Titre : La Cruauté de Dieu

Auteur : Rieval

Genre : Amitié John/Sherlock. Centrée sur John qui est de loin mon personnage préféré dans cette série.

Titre : tiré du roman d'André Gide, Les Faux-monnayeurs : « La cruauté, c'est le premier des attributs de Dieu ».

Résumé : John se met lui aussi à jouer au détective. Malheureusement, cela pourrait lui coûter la vie. GEN. Très librement inspiré de la nouvelle d'ACD, Le pouce de l'Ingénieur. Si vous voulez lire cette nouvelle d'Arthur Conan Doyle rendez-vous sur https(deuxpoints)(double slash)fr(point)wikisource(point)org(slash)wiki(slash)Les_Aventures_de_Sherlock_Holmes(slash)Le_Pouce_de_l%E2%80%99ing%C3%A9nieur

Spoiler : les faits décrits dans cette fic' se situent peu de temps après Scandale à Buckingham mais avant Les Chiens de Baskerville.

Disclaimer : Not mine ! Such a pity.


« A demain Sarah, dit John en sortant du centre médical. Bonne nuit !

La jeune femme lui sourit et lui fit un petit signe de la main.

- Dis bonjour à ton adorable co-loc pour moi, lui répondit-elle sur un ton moqueur. »

John grimaça au souvenir de la première rencontre entre Sarah et Sherlock. A la limite de l'inamical. A tout le moins d'un manque total de courtoisie de la part dudit co-loc. Un comble alors que Sarah avait proprement assommé un étranger pour le sauver ! Même si Sherlock s'était « rattrapé » en lui sauvant à son tour la vie un peu plus tard.

Plic, plic.

Ouch, c'était froid ! John releva le col de sa veste et leva les yeux vers le ciel londonien. Il pleuvait.

Comme c'était original.

Londres semblait ne connaître que deux saisons : humide et froid et humide et doux. Et la seconde ne durait que quelques semaines …

La pluie s'intensifia.

Génial.

Que ne donnerait-il pas pour voir apparaître la silhouette noire et élégante de la voiture de l'aîné des Holmes. Il pourrait au moins lui piquer son parapluie. Quoiqu'il se demandait, depuis ce jour où il avait fait connaissance avec la nemesis de Sherlock, si le parapluie était réel ou s'il ne cachait pas, comme dans ces vieux James Bond des années 50, une arme redoutable. Genre … un fleuret ?

Imaginer Mycroft Holmes désarmant d'un coup adroit un adversaire, sans bouger autre chose que le bras et haussant un sourcil hautain lui fit oublier pendant quelques minutes le déluge qui continuait de s'abattre sur la ville.

Elle lui fit aussi rater son bus.

John jura entre ses lèvres. Il regarda sa montre. Plus de 23h. Il venait de rater le dernier bus.

Ce qui voulait dire qu'il ne lui restait plus qu'à marcher jusqu'à Paddington pour attraper sa correspondance jusqu'à la station de Baker Street. Sous la pluie.

John se mit en route.


La marche était un exercice qui avait toujours eu pour effet de plonger John dans ses pensées. Sombres ou pas. En ce moment, elles étaient plutôt mitigées. Ni noires ni roses. Grises, peut-être ?

La pluie devint violente et John hâta le pas. Il se mordit les lèvres pour ravaler un grognement de douleur. Sa jambe lui faisait des misères depuis quelques temps. Non, il fallait qu'il soit honnête avec lui-même. Il avait de nouveau « mal » depuis qu'ils étaient au repos forcé, Sherlock et lui. Il sortit sa main gauche de sa poche : elle tremblait.

Il devait se rendre à l'évidence : John Hamish Watson, ancien médecin du RAMC était un adrénaline junkie. Non, pas tout à fait … suivre Sherlock était son adrénaline. Le suivre physiquement – Sherlock était infatigable … - et intellectuellement – … et brillant. Un « cocktail » dont il avait besoin.

Correction : John Hamish Watson était devenu « Sherlock Holmes » Junkie.

Et voilà. L'homme qui avait inventé un nouveau métier était aussi à l'origine d'une toute nouvelle addiction … sauf qu'apparemment, John était le seul à être intoxiqué.

Il grogna. Il pouvait facilement imaginer le sergent Donovan lui rire au nez. Ne l'avait-elle pas mis en garde contre Sherlock Holmes ?

