Disclaimer : J. K. Rowling a tous les droits sur eux et ne s'est pas privée pour en abuser.

Le mot de l'auteure : N'en déplaise aux nutritionnistes, un petit Snack est excellent pour la santé. Celui-ci est un hommage au genre où je me suis amusée à recycler dans chaque chapitre un leitmotiv glané dans mes lectures, du tiers entremetteur à la partie d'Action et Vérité...

Et si vous aimez les Sirius/Severus humoristiques, jetez-vous sur « Photo Souvenir » de Lupiot et « L'idée du siècle » de Julielal. Vous ne serez pas déçues.

OSS 117

"Le succès, c'est d'aller d'échec en échec sans perdre son enthousiasme."

Winston Churchill

1. Si vis pacem para bellum

(en v.f : si tu veux la paix, prépare l'offensive)

- ... et nous applaudissons bien fort le professeur Vector pour sa présentation exhaustive de notre bilan financier!

Une vingtaine de paumes moites entrèrent mollement en collision sous le regard torve du professeur Vector, qui s'épongeait le front avec son parchemin. Albus cligna des yeux et consulta son ordre du jour à la lueur des chandelles. Il était quatorze heures et il commençait à ressentir une petite faim.

- Merci, merci. Un dernier point, et je vous libère : les divers. Mes chers collègues, la parole est à vous.

On aurait tort de croire qu'une réunion de pré-rentrée, dès lors qu'elle se passe entre magiciens, devient par nécessité un happening féérique. Il aurait suffi d'un coup d'œil aux proviseurs moldus pour sympathiser avec Albus Dumbledore qui, retombant pesamment sur sa chaire, luttait contre la tentation de métamorphoser son encrier en un petit capuccino bien serré. La réunion durait depuis quatre heures et elle était typique du climat d'après-guerre qui régnait sur un Poudlard vainqueur et dévasté. Ne serait-ce que parce qu'elle se tenait dans les cachots de l'Ecole, un des rares secteurs épargné par les pelles et les pioches de la reconstruction. Il y faisait trente-deux degrés à l'ombre, et l'ombre confinait aux ténèbres malgré les nombreuses bougies de cire rouge conjurées par Minerva McGonagall.

Tandis que le professeur Chourave proposait d'organiser une kermesse aux légumes pour financer le remplacement des Serres Une et Deux, Albus jeta un regard en biais autour de lui. A sa gauche, un morceau de papier circulait fébrilement entre les préfets respectifs de Serpentard et Gryffondor qui, comme tous leurs camarades de promotion, avaient demandé à redoubler leur septième année. Le Directeur marmonna un sort dans sa barbe et le contenu de la conversation s'afficha aussitôt sur son propre parchemin :

On n'a pas idée de convoquer ses administrés dans un cul de basse-fosse. Père a raison, le vieux est un sadique patenté. Je fonds à vue d'œil.

J'aurais dû lui suggérer les vestiaires du terrain de Quidditch. Là-bas au moins, il y a des douches.

La mère Chourave y stocke ses plantes vertes, maintenant. "Un espace humide et protégé", mon œil. Ils ont dû avoir vent de nos petits matchs privatifs...

La faute à qui ? Qui a graffité « Mettez un dragon dans votre Potter » sur la porte de mon casier ?

Ah mais l'honneur est sauf, j'ai imité l'écriture de Goyle. Au fait, tu savais qu'il sort avec Lavande Br

- ... et les Centaures ont tous demandé l'asile politique en Suisse, et y a pus un niffleur à la ronde avec tout ce ramdam, et les hippogriffes sont partis en goulasch pendant le blocus, et...

