Chapitre 1
L'étoile rouge, convoitée et hautaine.
I'm not ashamed of the things that I dream
I find myself flirting with the verge of obscene
Into the unknown, I will be bold
I'm going to places I can be out of control
La façade du bâtiment était impeccable. Elle devait être surveillée, nettoyée en permanence, ce ne pouvait être autrement. Il s'agissait de ce genre d'endroit qui ne vous laisse jamais indifférent, qu'il est impossible d'ignorer. Les faibles néons brillaient, d'une lueur pourpre morte. La poussière n'y était pour rien, c'était un effet. Quelques basses étaient audibles à l'entrée, même lorsque la fenêtre de verre se refermait sur vous. Un verre teinté, intime et obscène. Il incitait à ce que vous pénétriez ce lieu aux allures presque mystiques. Les enceintes murmuraient un rythme grave, enivrant et presque inquiétant. La silhouette écarta les jambes, deux membres doux de porcelaine. La chevelure ébouriffée de l'homme, noire se reflétait aux projecteurs rouges, comme si d'infimes paillettes, d'étoiles rouges et bleues s'y étaient mélangées, et s'élançait dans les airs. Il se cambra portant ses longs doigts, ses os de la main jaillissant de sa chair délicieuse se saisissaient de son cou, embrassaient sa nuque et la quittaient aussitôt.
I love myself
It's not a sin
I can't control what's happenin'
La pièce était si vaste qu'on n'en voyait pas les murs. Seulement, il n'y avait aucune fenêtre, aucune lumière naturelle seulement ces ténèbres teintés d'érotisme trop osé pour lécher l'extérieur. Enfin il y avait ces flammes artificielles, rosies et parfois presque blanches. Enfin, des bougies dansaient, accompagnant les mouvements de ce prince, évoluant sur son estrade. Il n'y avait que des hommes. Principalement vieux, mais certains approchaient la trentaine. Ils étaient rares. Enfin, l'homme se passa les doigts à ses lèvres, fermant ses yeux. Lorsqu'il les ouvrit de nouveau, ses deux pupilles si étranges et si uniques se fondaient aux projecteurs, c'était une apparition extraordinaire. Les fines jambes de l'individu se croisèrent, il jouait de son corps, souple et léger, mince et attirant. Enfin, il s'assied sur le sofa doré qui se trouvait au centre de la scène. Il ôta l'unique cape qu'il portait et la laissa. A quatre pattes, il snoba la foule, et croisa son regard. Son pouls s'accéléra frénétiquement.
The small of my back and the arch of my feet
Lately I've been noticin' the beautiful me
I'm all in my skin and I'm not gonna wait
I'm into myself in the most precious way
Comme à chaque fois qu'il le voyait avancer de cette même démarche, vers lui il l'ignora. Pourtant, son esprit était accaparé par lui, par son regard qui allait bientôt se poser sur son corps nu exposé aux flashes de lumière obscure.
Il voyait certaines mains se diriger vers quelques entrejambes, comme d'habitude. Il inspira, laissant une expiration faussement excitée s'échapper de sa gorge splendide.
Il rejoint la chaise sur le côté de la scène, la saisit d'un geste calculé et répété. Il la posa devant la scène, au plus proche de cette foule, de ces sièges, de ces tables. Les serveurs n'y prêtaient même pas attention. Il s'assied simplement, ses longues jambes parfaites se frottant l'une à l'autre, les lèvres entrouvertes. Sa cascade de cheveux noirs tombant sur le côté, il se toucha lentement la verge. Il soupira, releva la nuque vers les clients. Il commença à exercer une pression le long de son sexe, de lents va-et-vient. Il se mordit les lèvres, et son regard rencontra le siens une fois de plus. Il continua, le fixant lui. Lui et uniquement lui. Il continua ses mouvements, se redressant. Il commença à gémir, faiblement, de plus en plus fort. Ses joues se réchauffaient. Son sang était en ébullition.
Il se refusait de fermer les paupières, de peur que l'être dans cette salle, cet être là ne s'évapore. Comme s'il n'était qu'un songe. Il ne voulait le voir s'éclipser, en un vol de corbeaux immonde et macabre, comme il avait l'habitude de le faire. Car, c'était ce qu'il était.
