Bonjour à tous !
Voici ma première fanfiction, ou du moins la première que je publie sur ce site... de ce fait je vous demande d'être clément dans votre jugement. é_è
Je pense qu'elle est partie pour être plutôt longue. D'ailleurs, si vous trouvez ce premier chapitre court, sachez que normalement, j'écris bien plus.
Laissez une petite review si le temps vous le permet et/ou si l'envie vous en prend ! C'est toujours appréciable pour l'auteur !
Sur ce, bonne lecture.
"On décampe ! Plus vite ! Dépêchez-vous ou ils vont nous rattraper !"
Mes épaisses semelles dérapent au sol à chacune de mes foulées. Je distingue, à travers les ombres de la nuit, la lumière aveuglante des gyrophares de la police. Leur ostinato agressif me poursuit, s'encre en moi et écrase ma lucidité. Dans ma course, ces sons, couleurs tous si différents, se confondent en un flou total. Je ne pense qu'à une seule chose: m'enfuir. Je veux échapper pour toujours à ces monstres, ne jamais retomber entre leurs griffes. Rien qu'à cette pensée, une sueur froide creuse un sillon dont douloureux le long de ma colonne vertébrale, une crevasse de glace qui s'immisce en moi. Les hommes en uniforme, de loin plus âgés que moi, hurlent, injurient, et ordonnent de revenir sur le champ. Pas question de leur obéir. Jamais.
Je cesse de leur prêter une quelconque attention, lorsque se dresse un mur. Une impasse, la fin: pour n'importe quel fugitif commun. Mais ils n'ont pas affaire à de banals délinquants, loin de là.
"Rose ! Accroche-toi à moi ! Jordan, Caleb, ça va aller ?
- Ouais t'inquiète !"
À peine Caleb a-t-il répondu que Jude me prend dans ses bras, enroule sa longue cape rouge sur mes épaules, et fait un bond fulgurant. Ses pensées, dont je ne suis que trop consciente dû à notre proximité, ne sont qu'un amas de réflexions, si rapides que je n'essaye pas de les suivre. Je suis envoûtée par ses dreadlocks châtain volant à travers l'air froid de minuit. Lui, impitoyable, se charge de lacérer la peau fragile de mon visage, si violemment que je commence à ne plus la sentir.
Je m'agrippe aux épaules solides de Jude, du mieux que je peux avec mes doigts crispés. Je ferme fort les yeux, tandis que je sens ses bras habiles se serrer un peu plus fort sur moi.
L'atterrissage, calculé, nul doute, avec précision, nous emmène pile de l'autre côté du mur. Sans même avoir eu le temps de me remettre, je suis secouée par la détonation, une déflagration qui dure pendant plusieurs secondes et qui provient de derrière l'édifice. L'œuvre de Caleb: grâce à son incroyable maîtrise du feu et des explosifs... Il exagère ! En pleine nuit, il aurait pu faire plus discret ! Quoique, on avouera volontiers qu'une explosion, ça n'a rien de discret, mais il y a des extrêmes à ne pas dépasser. Entre un pétard et une bombe, la différence est frappante. En plus, il se permet de faire résonner son rire arrogant et satisfait dans toute la nuit noire. C'est un peu sa signature, et ça nous signale qu'il a bien réussi son coup, si preuve il y aurait encore besoin... Une épaisse fumée, d'un aspect noir et fantomatique, forme d'inquiétantes volutes dans le ciel étoilé, lui qui est encore plus profond. Elle paraît presque terne et bien fade, d'ailleurs. Le mur n'a pas volé en éclats. Par contre, les forces de l'ordre doivent y être passées.
Baaah. Je suis encore toute secouée. Je n'ai jamais apprécié ce genre de bond en l'air. Si j'avais su que, devoir accompagner les garçons à l'épicerie ce soir signifiait devoir expérimenter à nouveau des choses de ce genre, c'aurait été non. À faire un arrêt cardiaque, je vous jure.
Même sous peine de ne pas avoir de violettes de toute la semaine. Parce que évidemment, si je ne venais pas, les garçons n'en rapportaient pas. Ils sont trop, trop méchants.
