En cinquième année, un peu avant Noël, Harry et Cho se retrouvent seuls après une réunion de l' Armée de Dumbledore. En rentrant à la salle commune, un moment plus tard, il raconte à Ron et Hermione ce qui s'est passé, et leur annonce que Cho pleurait quand ils se sont embrassés... Hermione explique donc à ses deux amis la raison de cette étrange réaction.
« Hermione soupira et posa sa plume.
Eh bien, évidemment, elle est très triste à cause de la mort de Cédric. En plus, je pense qu'elle ne sait plus très bien où elle en est parce qu'elle aimait Cédric et que maintenant elle aime Harry sans arriver à déterminer qui elle aime le plus. Ensuite, elle se sent coupable en pensant que c'est une insulte à la mémoire de Cédric d'embrasser Harry, et elle se demande ce que les autres vont penser d'elle si elle se met à sortir avec lui. D'ailleurs, elle n'arrive sans doute pas à définir ses sentiments pour Harry parce que c'est lui qui était avec Cédric quand il est mort et donc, tout cela est très embrouillé et très douloureux. Ah oui, il faut aussi ajouter qu'elle a peur d'être exclue de l'équipe de Quidditch de Serdaigle parce qu'elle vole très mal en ce moment.
Un silence un peu étonné accueillit ce discours.
Il est impossible de ressentir tout ça à la fois sans exploser, dit enfin Ron.
C'est parce que tu as la capacité émotionnelle d'une cuillère à café, dit Hermione d'un ton féroce en reprenant sa plume.»
Après cette petite discussion très instructive sur la psychologie féminine, qui n'était décidément accessible qu'aux femmes elles-même, se dit Harry, il se leva et annonça aux deux autres qu'il allait se coucher.
- Je suis terriblement fatigué, j'ai besoin de dormir. Je finirai mon devoir de potions demain.
Hermione lui lança un regard noir, et Harry se tourna vers Ron en quête d'un soutien psychologique, mais à son grand étonnement, celui-ci répondit qu'il restait pour finir le sien et qu'il le rejoindrait après.
Encore tout joyeux des événements de la soirée, Harry ne se démonta pas pour autant. Il se pencha donc vers Hermione, l'embrassa sur le front dans un élan d'affection qui l'étonna lui-même, puis se tourna vers son meilleur ami dans l'intention de lui souhaiter une bonne nuit. La lueur qu'il vit alors dans ses yeux le cloua sur place. Cela ressemblait à un mélange de haine, de froideur, et de jalousie. Étonné mais toujours emporté par son élan de bonne humeur, Harry décida que si son ami en venait à lui jeter un tel regard, c'est qu'il avait un réel problème, et qu'il lui serait peut-être utile d'en parler. Il attrapa donc le bras de Ron, qui protesta, et le força à se lever, le tirant avec lui jusqu'à l'autre côté de la Salle commune.
Hermione releva à peine les yeux de sa feuille pour les voir s'éloigner avec une lueur d'étonnement, puis replongea bien vite dans son devoir. Ron, lui, protesta vivement :
- Eh! Ça va pas? Je t'ai dit que je ne voulais pas aller me coucher! A quoi tu joues ? cracha-t-il, l'air de fort méchante humeur...
- Tu as remarqué que tu viens de m'assassiner du regard juste parce que j'ai embrassé Hermione sur le front pour lui dire bonne nuit ? répliqua Harry sans se démonter.
- Hein ? répondit Ron avec son habituel don pour la rhétorique...
- Tu es jaloux parce que je viens de dire bonne nuit à Hermione, alors que tu sais très bien que je la considère comme ma sœur. Tu ne crois pas qu'il est temps que tu fasses quelque chose avant de devenir totalement paranoïaque ? lança Harry, sur un ton très pédagogue, l'air d'expliquer à un enfant comment on fait les bébés...
- Jaloux ? Moi ? furent les seuls mots qui sortirent de la bouche de Ron...
- Oh arrête Ron, ce n'est pas comme si j'étais ton meilleur ami depuis nos onze ans... Je ne suis pas aveugle, j'ai bien remarqué que ça fait longtemps que tu ne regardes plus Hermione comme avant! Comme tout le monde sauf vous deux, en fait. D'ailleurs, je suis un peu déçu, j'avais espéré que je n'aurais pas à t'en parler, que tu me ferais assez confiance pour m'en parler toi-même, fit Harry avec une moue déçue.
- De quoi tu parles, Harry ? Tu as raison, tu dois être fatigué, tu devrais aller te coucher... argua le roux, l'air à la fois dépassé et déboussolé. Il regardait frénétiquement tout autour de lui, comme s'il cherchait une échappatoire.
Harry eut un léger sourire en coin devant la misérable tentative de Ron pour s'en sortir, puis se dirigea vers l'escalier tout en lançant dans un ricanement à son ami de toujours :
- Dans ce cas, si tu ne ressens rien pour elle, profites donc du fait que vous êtes tous seuls au calme devant un bon feu, et prends ton courage à deux mains pour lui dire tout ce que tu ne ressens pas pour elle, je suis sûr qu'elle n'attend que ça...