I see you sitting, stuffing your face, why don't you stuff me up?
Eat a cookie, a big dick, everyday, what?
Le prince accéléra alors les mouvements. Ses gestes étaient calculés, et réfléchis. Rien n'était laissé au hasard, pas même cette main qui se crispait sur les bords de sa chaise. Il était vrai qu'il ressentait du plaisir, il avait toujours su s'en donner avec ferveur. Seulement cette foule le dégoûtait. Mais à ce moment-là, ce promettait d'être bien plus simple d'éjaculer, car ils aiment ça. Cette fois, il allait jouir très rapidement car il était là. C'était une bonne chose, une chance, et une malédiction à la fois. Il ne devait pas perdre le contrôle. Il devait faire languir, comme il savait le faire. Il serra brutalement son emprise, une souffrance le piqua au vif. Il serra les dents. Il poussa une exclamation rauque, et ferma les yeux. Il s'empressa de les ouvrir. Non. Il ne devait pas le perdre de vue, pas lui. Il scruta les ténèbres. Oui. Il était encore là. Il buvait un verre. Ses lèvres. Sa langue furtive, il l'aperçut quelques secondes. Elle s'évanouit en sa bouche, et le prince aux yeux rouges continua ses mouvements. Ses gestes répétitifs, sa masturbation l'accablait. Bientôt, il ne fut plus que murmures de plaisirs, et éveil charnel.
Do you know what it feels like to fuck on cocaine?
I can tell you. Let me tell you.
O yeah, this is what it feels like to fuck on cocaine.
Alors, le prince sur scène jouit. Il continua d'accélérer, gardant les yeux rivés vers l'homme qui se tenait au bar. Celui-ci s'alluma une cigarette au même moment, mais les deux hommes se regardaient l'un l'autre.
Face down, ass up, that's the way we like to fuckAss down, face up, that's the way we like to fuck
Il tint son entrejambe fermement tendue et le liquide s'écoula. Il se toucha bien plus lentement, et quelques gouttes infimes, semblable à des larmes de plaisir s'étouffèrent en touchant le sol.
Le parquet rouge, glauque, éclairé par les projecteurs. Enfin, les basses se turent et les deux hommes ne se quittèrent toujours pas du regard. A ce moment, des hommes se touchaient dans le public, des exclamations faibles mais audibles parvinrent aux oreilles du prince aux yeux plissés. L'homme expira une fumée, onirique et épaisse d'entre ses lèvres. Il applaudit, et le reste du club suivit. Alors, la respiration de l'homme aux yeux rouges se calma peu à peu. Il retrouva un souffle normal, et il s'empressa d'aller chercher sa cape.
Il ne la remit pas immédiatement, laissant le peuple admirer les finitions de son corps parfait. Il s'évanouit entre les rideaux du théâtre et retint un rugissement. Il prit son visage entre ses mains, des mains obscènes. Il les retira alors et regagna sa loge. Il tira la poignée de la pièce, où une plaque dorée était finement accrochée.
Il jeta la cape qu'il avait retirée. Il était encore nu. Mécontent, il s'assied dans son fauteuil, et se fixa. Il parcourait son propre corps de ses yeux, encore rouges, alors que l'éclairage était devenu clair et pâle. Il toucha de son index sa peau, ses légers muscles et enfin ses veines bleues, violettes. Il soupira lorsqu'il atteint le nombril.
-Tu as été très beau à regarder ce soir, Madara.
Madara ne se retourna pas. Il baissa le regard.
-Je sais. Tu n'avais pas l'air mécontent de moi.
-Pourquoi le serai-je ?
-Tu l'es souvent.
-C'est faux.
Madara se retourna alors, son cou délicat se tournant vers cet homme. Il portait un costume trois pièces, un individu propre sur lui. Rien ne laissait transparaître en réalité son rôle en ces lieux. Ce club. Ces lumières rouges, ces larmes de plaisir coulant sur la scène et les vieux qui se touchent.
-Tu es mon étoile ici, disait cet homme.
Madara rit.
-Oh je suis certain que tu t'en sortirais tout aussi bien sans moi, Itachi.
