Comme à son habitude, la vice-geôlière en chef d'Impel Down rédigeait un rapport pour la prison où elle travaillait depuis sept ans désormais. Des criminels de toute sort, elle en avait vu passé des dizaines, de la petite frappe au dangereux pirate possédant une prime de plusieurs centaines de millions de berries. La jeune femme blonde ayant dans la vingtaine prouvait largement sa fidélité à la Marine et son efficacité au travail au quotidien. Même le gardien en chef, maître des lieux, était pleinement satisfait de sa manière d'accomplir les tâches qu'on lui confiait. Le reste du personnel l'appréciait aussi globalement. Ainsi, rédiger un rapport sur un condamné à mort correctement transféré à Marine ford, ce n'était pas une tâche inhabituelle. Pourtant ce jour là, Domino n'arrivait à rien et encore moins à écrire ce dossier pour le quartier général.
"- Pourrais-tu rédiger le rapport pour cet après-midi Domino ? lui avait demandé un des gardiens. Je crois que ça permettrait à Magellan de retrouver un peu sa bonne humeur.
- Cet après-midi, cet après-midi, ils sont bien gentils ceux là ! " soupirait encore la blonde, fixant la feuille de papier à peine entamée qu'elle devait remplir.
Son esprit n'arrivait pas à se concentrer, restant uniquement fixé sur cet homme. Lui, le fameux pirate condamné à mort. Lui, le forban haït par le monde entier. Cela faisait maintenant quelques jours qu'elle l'avait rencontré lors de son incarcération et il lui avait fait une forte impression. Depuis lors, la gardienne n'avait cessé d'aller le voir, à la moindre occasion que lui présentait ses fonctions, sans comprendre ce qu'elle faisait ni son but réel. Mais petit à petit, tout était devenu clair.
" Comment ai-je pu mettre autant de tant à comprendre une chose si simple ? " s'interrogeait-elle une énième fois, chiffonnant un autre brouillon raté pour son rapport.
C'était un coup de foudre banale mais sincère. La jeune femme s'était même donné du mal pour rendre la vie du captif un tant soit peu meilleure, par de nombreuses petites attentions, passant totalement inaperçues aux yeux de ses collègues mais qui se montraient beaucoup plus significatives pour l'homme. Dans le même temps, un changement d'abord imperceptible s'était produit chez le pirate. Doucement mais surement, il s'était montré plus doux avec elle, moins agressif qu'avec les autres geôliers, comme s'il s'en rendait compte. Même son regard se faisait plus doux et Domino avait beau savoir qu'il s'agissait d'un prisonnier, elle s'en moquait éperdument. Sa passion n'était dépendante d'aucune loi et ne semblait pas avoir de limite.
" Comme j'étais stupide ! " se lamentait encore la jeune femme dans un murmure.
Dans ses souvenirs qui s'emmêlaient, tourbillonnant comme des nués de papillons, il y avait un jour particulier, gravé à tout jamais dans sa mémoire. Le plus beau et paradoxalement le plus terrible moment qu'elle avait passé avec lui, seul à seul. C'était la veille, avant qu'elle ne soit contrainte de rédiger ce foutu papier pour ses supérieurs.
/FLASH BACK/
Magellan avait confié à la vice geôlière en chef la lourde charge de conduire le prisonnier du sixième étage jusqu'au premier. Le chef de la prison avait parfaitement confiance en la jeune femme et lui avait donc confié cette tâche. Elle espérait s'en montrer digne et se rendit donc, seule, dans la cellule de l'homme. Seulement, lorsque ses yeux la dévisagèrent, ses yeux d'une intensité si profonde, elle ne fut plus sur de rien? Voulait-elle vraiment le conduire à la mort dans le fond ?
"- Vous êtes venue me chercher, n'est ce pas ? souffla-t-il.
- Oui, répondit-elle, d'un ton neutre. Votre exécution aura lieu dans l'après-midi, je suis donc venu vous chercher.
- Toute seule pour me transférer au sommet d'Impel Down ? sourit-il, moqueur.
- Cela vous pose un problème ? rétorqua-t-elle, plus sèchement qu'elle ne l'aurait voulu.
- Non, pas du tout. C'est même mieux ainsi. "
Domino le fixa longuement, sans savoir comment interpréter ses paroles, puis les chassa de sa tête. Elle devait rester concentrer sur les ordres. Rien d'autre. Se contrôlant du mieux qu'elle put, elle le détacha lentement et lui passa les menottes en granit marin, sans qu'il montre la moindre résistance. C'était plutôt étrange. Toute troublée, elle le conduisit alors vers l'ascenseur sans seulement croiser son regard, de peur que sa passion soudaine ne l'emporte sur le reste. L'appareil commença alors sa lente montée en direction de la surface. Mais le soleil n'était pas un bon présage dans le cas présent.
"- Comment tu t'appelles ? questionna subitement le captif.
- Je ne vois pas en quoi ça te regarde ! fit-elle, faussement courroucée.
- Tu connais bien le mien, tu peux bien me donner le tiens ! Et puis maintenant que tu commences à me tutoyer..., ajouta le garçon, amusé.
- Je m'appelle Domino. Voilà, tu es content maintenant ?
- Domino... Je n'avais jamais entendu ce prénom, il est mignon. "
La jeune femme le dévisagea et ses joues se tintèrent de rouge, ce qu'elle ne put malheureusement pas retenir. Le visage du pirate était étrangement calme et ses lèvres formaient le plus magnifique sourire qu'elle ait vu de sa vie. Une envie l'envahit alors, embrasser ce bel éphèbe. Personne ne les verrait jamais dans cet ascenseur, personne n'en saurait jamais rien. Mais elle se retint. Pour qui, pour quoi, la blonde elle même ne le savait pas.