S'arrachant à sa coupable lecture, Albus répondit tant bien que mal à Hagrid qui se demandait comment faire cours sur les Créatures Magiques en l'absence de dites Créatures. Puis à Sybille Trelawney sur le rationnement des sachets de thé imposé par le Ministère. Puis à Flitwick sur la dernière pétition en date de l'Association des Parents d'Elèves de Sang Pur. Celle-ci s'était rebaptisée hâtivement Association des Parents d'Elèves Sorciers et Fiers de l'Etre au lendemain de la victoire, mais le changement d'étiquette ne trompait personne.

- ... et je ne vous cache pas, Albus, qu'ils réclament votre mise en curatelle. Ils ne se font pas à l'idée d'envoyer leurs enfants dans un établissement dont le corps enseignant compte désormais un ex-bagnard, un ex-espion, un loup-garou toujours en activité et un nain.

Albus soupira en se massant discrètement la nuque. A cet instant précis, la perspective d'une retraite anticipée n'était pas pour lui déplaire.

- Un nain, mon cher Filius ? Décidément, la xénophobie a l'esprit large. Du moins allons-nous leur donner satisfaction sur un point : Remus a décliné le poste de Défense. J'ai cru comprendre qu'il avait d'autres plans de carrière... ?

Il se tourna vers Sirius Black, que le Voile avait recraché pour des raisons aussi obscures que leur environnement actuel — « un p'tit pet dans le continuum espace-temps », selon les propres termes de l'intéressé — et qui remplaçait désormais Mme Bibine, tombée au champ d'honneur, comme instructeur de vol. Levant les yeux des mots croisés qu'il remplissait en douce sur ses genoux, Sirius acquiesça.

- Honeydukes lui a cédé son fond de commerce et Remus ouvre une confiserie à Pré-au-Lard. « Le Louloukoum ». C'est moi qui ai trouvé le nom !

Deux prunelles noires étincelèrent soudain dans la pénombre. De l'autre côté de la table, un homme se pencha en avant.

- C'est d'une colossale subtilité, Black. A se demander pourquoi le Choixpeau ne t'a pas classé chez les Serdaigles en 71.

Albus se sentit frémir à ces mots. Sur sa droite, le gémissement de Minerva aurait arraché un acte de contrition à un Mangemort confirmé. Le professeur Chourave laissa retomber sa tête dans ses mains et Harry Potter repoussa nerveusement le parchemin que lui tendait Drago Malefoy. Tous savaient que si les professeurs Black et Snape entamaient une énième prise de bec, ils ne sortiraient pas de cette pièce avant le coup de gong du dîner.

Sentant les regards converger sur sa personne, Albus envisagea brièvement de faire transplaner l'honorable assistance en Sibérie avant de s'offrir une limonade bien fraîche.

- Le jour où il te poussera un sens de l'humour, Snape, envoie-moi un hibou. Je me charge de l'annonce dans la Gazette.

- Pitoyable, Black. J'ai connu des botrucs qui avaient plus de répartie.

- Qui se ressemble s'assemble, Snape. Kss-kss.

- Il faut être bête à ce point pour virer Animagus ?

- Sombre imbécile.

- Sot ténébreux.

- Niveau d'huile ambulant.

- Cabotin à poils longs.

- Nosferatu d'opérette.

- Champion de vol à voile.

- Pisse-froid de mes deux.

- Je serais toi, Black, je me ferais confirmer qu'elles sont bien deux. L'arithmancie n'a jamais été ton fort.

- C'est fini, ce petit numéro ? (Répercutée par les voûtes basses, la voix d'Albus arracha les spectateurs à leur transe hypnotique.). Je peux lever la séance ou vous avez encore quelque chose à dire ?

A moitié vautré sur le plateau de la table, Black fixait obstinément son adversaire qui ne le quittait pas du regard. Les deux enfants terribles ouvrirent la bouche simultanément, mais ce qu'ils avaient à dire se perdit dans une sonnerie stridente. Tous les yeux se portèrent sur l'horloge magique scellée au mur du cachot et dont la grande aiguille, fléchée Albus Dumbledore, venait d'atteindre l'indication « Perd son calme légendaire ». A cette vue, les anciens combattants de Poudlard se levèrent comme un seul homme, décidés à battre en retraite.