L'homme appelé Itachi se dirigea vers le dressing, aux dimensions largement suffisantes de Madara. Il se saisit d'un kimono de soie noire et rouge, et le cala à son bras. Il l'apporta à son danseur, et le mit à ses épaules nues et frêles.
-Tu devrais t'habiller.
-C'est à moi que tu dis ça ?
Madara jeta un œil las vers le vêtement. Il se leva, fixa son propre corps dans le reflet, nu et enfin Itachi derrière lui qui cherchait uniquement son regard. Il s'habilla du yukata, et se retourna. Il s'avança vers Itachi, les bras croisés.
-Il est vingt-trois heures trente. Je reprends à minuit, tu as du temps libre, c'est pour ça que tu es là ?
-Non.
-Tu ne veux pas de ta poupée favorite ? Deidara t'a encore laissé de côté…
Le visage de Madara était fourbe. Vicieux et sournois. La malice extrême qui y régnait était d'une beauté sans pareille : attirante et excitante. Itachi admirait cette face là, sous ses deux yeux, du même rouge que son danseur. Itachi leva la main et remit en place une mèche de Madara, un peu trop rebelle à son goût. Le prince en profita pour se caresser, à la manière d'un chien abandonné à ce dernier. Il scruta ses traits, ses deux cernes creusés qui rendaient son visage si fin et si dur.
-Je dois retourner en salle.
-Pourquoi es-tu venu jusqu'à ma loge ?
-Y a-t-il une raison pour venir féliciter le joyau de sa couronne ?
Madara embrassa Itachi brièvement. Il commença alors à déboutonner sa chemise.
-S'il te plaît. Madara.
-Oui ?
Il continua ses gestes, et lorsqu'il arriva au dernier bouton, caressa le torse d'Itachi.
-Tu n'as pas envie de me baiser ? Pourquoi ? Tu sais bien que tu es le seul qui en a le droit, et surtout, le seul que je veux.
Il esquissa un sourire provocateur et assuré, et Itachi s'éloigna de son danseur. Il reboutonna sa chemise, sa veste, et se dirigea vers la porte.
-Très bien, dit Madara d'une voix grave et dénuée d'humanité, tu es le maître après tout. Mes envies peuvent attendre.
Il serra les poings, tourna le dos à Itachi et s'apprêta pour sa prochaine représentation sur scène. Lorsque la porte de la salle de bains se ferma sur lui, Itachi quitta la loge de son danseur, de son étoile rouge.
Cette fois. Ce fut un autre homme qui pénétra les lieux. Son manteau en cuir lui donnait un air encore plus menaçant. Ses deux yeux, malgré les zones d'ombre étaient si visibles, si flagrants qu'ils effrayaient même certains nouveaux clients. Certains. Car tous étaient bien habitués à ses quelques rares visites. L'homme prit place dans un canapé luisant, accompagné de quelques hommes jeunes mais tout aussi insensibles que lui aux charmes des serveurs. Sur scène, une cascade de cheveux blonds s'éleva, laissant voir un visage si féminin et si beau. Les deux yeux bleus de l'homme parcoururent la salle, et il commença à se déshabiller avec lenteur et grâce.
Somebody says
I love you
Alors, le nouvel arrivant jeta un regard blasé vers la scène, et ne s'y attarda pas. Lorsqu'un serveur s'approcha, il leva la main.
-Vous désirez?
-Itachi Uchiwa. Dites lui que je suis ici. Qu'il ne se fasse pas attendre.
Le jeune homme, d'à peine vingt ans hocha la tête, ne montrant aucune expression à son visage. Il posa alors son plateau au bar, et s'empressa de monter les marches de l'escalier qui menaient aux loges, et aussi au bureau du patron. Mais, il était très rarement présent. Il hésita arrivé à mi-parcours, lorsqu'il manqua d'entrer en collision avec Itachi lui-même.
-Monsieur le patron, vous avez de la visite en bas…
-Sasori.
-Oui?
-C'est lui?
-Oui.
Itachi fixa le visage de Sasori, avant d'inspirer profondément. Il baissa les paupières.