John en venait presque lui aussi à espérer un crime. Le genre bien mystérieux et décalé, mettant en déroute tout Scotland Yard. Le genre qui obligerait Lestrade à se tourner vers sa dernière porte de sortie …

Super, il en venait à « vouloir » que quelqu'un perde la vie !

Pas la moindre petite affaire à mettre sous la dent du grand détective depuis neuf longs, très longs, jours. Sherlock exigeait que tous les matins,John lui lise à voix haute le récit journalistique des petits meurtres commis un peu partout dans Londres mais rien n'avait retenu son attention.

« John ! Mon cerveau est en train de … de pourrir sur pied comme ses pauvres plants de salade que personne ne ramasse. C'est INTOLERABLE ! » s'était-il lamenté le matin même en se jetant sur le sofa dans une pose très mélodramatique.

John aurait bien souri au souvenir de cette vision de Sherlock, pieds nus, un bras le long du sofa et l'autre ramené sur son visage. Très victorien. Genre, poète maudit.

Son visage se rembrunit.

C'était dans ces moments là qu'il devait être vigilant. Le manque de stimulation conduisait presque immanquablement Sherlock vers la cigarette. Voire pire. Oui, c'était parfois exactement ce qu'il était : le poète maudit prenant sa dose, juste assez pour s'échapper, pour laisser derrière lui le ciel maussade de Londres et la petite vie sans intérêt de ses habitants (Sherlock Holmes n'aimait les londoniens que s'ils mourraient dans de mystérieuses circonstances).

Il avait fallu un peu de temps mais John avait fini par découvrir la plupart des « cachettes » évidentes de son terrible co-locataire : des petits sachets de poudre blanche scotchés sous Lou-Ann (le crâne que John avait baptisé ainsi pour la rime, ce qui lui avait valu un « et c'est moi qu'on dit dément ?» de la part de Sherlock) à ceux délicatement répartis sous la semelle de cette étrange petite pantoufle en satin rose qui se baladait dans tout l'appartement (John l'avait déjà retrouvé dans son verre à dents … et non, il n'avait pas posé de questions. Quand on vivait avec Sherlock Holmes il valait parfois mieux rester dans l'ignorance) avant de finir la semaine généralement près de la cheminée. Il y en avait d'autres bien sûr. John n'était pas stupide, il savait qu'il n'avait trouvé que celles que Sherlock souhaitait voir découvertes. C'était comme une entente entre eux : John veillait à ce que Sherlock ne finisse pas à l'hôpital mais il ne l'empêchait pas de se droguer lorsqu'il en ressentait le besoin.

La drogue … on en revenait toujours là, n'est-ce pas ?

Sherlock avait besoin d'énigmes à résoudre. C'était sa drogue. Et John avait besoin de Sherlock.

Ce jour là, lorsque John avait tiré sur Jefferson Hope, il n'avait pas seulement sauvé la vie de Sherlock Holmes.

Il avait aussi sauvé la sienne.

John n'était pas stupide (contrairement à ce qu'aimait claironner une certaine personne de son entourage …). Il savait pourquoi il avait ramené son browning et ce n'était certes pas en prévision d'un sauvetage in extremis !

Après son retour à la vie civile, il avait ouvert des dizaines de fois le tiroir du bureau où il avait rangé son ancienne arme de service. Il savait qu'un jour, il aurait fini par la sortir de ce foutu tiroir et que cette fois, personne n'aurait été là pour le sauver.


John était reconnaissant à Sherlock Holmes, vraiment, il l'était. Il lui devait de vivre dans un appartement sympa au cœur de la vie londonienne, il lui devait sans aucun doute la vie. Le souci, c'était qu'il allait certainement aussi être à l'origine de son internement.

Ce type le rendait fou !

« Sherlock, dit-il, dents serrées une serviette de bain ceinte autour des reins. Est-ce que tu peux me dire ce que c'est que ça ?

Sherlock ne daigna même pas tourner la tête. Il était sur le sofa dans la position qu'il affectionnait pour réfléchir : allongé sur le dos, yeux clos et mains jointes sous le menton, tel un pénitent en prière.

- Sherlock ! Admonesta John, exaspéré.

Un soupir échappa au détective.

- Tu es médecin John, tu es donc tout à fait à même d'identifier ce que tu tiens entre les mains, dit-il sur un ton monocorde masquant à peine l'effort surhumain qu'il faisait en prenant la peine de répondre.