- Dehors ! J'ai dit dehors, Severus ! Dehors tout le monde, vous m'avez entendu ? Dehors ou je demande ma mutation à Beauxbâtons ! Minerva, restez un moment. Les autres, prenez la porte ! Oui, Harry, ça vaut pour toi aussi. Et j'aurai deux mots à vous dire sur les joies du sport, mes petits amis !

Restée seule, Minerva McGonagall referma soigneusement la porte et fouilla dans sa poche. Ce n'était pas qu'elle fût portée sur les sucreries, mais elle avait toujours sur elle une petite boîte de... ah, voilà.

- Un bonbon pour la gorge, Albus ? Ce sont des miel-citron.

Albus congédia le bonbon d'un geste las, à la consternation de son adjointe. S'il en était à refuser une douceur, même pharmaceutique, la situation était grave.

- Minerva, la situation est grave.

- Oui, Albus.

- Il nous faut reprendre le contrôle, et vite.

- Oui, Albus.

- Je n'ai pas défait deux Mages Noirs d'envergure pour voir cette Ecole sombrer dans une troisième guerre civile.

- Voyons, Albus, c'était une simple querelle...

- Une querelle, Minerva ? Une querelle ? Je sais encore tenir mes comptes, figurez-vous. Depuis que Sirius a réintégré ces murs, Severus et lui se sont querellés soixante-quatorze fois, y compris pendant la minute de silence à la cérémonie de réouverture. Ils se sont chamaillés devant le Ministre, devant les elfes de maison, devant les élèves, devant les parents d'élèves, et je parie que leur premier réflexe au lever du jour est de se planter devant leur miroir pour s'écharper in absentia. Encore heureux que le Voile ait attendu l'Armistice pour nous restituer Sirius, sans quoi ils auraient traversé le champ de bataille à toutes jambes pour venir se mordre le nez sous celui de Voldemort.

- Voldemort n'avait plus de nez, Albus...

- N'importe. Que se passera-t-il le jour où ils regrouperont chacun une faction derrière eux ? Minerva, vous me connaissez. Je n'aime pas recourir à la force, mais aux grands maux les grands remèdes. Il en va de notre paix à tous et nous l'avons payée suffisamment cher pour ne pas la laisser compromettre par deux irresponsables.

Minerva regarda Albus en silence. Depuis tant d'années qu'elle fréquentait ce lieu dont elle avait fait sa maison et sa cause, jamais elle n'avait été témoin d'un quelconque renvoi. Même aux temps difficiles où nombre d'élèves et quelques enseignants exprimaient des sympathies douteuses, le mot d'ordre d'Albus était resté « patience et dialogue ». Elle avait peine à croire qu'il s'apprêtait à renvoyer deux héros de guerre pour la seule raison qu'ils se comportaient en adolescents attardés.

- Albus, de grâce, réfléchissez avant d'agir...

- Trop tard. Ma décision est prise.

- Je vous en conjure...

- Il faut les fiancer d'ici le prochain conseil de classe.

Le bonbon que Minerva venait de glisser entre ses propres lèvres pour se donner du coeur culbuta dans sa trachée, occasionnant une sérieuse quinte de toux. Albus attendit gentiment qu'elle eût fini d'expectorer pour reprendre la parole.

- Il y a longtemps que cette idée me trotte dans la tête, et ce que j'ai pu voir aujourd'hui ne fait que renforcer mes convictions. Minerva, ma chère, suivez-moi bien. Quand deux individus s'abominent avec une telle constance, une telle ferveur, une si belle authenticité... que faut-il en déduire ?

- Qu'ils ont cinq ans d'âge mental, lâcha le professeur McGonagall d'une voix cassante.

- Pas du tout. Regardez, nous avons une étude de cas toute trouvée.