"Tu ne t'y habitueras jamais, pas vrai ?"
Je le regarde, interloquée d'abord, puis je comprends de quoi il veut parler. Il réplique avant moi:
"Tu m'as semblé toute crispée quand on a sauté, tout à l'heure. J'en ai déduit que tu avais encore un peu peur ?
Son familier sourire narquois est plus flagrant encore en pleine nuit. Son expression me semble (fichues lunettes) se faire cependant un peu plus soucieuse pendant quelques brèves secondes.
- Je suis percée à jour... Rassure-toi, je ne doute pas de toi, mais faire le grand saut ainsi, ça... me fait effectivement peur.
- Voyons, il ne faut pas... Je suis là, avec toi. Maintenant c'est fini, on va pouvoir rentrer tranquillement."
Je lui souris en guise de réponse. Sa voix a le don de me bercer et de faire fondre, comme le soleil le fait avec la neige, toutes mes angoisses.
Enfin, sauf celle de décoller à quinze mètres du sol. Depuis qu'on se connaît, c'est à dire depuis notre plus tendre enfance, lui et moi côtoyons nos dons respectifs. À vrai dire, on n'y fait même plus attention la plupart du temps. Il est cependant impossible de ne pas remarquer la particularité de Jude. Ne serait-ce que par son charisme. Ce dernier nous y induit immédiatement. Son don lui sert en toutes circonstances. En comparaison, le mien... Bof. Il faut le chercher pour le trouver. Et encore, ce n'est pas dit qu'on y arrive.
La discrétion. C'est mon mot clé. Tout le contraire de Caleb. Au final, ce n'est pas une mauvaise chose, j'imagine que ça représente même un avantage.
"Rose, tu sais, personnellement je préfère tes aptitudes psychiques. Tu m'impressionnes toujours quand tu arrives à déplacer un objet rien qu'en levant le petit doigt." Je perçois de la pure admiration dans sa voix particulière.
"Arrête tu vas me faire rougir !
- Hé hé..."
Il a beau dire ça, je suis certaine qu'il est très fier de son don. Lui, il a un talent, que dis-je, une virtuosité, absolument surhumaine pour tout, physiquement comme intellectuellement: Jude est capable de faire des centaines de pompes d'affilée, sur un bras, tout en déclamant la totalité des œuvres complètes de Victor Hugo. Bon, on est d'accord, ça ne lui sert substantiellement pas à grand-chose. Mais ces aptitudes se reflètent immanquablement dans tout ce qu'il entreprend. C'est un génie en mathématiques, en physique, et un tacticien hors du commun qui supervise tout ce que notre petit groupe fait. Même si en réalité nous n'entreprenons pas grand chose, au risque de nous faire attraper.
Après quinze minutes de marche, nous arrivons enfin à la maison. Cette dernière, recluse du reste de la ville, est cachée dans les forêts denses qui l'entourent. Discrète pour sûr, elle constitue en une très ancienne maison bourgeoise, abandonnée en apparence. La pénombre lui donne des airs de maison hantée. Sauf que ce n'est pas du tout le cas ! Enfin pas exactement. Peut-on nous considérer, nous, ses habitants, comme des créatures fantastiques ? Je me pose la question, chaque fois que je laisse mon regard s'attarder sur son architecture pleine de charme.
Caleb et Jordan ne sont toujours pas arrivés, après une grosse demie-heure d'attente.
Au rez-de-chaussée de la maison, aménagé en salon luxueux, Jude et moi nous occupons comme nous pouvons. Je suis plongée dans un bon livre, tandis que lui trafique je ne sais quoi sur des équations complexes, pratiquement dénuées de sens pour moi. Je n'ai jamais compris comment il faisait pour apprécier ce genre de loisir, surtout à une heure aussi tardive. Je haïs les chiffres... Bon nombre de fois, il a tenté de me faire partager sa passion sans limite pour toutes ces histoires de probabilité, et, je n'en doute pas, absolument passionnantes quand on sait les apprécier, mais rien n'y a fait. En plus, c'est bien trop compliqué...