All those years you never knew
All the things that I could do
I keep them in a hidden place
So I can rub them in your face
Alors, il s'assied dans le canapé à son tour. Il croisa les jambes, et commanda deux verres de whisky à Sasori, qui s'éclipsa au travers des lueurs bleues et jaunes des projecteurs braqués sur Deidara. Il revint, posa les breuvages devant son employeur et le sombre personnage avant d'aller servir d'autres clients.
-Deidara se débrouille très bien, dit l'homme, je le trouve de plus en plus attirant.
-Il est né pour ça.
Ils fixèrent la scène. Enfin, l'homme bu quelques gorgées de whisky avant de porter toute son attention vers Itachi.
-Tu sais pourquoi je suis là, dit-il simplement.
-Tu me surestimes, Orochimaru.
Orochimaru rit brièvement. Il posa le verre sur la table basse, lumineuse sans un grain de poussière pour la souiller. Les basses poussaient des plaintes graves.
-Ma clientèle est fidèle, relativement nombreuse. Nous sommes le club le plus chaud, le plus en vu de la ville. Je ne vois pas ce que tu as à me reprocher.
-Tu as besoin de sang neuf. Ca va bientôt faire sept ans, sept ans que tu nous sers la même recette. Deidara par ci, Madara par là, et le petit Sasori. C'est toutes les nuits la même chose.
Il soupira.
-Si tu ne trouves pas quelque chose qui rentabilise d'avantage ce baisodrome je vais arrêter de financer toutes tes merdes de projecteurs et de payer tes putains de sponsors, et tu pourras dire au revoir à tes bouteilles, à tes chaudasses. T'as pas conscience du blé que j'investis ici pour toi.
Itachi ignora les paroles d'Orochimaru. Il regardait de loin, plongé dans les ténèbres chaudes du club la représentation de Deidara. Orochimaru claqua des doigts, à ce son, il réagit faiblement, toujours méprisant.
-Alors ? Rien à dire ?
-Je gagne beaucoup ici, Orochimaru.
De nulle-part, il sortit un magasine. Sur la couverture, une femme nue. Il le jeta sur la table basse.
-Page vingt-trois, dit-il simplement.
Itachi se redressa lentement, et prit la revue. Il parcourut les pages, toutes plus obscènes les unes que les autres. Il y avait un article. La façade impeccable de son propre club, le Vinyle Rouge, ses néons en photo.
« Le Vinyle Rouge, en route vers la routine ? »
«Il est inutile de présenter le fameux club tenu par Itachi Uchiwa : aux pratiques érotiques exubérantes et attirantes pour des milliers de touristes du sexe, le Vinyle Rouge a l'année passée, enregistré le plus faible taux de revenu de toute l'histoire du club très privé. D'après les plus habitués, cet échec s'est soldé non pas par le manque de créativité de ses danseurs (dont le plus convoité est Madara), l'on reconnaît à ce jardin de plaisirs charnels la qualité de ses hommes de charme. En effet, la source de ce problème semble être d'une nature différente. Ecoutons un fidèle du Vinyle Rouge, qui a tenu à rester anonyme.
'En fait, ce qui manque, c'est les nouvelles têtes. Nous nous sommes habitués aux déhanchés parfaits de Madara et à la gourmandise de Deidara. Cela dit, j'ignore si je continuerai à fréquenter ce club si Uchiwa n'innove pas sa troupe... '
Un témoignage qui ne peut que signer la menace d'un échec : celui de la perte d'un des lieux les plus fréquentés de la ville, des plus mystérieux et fascinants pour les adorateurs du sexe et de l'exhibition. Un électrochoc à venir ? »
Itachi ne bougea pas. Il leva alors les yeux vers Orochimaru qui lui lança un sourire peu rassurant.
-Pour que ce magasine en parle, tu as du souci à te faire. C'est lui qui t'a fait monter. Il te fera descendre aussi.
Il hocha la tête et fit signe aux jeunes hommes qui l'accompagnaient.
-Nous partons, Itachi. Mais, rappelles-toi. Je veux qu'il y ait de nouveaux hommes ici. Très bientôt. Sinon, j'arrête. Je ne veux pas financer un club de base. Je veux financer Le Club. Aujourd'hui, cet endroit est en haut de l'affiche. Mais je ne viendrai pas le chercher dans une poubelle.
