Chapitre 1 : Il fut un temps…

Il a toujours été comme ça Ron, à jouer celui qui ne savait rien, ne voyait rien, ne comprenait rien. Alors je ne me suis pas formalisée quand je l'ai vu, ce jour-là, sur le chemin de traverse. Je ne me suis pas formalisée quand je l'ai vu et qu'il sembla que ce ne fut pas son cas. Non, je me suis simplement approchée de la vitrine qu'il contemplait d'un œil enfantin. Je me suis approchée et j'ai feint de m'intéresser à ces choses qui font l'admiration de tous les machos sorciers de ce pays : les balais de compétition.

Je ne dirais pas que je n'étais pas angoissée. Ca serait plus que mentir, en réalité, j'étais totalement pétrifiée par la peur. Après tout, cela faisait plus de quatre ans que je n'avais pas remis les pieds dans ce pays, quatre ans que je n'avais pas revu mes meilleurs amis.

J'avais pris cette décision, peu après la mort de Voldemort, de faire ma vie hors de ce pays, qui ne m'inspirait plus que des cauchemars. Alors, un matin d'août, j'avais fait mon sac, pris quelques vêtements et trié difficilement chacun de mes opuscules pour n'en amener que quelques-uns. Puis, le vague à l'âme, et après quelques crises de larmes, j'avais pris le train qui allait m'amener jusqu'en France.

Pourquoi le train ? Peut-être pour bénéficier de ces heures de voyage pour remettre mes idées en place, où alors, pour me souvenir de celles, merveilleuses, que nous avions passé dans le Poudlard express.

Par la suite, tout s'était enchaîné : mon premier emploi dans une librairie moldue puis, dans ce journal réputé : le hibou Français. Oh, ce n'était pas l'emploi dont j'aurais pu rêver, ma mission consistait à trier les demandes de collaborations qui ne manquaient pas. Oui, mais voilà, j'étais payée pour ça et j'avais enfin cette impression de faire quelque chose pour moi.

Le soir, je rentrais dans mon modeste appartement, et j'écrivais à Ron et à Harry. Au début, chaque jour, puis chaque semaine pour finalement ne se contenter que d'une simple missive de politesse en fin de mois.

Mais j'avais pris de l'échelon. Mon employeur me félicitait pour « assiduité au travail » et me demanda finalement de rejoindre l'Angleterre pour reprendre en main ce journal qui semblait au bord de la faillite : « la gazette du sorcier ».

Voilà comment je me suis retrouvée de nouveau sur le chemin de Traverse, un beau matin de septembre, tremblante d'appréhension à côté de Ronald Weasley.

Pourquoi cette réaction plus qu'exagérée ? Je n'en savais fichtrement rien. Enfin si, je savais que si Ron avait été Harry, je n'aurais pas résisté à l'envie de le serrer dans mes bras. Oui mais voilà, Ronald était Ronald. Et il avait ça d'effrayant, qu'il ne semblait pas avoir changé. Toujours ces cheveux roux parcourant la naissance de ses épaules ; ces yeux bleus enfantins, tantôt sérieux, tantôt rieurs ; sa carrure imposante de joueur de quidditch et sa démarche agaçante de flegme.

Merlin qu'il m'en a fallu du courage et du sang-froid pour oser lui faire remarquer que j'étais là. Alors, inspirant l'air chaud de cette fin d'été, j'ai continué à fixer l'objet de sa convoitise et dit :

- Il n'y a plus d'éclair de feu ?

Ce qu'il s'est passé ? Je n'en sais rien. Mais je pense bien avoir senti ma nervosité, quitter mon corps pour rejoindre le sien. Bonne idée, il y avait bien plus de place là-bas. Moi, j'ai continué à fixer la vitrine du magasin de quidditch, sentant ma mâchoire se déformer difficilement, en ce que nous appellerons : un sourire.

- 'Mione… Je veux dire Hermione ? Qu'est-ce que tu fais ici ?

Certes, nos échanges auraient pu commencer par autre chose qu'une telle remarque dénuée de toute joie mais, ils avaient au moins le mérite de ressembler à ce qu'ils furent à nos temps de collège. Cette fois, ce fut comme si une bouffée de Félix Felicis m'avait été soufflée. J'étais ici, avec mon meilleur ami et toute appréhension était à des miles de là. Dans un vieux réflexe, je répondis alors :

- Moi aussi, je suis contente de te voir !

Et c'est là que l'euphorie dut redescendre aussi vite qu'elle était montée, là où, je croisai pour la première fois depuis quatre ans, le regard de Ronald Weasley. Un regard qui n'avait rien de celui que j'avais osé espéré rencontrer. Non, le regard de Ron était celui qu'il m'offrait au temps des devoirs, lorsque je le surprenais dans une partie d'échec version sorcier, alors qu'il m'avait dit « réviser ».

C'est ça, j'avais surpris d'une mauvaise manière celui qui fut mon meilleur ami, et ça quelque part, je le pris comme le signe que mon retour n'était pas celui que j'aurais voulu qu'il soit.

- Tu… es rentrée depuis longtemps ?

Je haussai les sourcils et regardai la vieille malle que je traînais derrière moi, désespérant de voir un jour les portes de mon nouvel appartement s'offrir à moi. Il dut comprendre à ce moment-là que sa technique pour changer l'air du temps, n'avait pas marché. Il secoua la tête, et dit :

- Je suis désolé. Arriverais-je un jour à ne pas dire de bêtises pendant… disons une heure ?

- Une heure ? Tu as gagné de la confiance en toi, dis donc…

- Certainement. Besoin d'aide ?

Je n'eus pas le temps de répondre que sa main frôla la mienne, faisant, sous le coup de la surprise ou peut-être d'autre chose, tomber ma malle au sol. Il s'excusa dans un grognement et je remerciai Merlin, qu'il n'eut rien remarqué de ma gêne.

- Alors dis-moi… Où as-tu prévu de déposer cette valise ? Ne me dis pas le Chaudron Baveur ou je me sentirai obligé de te faire subir un sort de saucissonnage pour t'emmener loin d'ici.

- Je… j'ai un appartement en fait mais… je n'ai pas encore trouvé sa porte d'entrée…

Pourquoi avait-il fallu que ce sourire qui était soudainement réapparu sur son visage, se transforme en une mimique tellement Ronaldesque ?

- Dois-je… en déduire que… tu reviens… pour de bon ?

- Je crois que l'on peut dire ça comme ça…

Je souriai malgré moi et m'éloignai, sans me rendre compte que Ron ne suivait pas. Je me retournai alors et lui fis remarquer :

- Je t'attends…

- Pourquoi ne nous as-tu pas prévenu ?

- J'avais… envie de vous faire la surprise…

- Oui mais… nous n'avons rien préparé.

- Et c'est important ?

Avais-je entendu un « oui » ? Sur le coup, je pris ça pour un grognement, espérant sans doute un peu naïvement que le temps des cerises se poursuivrait encore un peu.