soulagement allait franchir ses lèvres mais il y mourut quand une balle traversa son cœur. C'est incognito qu'il sortit ensuite comme si de rien n'était de la banque, s'allumant une cigarette pour la forme. Entre ses lèvres, le cylindre se consumait lentement tandis que son portable vibrait dans sa poche. Il ne prit même pas la peine de regarder qui cherchait à le joindre. Un de ses anciens amis probablement mais il n'en avait plus l'utilité. Ils ne faisaient que le freiner, eux et leurs misérables tentatives de le ramener

sur la voie de la légalité. Quelle belle bande de naïfs ils faisaient, il y avait bien des années qu'il avait atteint le point de non retour. Alors ils pouvaient toujours tenter l'impossible sans un maigre espoir de succès pour couronner leurs efforts. C'était pathétique …

Finalement, il était arrivé à sa planque. La cave d'un immeuble qui ne devait pas avoir vu de locataire depuis au moins les vingt dernières années. Mais c'était l'endroit idéal. Hiruma avait installé un véritable petit appartement dans l'ombre de cette cave. Un canapé défoncé pour lui servir de lit, un frigo pour abriter le minimum de provisions pour survivre et une armoire. Très simple en apparence, elle ne servait pourtant pas qu'à recevoir ses vêtements car tout au fond, dans un coffret de bois, il avait entreposé son butin de ces trois dernières années en tant que criminel. Le reste, celui accumulé avant son passage par la case prison, reposait bien sagement dans un compte bancaire tenu secret. Et il y resterait toujours sauf en cas de nécessité absolue, même après sa mort. Pourquoi voler s'il n'avait pas l'intention de profiter de son colossal butin ? La réponse est simple : pour l'adrénaline qu'une course poursuite procure, pour le bonheur immense de tous les voir jetés à ses pieds par peur qu'il ne les descende …

Deux jours passèrent avant qu'un de ces salauds de flics ne découvre cette fuckin' cave. Comment ? Là est la question mais il allait avoir tout le temps de lui poser la question … Quand son flingue serait posé entre ses deux yeux ! Mains dans les poches, il alla à la rencontre du représentant des forces de l'ordre qui lui hurla aussitôt de mettre gentiment les mains au dessus de sa tête. Le démon obtempéra sans faire d'histoire, semblant renoncer, mais le sourire qui lui mangeait la moitié du visage démontrait le contraire. Le flic inconscient s'était rapproché du criminel, songeant à la prime qui l'attendait bien au chaud pour avoir confondu le plus grand criminel de ce siècle. Bien mal lui en pris, d'une clé de bras sa victime le fit prisonnier. La voix rauque aux accents méprisants d'Hiruma Yôichi susurra alors à son oreille, dangereuse menace pour lui et le tas de fric qu'il aurait dû obtenir : « Laisse-moi dégager sans faire d'histoire et j'te jure, fuckin' chien, t'seras heureux d'rester vivant. Sinon, t'seras gentil de passer le bonjour à Satan d'ma part, ok ?

- Jamais ! » rétorqua l'autre.

Un «dommage » se forma en silence sur les lèvres du démon qui tira entre les deux yeux de son prisonnier. Il abandonna le cadavre là, aux yeux de tous. Il devait fuir avant que la foule des badauds trop curieux ne rapplique et qu'il soit obligé de supprimer ces gêneurs. Personne ne devait rester suffisamment de temps en vie pour témoigner de ses carnages. Sinon Hiruma dirait une nouvelle fois adieu à la liberté et cette fois, le gouvernement ne serait pas aussi clément qu'auparavant. Au choix, cela pouvait être la prison à vie ou mieux encore, la pendaison. La plus probable, c'était cette dernière. Pourquoi ces maudits crétins le garderait-ils en vie ? Aucune idée et de toute façon, hors de question de se laisser convaincre de devenir un de leurs chiens. Beaucoup de ses anciens « amis » avaient rejoint ce que le gouvernement appelait «L'Equipe» au sein des services secrets. Avec pour seule mission de traquer et de ramener, coûte que coûte, les rebuts de l'autorité tel que lui-même.