Il fit un geste de la tête, et tous les jeunes le suivirent, comme de jeunes chiots. Lorsqu'il quitta les lieux, la salle applaudit, les projecteurs s'éteignirent, et Deidara passa par les coulisses. La salle fut subitement plus éclairée. Itachi finit le verre de whisky et fixa sa montre. Il était bientôt minuit.
Chapitre 2
Le manège pour le vinyle.
C'est à neuf heures qu'Itachi s'était levé. Il prit une douche, l'eau avait coulé le long de ses épaules, de son dos, de son corps pâle et fort. Ses cheveux avaient été brossés, accrochés en une queue de cheval. Il s'apprêtait à sortir de ses appartements, dont la surface était de la taille du night-club, en dessous. Il n'avait dormi que trois heures, et ça lui suffisait amplement. Itachi détestait dormir. Il enfila une chemise pourpre, et la silhouette sous les draps, endormie et immobile se mit subitement à bouger. Un long soupir se fit entendre, et la personne se redressa, les yeux plissés.
-Déjà ?
-Dors.
-Je devrais regagner ma loge.
-Reste ici, je te dis.
-Madara va encore m'agresser.
-Tout ira bien.
Itachi accrocha une cravate à son cou assis sur le lit, et s'observa dans le miroir qui prenait tout le mur de sa chambre, dirigé vers sa couche. L'homme à moitié endormi se leva, félin et caressa la taille d'Itachi qu'il serra.
-Tu ne trouveras pas de meilleures recrues que nous, tu le sais ça.
-Je vous ai bien trouvé. Je doute que les personnes que je rencontrerai aujourd'hui seront parfaites. Seulement, je trouverai quelques éléments décisifs pour l'avenir du club, tu peux me croire.
Deidara soupira.
-Tu tiens plus à cet endroit qu'à moi.
-Tu sais que c'est tout ce que j'ai.
-Tu m'as moi, Itachi.
Deidara chercha le regard d'Itachi dans le miroir. Il ne le trouva pas.
-Je suis seul, Deidara. Je suis désolé.
Il se leva.
-Tu préfères me laisser à Sasori, comme d'habitude ?
Deidara croisa les bras, et tourna la tête vers Itachi qui s'apprêtait à quitter la chambre. Itachi lança les clefs de l'appartement à Deidara. N'ayant pas de réponse, il se laissa tomber en arrière et émit un grognement exaspéré. Itachi l'entendit, et haussa les sourcils. Il gagna la salle du night-club. Des lumières blanches éclairaient les lieux, ce qui était rare. En réalité, une lumière glauque, de débauche régnait toujours en ces lieux. Mais, le club n'était pas ouvert. Il l'était uniquement à ceux qui venaient à Itachi.
Itachi écrivit avec rapidité un formulaire. Il leva les yeux vers le jeune homme, et inspira. C'était le vingt-sixième aujourd'hui.
-Âge ?
-Dix-huit.
-Situation ?
-Fixe. J'habite chez moi, mais, je suis étudiant et je n'ai pas énormément d'argent.
Itachi hocha la tête.
-Vous habitez avec quelqu'un ?
-Non. Je suis célibataire.
- Tenez-vous à prendre un pseudonyme si vous êtes engagé ?
-Non. Pas particulièrement.
-Donc, ce sera Gaara. Simplement Gaara.
Itachi sonda les yeux irréels du jeune homme face à lui. Il était très jeune, fin. Son maquillage noir soulevait deux prunelles d'enfer, dignes d'un conte. Un conte effrayant et fascinant. Il était si calme, et suffisant à la fois. Il avait de bonnes prédispositions à travailler ici. Itachi écrivait avec soin ce que lui disait Gaara. Après de longues secondes sans rien dire, Itachi hocha vivement la tête.
-Très bien. Nous vous rappellerons d'ici la semaine prochaine.
Gaara se leva, se courba, et quitta la salle. Il ouvrit la porte du club, et la laissa ouverte au suivant. Il ne lui accorda pas un regard, et s'empressa de filer. La personne entra, d'un pas confiant. Elle posa son sac à côté d'elle et se courba à son tour. Il avait une sorte de sourire, une esquisse sur son visage qu'Itachi n'aimait tout d'abord pas.