Évidemment, nous nous occupons dans un silence religieux. À cette heure-ci, il faut faire attention à ne pas réveiller les autres, qui dorment au deuxième étage. Dans une demeure de ce genre, les cloisons sont fines, bien que nous l'ayons rénovée il y a peu, afin de nous y installer. Par nous, je sous-entends moi, et mes nouveaux amis. Mes amis qui ont eux aussi des dons spéciaux. Depuis pas mal de temps maintenant, nous formons un genre de... regroupement, si on peut dire. Nous sommes six: moi, Jude, Silvia, Nathan, Jordan et Caleb. Nous recueillons tous ceux qui sont dans notre cas. À condition qu'ils se plient à nos règles, et qu'ils haïssent le gouvernement. Ensemble, notre but est simple: réussir, un jour, à renverser le gouvernement pour pouvoir enfin vivre librement.
Il y a quelques années, les dirigeants de notre ville ont découvert notre différence, d'abord à moi et à Jude. Alors que nous n'avions que neuf ans, ils ont voulu nous retirer à nos familles et nous utiliser à des fins militaires. Nous étions les premiers cas qu'ils découvraient dans la population d'Ocores. Imaginez un peu comme ils ont été scotchés devant nos capacités ! Mais évidemment, seul leur propre intérêt les retenait de ne pas nous transformer en rats de laboratoire. Qu'est-ce qui s'était passé, dans notre corps, pour que nous évoluions de la sorte ? Est-ce par rapport à notre mode de vie ? Notre nourriture ? Un moment déclencheur ?
Nos parents voulaient absolument nous protéger, et refusaient catégoriquement les offres de ces hommes. Leurs enfants, finir au milieu des coups de feux, du sang et des cadavres ? Jamais de la vie !
Donc, pendant deux ans. ils nous ont harcelés, allant jusqu'à nous attendre à la sortie de l'école, ou à passer tous les jours à la maison. Ils proposaient des sommes phénoménales à nos parents. Mais jamais ils n'ont cédé.
Un jour, ils en ont eu assez.
Nos familles ont péri dans un incendie, orchestré de toutes pièces par ces mafieux du gouvernement ! Nos maisons ne sont plus, toute notre tranquille petite vie est partie en fumée. Du jour au lendemain, Jude et moi, nous nous sommes retrouvés seuls au monde. Tout cela à cause de ces monstres et de leur égoïsme. Ils pensaient que, immédiatement après ça, nous allions les rejoindre. Que nous allions nous rendre, et faire passer à la trappe le dur combat que nos parents ont mené pour nous garder. Affrontant le regard des autres, leurs moqueries, leur méchanceté ignoble, aussi bien envers eux, qu'envers nous.
Ils se trompaient lourdement: afin de leur échapper, Jude et moi avons entamé, à tout juste douze ans, une cavale à travers les bois et rues d'Ocores.
Nous avons fini par nous réfugier dans la demeure abandonnée de la forêt interdite d'Ocores, là où personne n'allait. Là où l'on pensait que les morts revenaient à la vie pour nous hanter, ou que des gens étaient torturés.
Je suis certaine que, selon ces même personnes qui croient en ces bêtises, notre place est tout à fait là-bas, parmi ces atrocités, car nous en sommes nous-mêmes.
"Jude, Rose... Il est 3h du mat´, vous n'allez pas vous coucher ?"
Nous sursautons en entendant la voix d'outre-tombe, saccagée par la fatigue, de Silvia.
"Silvia, qu'est-ce que tu fais encore debout ? Tu as une mine à faire pâlir la mort ! s'exclame Jude.
- Je vous ai posé la question avant.
- On n'a pas sommeil, et puis Caleb et Jordan ne sont pas encore rentrés. On préfère les attendre, je réplique calmement.
- Qui sait ce qu'ils sont partis trafiquer, surtout Caleb. On aura beau répéter qu'il ne faut pas traîner dehors, monsieur La Crête ne s'y tiendra jamais... remarque la jeune fille aux carré noir.
- J'espère seulement qu'il ne leur arrivera rien", murmure Jude, assez fort pour que je l'entende.