Dumbledore agita sa baguette vers la muraille où figurait encore en caractères phosphorescents le bilan financier du professeur Vector. Les chiffres s'évanouirent, laissant apparaître un syllogisme en deux temps trois mouvements, entouré de petits cœurs rouges et verts.

1. Potter abomine Malefoy .

2. Malefoy exècre Potter.

3. Ergo, ils ne peuvent que tomber dans les bras l'un de l'autre et filer le parfait amour à Mykonos ou, à défaut, dans les vestiaires du terrain de Quidditch.

Minerva hocha la tête. « J'admets que les faits donnent raison à votre raisonnement. »

- N'est-ce pas ? La variante adulte, à présent.

1. Sirius harcèle Severus depuis vingt-cinq ans aux cerises.

2. Severus le lui rend capital et intérêts.

3. Ergo, etc. etc. en substituant Oulan-Bator à Mykonos puisque Severus fait une allergie au soleil et que Sirius n'aime pas le poisson.

- Oh, Albus..., s'exclama McGonagall en levant un regard embué vers son supérieur hiérarchique. Vous êtes le digne successeur d'Aristote !

(Ici, l'auteure ouvre une parenthèse sceptique. Il n'est pas du tout certain qu'Aristote eût cautionné cette logique du « qui hait bien câline bien ». Il aurait sans doute rétorqué qu'à ce compte-là, Harry et Snape auraient dû convoler depuis belle lurette, Rusard et les jumeaux Weasley louer une chambre à l'année aux Trois Balais, et feu Voldemort mettre un genou à terre devant Albus en lui tendant une orchidée.

Mais Aristote n'avait pas voix au chapitre et Minerva aurait applaudi Dumbledore s'il avait proposé le poste de Défense à Mme Pieddodu. Fermez la parenthèse.)

- Vous voyez ? Et je vous ferai encore remarquer une chose. Depuis que Sirius et Severus ont retrouvé leurs bonnes habitudes, ils n'ont pas échangé une injure qui soit véritablement blessante. Ils se traitent de tous les noms, certes, mais je n'ai pas surpris une seule allusion à la Marque, à Azkaban ou à la Cabane Hurlante. La hargne est toujours là, mais la haine... ? Je ne crois pas. Ils ne frappent pas pour l'amour du coup, Minerva, ils frappent... comme on frappe à une porte dans l'espoir qu'elle s'ouvre. Aidons-les à trouver la clé, voulez-vous ?

La Directrice adjointe se redressa de toute sa hauteur. Elle se sentait redevenir le bras droit d'Albus, celle à qui il avait demandé au matin du combat de se poster au sommet de la Tour d'Astronomie pour diriger les troupes par Patronus interposés, tandis que lui-même assistait Harry dans son ultime tête-à-tête avec l'ennemi.

- Qu'attendez-vous de moi ? demanda-t-elle.

- Notre prochain conseil de classe est fin décembre, dans cent dix-sept jours exactement. Le problème doit être réglé d'ici-là. Vous avez trois mois et carte blanche, Minerva. Réunissez une fine équipe et réfléchissez à un moyen subtil de persuader ces deux nigauds qu'ils sont en réalité fous l'un de l'autre. Tenez-moi au courant et n'hésitez pas à me solliciter. Vous pouvez puiser à volonté dans le budget de l'Ecole, je me chargerai d'apaiser le Conseil d'Administration.

Minerva hocha lentement la tête.

- L'Opération Sirius-Severus est activée, Albus. Mais si vous voulez vraiment que je la mène à terme, sortons de ce trou à rats et trouvez-moi un sandwich...

Prochain épisode : « Echec et mate », ou le plan géostratégique de Ronald Weasley.

On connaît la chanson. Comme dirait Julie : si vous appuyer sur petit bouton ci-dessous, moi contente, moi saisie d'une inspiration débridée, et moi poster la suite fissa-fissa.