Passant une main agacée dans sa tignasse blonde, il fourra ses maigres affaires dans un sac à dos dont le tissu s'arrachait par endroit. Il entendait le contenu du coffret de bois tinter légèrement à chacun de ses mouvements. Mais le bruit n'étant pas suffisant pour qu'on le repère, peu importait. C'était ce qu'on appelle filer à l'anglaise …

Se fondant parmi les ombres, il gagna un lieu avec lequel il avait fait connaissance durant les quelques semaines qu'il venait de passer dans cette ville. Le club de strip-tease Akatsuki. La patronne, une certaine Asami, était devenue une sorte d'alliée car après tout, ils étaient dans le même bateau tous les deux. A peine Hiruma eut-il passer la porte que la patronne déboula devant lui, mains sur les hanches. De ses yeux verts maquillés à l'excès, elle l'observa un instant avant de s'exclamer, amusée : « Tu cherches l'asile politique, gamin ?

- Comment t'savais que j'allais me pointer, fuckin' fausse rousse ? Rétorqua le démon en s'allumant une clope.

- T'es juste pas discret, mec ! »Lâcha la dite fausse rousse avec un clin d'œil.

D'un geste vif, elle lui jeta une clé, celle de sa chambre pour les jours à venir sans doute, et s'éloigna pour sermonner une de ses «filles». Intérieurement, Hiruma se bénit d'avoir su s'en faire une alliée voire une amie, bien qu'il sache que si par malheur il mettait en danger le petit commerce de la jeune femme, cette dernière serait capable de le massacrer de ses mains. Au début, c'était les rumeurs qui l'avaient mené à l'Akatsuki car on disait qu'une ancienne tueuse à gage se trouvait en être la patronne. Et au vu du caractère jovial de l'intéressée, souvent occupée à réajuster les semblants de tenues de ses filles ou à fumer une cigarette en jouant distraitement avec sa tignasse dont la couleur changeait deux fois par mois, il n'en avait plus cru un mot. Jusqu'à l'arrivée d'un crétin qui disait vouloir récupérer sa femme, employée au club depuis leur séparation un mois auparavant. Il menaçait d'appeler les flics, criant à tout va que sa femme était là contre son gré, que la catin qu'était la patronne l'avait forcé à rejoindre son établissement de dévergondées. D'un claquement de doigt agacé, Asami avait donné un ordre à un de ses employés qui avait immédiatement compris car quelques secondes plus tard, il revenait avec une arme en main. Un revolver à la crosse argentée. Alors Hiruma avait aussitôt compris et s'était rapproché pour assister à la scène. L'arme en main, la femme faisait face au gêneur qui la regardait, l'œil fou. Il hurla de rage en croisant le regard vert et pas du tout apeuré de son vis-à-vis, se jetant sur elle pour lui apprendre le respect.

Mais il n'avait jamais pu car une balle s'était logée en un clin d'œil au niveau du cœur, tirée par la main insensible et affreusement précise de celle qui, Hiruma l'apprit plus tard, n'était autre que la célèbre Kage, la main noire de la mafia japonaise jusqu'à il y avait encore quelques années. Pourquoi les avait-elle quittés ? Elle seule le savait et Asami se gardait bien de confier les détails de son passé. Il n'y avait qu'à Hiruma qu'elle avait parlé de sa vie d'avant, en lignes très brèves. Pourquoi lui et pas un autre ? Parce qu'un démon tel que lui savait combien passer sa vie dans la clandestinité, ce n'était pas vraiment vivre, c'était juste fuir …

