PROLOGUE
Cher Professeur Layton,
Comme le temps a passé... J'ai encore beaucoup de mal à me dire que cela fait tout juste huit ans que nos chemins ne se sont pas croisés. huit longues années où je n'ai plus eu de contact avec vous. À dire vrai, cela fait tellement longtemps que je ne sais même plus si je dois continuer à vous appeler Professeur. Après tout, vous n'exercez plus en tant que tel à l'Université de Gressenheller depuis maintenant quelques années déjà... Alors je vous avouerai que votre notoriété me laisslaisse perplexe et je ne sais comment me présenter à vous aujourd'hui... Il est vrai que je me tiens plutôt bien au courant de votre vie et que vos travaux ne cessent de m'impressionner de jour en jour, Monsieur Layton. Je devrai sûrement commencer à vous appeler Hershel comme la plupart de vos proches, seulement cela reviendrait à me montrer très familière envers vous. À dire vrai j'ignore le genre de relation que nous avons vous et moi. Mon père était votre ami, alors qui suis-je comparée à lui ? Peut-être pourrez-vous m'éclairer à ce sujet lors de notre prochaine rencontre, qui ne saurait tarder, Professeur.
Il est très clair que j'aurai fortement aimé vous revoir dans d'autres circonstances que celles qui me poussent à revenir à Londres aujourd'hui. Seulement, le funeste destin en a décidé autrement et je me dois d'être présente en ce sombre jour d'Automne, alors qu'à l'Académie Harmington la vie poursuit son cours normalement, préparant activement la réception annuelle de l'Automne : le Festival du Trèfles d'Or. En toute franchise, l'envie d'y aller ne m'a pas encore traversé l'esprit. Pourtant, le grand jour approche. Si les conditions de ma visite n'étaient guère ce qu'elles sont actuellement, je sais très bien que nous aurions pu discuter de choses et d'autres autour d'une bonne tasse de thé, vous et moi. Par exemple, j'aurais très bien pu vous faire part de l'époque historique que nous étudions actuellement en cours. Vous auriez pu me donner quelques détails supplémentaires sur vos dernières découvertes archéologiques. Tout comme vous auriez pu me raconter une de vos histoires de quête autour du monde qui n'a jamais effleuré ma connaissance sur vos nombreux voyages jusqu'à ce jour. Voilà bien des choses qui nous auraient permis de faire passer le temps et l'ennuie avec.
Professeur, je me dois d'être honnête avec vous. Après ces quelques lignes, je dois bien avouer ne plus trop savoir quoi vous raconter... Les mots me manquent, voilà tout. Cela dit, j'ai rarement eu l'occasion de perdre mes mots. Faut-il croire qu'aujourd'hui je suis bien incapable de raconter quoi que ce soit, même sur un simple morceau de papier. Même à vous Monsieur Layton, qui en connaissait déjà bien plus que moi sur le sujet de mon séjour dans la capitale britannique. Je ne sais pas si le fait de demander des nouvelles de votre famille en vaille réellement la peine... J'aurai eu bien plus l'impression de combler le manque de mots par quelques phrases basiques sans importance. Je préfère de loin discuter avec votre entourage en face, plutôt que par le biais d'une vulgaire lettre.
J'aimerai, par ailleurs, vous faire une confidence. Je crois bien être prisonnière d'un Mal bien dur à soigner, s'il n'est incurable. C'est une souffrance qui me serre le cœur, me coupe le souffle, me brise le moral et anéantit toutes mes pensées les plus gaies. Cependant, je crois que ce Mal est une partie intégrante de mon être. Il me semble que j'étais déjà sous son emprise depuis un moment. Il dormait juste profondément, attendant le moment propice pour s'éveiller et me torturer comme il le peut. Douloureux, mais pourtant invisible. Est-ce vraiment possible de ressentir cela ? À croire que oui... Est-ce là de la tristesse ? Du désarroi ? Des remords ? Je l'ignore. Je ne sais même pas si je devrai en parler au Docteur Healthmond. Je crois bien qu'il ne pourrait rien faire de vraiment utile. Je pense, que c'est à moi de trouver le remède pour me guérir. Professeur, je ne sais plus quoi faire. J'ai la nette impression de ne pouvoir confier tout cela à personne d'autre qu'à vous. Les gens ne comprendraient sûrement pas ce que je peux ressentir au moment même où ma main rédige cette lettre.
Mon père était, je crois bien, de loin votre plus fidèle ami, le meilleur qui soit... Enfin, c'est ce que j'en ai déduis après qu'il m'ait raconté tous ces récits d'aventures palpitantes, qu'il avait à votre sujet. Cette époque d'Épopées continuelles est déjà bien lointaine maintenant, me direz-vous. Néanmoins, vous avez un passé avec le seul être qui n'a jamais vraiment fait partit de ma vie, ce que je regrette amèrement. C'est d'ailleurs une des raisons pour lesquelles je vous envie. Vous avez ce que je n'ai jamais pu avoir véritablement. Un passé. C'était peut-être ça qu'il me manquait après tout... De nombreux souvenirs, deux ou trois anecdotes mémorables, des larmes et des rires confondus qui résonnent au sain d'une même pièce, ainsi que quelques personnes abordant de vastes sujets au cours d'une discussion tout à fait basique. Le tout encadré par de somptueux décors d'arbres immenses à la cime verdoyante comme le sommet d'une colline, de rivières calmes et scintillantes comme des milliers de diamants, de profonds ciels bleus surplombant un monde fragile, comme la plus fine des brindilles qui se casse sous le poids d'un pas involontaire... Il suffit de tout bien mélanger pour obtenir un cocktail aux mille et une saveurs. Cependant, je ne peux me prononcer sur le goût car, étrangement, je n'ai jamais eu la chance d'y goûter. Peut-être pouvez-vous me donner quelques indices à ce sujet ?
Un passé sans un père pour veiller sur moi, je ne considère pas cela comme tel. Professeur Layton, il y a bien longtemps que mon père a abandonné son rôle dans notre famille pour se consacrer à son travail, à cette passion qui l'a toujours animé. Je ne sais pas comment j'aurai réagis, face à lui, si nous nous étions revu avant cela. Peut-être lui aurai-je pardonner son absence. Ou alors me serai-je énervée contre lui pour nous avoir abandonné, ma mère et moi. Voilà bien huit ans que je n'ai plus eu de nouvelles de lui. À croire qu'il ne se souciait guère de moi. La seule lettre que j'ai reçu est la vôtre mon cher Layton et pour quelle raison évidente ? M'annoncer sa mort.
Alors oui, je suis perdue face à tout ceci. Je crois qu'il me faudra bien du temps pour assimiler l'idée qu'il est parti à jamais et que je n'ai aucun souvenir de lui... Peut-être trouverai-je de quoi ne pas l'oublier dans cette petite maison, au Nord de Kensington. Cette demeure qui m'aura vu grandir durant mon enfance. J'espère y trouver le remède à mon mal-être…
Il me tarde de vous revoir Professeur.
Votre amie, Cassidy Clarke.
PS : Je prendrai le train de neuf heures à destination de Londres.
