Défis lancé par ma chère Estrella : une petite ficette sans utiliser la lettre « i ». Sur le thème de la brume. Cent mots minimum. Allez, en piste !

La brume. Sans un mot elle se coule entre les hamacs, caressant les peaux découvertes. Elle sème ses frêles lambeaux sur les corps dormant encore. Aucun occupant de cette sombre chambre ne se rend compte de sa présence, elle est légère comme le vent. Elle se promène, s'engouffre dans un vêtement rouge, une chevelure brune ou blonde, sous un drap. Elle se pose sur une tête, passant d'un rêve à l'autre, accaparent le songe d'un malheureux. Englué dans les méandres brumeux de son bourreau, le long-nez prend peur, se débat avant de la rejeter. Alors soulagé, le dormeur se calme et se rendort. Chassée, la brume s'élève en une volute de fumé vers le plafond avant de redescendre doucement au sol. Elle se met alors en quête d'une nouvelle chose à entreprendre, elle rampe, cherche, s'arrête sous un corps, reprend sa route. Elle veut jouer, la brume. S'amuser aux dépends des braves forbans. Prendre leurs peurs les plus secrètes, les modeler pour les rendre plus affreuses encore. La brume est dure son apparence d'éther. Elle est amère, elle veut qu'on la remarque. Seule, elle est désenchantée.

Alors elle volète à nouveau, se penche sur les âmes sans défense. Son dévolue tombe sur un jeune homme aux cheveux d'or. Elle entre dans son cœur, le serre, y jette un doute, noue ses muscles. Alors elle ressort, et s'attaque à un autre, frêle créature à la truffe bleue. Sûre d'elle, la brume plonge dans son âme, y sème la glace et la gelée, et repart encore à l'assaut d'un autre être. Chez l'homme robuste, sans peurs, elle lâche un cauchemar, une terreur absurde. Chez l'homme à la stature de fer, elle pose un regret rongeant son âme.

Son regard tombe alors sur une nouvelle âme. La brume la sent pure, elle veut y jeter une ombre. Evanescente, elle s'engouffre dans le cœur du brun. Elle veut le corrompre, se jouer de cet homme encore enfant. Elle tourne, tourne, cherche une blessure du passé à attaquer. Elle se stoppe, elle a peut être vu une quelque chose. La perte d'un être cher, la mort en surplomb. Alors la brume commence son jeu. Elle sent que ce jouet sera exaltant à casser. Elle débute doucement, presque tendrement. Elle caresse, provoque une onde de dégout sur la surface de l'âme. Contente de son effet, elle repart à l'assaut. Elle accélère, se presse. Elle veut l'écraser, enlever à cette âme son bonheur, l'étouffer pour toujours.

Le jeune homme a peur, a mal. Des larmes coulent sur sa face pendant que son âme s'arque, essaye de se débattre face à l'agresseur. Sauf que la brume est plus forte, c'est une experte en ce jeu-là. Elle contourne ses défenses, se joue de ses contre-attaques, use de ses lacunes. Elle l'accable de maux, se délecte de sa douleur. L'âme cesse doucement de se battre, elle abandonne. Elle est lasse, elle a mal, elle n'en peut plus. La brume le sent, elle peut porter le coup fatal.

Alors qu'elle s'apprête à l'achever, la brume se sent fondre. Elle hurle, se débat, s'accroche au cœur accablé qu'elle a torturé. Elle ne veut pas. Pourtant elle ne peut empêcher cette force de l'enlever au cocon de douleur qu'elle a créé. Elle sent qu'on la sort du corps du brun. Elle comprend. C'est toujours la même chose. Elle va encore décédé au levé du crépuscule.

Alors que l'astre du jour monte lentement dans la voute encore parsemée de lanternes blanches, la brume s'évapore au contact de ses rayons. Ses cauchemars s'effacent, se fanent, s'estompent. Plus aucunes traces d'elle dans la chambre : cette aurore encore, elle a perdu le duel.

Argh. C'est carrément glauque. La faute à Estrella, c'est elle qui m'a filé le thème !

Malgré tout l'exercice m'a plus, donc à ceux et celles qu'ils le souhaitent, vous me donnez un thème, une lettre en moins et j'essaye de vous faire ça !

Review ?