John ferma les yeux et compta mentalement jusqu'à dix. Il fallait qu'il résiste à l'envie d'envoyer ce qu'il tenait à la main à la figure de son co-locataire. De toute manière, il y aurait fort à parier que cela ne ferait pas bouger d'un pouce le bougre et qui devrait nettoyer le sang sur le sofa ? Bibi. Donc, mesure et maîtrise de soi. Il avait été dans l'armée, bon sang. Di-sci-pli-ne, c'était le maître mot.

- La question était théorique, Sherlock. Et tu le sais très bien, alors pas la peine de te lancer dans une joute rhétorique qui sera aussi très certainement hautement pédante. Nous avions convenu que les ... restes organiques, qu'il s'agisse d'animaux ou autres, ne devaient pas franchir le seuil de la cuisine.

John avait compris très tôt qu'il ne pourrait pas empêcher l'apparition ici et là, de membres mutilés et de gallons de sang. Il avait donc décidé d'un compromis : tout ce qui avait un jour appartenu à un être vivant restait entre les quatre murs de la cuisine.

Les intestins qu'il tenait à la main n'avaient manifestement pas atterri comme par magie dans la baignoire !

- Hummmm. Pas assez de place pour les faire sécher correctement dans la cuisine. Une expérience fascinante. Le procédé utilisé par les chinois pour embaumer les corps en utilisant du cinabre est bien entendu de loin le plus efficace. En scellant non seulement tous les orifices du corps mais aussi ceux du lieu où le corps est inhumé, comme pour la momie de Sing-Jui, les chinois ont trouvé la réponse ultime à … John, tu ne m'écoutes pas.

John soupira. N'y tenant plus, il s'approcha du sofa et laissa tomber les boyaux sur le ventre de Sherlock, lequel évidemment, réagit en soulevant un sourcil interrogateur.

- Non, je ne t'écoutes pas. Et je crois que je vais aussi bannir les explications sur les restes humains de la salle de séjour. En attendant, tu me mets ça ou tu veux dans la cuisine, je vais prendre une douche annonça John.

- Mais je ne peux pas les étendre correctement dans la cuisine, John ! Sois un peu raisonnable et –

- RAISONNABLE ! Sherlock, il est presque 1 h du matin et j'ai eu une longue journée lors de laquelle on m'a fait pipi dessus, on m'a vomi dessus et on m'a craché dessus.

- Craché ?

John poussa un nouveau soupir.

- Mme Lewis. Une charmante petite dame de 88 ans qui s'obstine à porter le dentier de son défunt époux et qui le perd dès qu'elle parle. Le truc a atterri sur mes genoux.

Il frissonna au souvenir de ce charmant moment.

Dehors, une portière de voiture claqua.

- Je crois, dit Sherlock en se levant (et en posant délicatement les boyaux sur le dossier de sa chaise de bureau), qu'il faudra que tu attendes pour ta douche. Mycroft nous fait l'honneur de sa présence.

- Mycroft ? Mais, comment peux tu savoir qu'il va passer ? Quand t'as t-il contacté ?

- Sa voiture vient juste de se garer devant le 221B dit Sherlock qui, après avoir utilisé la table basse comme un marche pied, se tenait maintenant debout devant la fenêtre.

- Quoi ?

- John, deux portes de portière qui claquent mais aucun son de voix donc la personne qui est sortie la première est muette ou alors ... Ou alors, c'est quelqu'un qui ne supporte pas d'être mouillée et qui a demandé à son chauffeur de lui ouvrir un parapluie et

John jeta un coup d'œil par la fenêtre. La Mercedes noire de Mycroft était en effet devant l'appartement et le chauffeur tenait la portière ouverte, parapluie dégainé aussi efficacement qu'une arme. Il ne manquait plus qu'un petit tapis rouge déployé jusque devant la porte, pensa t-il.

- … qui connaissons-nous qui aime ses costumes plus que la mère patrie elle-même ? Termina Sherlock.

L'homme qui finit par daigner sortir de la Mercedes sous une pluie toujours battante était sans conteste Mycroft Holmes.

- Bien, soupira John. Une petite réunion familiale, tout à fait ce qu'il me fallait pour clore cette mémorable journée. Je vous laisse, moi, j'ai une douche qui m'attend. Tachez de ne pas mettre du sang partout si vous vous engueulez tous les deux, il y a déjà assez de boyaux comme ça dans le salon maugréa t-il en fermant la porte de la salle de bain. »


Lorsque John sortit de la salle de bain, il se sentait mieux. Il avait enfilé un vieux pantalon de survêtement et une polaire et, après avoir pris plusieurs larges inspirations, il se sentait prêt à affronter les frères Holmes. Ça pouvait être drôle. Comme de compter les points à un match de tennis. Ou alors d'attendre que le dompteur se fasse avaler par le lion ...