Deux jours passèrent aussi calmement que possible au sein du club Akatsuki. Un ou deux débordements entre clients réclamant la même fille pour la nuit par ci, une bande d'ivrognes ivres morts à dégager par là, c'était chose normale en ces lieux. Hiruma se contentait, quant à lui, d'observer l'agitation ambiante en sirotant un verre de whisky. « L'un des derniers», songeait-il souvent avec une certaine amertume. Asami était souvent tentée de lui assurer le contraire, mais le rassurer sur son sort alors qu'elle n'en pensait pas un mot, cela aurait été mentir impunément. La patronne n'était pas dupe, elle devinait que cette fois, les simples flics seraient consignés dans un placard et l'affaire confiée à « L'Equipe ». Dès lors, le jeu qui s'enclencherait serait bien plus divertissant que la pathétique chasse à l'homme qui traînait en longueur depuis l'évasion d'Hiruma. Trois ans pour réunir les pires criminels de l'entourage de son entourage, ses rivaux pour être plus précis, et les convaincre de se placer du côté de la justice pour remettre ce dernier derrière les barreaux. Ainsi qu'obtenir une petite remise de peine en même temps, cela va de soi. Pourrie ? Oui, elle l'était, cette merveilleuse justice en relâchant des criminels presque aussi dangereux que celui dont elle avait ordonné la poursuite. Jouer à la roulette russe, ça elle savait faire. Il ne faisait donc aucun doute qu'elle paierait ses erreurs …

Si vous le voulez bien, parlons un peu de cette fameuse «Equipe». Elle se composait de trois membres qui n'étaient là que pour une chose : cloîtrer Hiruma Yôichi entre quatre murs ou mieux encore, l'amener à la potence.

En premier, nous avons Reiji Marco. Arrêté pour fabrication de faux documents en tout genre. Les billets, les papiers d'identité entre autres. Diplômé d'une grande université italienne selon ses propres dires, on pourrait même se demander si ce fils d'immigrés sicilien au Japon n'a tout simplement pas créer sa vie de toutes pièces. On s'interrogeait là-dessus avec raison, pour sûr. Le second se nommait Hayato Akaba. Camé jusqu'à l'os depuis des années, il se plaisait bien dans sa condition de dealer. Il revendait, encaissait l'argent et achetait sa dope chez les autres. Un business rondement mené et ne connaissant pas de limite.

Le dernier, Agon Kongo. Un second Hiruma Yôichi mais n'ayant même plus le mot « respect » dans son vocabulaire. De plus, la notion de hiérarchie se résumait à une prétendue supériorité en ce qui le concernait, les autres n'étaient que des insectes. Des pions pour assouvir ses désirs au mieux.

C'étaient eux que la justice avait envoyé sur les traces du « Démon » avec l'espoir de les voir revenir avec ce dernier dans leurs bagages. Car une telle équipe ne pouvait échouer. D'autant qu'ils avaient carte blanche. Alors que dire à part que la chasse était ouverte ?

Partant de Tokyo, ils ne mirent guère de temps à remonter la piste du Démon dans la ville de Kumamoto. Il suffisait de suivre les meurtres à la trace, ce qui n'était pas bien compliqué puisque Mamori, la journaliste avide de venger la mort de son fiancé, l'avait fait à quelques jours d'intervalles. Actuellement, elle faisait face à l'enseigne rouge et noir de l'Akatsuki. Selon les informations qu'elle avait reçues d'un certain Sasuke Kanagushi, une petite frappe prête à tout pour de l'argent, Hiruma se terrerait ici. La jeune femme prit une grande inspiration avant de pousser la lourde porte de chêne cachant un monde qui la répugnait. Au plus haut point.

La décoration toute de noir et rouge du sol au plafond, le club était immensément grand au point qu'elle n'en voyait même pas le bout. Les filles dansaient nues sans la moindre honte, aguichant les clients dans d'énigmatiques sourires. Coulant un regard vers le bar, elle repéra un homme et une femme en grande discussion. Elle s'assit non loin d'eux, curieuse quant à la teneur de la conversation puisque la femme semblait s'énerver après son interlocuteur. D'ailleurs, cette dernière ne tarda pas à le planter devant son verre de whisky. Il se renfrogna et partit à son tour sans un regard pour sa voisine de gauche. Celle-ci, par contre, l'avait remarqué. Comment ne pas le faire ? Après tout, des cheveux roux et des yeux verts comme l'émeraude, ce n'était pas des plus courants au Japon. Puis Mamori avouait volontiers dans le secret de ses pensées que cet inconnu était séduisant. Avec tout ça, elle en avait oublié Hiruma, songea-t-elle alors avec effarement. Elle n'avait plus qu'à revenir demain, en espérant voir le bel inconnu qui sait ?