-Bonjour, Uchiwa-sama, je crois que l'on se connait déjà.
-Bonjour Sai.
Il lui sourit, une fois de plus et soupira.
-Tu veux travailler ici ? demanda Itachi, tu sais ce qu'on fait ici ?
-Bien sûr, tu me prends pour un enfant ?
-Un peu. Je te vois mal écarter les jambes devant mes clients.
Sai était très fin. Cette carrure lui rappelait Gaara, mais, il l'était encore plus. Il était tout aussi androgyne, et Itachi savait qu'en tant que danseur, Sai avait tout de l'élément rêvé. Il faisait mauvais genre, narquois. Sa face faussement angélique aurait pu plaire énormément.
-J'ai croisé votre frère ce matin, dit Sai.
-Dix huit ans, donc, répondit Itachi en évitant de comprendre ce qu'il venait de lui dire.
-Il me déteste toujours autant.
-Situation ?
Sai tenta de sonder le regard d'Itachi. Une grave erreur lorsqu'on sait ce que sont capables de faire ces deux prunelles. Le jeune homme essaya quelques secondes, puis baissa les yeux. Il croisa les bras.
-Célibataire.
Itachi hocha la tête.
-Un pseudonyme désiré ? Maîtrises-tu certaines formes de danse ?
-Je vais souvent en boîte si vous voulez savoir. Et, vous pouvez faire tout ce que vous voulez de mon nom, Uchiwa-sama.
Sur ce, Itachi posa son stylo plume et glissa le formulaire sur celui de Gaara.
-Nous te rappellerons la semaine prochaine. Tu auras ta réponse.
Sai ne se leva tout d'abord pas.
-Vous devriez engager votre frère. Il sait bien utiliser son corps.
-Sors, maintenant.
Itachi fixa Sai. Ce dernier mit du temps à se lever. Enfin, il reprit son sac à ses pieds.
-Vous faites une grave erreur à ne pas l'engager. Il pourrait même faire d'excellentes fellations à n'importe quel client. Vous devez en savoir quelque chose j'imagine.
Itachi ne bougea pas. Il méprisa complètement Sai, et lorsqu'il sortit au dehors, il prit le formulaire du jeune homme et le déchira lentement. Il se leva, et s'apprêta à quitter la salle. Il avait d'autres affaires à régler.
- Excusez-moi ?
Itachi releva les yeux, surpris. Il y avait quelqu'un.
-La porte est encore ouverte, il n'y a personne j'ai vu l'écriteau…A qui dois-je me présenter pour…
Le jeune homme se saisit d'une annonce déchirée à la va vite qu'il avait emporté avec lui
-Le poste de danseur, oui.
Il rit un peu, et Itachi se figea.
-Oui, c'est bien ici.
« Et… »
Itachi s'assied de nouveau et la jeune personne ne bougea pas.
-C'est moi le directeur. Je vous en prie. Prenez place jeune homme.
Sur ces paroles, il s'avança, se courba et s'exécuta. Une fois assis, il scruta le visage d'Itachi.
« Il lui ressemble vraiment… »
-Nom, prénom ?
-Uzumaki Naruto.
« Ce garçon est improbable pour un tel lieu… »
-Âge ?
-Dix huit.
« Ca se voit qu'il est de la même famille. Mais, Sasuke a toujours refusé de me dire qui il était vraiment… »
-Situation ?
- J'habite dans un appartement, à vingt minutes d'ici. J'ai pris le métro, et je vis avec mon petit-ami.
Itachi continua d'écrire.
« Un petit-ami. Très bien. Original. »
-Il s'appelle Sasuke, vous devez le connaître puisque vous portez le même nom.
Naruto afficha un sourire splendide. Sa face était éclatante, sincère. Un contraste dérangeant dans cette salle, dans cette pièce, dans cette maison de plaisirs obscènes et violente. Itachi mit quelques secondes à reporter son attention sur sa feuille : ce garçon avait un physique des plus incroyables, certes. Mais, il sortait avec son frère. Et il ne savait visiblement pas à qui il avait affaire. Si c'était le cas, jamais il ne se serait présenté ici. C'était pactiser avec le Diable, vendre son corps, son âme.