Comme à l'accoutumée, Mycroft s'était installé sur le fauteuil de John.

« … tu sais que cela pourrait être extrêmement préjudiciable à notre économie. Notre monnaie ne supporterais pas un tel choc s'il devait y avoir distribution à échelle nationale, disait-il sur un ton que John jugea un chouïa irrité.

Ah, Sherlock devait refuser de prendre en charge l'affaire, pensa John.

- Bonsoir Mycroft, dit-il en entrant dans le salon, ou plus exactement, bonjour.

- Ah, John, répondit Mycroft sur un ton vaguement indifférent, enfin débarrassé du souvenir des petites mésaventures de la journée ?

Il savait.

John ignorait comment mais il parierait un mois de salaire que Mycroft Holmes savait exactement que la petite Kylie lui avait vomi dessus, que le chouchou de Poméranie de monsieur Lyle avait fait pipi sur ses chaussures et que Mme Lewis avait perdu son dentier en lui crachant dessus. Il devait aussi savoir que la dite Mme Lewis se faisait toujours une joie de récupérer elle-même l'impudent dentier. Sur les trois derniers moins, John avait subi huit fois les assauts des dents de feu M. Lewis et du repousser, gentiment, les mains baladeuses de sa veuve cherchant à le récupérer.

Sherlock, armé de son violon, toisait son frère d'un regard pas franchement bienveillant.

Tzoing, tzoing chantonnait tristement le Stradivarius certainement honteux d'être ainsi utilisé.

- Laisse donc John tranquille, grogna Sherlock à l'attention de son frère. Il mérite bien une soirée tranquille. Nous méritons bien une soirée tranquille …

John réprima un ricanement. Qu'est-ce qu'il ne fallait pas entendre ! Sherlock ne faisait rien de ces dix doigts, si ce n'était visiblement éviscérer une pauvre bête pour pouvoir répandre ses organes un peu partout dans l'appartement.

- … et d'ailleurs, continua Sherlock, j'allais l'emmener au restaurant. Un petit Thaï ouvert 24 h sur 24.

- Oui, bien sûr répondit juste Mycroft dont le regard s'attarda sur la polaire délavée de John et sur ses pantoufles. Et donc, reprit-il en posant un épais dossier sur le petit guéridon à côté du fauteuil. Cette affaire requiert des talents particuliers. Tes talents particuliers … notamment celui qui te fait bondir tel un diable surgit de sa boîte et courir dans tout Londres, cet effroyable manteau claquant au vent comme la cape d'un super héros.

Tzoing, tzoing, tzoing fit le violon.

Ouch, pensa John. Coup bas. Sherlock adorait son manteau. En fait, John était certain qu'il l'utilisait pour se donner un air encore plus mystérieux, plus dramatique. Sherlock était une véritable drama-queen et un manipulateur hors pair.

- Non. Je suis trop occupé en ce moment, répondit sèchement l'objet de ses pensées. Pas question. Et la dernière fois que j'ai accepté de prendre une de tes enquêtes, dois-je te rappeler que John s'est retrouvé équipé avec assez de semtex pour faire sauter, disons, Buckingham Palace, susurra Sherlock.

Mycroft tiqua. Juste un petit mouvement au coin de l'œil droit mais John l'avait remarqué, et si John l'avait remarqué alors Sherlock aussi. Et ça, ce n'était pas très bon pour ce pauvre Mycroft.

Sherlock était comme le requin des dents de la mer, dès qu'il sentait l'odeur du sang il était sur vous en un instant.

- Oui, une déplorable erreur de jugement, répondit juste Mycroft.

- « Déplorable », s'exclama John, vaguement outré. Nous avons bien failli y passer !

Mycroft lui sourit.

- Désolé John. Cela ne se reproduira pas. Par ailleurs, nous savons de source sûre que James Moriarty n'est mêlé en rien à cette affaire.

- Comment pouvez-vous en être certain à 100 pour cent, demanda John, perplexe.

Nouveau sourire énigmatique de l'aîné des Holmes.