Tout aussi naïve qu'elle était, Mamori avait omis l'incroyable faculté de dissimulation d'Hiruma Yôichi. Sous les traits du rouquin androgyne, qui d'autre que lui ? Personne, évidement. Quant à sa compagne, aucun doute possible puisque c'était Asami, la patronne du club de striptease. Ils se disputaient à propos de la traque commencée par Agon et ses acolytes. Le blond savait qu'ils étaient en ville, fouillant les moindres recoins pour le dénicher. Alors pour éviter à sa seule alliée de perdre son fond de commerce, le Démon voulait quitter les lieux alors que l'ancienne tueuse à gage soutenait avec ferveur qu'étant dans le même genre de merde, ils devaient se serrer les coudes. Mais Hiruma Yôichi n'irait jamais à l'encontre de sa solitude, tout comme Asami qui aidait toujours les autres ne renoncerait jamais à son insensée générosité …

Le jour suivant, Mamori revint à l'Akatsuki. Assise au bar, la patronne coula un regard intéressé sur la jeune femme qui s'installa à deux tabourets d'elle. Elle était là pour Hiruma, ça se voyait comme le nez au milieu de la figure.

La veille, elle n'avait pas cessé de le dévisager comme fasciné. L'intéressé n'étant pas là, le Démon ayant filé glaner des informations sur Agon et ses sbires, il fallait creuser pour savoir si elle n'était pas une de leurs larbins. Si elle était une civile, tant mieux. Si elle bossait avec eux, il fallait l'éliminer sans bavure. Pour que chacun sache qu'Hiruma Yôichi ne perdrait pas sans combattre, surtout pas avec son aide à elle. S'asseyant à côté de la jeune femme, elle se fit servir un whisky glacé avant d'engager la conversation : « Vous êtes nouvelle ici ? Qu'est-ce qui vous amène ?

- La curiosité peut être ? Fit Mamori pour toute réponse.

- Te fous pas de moi. On vient pas dans mon modeste établissement par curiosité, surtout pas par les temps qui courent ! » cracha la patronne en plissant les yeux.

La voyant baisser le regard dans les méandres de son verre d'eau, Asami jubila de constater qu'elle avait visé juste. C'est à ce moment qu'Hiruma, toujours sous son déguisement de la veille, pénétra dans le club avec une cigarette à la bouche et un gros dossier sous le bras. Il s'assit dans l'un des fauteuils près de la scène et se plongea dans ses documents. Un instant, Asami détourna son attention de Mamori qui s'approcha de l'endroit où le Démon s'était installé. Assise à quelques fauteuils de lui, elle dévora du regard sans aucun vergogne le fin visage mangé par des mèches rousses et indomptables. Hiruma choisit ce moment pour relever la tête et rencontra deux yeux bleus fuyant son regard. Il fronça les sourcils. C'était qui cette fille ? Elle avait un problème à regarder les gens comme ça ou quoi ?

Demeurant près du bar, la patronne de l'Akatsuki passa la main dans ses cheveux devenus noirs depuis un peu plus de trois jours. La jeune femme observa l'ensemble de son club, la scène où les filles se succédaient, les tables de poker où d'autres servaient les boissons. Puis ses yeux verts passèrent sur l'indomptable tignasse de son invité, avant de détailler encore une fois Mamori. Cette fille, qui qu'elle soit, trouvait vraisemblablement Hiruma à son goût. Pouvait-il se servir de cet intérêt ? Excellente question qu'elle allait s'empresser de lui poser …

L'Akatsuki fermait trois heures plus tard, aux environs de quatre heures du matin. Agacée, elle dégagea un ivrogne qui semblait prêt à camper devant la loge de Kaya, sa dernière et plus jeune danseuse. Cette dernière remercia son employeur avec chaleur avant de quitter les lieux. Asami, elle, avait rejoint Hiruma dans sa chambre. Le Démon avait enlevé son déguisement et fumait maintenant une cigarette, assis sur le rebord de sa fenêtre. Dès qu'elle eut mis un pied sur le sol de la pièce, sa voix traînante et un peu rauque l'apostropha : « Que me vaut l'honneur d'une visite tardive ?