-Nous avons une famille très grande, vous m'en voyez désolé, Naruto. Je ne vois pas de qui vous parlez.
Naruto hocha la tête, le visage emprunt de cette malice naturelle. Une candeur si étonnante.
-Vous désirez un pseudonyme ici ?
-J'aimerais en effet…Je ne veux pas qu'on sache que je travaille ici…
Naruto évita le regard d'Itachi. Le grand patron des lieux inspira profondément.
-Vous avez une idée ?
Naruto hocha vivement la tête.
-Parfois, les gens me comparent à un renard. J'imagine que vous pourrez faire quelque chose de sympathique avec ça.
Itachi nota immédiatement l'information.
-Vous avez un passé de danseur ?
-Ce n'est pas vraiment ça…Disons que j'ai fait quelques années de danse classique si vous voulez savoir, mais je doute que ce soit utile ici.
Il sourit et Itachi haussa les sourcils.
-Je vous formerai à la danse suggestive si besoin est.
Alors, Itachi posa la feuille. C'était la dernière. Il n'allait plus recevoir.
-Lorsque vous partirez, Naruto, fermez la porte derrière vous. Vous êtes mon dernier prétendant.
A ce mot, Naruto ne manqua pas de rougir.
-Très bien, Uchiwa-sama.
-Itachi. Appelez-moi Itachi-sama.
-Cela signifie que je suis pris ?
Itachi marqua un petit silence.
-Vous le saurez la semaine prochaine, jeune renard.
Naruto scruta les traits d'Itachi. Il ne dit rien, fasciné. Il plissa les yeux, et finit par sourire une fois de plus de cet air malicieux qui avait su intriguer le maître des lieux. Itachi se leva, et se courba alors légèrement. Naruto, quand à lui, se leva précipitamment et rendit le salut. Il se courba bien plus. Itachi prit les feuilles avec lui et se dirigea vers les escaliers qui menaient à son bureau. Mais il se retourna, avant.
-Merci à vous d'être venu, Naruto.
Surpris qu'on le remercie, le jeune homme parut satisfait.
-Ne me remerciez pas, Uchiwa-sama. Itachi-sama !
Itachi hocha la tête. Il monta les marches, et s'évanouit dans le club. Naruto Uzumaki gagna la porte, et sortit au dehors. Il ferma derrière lui, observa la façade et les lettres qui composaient le nom du club. « Au Vinyle Rouge ».
Itachi tira son bras. Les veines à nues étaient déjà gonflées par les dernières pratiques. Il soupira. Il se fit un garrot avec soin, et la pointe de sa seringue s'apprêta à pénétrer sa peau. Le téléphone.
Il poussa une exclamation d'agacement, laissa la seringue de côté et décrocha.
-Itachi Uchiwa, Vinyle Rouge, que puis…Orochimaru.
-Tu as écouté ce que je t'ai dit, c'est bien. Je suis content.
-Tant mieux.
-Tu ne vas pas accepter mon agneau je présume.
-T'as envoyé Sai ?
Itachi entendit le rire sans joie d'Orochimaru.
-Tu as retenu quelques personnes pour ton bordel doré ?
-Deux.
-Magnifique.
Itachi attendit quelques secondes.
-Tu les fais commencer quand ?
-Samedi prochain.
-Je viendrai voir ça, tu peux en être sûr.
On raccrocha. Itachi fixa sa seringue. Il desserra son garrot. Il n'avait même plus envie de se piquer. La voix d'Orochimaru ne lui avait jamais plu. Et il détestait être en contact avec lui. Sai l'avait agacé. A lui parler de son frère. Et, si Orochimaru l'avait envoyé, cela signifiait que c'était lui en personne qui désirait voir Sasuke danser ici. Ca ne l'étonnait pas. Il était conscient de l'attrait particulier qu'Orochimaru avait conservé envers son frère. Mais il était parti pour ne pas le mêler à tout ça. A cette merde, à l'héroïne, aux projecteurs, à la fumée et aux jouissances scéniques. Enfin, ses pensées se dirigèrent vers le jeune Naruto. Il avait été parfait. Il songea à ses lèvres, à ses deux grands yeux bleus. Il se surprit à avoir un début d'érection rien qu'en y pensant. Il défit sa ceinture et se masturba lentement. Il ferma les yeux et sa respiration devint plus rapide. Encore plus.