- Nous avons nos propres services de renseignements, John. Nous parlons des services de renseignement britanniques, ajouta t-il comme si c'était la marque ultime de qualité desdits services.

- Ouais, des services de renseignement qui égarent des clés USB avec des plans ultra secrets, lui répondit John du tac au tac ce qui valut à Mycroft un petit ricanement ironique de la part de son frère. Bien mérité, pensa John.

Mycroft soupira.

- Nous savons tous très bien que mon cher frère finira par prendre en charge cette enquête donc, je vous en dresse les grandes lignes.

Il prit le dossier et le tendit à John.

- Depuis quelques jours, de faux billets de banque de 10 livres sont en circulation.

John qui feuilletait le dossier leva la tête vers Mycroft.

- Des faux billets ? Je pensais que plus personne ne se lançait là-dedans, du moins à grande échelle. Qu'il s'agissait aujourd'hui du travail d'amateurs et que ces derniers étaient vite repérés et arrêtés.

Mycroft lui sourit. Le genre de sourire qu'il devait réserver aux gamins de moins d'un an et aux personnes mentalement déficientes : bienveillant mais non exempt d'un certain mépris.

- Ces faux billets ont deux particularités, continua Mycroft. Tout d'abord, l'endroit où ils sont retrouvés. Uniquement entre les mains de personnes de très haute qualité et -

John laissa échapper un long sifflement en découvrant dans le dossier la liste des « personnes de très haute qualité » en question.

- Vous voulez dire que chacune de ces personnes s'est retrouvée en possession de faux billets ?

- Oui. Nous n'avons aucune indication que ces faux billets circulent dans le reste de la population, précisa Mycroft.

- Un faux monnayeur de luxe alors, proposa John non sans humour. Et la seconde particularité ?

- Les plaques utilisées. Il s'agit de plaques qui ont été perdues en 1941.

- « Perdues » ? Vous avez perdu des plaques de monnaie ? En 1941 ?

- La situation était délicate. Une rumeur parlait d'un complot des forces allemandes pour récupérer ces plaques et mettre ainsi à genoux notre pays. Nous avons pris des mesures et -

- Et vous avez égaré les plaques, termina Sherlock un petit sourire aux lèvres. Félicitations. Bien et si tu nous laissais maintenant, nous avons faim.

- Sherlock, dit John d'un ton réprobateur.

- Quoi ? Ces billets sont trop anciens pour représenter un danger quelconque. Ils n'ont aucune valeur. Tout ceci n'est qu'une farce entre gens de … de bonne compagnie, dit Sherlock sur un ton moqueur. Absolument rien qui soit digne de mon temps. Et celui que je viens de perdre à l'écouter est déjà bien trop cher payé.

- Il marque un point, dit John en rendant le dossier à Mycroft. Ces billets ne peuvent plus être utilisés alors pourquoi s'alarmer ?

- Parce que John, répondit Sherlock, les services britanniques ne savent pas comment le faux-monnayeur fait pour les glisser dans le portefeuille de ces gens bien sous tout rapport. Et c'est ça qui les rend nerveux. Juste de l'orgueil mal placé, sourit-il. Ça et le fait que les mêmes services souhaitent récupérer les plaques. Quelque chose me dit que le papier et l'encre utilisés, perdus eux aussi, sont encore utilisables.

Il se leva et ajusta sa veste devant le miroir de la cheminée.

- Bien, maintenant que l'affaire est close …

- Sherlock soupira Mycroft.

- … nous allons enfin pouvoir aller dîner. Ou plutôt souper.

- … ou petit-déjeuner, proposa John sur un ton moqueur.

- Humm oui. Un petit déjeuner au Claridge's. Excellente idée John ! Nous penserons à toi Mycrof en dégustant l'un de leur succulent Carrot's cake. J'espère que ton régime se passe toujours aussi bien ?

- Oui, grogna Mycroft.

- John. Pourquoi es-tu encore en pyjama ?»

Cette fois, se fut au tour de John de grogner.


Quelqu'un l'appelait doucement. John ouvrit un œil. Puis le second.

Le visage de Sarah se trouvait à quelques centimètres du sien. Il lui sourit.

« Salut, parvint-il à articuler entre deux bâillements.

Sarah lui rendit son sourire.

- Tu t'es encore endormi.

Et merde, pensa John. Tu parles d'un professionnel.

- Tu as du prendre combien de patients cette fois ? Grogna t-il en faisant claquer ses articulations.