Et il disparut dans l'escalier, l'air moqueur et fier de lui.
Quelques minutes plus tard, Ron, toujours sonné par les paroles de son ami, vint s'effondrer sur le canapé à côté d' Hermione, tellement délicatement qu'elle sursauta et renversa son encrier sur son devoir... Furieuse, elle se tourna vers lui pour lui demander s'il connaissait la signification du mot "délicatesse", mais ravala sa réprimande au moment où elle franchissait ses lèvres. Il semblait tellement bizarre, affichait une expression tellement indéchiffrable, que son amie s'en inquiéta pour lui.
- Ron, qu'est-ce qui se passe ? Ça va ? demanda-t-elle doucement.
- Tu penses vraiment que j'ai la capacité émotionnelle d'une cuillère à café ? fit Ron, d'un air désespéré et décidé à la fois.
Prise au dépourvu, Hermione ne sut que répondre. Elle lança négligemment un sort sur son parchemin, plus pour se donner une contenance que pour nettoyer son devoir, tout en réfléchissant à la meilleure façon de formuler sa réponse afin rassurer son ami tout en ne se dévoilant pas trop... Ron prit son silence pour une approbation, et décida alors qu'il allait lui prouver dès ce soir qu'elle se trompait. D'ailleurs, la dernière phrase d' Harry lui avait donné un léger espoir. Ce ne serait pas facile à dire, et terriblement gênant, mais il était un Gryffondor, que diable! Et puis avant d'être une jolie fille qui le faisait se sentir tout bizarre, Hermione était avant tout son amie, et elle était trop gentille pour se moquer ouvertement de lui, ou lui rire au nez! Ce serait plus tard que viendrait le pire... Il allait se lancer, quand la réponse tant attendue d' Hermione se fit entendre :
- Bien sûr que non, je ne le pensais pas... Dans la famille, vous êtes tous plus gentils les uns que les autres, tenta-t-elle, histoire de diluer le compliment... C'est juste que j'aime bien t'embêter...
En prononçant cette dernière phrase, les oreilles de la jeune fille virèrent violemment au rouge, et Hermione se bénit que la lueur du feu fut la seule qui les éclairât. Ainsi, le rouquin à sa droite ne remarquerait peut-être pas ses joues et ses oreilles en feu...
- Tu aimes bien m'embêter ? Mais pourquoi ? s'étonna Ron. Je croyais que toutes ces fois où tu me reprochais de trop manger, d'être grossier, d'abuser de mon pouvoir de Préfet, c'était sérieux !
- Mais c'était sérieux, Ron ! Même si je n'arrive décidément jamais à t'en vouloir pour ça plus de trois secondes...
Hermione s'en voulut à la seconde même où cette phrase sortit de sa bouche. Elle ne l'avait pas vraiment dit, elle n'avait fait que le penser. Enfin, c'était ce qu'elle croyait... En tout cas, cette fois-ci, c'était sûr, même la pénombre ne suffirait plus à cacher sa gène. Elle venait de se griller en beauté. Elle aurait pu se jeter sur lui et lui dire "Ron, je suis complètement folle de toi depuis tellement longtemps que je ne me souviens même plus quand ça a commencé !", que ça aurait été moins clair...
Il y eut un petit silence, puis Hermione, de plus en plus gênée, si c'était encore possible, ne tint plus. Elle attrapa ses affaires à la va-vite, sans se rendre compte qu'elle en laissait la moitié sur place, puis se leva pour partir. Elle se tourna vers Ron, tout en esquivant quand même son regard, et lui annonça qu'elle était fatiguée et allait se coucher. Alors, sans savoir ce qui lui prenait (c'était déjà la troisième fois de la soirée qu'elle faisait ou disait quelque chose sans s'en rendre compte...), elle se pencha vers Ron, déposa un léger baiser sur le coin de ses lèvres, juste assez pour y goûter tout en pouvant faire passer ça pour une simple bise entre amis. Puis elle s'en alla presque en courant vers le dortoir.
Ron, qui était resté bouche bée depuis qu' Hermione avait prononcé cette phrase si bizarre, sembla soudain se réveiller. Elle venait presque de l'embrasser, ce n'était pas le moment de rester cloué au canapé, avec une tête de calmar en pleine asphyxie ! Heureusement pour lui, Hermione ne courait franchement pas vite, et il la rattrapa au moment où elle posait sa main sur la poignée du dortoir des filles.
Sans lui laisser le temps de protester, il l'attrapa par le bras, la força à se retourner, et se jeta sur ses lèvres. Il savoura leur goût de miel pendant quelques secondes, tout en laissant ses mains s'égarer dans le bas de son dos, puis il la relâcha soudain, rougit violemment, et balbutia un pitoyable :
- ... Désolé... 'sais pas s'qui m'a pris...
Puis, avant que la jeune fille devant lui ait eu le temps de réaliser ce qu'il venait de se passer, il avait disparu. Hermione resta un moment devant la porte, la main sur la poignée, puis un sourire radieux apparut sur son visage. Finalement, Ron n'avait peut-être pas la capacité émotionnelle d'une cuillère à café...