- La fille de cet après midi. Je pense qu'elle a … commença Asami.

- … Un rapport plus ou moins lointain avec le fuckin' dreadlocks et ses chiens ? Compléta le blond avec un sourire entendu qu'elle ne vit pas puisqu'il était dos à elle.

- Oui.

- Il suffira d'en juger quand elle sera tombée dans mes filets ! » fit Hiruma en quittant son perchoir.

Sur ces mots, la jeune femme s'éclipsa pour gagner ses propres quartiers, le laissant seul. Allongé sur la moquette duveteuse de sa chambre, le blond retournait le problème dans tout les sens. Avec ce chien d'Agon qui remontait lentement mais sûrement sa piste, il ne lui restait plus beaucoup de temps. Encore moins que prévu si cette femme s'avérait être l'une de ses sbires. Mais s'il arrivait à la séduire, à la rendre plus faible face à lui qu'elle ne l'était déjà, elle serait sous sa coupe et ne croirait jamais qu'il puisse être Hiruma Yôichi. De toute façon, ce que cette fille ignorait ne pourrait pas lui faire de mal, n'est-ce pas ?

Soudainement, une idée explosa dans le fouillis qui faisaient office de pensées.

Cette fille serait la dernière proie qu'il s'offrirait.

Avant la dernière bataille contre les chiens.

C'est le lendemain que le Démon mit son plan en marche. Il habilla son personnage avec encore plus de soin que d'habitude, Asami l'aidant comme d'habitude pour sa teinture rousse provisoire. Il l'attendit au bar jusqu'aux environs de dix huit heures trente, où elle apparut enfin. Un pull bleu ciel de la même teinte que ses yeux sur un jean bleu foncé. Simple et trop enfantin si on observait toutes les femmes de la pièce, vêtues de robes plus ou moins longues, plus ou moins de couleur vive. Il chercha son regard et quand celui-ci s'accrocha au sien, elle rougit. En résultat un sourire carnassier sur les lèvres du Démon dont les yeux verts se posèrent sur Asami qui sirotait un whisky en bavardant avec son employé. Mais dont le regard ne perdait pas une miette des actions de sa proie. Cette dernière s'assit non loin de lui alors Hiruma se décida à l'aborder : « Vous désirez un peu de compagnie, mademoiselle ? Fit-il, charmeur et tout sourire.

- Vo… Volontiers ! » bafouilla la jeune femme en fixant le bout de ses chaussures de toile blanche.

Le loup avait pénétré dans l'enclos de l'agneau, il ne restait plus qu'à le séduire pour le dévorer ensuite. C'était en tout cas ce que pensait Asami en voyant Hiruma s'asseoir aux côtés de la jeune inconnue.

Ce dernier engageait difficilement la conversation avec celle-ci, qui rougissait plus qu'elle ne parlait : « Comment t'appelles tu ? Je peux te tutoyer au fait ? Demandait-il, tout sourire.

- Je m'appelle Mamori et oui, tu peux me tutoyer … »

Riant sous cape, Asami se mêla à l'entreprise en apportant leur commande, deux verres de vin rouge. Elle y avait ajouté un petit quelque chose qui devrait délier plus vite la langue de Mamori. C'était probable qu'Hiruma perce son petit ingrédient miracle immédiatement mais tant pis, ils y gagneraient leur temps l'un comme l'autre…

Comme elle l'avait prévu, Hiruma renifla soupçonneusement son verre tandis que sa compagne vidait le sien d'un trait. Plusieurs autres suivirent et elle finit accrochée comme une sangsue au cou d'Hiruma. Celui-ci eut un sourire qui fit frémir sa complice. Que mijotait-il ?

To Be Continued …