Deidara et Sasori restèrent au bar. Il était vingt-heures, à vingt-deux heures, la salle allait être pleine. Pour l'instant, la scène n'était pas utilisée, il y avait seulement la musique et la piste de danse. Un verre à la main, ils discutèrent entre quelques saluts aux habitués.
-J'ai peur pour nous tu sais, dit Deidara.
-Ouais. Moi aussi.
-Il s'est trouvé des petites putes aujourd'hui, je te parie tout ce que tu veux qu'on va disparaître de scène.
-Ne dis pas ça.
-Itachi a toujours aimé l'art pour oser imaginer la perfection. Depuis les entretiens de la semaine dernière, il est encore plus froid, plus glacial. C'est comme si…
Sasori n'afficha aucune expression. Comme à son habitude, son visage resta figé.
-Il avait trouvé quelque chose de parfait.
-Je ne pense pas. Tu es celui avec qui il couche le plus.
-S'il couchait avec qui il voulait, il baiserait Madara tous les soirs.
-Pourquoi ne le fait-il pas, alors ?
Deidara soupira. Il s'approcha de l'oreille de Sasori.
-Ils semblent rivaux, dans un domaine que j'ignore. Et Itachi déteste perdre. J'ai l'impression que s'il s'habitue à le sauter comme il le fait avec moi, il perdrait une sorte de…Combat tu vois ?
Sasori hocha la tête.
-Tu veux que je continue à parler à ton oreille c'est ça ?
Sasori hocha la tête, une seconde fois, et Deidara lécha le lobe de Sasori. Il ferma les yeux et baissa la tête.
-Et dire que nous avions eut l'espoir fou de rester ensemble en nous engageant ici, souffla t-il.
Deidara rit. Sa langue parcourut le cou de Sasori.
-Il n'y a pas de place pour ça ici.
Lorsqu'Orochimaru arriva ce soir, il était accompagné de Sai. Il n'avait pas été pris pour le show, mais restait derrière lui, habillé d'un costume noir. Il croisait les bras, et observait le moindre recoin du club d'un air sournois et satisfait. Itachi n'était pas là. Il s'assied et Deidara lui apporta une bouteille de gin. Les yeux de serpents de l'homme scrutèrent la foule, mais il ne vit pas Itachi. Il n'était pas là ce soir ?
Itachi vérifia si les vêtements de Naruto étaient convenablement placés sur son corps nu. Il prit soin de ne pas se laisser aller à imaginer le jeune homme contre lui, et l'observa de haut en bas.
- Retourne-toi.
Il s'exécuta. Il portait un kimono orange, doté d'une longue traîne. Ses deux yeux luisaient. Son épaule dénudée était pudique, et exquise.
-Très bien.
-Vous êtes sûr que ça ira, Itachi-sama ?
Son visage relevé vers l'homme, Itachi hésita et finit par caresser la joue de Naruto.
-Mais oui. Je ne vois pas qui n'aurait pas envie de se jeter sur toi.
Naruto ne dit rien. Il s'apprêta à répondre, mais ne trouva rien à dire. Il se dirigea vers les coulisses, derrière la scène. Il était vingt-et-une heure cinquante cinq. C'était bientôt à lui.
Deidara rejoint la scène.
-Messieurs, bonsoir.
De chauds applaudissements se firent entendre et Deidara marqua une légère pause.
-Nous avons l'honneur de vous présenter deux nouveaux talents au Vinyle Rouge.
Les hommes se regardèrent, surpris et visiblement très heureux à l'entente de cette nouvelle.
-Ils sont tous les deux très jeunes, bien plus que nous.
Des rires se firent entendre.
-Mais, ils vous plairont tout autant. Je vous laisse découvrir Gaara et le Renard Rouge.
A ces mots, la salle fut plongée dans le noir. Un boucan indescriptible régnait dans le club, enfin, les projecteurs vinrent éclairer la scène.