- Cinq.

John haussa un sourcil.

- Bon, disons, peut-être sept ou huit, avoua Sarah.

John grogna. Il ferma les yeux et posa le front devant lui sur son bureau.

- C'était quoi cette fois ? Demanda Sarah.

- Un petit déjeuner, grommela John.

- Un quoi ?

John leva la tête et soupira.

- Un petit déjeuner. A 2h30 du matin. Tu savais que le Claridge's ne fermait jamais ? Une belle bande d'esclavagistes.

Sarah s'installa sur une chaise.

- Sherlock t'a traîné au Claridge's à 2h du matin ?

- Yep, pour prendre un petit déjeuner matinal.

Il enfouit à nouveau sa tête entre ses bras.

- Et j'ai entendu parler de méthodes d'embaumement entre œufs et bacon, gémit-il. J'ai rien pu avaler.

Sarah éclata de rire ce qui lui valut un regard noir de la part de John.

- Ce n'est pas très gentil à toi de te moquer de mon infortune.

Sarah lui sourit et se leva.

- Je vais te préparer une bonne tasse de café. Tiens, je vais même te laisser un thermos entier. Tu as du boulot sur la planche … je te laisse mes patients pour l'après-midi. J'ai envie d'aller prendre un thé avec une amie. Au Claridge's peut-être …

Les femmes étaient vraiment des êtres cruels, pensa John.

- Oh, et John ?

- Oui, dit-il en levant vers la jeune femme les yeux de chien battu les plus émouvants qui soient (ou du moins qu'il ait encore la force de feindre avec seulement trente minutes de sommeil derrière lui).

- Mme Lewis a été ravie d'apprendre que c'était toi qui prenait en charge les patients aujourd'hui.

John grogna et laissa tomber sa tête sur la table. Plusieurs fois.

Il était maudit.

- Tiens, en attendant, voilà ton courrier. Ne prend pas trop de temps à le lire, Mme Lewis attend …»

John soupira et prit le paquet de lettres que lui tendait Sarah, tout sourire.

Une fois Sarah sortie de son bureau, il se mit à feuilleter les différentes lettres sans y prêter une grande attention. Il s'agissait essentiellement de résultats d'analyse ou de biopsies qu'il avait prescrites à ses patients. Toutes sauf une. John prit d'abord le contenu de l'épaisse enveloppe craft pour un échantillon. L'enveloppe contenait en effet une petite boite scellée comme celle qu'utilisent les labo pour les prélèvements. Sauf que ce n'était pas un prélèvement.

C'était un pouce. Enfin, une partie.

La peau était encore attachée à la phalange distale mais elle était complètement grisâtre et d'une consistance identique à celle du papier, friable et sèche.

John posa la phalange devant lui.

Qu'est-ce que ça voulait dire ?

La petite boite avait été enveloppée dans du papier blanc. Il n'y avait pas l'adresse du labo sur l'enveloppe et aucun courrier n'accompagnait l'étrange paquet. Il vérifia que la lettre était bien pour lui. C'était bien son nom et l'adresse du centre médical qui se trouvaient sur l'enveloppe.

Bizarre, pensa John.

Et puis soudain, un large sourire apparut sur son visage.

Sherlock.

C'était forcément lui ! Lui et sa fascination du moment : l'embaumement. Il devait vouloir soumettre John à un test. Il avait après tout passé plus de trois heures à lui énumérer toutes les formes possibles d'embaumement du corps humain, passant en revue leurs avantages et leurs inconvénients. Jusqu'à ce que John, excédé, lui dise que ce n'était pas dans l'Angleterre du XXIème siècle qu'il risquait de tomber sur une momie et que ses expérimentations sur la question trouveraient tout naturellement leurs places auprès des 243 sortes de tabac.

Un Sherlock vexé comme un pou (une vision rare mais Ô combien satisfaisante après l'horrible soirée qu'il avait fait subir à John) était sorti de table sans un mot et avait laissé un John plutôt ravi, finir en toute quiétude sa part de cheese cake.

John sourit.

Sherlock voulait jouer ? Et bien, pourquoi pas. Après tout, John était médecin et il était tout aussi capable que le grand Sherlock Holmes de mener une autopsie.

Et il y avait une chose dont John était certain : lorsqu'il mettrait les résultats de son enquête sur son blog, il y aurait plus de dix personnes à la lire.

Ah, le doux goût de la victoire.

A Suivre …