"- Dis moi, ça te plait de travailler ici ? s'enquit-il, comme s'il menait une simple conversation.
- Hé bien aussi bizarre que cela puisse paraître à une personne comme toi, oui. Le personnel ainsi que mes supérieurs sont très gentils avec moi et je me sens vraiment utile au monde. Ce qu'il manque ici seulement, c'est... "
La vice geôlière se tut subitement. Elle avait failli lui avouer ses sentiments, il ne fallait surtout pas qu'elle commette une gaffe pareil ! Néanmoins, le captif interpréta comme un refus de parler plus de son métier le silence et n'ajouta pas un mot de plus, au grand soulagement de la gardienne. L'ascenseur arrivait presque à destination à présent, bientôt, la jeune femme confierait le prisonnier au directeur et toute cette affaire serait terminée.
"- Nous allons bientôt arriver, n'est ce pas ? conclut le jeune homme aux bruits de freinage de l'engin.
- En effet, le premier étage n'est plus très loin.
- Domino, c'est ça ? Je voulais juste te dire quelque chose avant que nous soyons séparés à jamais. "
L'appareil s'immobilisa progressivement et la blonde eut l'impression que son cœur faisait de même. Que voulait-il donc lui dire ? Il fallait qu'il le fasse vite, avant que les portes ne s'ouvrent. Avant que le destin ne vienne faire des siennes encore.
" Je voulais te dire merci. Merci pour ce que tu as fais pour moi dans cette prison. Même si ce n'était pas grand chose. Cela m'a bien aidé alors merci, merci infiniment, Domino. "
Il ponctua le prénom de la gardienne d'un sourire sincère et pur, sans aucun arrière pensé qu'une sincère gratitude. La vice geôlière ne sut plut que dire. Elle voulait le serrer dans ses bras et s'enfuir en même temps. Les circonstances décidèrent pour elle. Tandis que les portes de l'ascenseur s'ouvraient, le prisonnier redevint froid, le regard à nouveau neutre. Laissant la jeune femme dans l'appareil, il sortit à la rencontre de Magellan qui l'emmena en direction de la sortie de la prison, aussitôt. La blonde le regarda s'éloigner, le cœur serré, jusqu'à ce que les portes de fer se referment à nouveau sur elle et ne la reconduisent à son travail, au quatrième étage.
/ FIN DU FLASH BACK/
Domino roulait pour la cinquième fois un brouillon en boule et le jetait dans la poubelle. Elle serait certainement pleine rapidement, au rythme où elle allait. La jeune femme rêvait désespérément de ce bel homme qu'elle avait à peine connu, de ses cheveux, de ses yeux, de ses lèvres, de son sourire, de la façon dont il prononçait son nom et le fichu rapport n'avançait toujours pas.
" Si seulement il avait réussit à s'enfuir de Marine Ford ! " songeait-elle.
C'était pousser la rêverie un peu loin mais il y avait une infime possibilité pour que ce soit bien réel et elle y croyait, se raccrochant comme elle pouvait à ce maigre espoir. Peut être même que s'il parvenait à échapper à la mort, il se souviendrait de sa gardienne et viendrait l'enlever. Elle songeait à cela, regardant dans le vide mais tout se brisa brutalement, l'espoir la quitta. La cause de ce changement ? Elle commença par l'arrivé d'un autre gardien dans son bureau.
"- Bonjour mademoiselle Domino ! Alors ce rapport, bientôt prêt ? demanda-t-il d'un ton amical, comme il le faisait souvent.
- Non, l'inspiration ne me vient pas, mentit-elle, avec un léger sourire. Mes tournures de phrase ne me plaisent pas tellement pour une fois.
- Voilà qui devrait vous inspirer. " lui lança-t-il alors, tendant le journal avec un air joyeux.
La vice geôlière décida de regarder les nouvelles du jour avec un peu d'espoir et feuilleta les informations du jour. Du moins voulut-elle le faire, car son regard se bloqua sur la une. La première page et son gros titre, la fin du rêve. Les feuilles de papiers tombèrent au sol et la blonde se sentit subitement mal. Les larmes lui montaient aux yeux et la tête lui tournait. Pourquoi ? Pourquoi ?
"- Mademoiselle ? s'inquiéta son collègue. Vous allez bien ?
- Je suis désolée, murmura-t-elle, en cachant son visage dans ses mains. La fatigue sans doute...
- Avec le travail des derniers jours, c'est bien normal ! assura-t-il avec compassion. Allez donc faire un tour dehors, je me charge de ce rapport.
- C'est gentil à vous merci. " s'inclina-t-elle, en sortant précipitamment.
Par chance, la jeune femme ne croisa personne et ne fut ainsi pas embarrassé de question. Le trajet jusqu'à la cours extérieur, Domino ne le vit même pas passé sauf le longue solitude dans l'ascenseur, qui lui parut interminable et lui rappela de douloureux souvenirs. Dévastée, voilà le mot qui la définissait bien mais elle n'avait même pas envie de comprendre. Sans même savoir comment elle avait fait, la jeune femme se retrouva face à au vaste océan. L'air du large lui fouettait les joues, séchait ses larmes. Alors la gardienne confia sa tristesse à la mer, laissa éclater ses sentiments comme jamais, brisée par la une du journal et ses mots assassins :
" Exécution de Portgas D. Ace, fils de Gold Roger, sur la grande place de Marine Ford "
